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25/04/2024 | FRANCE | N°21/02007

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre sociale 4-6, 25 avril 2024, 21/02007


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



Chambre sociale 4-6



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 AVRIL 2024



N° RG 21/02007 - N° Portalis DBV3-V-B7F-US5U



AFFAIRE :



S.A.S. JPG





C/





[I] [D]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY



N° Section : C

N° RG : F18/0017

6



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Ruth CARDOSO EZVAN de la SELEURL RCE AVOCATS



Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT





Expédition numérique et copie certifiée conforme

délivrée à POLE EMPLOI





le :





RÉ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 AVRIL 2024

N° RG 21/02007 - N° Portalis DBV3-V-B7F-US5U

AFFAIRE :

S.A.S. JPG

C/

[I] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Section : C

N° RG : F18/00176

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ruth CARDOSO EZVAN de la SELEURL RCE AVOCATS

Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT

Expédition numérique et copie certifiée conforme

délivrée à POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. JPG

N° SIRET : 997 506 407

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Ruth CARDOSO EZVAN de la SELEURL RCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1555

APPELANTE

****************

Monsieur [I] [D]

né le 09 Octobre 1987 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Guillaume PERRIER de la SELARL GP AVOCAT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 761

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Mars 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [I] [D] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er avril 2011, en qualité de chargé de développement commercial (business développeur), par la société Corporate Express France, aux droits de laquelle vient désormais la société par actions simplifiée JPG, qui a pour activité la commercialisation de fournitures et mobilier de bureau, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale du commerce de détail de papeterie, fournitures de bureau, bureautique.

En dernier lieu, M. [D] exerçait les fonctions de chargé de développement commercial (BDA), statut agent de maîtrise.

Convoqué le 16 février 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 28 février suivant, M. [D] a été licencié par courrier du 12 mars 2018 énonçant une faute grave.

M. [D] a saisi, le 1er mars 2018, le conseil de prud'hommes de Montmorency, en vue d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, puis à la suite de son licenciement, la requalification de ce dernier en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la condamnation de la société au paiement de diverses sommes, ce à quoi la société s'est opposée.

Par jugement rendu le 17 mai 2021 et notifié le 3 juin suivant, le conseil a statué comme suit :

Ordonne la jonction des instances RG18/000176 et RG18/000371 ;

Déboute M. [D] de sa demande de résiliation judiciaire ;

Juge que le licenciement de M. [D] ne repose sur aucune cause réelle ni sérieuse ;

Condamne la société à payer les sommes suivantes :

- Dommages & intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 11.500 euros ;

- Indemnité conventionnelle de licenciement : 4.004,13 euros ;

- Indemnité compensatrice de préavis : 4.631.28 euros ;

- Congés payés sur préavis : 463,12 euros ;

- Délivrance des documents sociaux ;

- Article 700 du code de procédure civile : 1.000 euros ;

Dit que les sommes dues à M. [D] en exécution du présent jugement, porteront intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la société de sa première convocation devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales, et à compter de la date de la mise à disposition au greffe du présent jugement pour la créance indemnitaire ;

Déboute M. [D] de sa demande d'exécution provisoire et de ses autres demandes ;

Condamne la société aux dépens ;

Déboute la société de sa demande reconventionnelle.

Le 24 juin 2021, la société JPG a relevé appel par voie électronique de cette décision. Le 25 juin 2021, M. [D] a également relevé appel par voie électronique de cette décision.

Par ordonnance de jonction du 31 mars 2022, le conseiller de la mise en état a joint les deux affaires sous le numéro de répertoire général : 21/2007.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 10 mars 2022, la société JPG demande à la cour de :

Juger que sa déclaration d'appel a un effet dévolutif ;

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de résiliation judiciaire et de condamnation de la société JPG au paiement des sommes suivantes :

11.379,03 euros à titre de rappel de prime d'activité,

1.137,90 euros au titre des congés payés afférents,

1.133,33 euros à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis,

113,33 euros au titre des congés payés afférents,

1.003,47 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,

7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

Le réformer en ce qu'il l'a condamnée au paiement des sommes suivantes :

