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12/06/2024 | FRANCE | N°23/02025

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-7, 12 juin 2024, 23/02025


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7







Code nac : 96E









N° RG 23/02025

N° Portalis DBV3-V-B7H-VYIC



(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire)









































Copies délivrées le :

à :

M. [R]

Me [O]

AJE

Me DANCKAERT

MIN

. PUBLIC



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



a été rendue, par mise à disposition au greffe, l'ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l'audience publique du 24 avril 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premi...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 96E

N° RG 23/02025

N° Portalis DBV3-V-B7H-VYIC

(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire)

Copies délivrées le :

à :

M. [R]

Me [O]

AJE

Me DANCKAERT

MIN. PUBLIC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

a été rendue, par mise à disposition au greffe, l'ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l'audience publique du 24 avril 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles assisté par Rosanna VALETTE, Greffière, le prononcé de la décision a été renvoyée à ce jour ;

ENTRE :

Monsieur [G] [R]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 6] (ROUMANIE)

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant, assisté de Me Michel STANSAL de l'AARPI Cabinet STANSAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1271, substitué par Me Edouard DE CRÉPY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1271

DEMANDEUR

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Direction des Affaires Juridiques, [Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-Hélène DANCKAERT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 520

ET :

Le ministère public pris en la personne de Mme GULPHE-BERBAIN, avocat général

Nous, Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles, assisté de Rosanna VALETTE, Greffière,

Vu l'arrêt de la cour d'assises des Yvelines statuant en appel, en date du 27 octobre 2022, acquittant monsieur [G] [R], devenu définitif par un certificat de non-pourvoi du 15 novembre 2022 ;

Vu la requête de monsieur [G] [R], né le [Date naissance 1] 1979, reçue au greffe de la cour d'appel de Versailles le 20 mars 2023 ;

Vu les pièces jointes à cette requête, le dossier de la procédure ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, reçues au greffe de la cour d'appel de Versailles le 03 août 2023 ;

Vu les conclusions du procureur général, reçues au greffe de la cour d'appel de Versailles le 15 février 2024 ;

Vu les lettres recommandées en date du 14 mars 2024 notifiant aux parties la date de l'audience du 24 avril février 2024 ;

Vu les articles 149 et suivants et R26 du code de procédure pénale ;

EXPOSÉ DE LA CAUSE

Monsieur [G] [R] sollicite la réparation de sa détention provisoire du 7 janvier 2017 au 23 mars 2017 et du 25 septembre 2017 au 26 octobre 2018 à la maison d'arrêt de [Localité 7].

Il sollicite dans sa requête les sommes suivantes :

- 65 800 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 31 916 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues le 3 août 2023, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite une réparation du préjudice moral à hauteur de 33 000 euros. Il fait valoir que les précédentes incarcérations du requérant sont de nature à atténuer le choc carcéral subi. Il ajoute que la séparation avec les proches est inhérente à la détention provisoire et que la souffrance morale en raison de l'angoisse de la peine encourue n'est pas en lien avec la détention provisoire et ne peut donc pas donner lieu à une majoration du préjudice. Il constate que le choc carcéral ne réside pas moins dans la détention provisoire que dans les circonstances de l'interpellation du requérant et n'est donc pas en lien avec son incarcération. S'agissant des conditions de détention indignes, le requérant n'apporte aucun élément permettant de singulariser ses conditions de détention propres. Il précise que le rapport de détention fait état du bon comportement et de la participation du requérant à des activités ainsi que la visite de ses proches. Au titre du préjudice matériel, l'agent judiciaire de l'Etat conclut au rejet de la demande d'indemnisation du requérant au titre d'une perte de chance d'exercer une activité, au motif que ce dernier ne travaillait pas depuis 2015 et n'apporte aucun élément justifiant la reprise d'une activité à sa sortie de détention provisoire ni qu'il percevait des allocations de solidarité qui auraient été suspendues. Il rejette la demande de remboursement des frais de justice car la note d'honoraire forfaitaire ne permet pas de déterminer le coût de chaque prestation. Enfin il sollicite de réduire à de plus justes proportions la somme demandée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues le 15 février 2024, le procureur général conclut à la recevabilité de la requête et s'en rapporte à l'appréciation du premier président s'agissant du montant de la réparation du préjudice moral subi. Il fait valoir que les précédentes incarcérations du requérant sont de nature à relativiser le choc carcéral subi. Il précise que le choc carcéral du requérant est la conséquence des circonstances de son interpellation et n'a pas de lien avec la détention provisoire. Il conclut à la réévaluation du montant de la demande d'indemnisation du préjudice moral car la durée à indemniser est de 474 jours et non 658. S'agissant des conditions de détention indignes, il retient que le requérant n'apporte aucun élément permettant de singulariser ses conditions de détention propres. Au titre du préjudice matériel, le procureur général conclut au rejet de la demande d'indemnisation du requérant au titre d'une perte de chance d'exercer une activité, au motif que ce dernier n'apporte pas la preuve qu'il percevait des allocations suspendues ni qu'il recherchait activement un emploi. Enfin, il sollicite la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête

