COUR D'APPEL
DE VERSAILLES
Chambre civile 1-7
Code nac : 14H
N° 190
N° RG 24/03962 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WTIS
Du 30 JUIN 2024
ORDONNANCE
LE TRENTE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE
A notre audience publique,
Nous, Séverine ROMI, conseillère à la cour d'appel de Versailles, déléguée par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Sophie LANGLOIS, Greffière, avons rendu l'ordonnance suivante :
ENTRE :
Monsieur [G] [R]
né le 1er janvier 1988 à [Localité 1] (MAROC)
de nationalité Marocaine
Actuellement retenu au CRA de [Localité 2]
Comparant par visioconférence, assisté de Me Sandrine CALAF, avocat au barreau de Versailles, vestiaire : 45, commis d'office
et de M. [V] [X], interprète en langue arabe, inscrit sur la liste des experts,
DEMANDEUR
ET :
LE PREFET DU VAL D'OISE
Représenté par Maître Thibault FAUGERAS, avocat au barreau du VAL DE MARNE, vestiaire : 100
DEFENDEUR
Et comme partie jointe le ministère public, absent
Vu l'obligation de quitter le territoire français du 29 mars 2023 notifiée par le préfet des Val d'Oise à M. [G] [R] le 29 mars 2023,
Vu l'arrêté du préfet en date du 27 juin 2024 maintenant M. [G] [R] dans un local ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 48 h,
Vu la notification de cette décision à l'intéressé le 27 juin 2024 à 15 h,
Vu l'ordonnance rendue le 29 juin 2024 par le juge des libertés et de la détention du juge des libertés et de la détention de Versailles ordonnant la prolongation de la rétention administrative pour une durée maximale de vingt-huit jours,
Vu l'appel de M. [G] [R] du 29 juin 2024 à 15h12,
M. [G] [R], assisté de Monsieur [V] [X], interprète en langue arrabe, a été entendu en ses explications et s'est exprimé en dernier,
Il a déclaré vouloir être remis dehors, que c'est la première fois qu'il se retrouve dans une telle situation et qu'il travaille de façon non déclarée sur les marchés,
Me Sandrine CALAF, son conseil, dûment avisé, a été entendu en sa plaidoirie concluant à l'annulation de la décision du JLD et à la mainlevée de la mesure en raison :
- du défaut de base légale lié à l'expiration de la mesure d'éloignement avant le placement en rétention
- de la notification incomplète des droits de l'intéressé sur l'arrêté portant placement en rétention lequel n'est n'indique par le numéro des autorités consulaires marocaines
- du défaut de mention de l'agent notificateur
Me Thibault FAUGERAS, conseil de monsieur le préfet du Val d'Oise, a été entendu en sa plaidoirie et a conclu au rejet de l'appel, il soutient que :
- l'OQTF est toujours valable même après le délai d'un an
- sur le numéro des autorités consulaires marocaines, l'interessé n'a pas demandé à communiquer avec les autorités consulaires alors qu'il pouvait le faire
- sur l'absence d'identité de l'agent notificateur, ses droits lui ont été notifiés régulièrement et il a pu faire un recours contre la décision, aucun grief, ni atteinte à ses droits ne peut être constatée
Le ministère public dûment avisé est absent.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel
En vertu de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.
L'article R 743-11du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.
En l'espèce, l'appel a été interjeté dans les délais légaux et est motivé.
Il est recevable.
Sur la demande de mainlevée de la rétention
Trois moyens sont soulevés :
le défaut de base légale lié à l'expiration de la mesure d'éloignement avant le placement en rétention
En application de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir, elle n'a pas d'effet rétroactif.
L'article 72 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 a modifié l'article L731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), en remplaçant dans son 2° les mots « d'un an » par « de trois ans».
Ainsi, selon les dispositions de l'article L. 731-1 du CESEDA dans sa rédaction issue de la loi n° 2024 -42 du 26 janvier 2024, en vigueur depuis le 28 janvier 2024 « L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :
1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins de trois ans auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; »
Les conditions d'application dans le temps de l'article 72 de la loi du 26 janvier 2024 sont régies par son article 86 IV de la même loi qui disposent que « l'article 72, à l'exception du 2° du VI, l'article 73, le I de l'article 74, les 6° à 10° de l'article 75, l'article 76 et les 2°, 8° et 11° du II de l'article 80 entrent en vigueur à une date fixée par décret en Conseil d'Etat, et au plus tard le premier jour du septième mois suivant celui de la publication de la présente loi. Ces dispositions s'appliquent à la contestation des décisions prises à compter de leur entrée en vigueur ».