11.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

4.004,13 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

4.631,28 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

463,12 euros au titre des congés payés afférents,

1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Débouter M. [D] de l'ensemble de ses prétentions,

Très subsidiairement, limiter la condamnation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'indemnisation minimale prévue à l'article L.1235-3 du code du travail, soit  trois mois de salaire,

Condamner M. [D] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 9 juin 2022, M. [D] demande à la cour de :

Juger que la déclaration d'appel du 24 juin 2021 de la société JPG n'a aucun effet dévolutif,

La débouter de l'ensemble de ses demandes,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency du 17 mai 2021 en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de résiliation judiciaire, de condamnation de la société JPG à lui verser un rappel de prime d'activité, les congés payés afférents, un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, un complément d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents et des dommages-intérêts pour exécution déloyale,

Infirmer le montant des condamnations prononcées par jugement du 17 mai 2021 au titre de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de licenciement sans cause et sérieuse,

En conséquence, statuant à nouveau,

À titre principal,

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 12 mars 2018,

À titre subsidiaire,

Juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé le 12 mars 2018,

En tout état de cause,

Condamner la société JPG à lui verser la somme nette de 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamner la société JPG à lui verser la somme nette de 4.100,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

Condamner la société JPG à lui verser à titre de rappel de prime d'activité la somme de 11.379,03 euros bruts ainsi que les congés payés afférents d'un montant de 1.137,90 euros bruts,

Condamner la société JPG à lui verser la somme de 1.133,33 euros bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 113,33 euros bruts au titre de congés payés afférents (intégration des rappels de salaire),

Condamner la société JPG à lui verser la somme nette de 1.003,47 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement (intégration des rappels de salaire),

Condamner la société JPG à lui verser la somme nette de 7.500 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail,

Ordonner à la société JPG la remise des documents sociaux conformes aux présentes demandes, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, à compter du 10ème jour suivant la notification de la décision à intervenir,

Juger que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes, assortis, à titre de condamnation, de l'anatocisme,

Condamner en outre la société JPG à lui verser la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en appel,

La condamner aux dépens et frais d'exécution à intervenir.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 6 septembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 5 mars 2024.

MOTIFS

Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel de l'employeur

Au rappel de l'article 562 du code de procédure civile, M. [D] dénie tout effet à la déclaration d'appel adverse ne mentionnant pas les chefs de jugement critiqués listés dans une annexe à laquelle la partie appelante ne se référait pas.

L'employeur, qui estime sa déclaration conforme, rappelle avoir formé appel incident sur l'appel principal de son colitigant.

L'article 562 du code de procédure civile énonce que « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Cela étant, l'appel est principal ou incident.

En tout état de cause, comme le relève la société JPG, elle a formé appel incident sur l'appel principal de M. [D] dans l'affaire ouverte sous le numéro de répertoire général 21/2028, dans les mêmes termes que son appel principal interjeté le 24 juin 2021, par conclusions formées dans le délai de l'article 909 du code de procédure civile, le 9 décembre 2021, dont la régularité n'est nullement querellée.

Au surplus, le moyen, inopérant, manque en droit car il ne résulte pas de l'absence de renvoi exprès dans la déclaration d'appel à une annexe mentionnant les chefs de jugement critiqués, l'absence d'effet dévolutif.

Dès lors, il convient de constater la dévolution dans les termes de la déclaration et des conclusions susdites.

Sur la résiliation judiciaire

M. [D] plaide le caractère irréaliste des objectifs qui lui furent attribués au regard de son secteur d'activité « middle market » et du manque de moyens dès le mois de novembre 2017, le privant de toute rémunération variable d'octobre 2016 à janvier 2017 et dès le mois de septembre 2017. Il réfute qu'ils puissent être atteints sans cibler de grands comptes, par nature exclus. Il considère aussi ne pouvoir pas assurer les 64 rendez-vous chaque mois attendus par l'employeur, et que ses collègues ne faisaient pas plus.

Il y voit la cause de la résiliation judiciaire qu'il réclame.

