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02/05/2024 | FRANCE | N°22/00537

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 02 mai 2024, 22/00537


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 MAI 2024



N° RG 22/00537 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VANW



AFFAIRE :



[Y] [R]





C/

S.A.S. TELEREP FRANCE A

Venant aux droits de la société : ENVIRONNEMENT TPL











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de

CERGY PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 20/00373



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la ASSOCIATION DUMONTEIL & MAZUR



la SCP PECHENARD & Associés







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 22/00537 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VANW

AFFAIRE :

[Y] [R]

C/

S.A.S. TELEREP FRANCE A

Venant aux droits de la société : ENVIRONNEMENT TPL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Janvier 2022 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F 20/00373

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la ASSOCIATION DUMONTEIL & MAZUR

la SCP PECHENARD & Associés

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Y] [R]

né le 29 Avril 1968 à [Localité 4] (60)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Bernard DUMONTEIL de l'ASSOCIATION DUMONTEIL & MAZUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0158 substitué par Me Faouzi EL-MOUNTASSIR avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A.S. TELEREP FRANCE A

Venant aux droits de la société : ENVIRONNEMENT TPL

N° SIRET : 351 32 0 6 50

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Emmanuelle SAPENE de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R047 -

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Janvier 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Présidente chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 22 octobre 2008, M.[Y] [R] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur d'exploitation, par la société Environnement TPL (ci-après la société ETPL aux droits de laquelle vient désormais la SAS Telerep France), qui avait pour activité l'assainissement, le curage et la réhabilitation de canalisations, et relevait de la convention collective des travaux publics.

Le 8 décembre 2011, M.[Y] [R] a acquis 19,94% des parts de la société ETPL.

M.[Y] [R] a démissionné de ses fonctions au sein de la société ETPL à effet au 28 février 2013, aux fins d'exercer pour le compte de la société ETPL une mission d'assistance au travers de sa société [R] Finance pour la réalisation de prestations liées à l'étude, la réalisation et l'exécution de tous travaux publics ou privés, de génie civil, de terrassement, de viabilité, d'assainissement et de réseaux divers.

Par convention de cession d'actions du 15 janvier 2020, l'ensemble des titres de la société ETPL a été cédé au bénéfice de la société Telerep France qui en est devenue l'unique associé. La convention d'assistance, conclue intuitu personae entre la société ETPL et la société [R] Finance, a été rompue lors des discussions préalables à la cession de la société ETPL au bénéfice de la société Telerep.

Le 15 janvier 2020, soit le même jour que la convention de cession, un contrat de travail à durée déterminée a été signé entre la société Telerep et M.[Y] [R], pour une durée de 12 mois, du 15 janvier 2020 au 31 décembre 2020, lui conférant les fonctions de manager de transition dans le contexte de l'acquisition de la société ETPL.

Par courrier du 9 octobre 2020, M.[Y] [R] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

La lettre de prise d'acte est ainsi rédigée :

« Monsieur,

Je constate à regret qu'en votre qualité de Président de la société ETPL et celle de Directeur général de la société Telerep, vous persistez dans votre refus de reconnaître ma qualité et mes droits de salarié de la société ETPL.

Pour seule réponse à mes demandes et celles de mon Conseil, tenues notamment lors de notre rencontre du 27 juillet et par courrier du 28 juillet 2020, vous prétendez aujourd'hui qu'il s'agirait de ma part d'allégations empreintes de mauvaise foi.

Je me dois une nouvelle fois de contester votre opposition pour en tirer les conséquences qui s'imposent.

Alors même que la fin de la convention d'assistance conclue « intuitu personae » en 2013 entre ETPL et [R] Finance, devait conduire le 15 janvier 2020 au retour dans mes fonctions salariées de « Directeur d'exploitation » de la société ETPL, vous avez délibérément ignoré cette obligation, en m'imposant la signature d'un contrat de travail à durée déterminée avec la société Telerep à un niveau de responsabilités et de salaire, inférieur.

Quand bien même vous m'opposeriez mon consentement à la signature de ce contrat de travail, celui-ci est non seulement vicié mais aussi contraire aux dispositions de la convention de cession des actions de la société ETPL, à effet du 15 janvier 2020, laquelle stipule expressément d'un emploi salarié pour le compte de ladite société (article 3 - point 10).