Il en résulte que la modification de la durée initiale d'un an par l'article 72 est d'application immédiate puisqu'il n'a pas été expressément prévu que son application soit reportée.
Il convient de rappeler que le texte de loi a été examiné par le conseil constitutionnel (décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024 NOR : CSCL2402481S JORF n°0022 du 27 janvier 2024), qui n'a pas invalidé l'article 72 ou la disposition indiquant que la loi était d'application immédiate, ni émis de réserves interprétatives permettant de déduire que le nouvel article ne serait applicable qu'aux seuls arrêtés de placement en rétention pris sur la base d'une obligation de quitter le territoire postérieure à la promulgation de la loi.
L'application immédiate de la nouvelle loi aux situations en cours, soit des situations nées avant la promulgation de la loi et se poursuivant postérieurement à son entrée en vigueur, ne saurait être analysée comme une situation de rétroactivité car les dispositions de la loi du 26 janvier 2024 ne créent pas une situation qui n'existait pas antérieurement à leur entrée en vigueur.
Si cette loi ne peut avoir pour effet de faire renaître, pour une obligation de quitter le territoire français, un délai d'exécution déjà consommé, elle doit en revanche être applicable à celui qui était en cours au moment de son entrée en vigueur le 28 janvier 2024 .
En l'espèce, l'arrêté portant refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français a été notifié à l'intéressé le 29 mars 2023. Ainsi, le délai d'exécution, initialement fixé au 29 mars 2024, a été reporté au 29 mars 2026 et il s'en déduit que la mesure était effectivement exécutoire au moment du prononcé de l'arrêté de placement en rétention le 27 juin 2024.
Dès lors l'arrêté prononçant l'obligation de quitter le territoire demeure exécutoire et fonde valablement le placement en rétention.
Le moyen est donc rejeté.
Sur l'absence de mention du numéro de téléphone des autorités consulaires du pays dont l`intéressé est ressortissant
A titre liminaire il faut rappeler que dans les cas où une irrégularité de la procédure serait constatée, l'article L.743-12 du CESEDA impose au juge de vérifier que cette irrégularité a pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger : «En cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger».
En l'espèce, il n'est pas prouvé que l'absence d'indication de numéro de téléphone dans le document qui lui a été remis a fait grief à l'intéressé, lequel a affirmé ne pas souhaiter communiquer avec les autorités consulaires de son pays, nonobstant l'offre qui lui en a été faite.
Ce moyen est rejeté.
Sur le défaut de mention de l'agent notificateur
Le défaut de mention de l'identité de l'agent notificateur signataire sur l'arrêté préfectoral de placement en rétention administrative ne fait pas grief à l`intéressé qui a,en dépit de cette absence, régulièrement formé une requête en contestation de ladite requête.
Ce moyen est rejeté.
Sur la nécessité de la rétention
En vertu de l'article L.743-13 du CESEDA, le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution.
En l'espèce, il peut être constaté que M. [G] [R] ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence, comme fixées par les dispositions précitées, en ce sens qu'il n'a pas préalablement remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie un passeport en cours de validité, et il n'a aucune garantie de représentation.
En outre, il faut relever que M. [G] [R] s'est précédemment soustrait à l'exécution d`une obligation de quitter le territoire français.
La rétention apparaît ainsi nécessaire.
En conséquence, l'appel est rejeté.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Déclare le recours recevable en la forme,
Le rejette,
Maintient M. [G] [R] en rétention administrative comme décidée par l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Versailles le 27 juin 2024,
Fait à Versailles le 30 juin 2024 à 14 h 50.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Sophie LANGLOIS Séverine ROMI
Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.
l'intéressé, l'interprète, l'avocat
POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.
Article R 743-20 du CESEDA ' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.
Articles 973 à 976 du code de procédure civile 'Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;
La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux. '