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12/06/2024 | FRANCE | N°21/07574

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-7, 12 juin 2024, 21/07574


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7







Code nac : 96E









N° RG 21/07574

N° Portalis DBV3-V-B7F-U432



(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire)









































Copies délivrées le :

à :

M. [I]

Me [M]

AJE

Me FLECHEUX

MIN.

PUBLIC



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE



a été rendue, par mise à disposition au greffe, l'ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l'audience publique du 24 avril 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premie...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 96E

N° RG 21/07574

N° Portalis DBV3-V-B7F-U432

(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire)

Copies délivrées le :

à :

M. [I]

Me [M]

AJE

Me FLECHEUX

MIN. PUBLIC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

a été rendue, par mise à disposition au greffe, l'ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l'audience publique du 24 avril 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles assisté par Rosanna VALETTE, Greffière, le prononcé de la décision a été renvoyée à ce jour ;

ENTRE :

Monsieur [T] [I]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 2]

non comparant, représenté par assisté de Me Guillaume GOMBART, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 646, substitué par Me Nicolas DELETRE, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 402

DEMANDEUR

ET :

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me Cécile FLECHEUX de la SCP BILLON & BUSSY-RENAULD & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 241

ET :

Le ministère public pris en la personne de Mme GULPHE-BERBAIN, avocat général

Nous, Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles, assisté de Rosanna VALETTE, Greffière,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 21 septembre 2021 relaxant monsieur [T] [I], devenu définitif par un certificat de non-pourvoi du 19 octobre 2021 ;

Vu la requête de monsieur [T] [I], né le [Date naissance 1] 1984, reçue au greffe de la cour d'appel de Versailles le 6 décembre 2021 ;

Vu les pièces jointes à cette requête, le dossier de la procédure ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, reçues au greffe de la cour d'appel de Versailles le 4 octobre 2023 ;

Vu les conclusions du procureur général, reçues au greffe de la cour d'appel de Versailles le 15 février 2024 ;

Vu les lettres recommandées en date du 14 mars 2024 notifiant aux parties la date de l'audience du 24 avril 2024 ;

Vu les articles 149 et suivants et R26 du code de procédure pénale ;

EXPOSÉ DE LA CAUSE

Monsieur [T] [I] sollicite la réparation de sa détention provisoire du 22 août 2018 au 13 novembre 2019 à la maison d'arrêt de [Localité 6].

Il sollicite dans sa requête les sommes suivantes :

- 60 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- 30 413,28 euros en réparation de son préjudice matériel ;

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues le 4 octobre 2023, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite une réparation du préjudice moral à hauteur de 32 000 euros. Il fait valoir que l'absence d'incarcération antérieure est un facteur de base de la réparation du préjudice moral. Il retient le jeune âge des enfants du requérant et l'inquiétude de sa famille qui s'est vue privée de son soutien matériel comme facteur d'aggravation. S'agissant des conditions de détention, il relève qu'en l'espèce, le requérant a été médicalement pris en charge, qu'il a pu recevoir des visites de sa compagne, de ses deux filles et qu'il participait à des activités ce qui ne permet pas de caractériser une majoration de l'indemnisation du préjudice moral. Au titre du préjudice matériel, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite une réparation du préjudice matériel au titre de la perte de revenus à hauteur 28 098,53 euros comprenant les revenus salariaux et les bénéfices d'autoentrepreneur. Enfin, il sollicite de réduire à de plus justes proportions la somme demandée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues le 15 février 2024, le procureur général conclut à la recevabilité de la requête et s'en rapporte à l'appréciation du premier président s'agissant du montant de la réparation du préjudice moral subi. Il précise que le requérant, père de famille était incarcéré pour la première fois et constate donc que le choc carcéral est incontestable. S'agissant des conditions de détention, le procureur général retient que le requérant était affecté dans des cellules de deux ou trois places avec un nombre de lits suffisant mais relève que la maladie de la gale contractée en détention a un lien direct avec la détention. Il retient le jeune âge des enfants du requérant et l'inquiétude de sa famille qui s'est vue privée de son soutien matériel comme facteur d'aggravation. Au titre du préjudice matériel, le procureur général conclut à l'indemnisation du préjudice au titre de la perte de salaire du requérant au motif que celle-ci résulte du placement en détention provisoire et s'en rapporte à l'évaluation opérée par l'agent judicaire de l'Etat de 28 098,53 euros. Enfin, il sollicite la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête

Aux termes des articles 149, 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

La requête en indemnisation doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et toutes indications utiles prévues à l'article R26. Elle doit être présentée au premier président de la cour d'appel dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement acquiert un caractère définitif.

Ainsi, la requête est recevable pour une période de détention provisoire d'1 an 2 mois et 21 jours, soit 447 jours.

Sur le préjudice moral

Monsieur [T] [I] a été incarcéré 447 jours, alors qu'il était âgé de 36 ans.

Le choc carcéral subi par le requérant sera retenu comme critère d'aggravation du préjudice moral, du fait de sa première incarcération.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

S'agissant des conditions de détention, il appartient au requérant de justifier des conditions difficiles qu'il allègue.

En l'espèce, le requérant fournit un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il prouve également avoir contracté la gale lors de sa détention.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

La séparation avec les proches étant inhérente à la détention, elle ne peut faire l'objet d'un facteur d'aggravation du choc carcéral et donc du préjudice moral subi. Cependant, la réparation du préjudice moral peut tenir compte de certains facteurs personnels et familiaux.

En l'espèce, il ressort du dossier que le requérant vivait depuis 10 ans en concubinage et avait deux filles en bas âge, de 3 ans et 1 an au moment de son placement en détention provisoire. Il n'a pas vu grandir ses filles, n'a pu assister aux premiers pas de sa fille cadette et n'a pu assister à la rentrée scolaire de sa fille ainée. Sa compagne ne travaillait pas, il était le seul à subvenir aux besoins du foyer.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

La somme de 41 000 euros paraît proportionnée eu égard à la période de détention injustifiée et à la prise en compte de deux facteurs d'aggravation du préjudice moral subi. Il convient donc d'allouer à monsieur [T] [I] la somme de 41 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice matériel

Sur la perte de revenus

Le requérant a droit à l'indemnisation de l'ensemble des prestations non perçues pendant la période de détention. Il doit néanmoins apporter la preuve qu'il exerçait un travail et percevait des salaires avant son placement en détention.

En l'espèce, le requérant travaillait en contrat à durée indéterminée depuis le 1er février 2017. Il a été licencié le 31 janvier 2019. La perte de ses salaires résulte donc de son placement en détention provisoire et l'indemnisation de cette perte doit être calculée sur la base des salaires nets perçus dans les mois précédents le placement en détention provisoire. La moyenne des salaires du requérant avant son placement en détention provisoire est de 1698,66 euros et le montant des bénéfices générés par son activité d'auto-entrepreneur est de 1 960 euros soit 163,33 euros par mois. Le requérant sera indemnisé pour 14 mois et 21 jours de détention provisoire au titre de la perte de revenus.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

Il convient donc d'allouer à [T] [I] la somme de 27 415,21 euros en réparation de son préjudice matériel.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire,

DÉCLARONS recevable la requête de Monsieur [T] [I] ;

ALLOUONS à monsieur [T] [I] :

- La somme de QUARANTE ET UN MILLE EUROS (41 000 euros) en réparation de son préjudice moral ;

- La somme de VINGT SEPT MILLE EUROS QUATRE CENT QUINZE EUROS ET VINGT ET UN CENTIMES (27 415,21 euros) en réparation de son préjudice matériel ;

- La somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSONS les dépens de la présente procédure à la charge de l'agent judiciaire de l'Etat.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE

Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles

Rosanna VALLETTE, greffier

LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-7
Numéro d'arrêt : 21/07574
Date de la décision : 12/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-12;21.07574 ?
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