J'ajoute que les dispositions de l'article 9.6 de la convention de cession d'actions précisent qu'en cas d'incohérence ou de contradiction entre le texte de la Convention et l'une de ses Annexes, les dispositions du texte de la Convention priment.

Des lors, les dispositions tenues dans la convention d'assistance conclue en 2013 entre ETPL et [R] Finance et celles tenues dans la convention de cession d'actions de la société ETPL, empêchaient la signature du contrat de travail à durée déterminée Telerep, même si celui-ci prévoyait une mise à disposition au profit de ETPL.

Votre refus de reconnaître ma qualité et mes droits de salarié de la société ETPL constitue un manquement grave puisqu'il m'oblige à constater que vous m'avez privé de toute fourniture de travail conformes à mes fonctions de « Directeur d'exploitation » de la société ETPL qui s'imposaient au 15 janvier 2020, comme vous m'avez privé de la rémunération qui m'était due en contrepartie.

En conséquence, je suis contraint aujourd'hui de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail.

Dans l'attente des suites qui seront données devant le Conseil de prud'hommes,

Recevez, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées »

Le 2 décembre 2020, M.[Y] [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise en vue de solliciter la qualité de salarié au sein de la société ETPL et obtenir la requalification de sa prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir la condamnation de la société au paiement de diverses sommes, de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 27 janvier 2022, notifié le 4 février 2022, le conseil a statué comme suit:

déboute M.[Y] [R] de la totalité de ses demandes

condamne M.[Y] [R] à verser à la société Telerep les sommes nettes suivantes:

- 9.000 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée

- 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

déboute la société Telerep du surplus de ses demandes

met les dépens éventuels de l'instance à la charge de M.[Y] [R].

Le 21 février 2022, M.[Y] [R] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par conclusions, notifiées par RPVA le 16 mai 2022, M.[Y] [R] demande à la cour de :

dire et juger recevable et bien-fondé M.[Y] [R] en son appel

Y faisant droit,

dire que M.[Y] [R] ne pouvait être engagé le 15 janvier 2020 sous contrat à durée déterminée par la société Telerep, en qualité de « manager de transition » détaché auprès de la société ETPL, au salaire mensuel de 3.000 euros bruts

dire la prise d'acte de rupture du contrat de travail en date du 9 octobre 2020, aux torts de l'employeur

dire en conséquence que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

fixer la moyenne de la rémunération mensuelle brute à la somme de 10.149 euros bruts

En conséquence,

infirmer le jugement en ce qu'il a:

* débouté M.[Y] [R] de la totalité de ses demandes

* condamné M.[Y] [R] à verser à la société Telerep les sommes nettes suivantes:

- 9 000 euros au titre des dommages-intérêts pour rupture anticipée du contrat à durée déterminée

- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* mis les dépens éventuels de l'instance à la charge de M.[Y] [R].

Statuant à nouveau,

condamner en conséquence la société Telerep, venant aux droits de la société ETPL, au paiement des sommes suivantes :

* rappel de salaire 2020 (8 950,27 ' 3 000 x 10,4) : 61 882,80 euros

* congés payés y afférent : 6 188,28 euros

* treizième mois (prorata 01/20 ' 09.10.20) ( 8 950,27 / 12 x 10.4) : 7 756,90 euros

* congés payés y afférent : 756,69 euros

* indemnité compensatrice de préavis ' (8 950,27 x 3) : 26 850,81 euros

* indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 2 685,08 euros

* indemnité de licenciement: 2.237,56 euros

* indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse : 60 894 euros

* dommages et intérêts pour man'uvres frauduleuses: 10 000 euros

* article 700 du code de procédure civile: 5 000 euros

avec intérêts au taux légal à compter de la date de saisine du bureau de jugement sur les

demandes afférentes à des éléments de salaire et à compter du jugement à intervenir sur

les autres demandes jusqu'à complet paiement.

ordonner la capitalisation des intérêts en ce qu'ils seront dus depuis plus d'une année sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil

ordonner la délivrance de bulletins de salaire, d'un certificat de travail, d'un reçu pour solde de tout compte et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés conforme à la décision à intervenir

débouter la société ETPL de ses demandes

condamner la société ETPL aux entiers dépens.

