COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 48C
Chambre civile 1-8
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 28 JUIN 2024
N° RG 23/05900 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBLG
AFFAIRE :
[J] [H]
C/
Société [9]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le
03 Juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section : SUREND
N° RG : 11-22-0240
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Toutes les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [J] [H]
Chez Mme [D]
[Adresse 4]
[Localité 7]
APPELANT - non comparant, représenté par Madame [V] [D], sa mère, munie d'un pouvoir
****************
Société [9]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Ronan PENNANEAC'H, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Juliette LASSARA-MAILLARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS
Société [14] CHEZ [13]
Pôle surendettement
[Adresse 8]
[Localité 2]
Société [15]
Chez [12]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 6]
S.A. [12]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 5]
INTIMEES - non comparantes, non représentées
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mai 2024, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lorraine DIGOT, conseillère chargée de l'instruction de l'affaire et du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle CHESNOT, présidente,
Madame Lorraine DIGOT, conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, conseillère,
Greffière, faisant fonction : Madame Virginie DE OLIVEIRA,
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 4 mars 2021, M. [H] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise, ci-après la commission, d'une demande de traitement de sa situation de surendettement, qui a été déclarée recevable le 23 mars 2021.
Suivant jugement rendu le 15 novembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise a pour les besoins de la procédure :
- écarté de la procédure la créance de la SA [14] référencée 1039092058,
- fixé la créance de la SA [14] référencée1039092059 à la somme de 352,95 euros.
La commission a ensuite notifié à M. [H], ainsi qu'à ses créanciers, sa décision du 28 décembre 2021 d'imposer des mesures consistant en un rééchelonnement du paiement des créances sur une durée de 84 mois, une réduction à 0 % du taux des intérêts des créances rééchelonnées et un effacement des soldes restant dus à l'issue des mesures de désendettement, en retenant une capacité mensuelle de remboursement de 108,16 euros.
Statuant sur le recours de la société [9], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise, par jugement rendu le 3 juillet 2023, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclaré le recours recevable,
- fixé la mensualité de remboursement à la somme de 750 euros,
- dit que le paiement des créances sera rééchelonné en 44 mensualités de 750 euros, au taux de 0%, selon les modalités prévues au tableau annexé au jugement.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception postée le 17 juillet 2023, M. [H] a interjeté appel de ce jugement, notifié par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 6 juillet 2023.
Toutes les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l'audience du 31 mai 2024, par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception postées le 13 février 2024.
* * *
A l'audience devant la cour,
M. [H], représenté par Mme [V] [D], sa mère munie d'un pouvoir, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et imposer de nouvelles mesures compatibles avec ses facultés contributives qu'il évalue à 250 euros par mois.
Il expose et fait valoir que s'il a comparu devant le premier juge, il n'a pas été en mesure de s'expliquer réellement, déstabilisé par la situation, qu'il est salarié en contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de sécurité, qu'il ne choisit pas le moment et le volume des heures supplémentaires, qu'elles ne peuvent donc être incluses dans le calcul de ses revenus moyens, qu'il se rend en voiture sur le site de [Localité 10] où il est affecté, qu'il est hébergé par sa mère et lui verse une contribution de 600 euros par mois, que le montant de cette contribution a augmenté compte tenu des faibles revenus de sa mère et de l'inflation, que la créance de la société [12] a été réglée, qu'il produit les pièces justificatives de ses ressources et charges.
La société [9] est représentée par son conseil qui conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Elle expose et fait valoir qu'elle maintient sa contestation telle que portée devant le premier juge, que le débiteur prétend que la participation versée à sa mère, au titre de ses frais d'hébergement, est passée de 300 à 600 euros sans justificatif et alors que sa propre situation financière n'a pas évolué, que la cour doit retenir une participation de 300 euros.
Aucun des autres intimés, régulièrement touchés par les courriers de convocation, ne comparaît ou n'est représenté.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Compte tenu des limites de l'appel, il n'y a pas lieu de statuer sur les dispositions du jugement relatives à la recevabilité du recours qui conservent leur plein effet.
En l'absence de preuve du règlement de certaines créances, notamment celle de la société [12], le jugement sera confirmé sur l'état du passif.
Selon l'article L. 733-13 du code de la consommation, le juge saisi de la contestation prévue à l'article L. 733-10, prend tout ou partie des mesures définies aux articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7.
