COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 48C
Chambre civile 1-8
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 28 JUIN 2024
N° RG 23/05893 - N° Portalis DBV3-V-B7H-WBKS
AFFAIRE :
[R] [L]
C/
[14] IDF
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PONTOISE
N° Chambre :
N° Section : SUREND
N° RG : 11-22-0371
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Toutes les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [R] [L]
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Mikaël KERVENNIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 43
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2023/006638 du 29/01/2024 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANTE - non comparante
****************
[14] IDF
[Adresse 2]
[Localité 8]
Société [10]
Service client
[Adresse 15]
[Localité 5]
TRESORERIE SEINE SAINT DENIS
[Adresse 4]
[Localité 6]
Madame [T] [V]
Chez Maître DAMY Sandrine
[Adresse 3]
[Localité 9]
Société [10]
Service clients
[Adresse 15]
[Localité 5]
TRESORERIE SEINE SAINT DENIS AMENDES
[Adresse 4]
[Localité 6]
INTIMES - non comparants, non représentés
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mai 2024, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Lorraine DIGOT, conseillère chargée de l'instruction de l'affaire et du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle CHESNOT, présidente,
Madame Lorraine DIGOT, conseillère,
Madame Aurélie GAILLOTTE, conseillère,
Greffière, faisant fonction : Madame Virginie DE OLIVEIRA,
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 6 octobre 2021, Mme [L] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise, ci-après la commission, d'une demande de traitement de sa situation de surendettement, qui a été déclarée recevable le 2 novembre 2021.
La commission lui a notifié, ainsi qu'à ses créanciers, sa décision du 11 janvier 2022 d'imposer une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Statuant sur le recours de Mme [T] [V], le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise, par jugement rendu le 3 juillet 2023, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- déclaré le recours recevable,
- fixé la créance de Mme [V] à la somme de 9 278,25 euros,
- fixé la créance de [14] à la somme de 1 950,35 euros,
- déchu Mme [L] du bénéfice de la procédure de surendettement.
Par déclaration enregistrée au greffe le 20 juillet 2023, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement, notifié par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 11 juillet 2023, appel réitéré par déclaration de son conseil enregistrée sur le RPVA le 4 janvier 2024.
Toutes les parties ont été convoquées par le greffe de la cour à l'audience du 31 mai 2024, par lettres recommandées avec demandes d'avis de réception postées le 24 janvier 2024.
* * *
A l'audience devant la cour,
Mme [L] est représentée par son conseil qui, développant oralement ses conclusions écrites déposées à l'audience et visées par Mme la greffière, demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel et, statuant de nouveau de :
- déclarer irrecevable ou à tout le moins infondée la contestation formée par Mme [V] à l'encontre des mesures imposées par la commission le 11 janvier 2022,
- confirmer la mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposée par la commission,
- dire que Mme [L] est dans une situation irrémédiablement compromise et prononcer son rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,
- condamner la partie adverse à payer à Mme [L] la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens sauf à en laisser la charge au Trésor public.
La cour renvoie à ces conclusions pour le détail des moyens et arguments. En substance, le conseil de l'appelante expose et fait valoir que Mme [L] est mère célibataire de deux garçons nés en 2022 et 2023, que si elle a bien été conseillère en immobilier dans le réseau de [13], elle a cessé son activité le 10 août 2021, avant la saisine de la commission, ce dont elle justifie, que s'agissant de ses prestations de coiffure, elle les a également arrêtées en ce qu'elles n'étaient que très peu rémunératrices, que ces activités n'apparaissent plus sur son compte [11], qu'ainsi, le premier juge ne pouvait retenir ces éléments pour déchoir la débitrice du bénéfice de la procédure, que Mme [L] justifie de sa situation financière actuelle.
Aucun des intimés, régulièrement touchés par les courriers de convocation, ne comparaît ou n'est représenté.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les procédures inscrites au répertoire général sous les n° RG 23/5893 et 24/226 concernent la même décision de première instance. Pour une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre ces deux affaires et de dire que la procédure en instance d'appel se poursuivra sous le seul n° RG 23/5893.