Aux termes des articles 149, 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

La requête en indemnisation doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et toutes indications utiles prévues à l'article R26. Elle doit être présentée au premier président de la cour d'appel dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement acquiert un caractère définitif.

En l'espèce, il ressort de la fiche pénale du requérant que sa détention provisoire a démarré le 7 janvier 2017 jusqu'au 26 octobre 2018, mais il était détenu pour autre cause du 24 mars 2017 au 24 septembre 2017.

Ainsi, la requête est recevable pour une période de détention provisoire d'1 an 3 mois et 20 jours, soit 474 jours.

Sur le préjudice moral

Monsieur [G] [R] a été incarcéré 1 an 3 mois et 20 jours, alors qu'il était âgé de 37 ans.

Le choc carcéral résultant des circonstances de l'interpellation en Roumanie du requérant en présence de sa fille alors qu'il se rendait au chevet de son père malade doit être pris en compte dans l'évaluation du préjudice moral. Néanmoins, ce choc carcéral doit être relativisé dès lors que le requérant a déjà été détenu antérieurement.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

La souffrance morale du requérant a également eu des répercussions sur la santé de sa fille comme en atteste un certificat médical. Cette anxiété du requérant et de sa famille a été accentuée par les diverses demandes de remise en liberté et les appels contre les prolongations de détention provisoire.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

S'agissant des conditions de détention, il appartient au requérant de justifier des conditions difficiles qu'il allègue.

En l'espèce, le requérant fournit un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté datant de 3 mois avant le placement en détention provisoire du requérant.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

La somme de 44 000 euros paraît proportionnée eu égard à la période de détention injustifiée et à la prise en compte de deux facteurs d'aggravation du préjudice moral subi. Il convient donc d'allouer à monsieur [G] [R] la somme de 44 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice matériel

Sur la perte de chance d'exercer une activité rémunérée et de percevoir une indemnité

Le requérant a droit à l'indemnisation de l'ensemble des prestations non perçues pendant la période de détention. Il doit néanmoins apporter la preuve qu'il exerçait un travail et percevait des salaires ou une indemnité avant son placement en détention.

En l'espèce, le requérant était sans emploi avant son placement en détention provisoire. Il exposait percevoir un revenu de solidarité active d'un montant de 1 157 euros par mois. Mais le requérant ne fournit aucune preuve ni justification de la perception de cette indemnité.

Le requérant sera donc débouté sur ce chef.

Ainsi, le requérant sera débouté de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel au titre de la perte de chance d'exercer une activité rémunérée et de percevoir une indemnité

Sur le remboursement des frais de défense pénale

Seules sont indemnisées les prestations directement liées à la privation de liberté dès lors qu'elles sont à la charge du requérant et à la condition qu'il fournisse une facture d'honoraires énumérant de façon détaillée les prestations effectuées pour obtenir sa libération ainsi que leur coût, notamment les visites à l'établissement pénitentiaire, les diligences effectuées pour faire cesser la détention par des demandes de mise en liberté.

En l'espèce, le requérant produit une facture forfaitaire d'un montant global de 7 200 euros et plusieurs prestations effectuées par son conseil en lien avec la détention provisoire dont une demande en liberté du 2 mars 2017, du 16 mars 2017, du 1er février 2018, du 5 septembre 2018 mais aussi des mémoires.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

Ainsi, il convient d'allouer à monsieur [G] [R] la somme de 7 200 euros en réparation de son préjudice matériel au titre des frais de défense pénale.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire,

DÉCLARONS recevable la requête de monsieur [G] [R];

DÉBOUTONS monsieur [G] [R] de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel ;

ALLOUONS à monsieur [G] [R]:

- La somme de QUARANTE QUATRE MILLE EUROS (44 000 euros) en réparation de son préjudice moral ;

- La somme de SEPT MILLE DEUX CENT EUROS (7 200 euros) en réparation de son préjudice matériel ;

- La somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSONS les dépens de la présente procédure à la charge de l'agent judiciaire de l'Etat.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE

Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles

Rosanna VALETTE, greffier

LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-7
Numéro d'arrêt : 23/02025
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;23.02025 ?
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