Il y a lieu de rappeler que pour faire application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4 du code de la consommation, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, aux termes des articles R. 731-1 à R. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail.(souligné par la cour) Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur.
La part des ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2.
Le budget 'vie courante' est déterminé selon trois modalités : le montant réel (sur la base de justificatifs) pour le loyer, les impôts, les frais de garde et de scolarité, la mutuelle santé ainsi que les pensions alimentaires versées, le montant réel dans la limite d'un plafond déterminé par chaque commission pour les frais de transport professionnel, et selon un barème forfaitaire en fonction de la composition de la famille pour les dépenses de la vie courante (alimentation, habillement, chauffage, autres dépenses ménagères, assurances).
Le reste à vivre s'impose à la commission, comme au juge en cas de contestation, qui doit vérifier, même d'office, que le débiteur dispose de la part des ressources nécessaire aux dépenses courantes du ménage au jour où il statue. Il est ainsi impossible pour le débiteur d'accepter un plan qui prévoit un montant des remboursements excédant la quotité disponible de ses ressources.
L'ensemble des ressources du débiteur est globalisé annuellement pour être ramené ensuite à un montant mensuel.
Les salaires versés aux salariés au titre du temps supplémentaire sont certes exonérés de l'impôt sur le revenu, dans la limite d'un plafond, mais cette exonération n'est que partielle car la somme gagnée -bien que non imposable- est rajoutée à la fin au revenu fiscal de référence. En outre, les rémunérations perçues à ce titre sont saisissables et cessibles en application de l'article L. 3252-2 précité.
Au cas d'espèce, M. [H] justifie que le montant net imposable de son salaire perçu en janvier 2024, sans aucune heure supplémentaire, a été de 1 523,98 €.
Limiter le revenu de M. [H] au revenu net imposable, heures supplémentaires exclues, soit 15725 € sur l'année 2023, reviendrait à retenir un salaire moyen de 1 310,41 € par mois.
A l'inverse, retenir le revenu net annuel perçu en 2023 -de 18 949 € - revient à retenir un salaire mensuel moyen de 1 579,08 € ce qui est donc bien plus proche de la réalité des rémunérations les plus récentes.
Ce revenu de 1 579,08 € doit être pondéré pour tenir compte des cotisations, non déductibles, perçues au titre de la CSG, de sorte que le montant retenu par la cour sera de 1 531,71 €.
La part des ressources mensuelles de M. [H] à affecter théoriquement à l'apurement de son passif, en application des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail, serait de 267,44 € par mois.
Toutefois, le juge comme la commission doivent toujours rechercher la capacité réelle de remboursement du débiteur eu égard à ses charges particulières.
M. [H] est hébergé par sa mère. Devant la commission, alors qu'il était sans emploi, il n'avait déclaré aucune participation aux frais d'hébergement. Devant le premier juge, ayant un emploi en contrat à durée indéterminée depuis février 2023, il avait indiqué participer aux frais de son hébergement à hauteur de 300 €.
A hauteur d'appel, il prétend que cette participation a doublé, et produit pour en justifier, un courrier simple de sa mère, daté du 25 mai 2024, attestant de cette participation à hauteur de 600€.
Si son changement de statut, de demandeur d'emploi à salarié en contrat à durée indéterminée, pouvait justifier qu'il participe aux frais d'hébergement, ce doublement en moins d'un an, alors que sa situation professionnelle est identique au motif des difficultés financières de l'hôtesse apparaît comme dicté par les besoins de la cause alors qu'au demeurant, son versement effectif n'est pas établi par la production de relevés de compte. En outre si l'hébergement d'une personne engendre une augmentation des dépenses liées aux fluides, elle n'a aucune incidence sur le montant du loyer ou de l'assurance habitation.
Dans ces conditions, le montant des dépenses courantes de M. [H] doit être évalué, au vu des pièces justificatives produites et des éléments du dossier, de la façon suivante :
- Participation aux frais de l'hébergement : 300 €
- impôts : 22 €
- trajets professionnels (barème fiscal kilométrique sur la base de la plus petite cylindrée) 137,04 €
Les autres postes de charges forfaitisés selon le barème appliqué par la commission permettent de couvrir les dépenses réelles justifiées de la famille, au prix d'une gestion budgétaire rigoureuse, à savoir':
- forfait alimentation, hygiène et habillement : 625 €
Total: 1 084,04 €
La différence entre les ressources et les charges est donc de 447,67 € (1531,71 - 1084,04).