L'employeur explique que ses objectifs, fixés de manière unilatérale chaque mois et qui n'avaient donné lieu à aucune critique, étaient assis sur le chiffre d'affaires procuré par les nouveaux clients durant 12 mois, réduits à 6 mois dès février 2018, calculés de manière glissante. Il considère que la baisse de la rémunération variable reflétait le manque de respect des métriques d'activité par le salarié, dont il fut avisé dès l'année 2016, et plus généralement son manque d'investissement dans la prospection ayant nécessité un accompagnement. Il note que d'autres parvenaient aux résultats demandés sans sortir de leur domaine, circonscrit par un chiffre d'affaires de 100.000 euros par an et par la nécessité d'un appel d'offres.

Sur la rémunération variable

Le contrat de travail doit s'exécuter de bonne foi.

L'article 4 du contrat de travail du salarié stipule : « le business développeur est éligible au bénéfice d'une part variable fixée chaque année par la direction. Pour information, la partie variable est fixée à 950,00 euros (') bruts par mois à 100% de réalisation des objectifs. »

L'avenant du 1er octobre 2012 réduisait cette rémunération à 850 euros bruts.

La charge de la preuve du caractère réaliste des objectifs déterminant la rémunération variable du salarié et fixés unilatéralement par l'employeur, repose sur ce dernier.

En l'occurrence, il est acquis aux débats que l'intéressé devait atteindre un certain chiffre d'affaires chaque mois de l'exercice débutant en février, et qu'il avait le bénéfice durant plusieurs mois glissants du chiffre d'affaires réalisé sur les nouveaux clients prospectés, sa rémunération variable y étant adossée.

Précisément, le plan de rémunération variable prévoit qu'elle « est calculée sur la base des ventes facturées pendant les 12 premiers mois complets après la première passation de commande du nouveau compte », la rémunération variable mensuelle ne tenant compte que de ventes au-delà du montant minimum de vente par compte ou du montant minimum de taux de marge ajustée, et le réajustement en fin d'année sous la forme d'un bonus annuel étant assis sur toutes les ventes facturées. Différents exemples chiffrés étaient donnés, dans le détail.

Le dernier plan de rémunération variable, pour l'exercice 2018, réduisait la période de 12 mois à 6 mois.

Sur cette base, vu ses entretiens, en février 2016, son chiffre d'affaires devait s'établir à 2.000 euros, en mars, à 3.000 euros, en avril à 4.000, en mai, à 6.000, en juin, à 8.000, en juillet à 10.500, en août, à 8.500, en septembre, à 12.000, en octobre, à 16.000 euros, en novembre à 18.000 euros, en décembre à 21.500 euros et en janvier 2017, à 25.500 euros. Le chiffre d'affaires attendu sur l'exercice était ainsi de 135.000 euros. La cible fixée était : « +5 K€ de potentiel annuel par compte ».

Il y parvint jusqu'en septembre 2016 inclus. Son taux de réalisation pour cet exercice fut de 72%.

Pour l'exercice suivant, vu ses entretiens et les notifications, ce chiffre d'affaires était ainsi fixé : en février 2017, 11.486 euros, en mars, 12.369 euros, en avril, 13.253 euros, en mai, pareil, en juin, 16.787 euros, en juillet, 13.253 euros, en août, 7.068, en septembre, 18.554 euros, en octobre, pareil, en novembre, 17.670 euros, en décembre, pareil, en janvier 2018, 16.787 euros. Le chiffre d'affaires attendu sur l'exercice était ainsi de 156.700 euros. La cible fixée était : « +7,5 K€ facturé de potentiel annuel par compte ».

Il n'y parvint qu'en février, juin et juillet 2017.

Il n'est pas contesté par ailleurs que jusqu'en novembre 2017, des chiffres anciens de plus de 12 mois étaient comptés faute de mise à jour des données, et qu'ils furent ensuite évincés permettant l'application stricte de la règle.

Certes, il n'est pas contesté que sur 6 commerciaux ayant été occupés durant tout l'exercice 2016, 4 avaient atteint leurs objectifs.