Par conclusions, notifiées par RPVA le 22 juillet 2022, la société Telerep France, venant aux droits de la société ETPL, demande à la cour de :

déclarer mal fondé M.[Y] [R] en son appel

confirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise du 27 janvier 2022

débouter M.[Y] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

condamner M.[Y] [R] à payer à la société Telerep, venant aux droits de la société ETPL, la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat

condamner M.[Y] [R] à payer à la société Telerep, venant aux droits de la société ETPL, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamner M.[Y] [R] en tous les dépens.

Par ordonnance rendue le 18 octobre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 30 janvier 2024.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la convention d'assistance et ses avenants et leurs conséquences sur les relations entre M.[Y] [R] et la SAS Telerep France

Préalablement et pour une meilleure compréhension du litige, il convient de rappeler la chronologie des faits suivantes:

- 22 octobre 2008: signature d'un contrat de travail à durée indéterminée entre M.[Y] [R] et la société 'environnement TPL'dont le fondateur était M.[D]

- 8 décembre 2011, M.[Y] [R] acquiert 19,94% du capital de la société ETPL par l'intermédiaire de sa société [R] FINANCE

- 25 février 2013: signature de la convention d'assistance entre la société FEUGEUR FINANCE et la société 'environnement TPL'

- 28 février 2013: démission de M.[Y] [R] de son CDI du 22 octobre 2008

- 29 avril 2013 et 1er mars 2019: signature de deux avenants portant augmentation de la rémunération de la prestation de la société [R] FINANCE à la somme totale mensuelle de 18 500 euros HT

- 7 juin 2019: lettre d'intention de la SARP VEOLIA à l'attention de M.[D] de la société environnement TPL d'acquérir ou de faire acquérir sa société

- 8 novembre 2019: lettre d'offre d'acquisition

- 15 janvier 2020: signature de la convention de cession d'actions de la société environnement TPL moyennant notamment un chèque de 817 840 euros pour la société [R] FINANCES et un chèque de 2 127 160 euros pour la société [D] FINANCES

- 15 janvier 2020: signature d'un CDD entre de M.[Y] [R] et la SAS Telerep avec pour descriptif de l'emploi suivant: ' Le salarié sera mis à disposition de la société ETPL pour une durée d'1 an à compter de son embauche, soit du 1er janvier 2020 jusqu'au 31 décembre 2020 pour occuper la fonction de manager de transition et assurer l'accompagnement commercial et organisationnel de la transmission de la société ETPL notamment par la présentation des clients, des fournisseurs, de l'organisation de l'exploitation, des chantiers etc. Cette mise à disposition fera l'objet d'un avenant au contrat de travail'.

- 8 juillet 2020: courrier de l'avocat de M.[Y] [R] à la SAS Telerep où il écrit:

' M.[Y] [R], dont je suis le conseil, me prie d'intervenir auprès de vous, es qualité, pour évoquer le contrat de travail à durée déterminée qui le lie à la SAS Telerep depuis le 15 janvier 2020, dans le contexte de la cession des parts sociales de la société ETPL qu'il détenait par la société [R] FINANCE à hauteur de 19,94%.

A l'examen des éléments et pièces que mon client m'a remis, il apparaît qu'à l'évidence, la négociation qui a été conduite au cours de l'année 2019 pour aboutir à cette cession de parts, a ignoré la convention d'assistance liant de manière exclusive la société [R] FINANCE à la société ETPL, depuis le 25 février 2013.

Pour mémoire, cette convention s'était substituée à cette date au contrat de travail qui liait M.[Y] [R] à ladite société, sans pour autant que celui-ci soit rompu.

La rémunération de ces prestations exclusives s'élevait en 2013 à la somme de 12 250 euros HT, pour être portée par deux avenants successifs à la somme de 18 250 euros payée mensuellement jusqu'au mois de décembre 2019.

Vous trouverez ci-joint copie de cette convention et de ses avenants qui n'ont pas fait l'objet d'une résiliation conforme aux dispositions de l'article 9.9 du contrat de cession du 15 janvier 2020.

En conséquence, M.[Y] [R] entend faire valoir ses droits tirés de cette situation, notamment au visa des dispositions de cette convention d'assistance et de ses avenants ainsi qu'au visa des dispositions de l'article L1224-1 du code du travail.'