Dans ces conditions, il convient de fixer la capacité mensuelle maximale de remboursement de M. [H] à la somme de 267,44 € ce qui n'excède pas le montant de la quotité saisissable de ses ressources (267,44 €), ni la différence entre ses ressources mensuelles et le revenu de solidarité active dont il pourrait disposer (896,01 €), et laisse à sa disposition une somme de 1 264,60 € qui lui permet de faire face aux dépenses de la vie courante et est supérieure au montant forfaitaire du revenu de solidarité active.
La contribution au paiement des dettes étant inférieure à celle fixée par le premier juge, il y a lieu d'infirmer le jugement sur ce montant et d'ordonner de nouvelles mesures de rééchelonnement du paiement des créances.
Pour en faciliter l'exécution, le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il a réduit à 0 % le taux des intérêts des créances rééchelonnées et /ou reportées afin de ne pas aggraver l'endettement de M. [H].
En outre, il convient d'ordonner l'effacement du solde restant dû à l'issue du plan, la situation financière du débiteur ne lui permettant pas d'apurer ses dettes dans le délai maximal de 84 mois.
Le tableau des mesures imposées par la cour sera annexé au présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement rendu le 3 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise sauf en ce qu'il a déclaré le recours recevable, fixé le passif admis à la procédure et réduit à 0% le taux d'intérêt des créances rééchelonnées et/ou reportées ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixe la capacité mensuelle de remboursement de M. [J] [H] à la somme maximale de 267,44 euros,
Dit que le nouveau plan de mesures imposées accordé à M. [J] [H] pour une durée de 84mois sera annexé au présent arrêt,
Prononce, sous réserve de la parfaite exécution du plan jusqu'à son terme, l'effacement des soldes restant dus à l'issue,
Dit que les versements effectués au profit de l'un ou l'autre des créanciers depuis la fixation de l'état des créances par la commission de surendettement ou le prononcé du jugement déféré, qui n'ont pas déjà été pris en compte dans le présent arrêt, s'imputeront sur le solde restant dû en fin de plan pour les créances donnant lieu à effacement partiel ou sur les dernières échéances dues aux créanciers bénéficiaires de ces règlements en réduisant d'autant la durée de remboursement,
Dit que, sauf meilleur accord, la première mensualité sera payable au plus tard dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt, et les suivantes tous les 10 du mois, étant entendu qu'il appartiendra à M. [J] [H] de prendre contact avec ses créanciers pour mettre en place des mesures de paiement conformes au présent plan au profit de chacun,
Rappelle que les dispositions du présent arrêt se substituent à tous les accords antérieurs qui ont pu être conclus entre M. [J] [H] et ses créanciers et que ces derniers doivent donc impérativement suspendre tous les prélèvements qui auraient été prévus pour des montants supérieurs à ceux fixés par cet arrêt et ne peuvent exiger le paiement d'aucune autre somme,
Rappelle que les cessions des rémunérations et mesures d'exécution, sont suspendues pendant l'exécution du plan, et que les mesures d'exécution déjà engagées doivent être suspendues,
Dit qu'à défaut de paiement d'un seul acompte à son échéance et quinze jours après une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception demeurée infructueuse, M. [J] [H] sera déchu des délais accordés, l'intégralité des sommes restant dues aux créanciers concernés deviendra exigible et les intérêts et éventuellement les pénalités reprendront leur cours conformément au titre fondant la créance,
Rappelle que pendant l'exécution des mesures de redressement, M. [J] [H] ne doit pas contracter de nouvelles dettes, sous peine d'être déchu du bénéfice de la présente décision,
Rappelle qu'en cas de survenance d'un événement nouveau dans la situation personnelle et financière du débiteur, ce compris un retour significatif à meilleure fortune pendant la durée d'exécution des mesures il lui appartient de saisir à nouveau la commission de surendettement des particuliers en vue d'un réexamen de sa situation,
Laisse les dépens à la charge du Trésor public,
Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe à chacune des parties par lettre recommandée avec avis de réception et que copie en sera adressée à la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle CHESNOT, présidente, et par Madame Virginie DE OLIVEIRA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, faisant fonction, La présidente,