L'extrait de la note économique du comité d'entreprise du 12 novembre 2014 détaille le secteur affecté au field market « à partir de 5K/ 250 cols blancs », les grands comptes commençant à 100K€ pour les comptes privés et à 5K€ pour les comptes publics imposant un appel d'offre. Les principes clés du modèle Win étaient ainsi présentés qu'il s'adossait sur la segmentation définie selon deux critères complémentaires : « - le comportement d'achat ou le processus d'approvisionnement du client ; le chiffre d'affaires annuel généré par le compte client ; et la taille de la structure client, appréciée en nombre de site et nombre de cols blancs (effet de la structure client) ».

L'affirmation de l'employeur d'une scission du middle market entre les petits comptes-clients, de moins de 10.000 euros, et les grands comptes-clients, de plus de 50.000 euros, n'est pas contestée, et corroborée par l'évaluation de la performance du salarié en 2016, son supérieur hiérarchique parlant des petits comptes « non rentables, non productifs, trop volatiles », et des grands comptes emportant des « cycles trop longs ». Il donnait conseil d'une prospection de comptes entre 10 et 50 K€.

Toutefois, les parties sont concordantes à dire que la prospection se faisait à travers le logiciel Win, et ainsi dans ce champ limité.

Or, l'affirmation de M. [D] selon laquelle ses collègues ayant atteint les objectifs ne se positionnaient pas sur le bon marché est justifiée par les attestations de M. [K], de M. [P], qui étaient concernés, et de Mme [H], commerciale sédentaire, lesdeux premiers disant avoir reçu des profils hors Win, ou hors cible, équivalents à 40% de son chiffre d'affaires pour l'un et plus encore pour l'autre. Deux d'entre d'eux témoignent de l'apport de ces comptes par l'un de leurs supérieurs, à leur profit (M. [K]), ou au bénéfice d'autres (Mme [H] cite notamment Mme [X]).

Si la société dispute la véracité de ces attestations en indiquant que les comptes dont s'agit n'étaient pas des grands comptes puisque le chiffre d'affaires généré par chacun était moindre de 100.000 euros ou ne donnait lieu à appel d'offre, il n'en demeure pas moins qu'elle ne justifie pas qu'ils aient été disponibles dans le logiciel de prospection, au regard de l'importance de leurs salariés.

Dès lors, la société ne justifie pas suffisamment du caractère réaliste des objectifs fixés pour les exercices 2016 et 2017, dans le champ d'investigation conféré à ses employés.

Elle n'établit pas non plus qu'aucun de ses commerciaux soit parvenu aux métriques indiquées, de 64 rendez-vous par mois, ni, en général, de leur caractère réalisable, faute d'aucun élément produit à cet égard, ni explication. Au contraire, les lettres de performance qu'elle verse aux débats pour chacun d'eux montrent que leurs résultats à cet égard, peu important le chiffre d'affaires dégagé, étaient, sauf exception, dérisoires tant sur le nombre de rendez-vous qu'au reste, sur le nombre de comptes ouverts par semaine, l'exigence étant d'un par semaine au moins.

Dès lors, c'est à tort qu'elle conditionne l'imperfection des résultats au non-respect des moyens devant y conduire, ces moyens n'étant pas plus réalistes.

Par ailleurs, la réduction de moitié de l'incidence du chiffre d'affaires obtenu dès 2018, sans réduction des résultats sollicités, puisque l'objectif de chiffre d'affaires pour « P1 » était en février 2018 de « 15.296 euros avec un taux de marge ajustée minimum de 44,7% », était nécessairement irréalisable, puisque l'attente était doublement supérieure.

Dans ce contexte, les arguments de la société JPG tirés des évaluations de l'intéressé, de ses quelques absences injustifiées dans l'année, de son accompagnement par l'octroi d'une formation « prospection » ou de la possibilité de prospecter de plus grandes entreprises qu'il ne le fit sont sans portée, d'autant que sur ce dernier aspect, il n'y fut pas encouragé.