- 15 janvier 2020: signature par M.[Y] [R] et la société ETPL d'une mise à disposition temporaire de M.[Y] [R] auprès de la société ETPL

- courrier du 10 juillet 2020 du directeur général de la société TELEREP à M.[Y] [R] dans lequel il lui est demandé de lui communiquer les mesures qu'il a prises pour exécuter sa mission et assurer la transition, les contacts pris avec les clients et fournisseurs historiques, les actions opérationnelles prises ou projetées dans l'organisation de l'exploitation et de lui transmettre sous huitaine, un compte rendu exhaustif de ses actions réalisées au cours de ce premier semestre avec la liste des personnes contactées ainsi que son plan d'actions pour le deuxième semestre 2020.

- courrier du 17 juillet 2020 du directeur général de la société TELEREP au conseil de M.[Y] [R] en réponse au courrier de ce dernier dans lequel il évoque sa surprise et lui rappelle les conditions de négociation de la cession des actions et notamment la signature d'un CDD au profit de M.[Y] [R]. Il ajoute que 'les relations contractuelles issues de la convention d'assistance entre [R] FINANCE et ETPL se sont arrêtées le jour de la signature de la convention de cession d'actions d'ETPL signée par [R] FINANCE et [D] FINANCES et TELEREP le 15 janvier 2020 et le CDD de M.[Y] [R] a commencé à la suite le même jour'.

- courrier du 28 juillet 2020 du conseil de M.[Y] [R] à la société TELEREP dans lequel il écrit: ' [...] Jusqu'à cette date [ acte de cession du 15 janvier 2020] M.[Y] [R] a été lié à la société ETPL par une convention d'assistance qui a été effectivement rompue aux termes de la lettre d'intention du 7 juin 2019, consacrée par la cession des actions ETPL du 15 janvier 2019. Ce point que vous m'avez confirmé par courrier du 17 juillet 2020 n'est pas contesté.

A contrario, comme M.[Y] [R] vous l'a évoqué, la négociation qui a été tenue en 2019 et les actes qui l'ont consacrée, ont ignoré sa qualité de salarié qui le lie à la société ETPL depuis 2008 en qualité de 'directeur d'exploitation', niveau C2 [..]'.

- courrier du 18 septembre 2020 du directeur général de la SAS Telerep au conseil de M.[Y] [R] prenant acte de la reconnaissance de M.[Y] [R] de ce que la convention d'assistance a été rompue et conteste l'existence lors de la cession des actions d'un contrat de travail liant M.[Y] [R] et la société ETPL depuis 2008.

Au soutien de son action, M.[Y] [R] invoque l'application des clauses de la convention d'assistance pour en déduire que le CDI conclut en 2008 entre lui et la société ETPL s'imposait à la SAS Telerep France, lui permettant ainsi de retrouver ses fonctions de directeur d'exploitation, la fin de la convention d'assistance imposant son retour dans ces fonctions en application de l'article 7 de ladite convention.

Il estime également que c'est à tort que le conseil des prud'hommes a dit que l'article 5 de la convention d'assistance ne concernait pas, dans l'intention des parties, la personne de M.[Y] [R] mais la société [R] FINANCE alors même que les circonstances et conditions qui ont conduit M.[D] et M.[Y] [R] à convenir de cet accord en 2013, démontrent amplement que ce sont exclusivement la personnalité même et les compétences professionnelles démontrées de ce dernier en qualité de salarié, directeur d'exploitation, qui ont dicté cette déclaration d'intuitu personae.

Il explique que la relation contractuelle entre ETPL et [R] FINANCE n'a été pour les personnes qu'un cadre juridique destiné à optimiser sur le plan fiscal et social, les fonctions de responsabilité de M.[Y] [R] dont le coût en qualité de salarié directeur d'exploitation était trop important, de sorte que cette convention s'est substituée au contrat de travail uniquement pour ces raisons.

Il ajoute que la novation qui semble être opposée à M.[Y] [R] du fait de la signature de son CDD avec la SAS Telerep doit être écartée dès lors qu'elle résulte en réalité d'une acceptation forcée dans le cadre de la cession des actions de la société ETPL opérée par son dirigeant et actionnaire majoritaire, M.[D].