Sur la recevabilité de la contestation des mesures imposées
Si l'appelante conclut à l'irrecevabilité de la contestation de Mme [V] portée devant le premier juge, elle ne développe aucun moyen au soutien de cette prétention.
Le jugement entrepris retient justement que la contestation de Mme [V] a été formée dans les formes et délais légaux et est donc recevable et il sera confirmé sur ce point.
Sur la déchéance de Mme [L]
Saisi par l'auteur du recours d'un moyen tiré de la mauvaise foi de la débitrice, le premier juge a relevé d'office la déchéance du bénéfice de la procédure de traitement du surendettement ainsi que le lui permet l'article L. 712-3 du code de la consommation.
La motivation du jugement entrepris se rapporte aux dispositions de l'article L. 761-1, 1°, du code de la consommation qui déchoit de la procédure la personne qui, notamment, 'a sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts'.
Le juge relève que Mme [L] a caché deux sources de revenus à la commission et au tribunal, ne déclarant pas les revenus tirés de prestations de coiffure d'une part, de son activité de conseillère immobilière, d'autre part.
A hauteur d'appel, Mme [L] justifie, notamment par une synthèse de dépôt des déclarations auprès de l'INPI, que son activité en matière d'expertises et conseils en immobilier a cessé le 10 août 2021, soit avant la saisine de la commission.
Quant aux prestations de coiffure, Mme [L] indique qu'elle a cessé cette activité, peu rémunératrice, avant la saisine de la commission. Elle produit également devant la cour l'ensemble de ses avis d'impôt sur les revenus depuis 2021.
En outre, le seul document produit devant le premier juge, pour attester de l'existence de cette activité, est une copie d'écran de la page [11] de Mme [L] datant d'août 2021. Or, la commission a été saisie le 6 octobre 2021.
Dans ces conditions, la preuve de revenus volontairement omis des déclarations faites à la commission ou au juge n'est pas rapportée et le jugement sera infirmé sur la déchéance prononcée.
En vertu de l'effet dévolutif de l'appel, la cour doit évoquer le fond de la contestation.
Sur l'état du passif
L'appelante en remet pas en cause les dispositions du jugement relatives à la fixation de certaines créances qui conservent donc leur plein effet.
Sur les mesures de traitement de la situation de surendettement
Aux termes de l'article L. 741-6 du code de la consommation, lorsqu'il est saisi d'un recours contre un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire imposé par la commission, le juge prononce un tel rétablissement s'il constate que le débiteur se trouve dans la situation mentionnée au 1° de l'article L. 724-1, ouvre avec l'accord du débiteur une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire s'il constate que le débiteur se trouve dans la situation mentionnée au 2° de l'article L. 724-1, ou renvoie le dossier à la commission s'il constate que la situation du débiteur n'est pas irrémédiablement compromise.
Selon les dispositions de l'article L. 724-1 du même code, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en 'uvre les mesures de traitement prévues par les articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-7 et L. 733-8, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale.
Il y a lieu de rappeler que pour faire application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4 du code de la consommation, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, aux termes des articles R. 731-1 à R. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2° de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur.
La part des ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2.
Le budget 'vie courante' est déterminé selon trois modalités : le montant réel (sur la base de justificatifs) pour le loyer, les impôts, les frais de garde et de scolarité, la mutuelle santé ainsi que les pensions alimentaires versées, le montant réel dans la limite d'un plafond déterminé par chaque commission pour les frais de transport professionnel, et selon un barème forfaitaire en fonction de la composition de la famille pour les dépenses de la vie courante (alimentation, habillement, chauffage, autres dépenses ménagères, assurances).