M. [D] sollicite le paiement de la rémunération variable dont il a été ainsi privé calculée sur la base de 850 euros bruts postulant l'atteinte de ses objectifs, ce dont résulte la somme de 11.379,03 euros dont le quantum n'est pas contesté.

Il sera fait droit à sa demande par infirmation du jugement, laquelle sera augmentée des congés payés afférents.

Si l'intéressé fait ensuite valoir le préjudice moral en dérivant, il ne s'induit pas suffisamment des faits en la cause, étant précisé que la partie appelante ne verse aucune pièce à cet égard. Cette prétention sera rejetée par confirmation du jugement.

Sur la résiliation judiciaire

Pour que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit encourue, il convient que le manquement reproché soit suffisamment grave pour empêcher la poursuite de la relation.

M. [D] ayant été privé d'une partie de sa rémunération en raison de l'exécution déloyale par l'employeur du contrat de travail, c'est à bon droit qu'il y voit un manquement dont la gravité en empêche la poursuite.

La résiliation judiciaire doit être ordonnée, à effet à la date de la rupture ensuite advenue, le 12 mars 2018.

Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la contestation du licenciement de M. [D], et le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de résiliation judiciaire et a jugé que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières de la rupture

Intégration faite des rappels de la prime d'activité, il sera fait droit à la demande du salarié en complément de son indemnité compensatrice de préavis, dont le quantum n'est pas précisément disputé sinon que l'employeur indique qu'elle ne pourrait correspondre qu'aux salaires et avantages perçus pendant la période de préavis, ce dont il déduit à tort qu'elle ne pourrait contenir la prime d'activité, alors que les résultats attendus étaient, comme précédemment, irréalistes en 2018. Cette somme sera augmentée des congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé sur le principe et infirmé sur le quantum.

Le solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement, dont le quantum n'est pas autrement disputé, sera réhaussé de même, à hauteur de la somme réclamée de 1.003,47 euros.

Toutefois, sa base sera rehaussée pour tenir compte du temps du préavis éludé par les premiers juges, de sorte qu'elle parvient à 4.100,62 euros, et non 4.004,13 euros. Le jugement sera confirmé sur le principe et infirmé sur le quantum.

Il convient d'ordonner à l'employeur de délivrer à M. [D] les documents de fin de contrat conformes à la présente décision sans qu'une astreinte ne soit nécessaire.

Vu les éléments versés aux débats témoignant que le salarié retrouva un emploi le 15 avril 2018 et étant observé qu'il ne produit aucun document supplémentaire en cause d'appel, il n'y a pas lieu de réformer le jugement qui a justement apprécié l'intégralité de son préjudice né de la perte injustifiée de son emploi.

Sur les frais de justice

Nul motif ne préside à la réformation des frais de justice alloués en première instance.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Constate l'effet dévolutif de l'appel soutenu par la société par actions simplifiée JPG ;

Infirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [I] [D] de rappel de sa prime d'activité, de résiliation judiciaire, sur le quantum de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et en ce qu'il a jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse ;

Confirme le surplus ;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;

Condamne la société par actions simplifiée JPG à payer à M. [I] [D] la somme de 11.379,03 euros bruts de rappel de sa prime d'objectif du mois d'août 2016 au 12 mars 2018, augmentée de 1.137,90 euros bruts pour les congés payés afférents ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Dit qu'elle aura les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société par actions simplifiée JPG à payer à M. [I] [D] les sommes de :

1.133,33 euros bruts à titre de complément d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que 113,33 euros bruts au titre de congés payés afférents ;

1.003,47 euros à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

4.100,62 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts à condition que ces intérêts soient dus au moins pour une année entière ;

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt ;

Rejette la demande d'astreinte ;

Ordonne, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, le remboursement par l'employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes ;

Condamne la société par actions simplifiée JPG à payer à M. [I] [D] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la société par actions simplifiée JPG aux entiers dépens, qui ne contiennent pas les frais d'exécution de la décision, régis par des textes ad hoc.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre sociale 4-6
Numéro d'arrêt : 21/02007
Date de la décision : 25/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-25;21.02007 ?
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