Il conclut que la convention d'assistance a force de loi entre les parties qui s'y sont obligées pour tout ce qui est exprimé et toutes les suites que l'ordonnent l'équité, l'usage ou la loi conformément aux articles 1103 et 1194 du code civil; que la société ETPL ne pouvait se soustraire de l'obligation inscrite à l'article 7 de la convention d'assistance imposant qu'à l'expiration de ladite convention, pour quelque cause que ce soit, les parties se retrouveraient placées dans la situation antérieure à celle de sa signature; qu'en conséquence, et par la force obligatoire du contrat, la société ETPL, sous le contrôle de son nouvel actionnaire, la société TELEREP, devait à la date de la cession des actions du 15 janvier 2020, signer un CDI avec M.[Y] [R] pour le placer dans sa situation antérieure à 2013, à savoir dans ses fonctions de directeur d'exploitation aux conditions d'emploi et de rémunération dont il avait bénéficié, peu importe que le contrat de travail qui le liait antérieurement à la convention d'assistance signée en 2013 ait été rompu.

De même, il estime que le CDD avec la société TELEREP lui a été imposé, la convention d'assistance ne permettant pas un tel contrat en application de l'article 7 qui imposait son engagement dans les mêmes conditions d'emploi que celles dont il bénéficiaire antérieurement, de sorte que la SAS Telerep a méconnu ses droits quant à sa qualité passée de salarié de la société ETPL et les actes signés en 2019 et 2020 constituent des manquements graves, le contraignant à prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

En réponse, la SAS Telerep France constate qu'après l'avoir nié M.[Y] [R] a reconnu que la convention d'assistance avait été rompu et que son CDI de 2008 n'était pas suspendu du fait de cette convention. Elle expose que non seulement elle n'avait pas eu connaissance de ce CDI de 2008 mais qu'en tout état de cause, celui-ci n'existait plus en raison de la démission de M.[Y] [R] et les deux associés, M.[Y] [R] et M.[D], ayant signé l'acte de cession des actions de la société ETPL en toute connaissance de cause. Elle écarte toute conséquence contraire de l'article 7 invoqué par M.[Y] [R].

Selon l'article 1103 du code civil, 'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

Selon l'article 1194 du code précité, 'Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi'.

Selon l'ancien article 1134 du code civil, 'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi'.

Il appartient au juge, en cas de litige, de rechercher autant que possible la volonté commune des parties, sans s'arrêter au sens littéral des termes.

Il résulte des articles précités que le juge doit rechercher l'intention commune des parties et si celle-ci reste incertaine, de recourir subsidiairement à des critères plus objectifs, tels que les usages, l'équité, l'efficacité. En dernière analyse, le doute doit profiter au débiteur.

Selon l'article 5 'cession et transmission du contrat' de la convention d'assistance, ' Le présent contrat étant conclu intuitu personae, le Prestataire s'interdit de céder ou de transférer, de quelque manière que ce soit (et notamment sous forme de cession ou de mise en location-gérance de son fonds de commerce, d'apport en société ou, le cas échéant, de cession des titres ou de changement de contrôle) les droits et obligations en résultat, sans l'accord exprès, préalable et écrit du Bénéficiaire', précision faite que le prestataire était la société [R] FINANCE et le bénéficiaire, la société ETPL.

Cette clause 'intuitu personae' se limitait donc à indiquer que le contrat avait été conclu en considération de la personne même du cocontractant sans plus de détails et à interdire le transfert de la société [R] FINANCE par le prestataire à un tiers sans autorisation de l'autre partie. Cette clause visait donc uniquement la question du transfert de la société [R] FINANCE ou des droits afférents et non la société ETPL. Ainsi donc, ce n'est pas la société ETPL qui devait obtenir l'autorisation de la société [R] FINANCE en cas de cession.

Selon l'article 7 'conséquences de la cessation du contrat' de ladite convention, 'A l'expiration du présent contrat, pour quelque cause que ce soit, les Parties se retrouvent placées dans la situation antérieure à celle de sa signature.

En conséquence, le Prestataire restituera immédiatement au Bénéficiaire l'ensemble des documents et informations, sur quelque support que ce soit , qui lui auront été communiqués par celui-ci dans le cadre de l'exécution du présent contrat.

A défaut le Prestataire pourrait y être contraint par décision de justice, désignant tout mandataire ad hoc pour y procéder'.