Le reste à vivre s'impose à la commission, comme au juge en cas de contestation, qui doit vérifier, même d'office, que le débiteur dispose de la part des ressources nécessaire aux dépenses courantes du ménage au jour où il statue. Il est ainsi impossible pour le débiteur d'accepter un plan qui prévoit un montant des remboursements excédant la quotité disponible de ses ressources.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats (avis de situation déclarative établi en 2024 au titre des revenus de l'année 2023 et attestation de paiement de la CAF de Seine-Saint-Denis d'avril 2024), que Mme [L] dispose de ressources mensuelles réparties comme suit:
- salaire (cumul net imposable annuel/12) : 908,41 €
- prime d'activité : 150,66 €
- allocation de soutien familial : 391,72 €
- prestations familiales : 790,24 €
Les ressources globales de Mme [L] s'établissent donc à la somme de 2 241,03€ par mois.
Ainsi, avec deux personnes à charge, la part des ressources mensuelles de Mme [L] à affecter théoriquement à l'apurement de son passif, en application des articles L. 3252-2 et L. 3252-3 du code du travail, serait de 58,51 € par mois.
Toutefois, le juge comme la commission doivent toujours rechercher la capacité réelle de remboursement du débiteur eu égard à ses charges particulières.
Mme [L] n'ayant pas justifié du montant du loyer de son nouveau logement alors qu'elle a déménagé, la cour se référera au montant de son ancien loyer, déduction faite de l'allocation logement qu'elle perçoit actuellement.
Ainsi, le montant des dépenses courantes de Mme [L] doit être évalué, au vu des pièces justificatives produites et des éléments du dossier, de la façon suivante :
- loyer (allocation logement déduite) : 485 €
Les autres postes de charges forfaitisés selon le barème appliqué par la commission permettent de couvrir les dépenses réelles justifiées de la famille, au prix d'une gestion budgétaire rigoureuse, à savoir':
- forfait habitation : 202 €
- forfait alimentation, hygiène et habillement : 1 063 €
- forfait chauffage : 207 €
Total: 1 957 €
La différence entre les ressources et les charges est donc de 284,03 € (2241,03 - 1957).
Dans ces conditions, il convient de fixer la capacité mensuelle maximale de remboursement de Mme [L] à la somme de 58,51 € ce qui n'excède pas le montant de la quotité saisissable de ses ressources (58,51 €), ni la différence entre ses ressources mensuelles et le revenu de solidarité active dont elle pourrait disposer (1285,56 €), et laisse à sa disposition une somme de 2 182,52 € qui lui permet de faire face aux dépenses de la vie courante et est supérieure au montant forfaitaire du revenu de solidarité active.
Dès lors, au vu de la capacité contributive positive dégagée, il apparaît possible de mettre en oeuvre les mesures tendant à l'apurement des dettes préconisées aux articles L. 732-1, L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 du code de la consommation, en ordonnant un rééchelonnement total ou partiel des créances ou, le cas échéant, une mesure de suspension d'exigibilité des créances.
La situation financière de Mme [L] ne peut donc être qualifiée d'irrémédiablement compromise au sens de l'article L. 724-1 1° du code de la consommation.
En conséquence, il convient de renvoyer le dossier à la commission de surendettement, conformément aux dispositions de l'article L. 741-6 précité.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Ordonne la jonction des procédures inscrites au répertoire général sous les n° RG 23/5893 et 24/226 sous le numéro unique RG 23/5893,
Infirme le jugement rendu le 3 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Pontoise sauf en ce qu'il a déclaré le recours recevable et fixé les créances de Mme [T] [V] et de [14] devenu [12] ;
Statuant de nouveau sur les chefs infirmés,
Dit n'y avoir lieu de déchoir Mme [R] [L] du bénéfice de la procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers,
Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au profit de Mme [R] [L],
Renvoie le dossier à la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise,
Laisse les dépens à la charge du Trésor public,
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise, et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle CHESNOT, présidente, et par Madame Virginie DE OLIVEIRA, faisant fonction de greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, faisant fonction, La présidente,