A supposer que cet article signifie qu'en cas de cessation, M.[Y] [R] devait retrouver ses fonctions dans le cadre du CDI conclu initialement avec la société ETPL, cette clause ne pouvait s'entendre que si la situation des parties restait identique à celle existant au jour de la signature de la convention. Or, il résulte des pièces produites par la SAS Telerep France que M.[Y] [R] a démissionné de son CDI le 28 février 2013 comme l'atteste l'attestation d'employeur pôle emploi (pièce 2), le certificat de travail du même jour contre-signé par M.[Y] [R] ainsi que son reçu pour solde de tout compte signé par lui pour la somme totale de 5122 euros, reçu portant la mention que ' cette somme m'est versée pour solde de tout compte, en paiement des salaires, accessoires de salaires, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de mon contrat de travail' (pièce 4).

En tout état de cause, la convention ayant été signée par la société [R] FINANCE et la société ETPL, cet article 7 ne pouvait que concerner la société [R] FINANCE et non M.[Y] [R].

Outre le fait que la SAS Telerep France n'avait pas connaissance de l'existence du CDI de 2008, ce que ne conteste pas M.[Y] [R], elle n'avait aucune obligation ni légale ni contractuelle de proposer à M.[Y] [R] un CDI lors de l'acquisition de la société ETPL.

M.[Y] [R] ne peut invoquer un vice du consentement (erreur ou dol) alors que comme le relève la SAS Telerep France, il a signé à plusieurs reprises des actes juridiques clairs et précis:

- une première fois, par la lettre d'intention du 7 juin 2019 prévoyant expressément la signature

d'un contrat de travail à durée déterminée (pièce adverse n° 8). Cette lettre a été contresignée par Monsieur [Y] [R].

- une deuxième fois, par la signature de l'acte de cession des actions de la sociétés ETPL le 15

janvier 2020, lequel prévoyait expressément la signature d'un contrat à durée déterminée

(pièce adverse n° 10). Monsieur [Y] [R] est un des signataires de l'acte de cession et a perçu pour la vente de ses actions la somme de 817.840 €.

- une troisième fois, en signant le 15 janvier 2020 avec la société Telerep le contrat à durée déterminée prévue par

la convention de cession (pièce n° 8)

- une quatrième fois, en signant le 15 janvier 2020 l'avenant de détachement de la société Telerep vers la société ETPL (pièce n° 9).

Selon l'article 1130 du code civil, 'L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'.

En l'espèce, tant la chronologie des différents actes que la signature de ces derniers par M.[Y] [R] ne permettent pas d'établir la preuve d'un vice du consentement

En conséquence, il convient d'apprécier la prise d'acte de M.[Y] [R] à l'aune non pas de la convention d'assistance ni du CDI de 2008 mais bien au regard du CDD signé le 15 janvier 2020.

Il entre dans l'office du juge, dans le contentieux de la prise d'acte de la rupture, de rechercher si les faits invoqués justifient ou non la rupture du contrat et de décider par la suite si cette dernière produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237- 2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte ne permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur qu'en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, et au vu de ce qui précède, le motif de la prise d'acte invoqué par M.[Y] [R] n'étant fondé que sur une interprétation erronée de la convention d'assistance et sur sa demande infondée de voir reconduit son CDI de 2008 en lieu et place de son CDD du 15 janvier 2020, motifs écartés supra, il convient de dire que la prise d'acte doit s'analyser comme une démission et de débouter M.[Y] [R] par confirmation du jugement.

Sur la demande reconventionnelle de la SAS Telerep France en paiement du préavis

Au vu de ce qui précède, c'est à bon droit que le conseil des prud'hommes a condamné M.[Y] [R] à payer à la SAS Telerep France la somme de 9 000 euros à titre de dommages-intérêts en paiement du préavis, M.[Y] [R] n'ayant pas exécuté son CDD jusqu'à son terme.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de condamner M.[Y] [R] à payer à la SAS Telerep France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil des prud'hommes de Cergy Pontoise du 27 janvier 2022;

Y ajoutant;

Condamne M.[Y] [R] à payer à la SAS Telerep France la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M.[Y] [R] aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 22/00537
Date de la décision : 02/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-02;22.00537 ?
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