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24/04/2024 | FRANCE | N°23/03380

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-7, 24 avril 2024, 23/03380


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7







Code nac : 96E









N° RG 23/03380 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V35B



(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire











Copies délivrées le :



à :



M. [R]



Me LAFFONT



AJE



Me DANCKAERT



Min. Public







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE



a été rendue, par mise à disposition au greffe, l'ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l'audience publique du28 février 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premie...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 96E

N° RG 23/03380 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V35B

(Décret n° 2000-1204 du 12 décembre 2000 relatif à l'indemnisation à raison d'une détention provisoire

Copies délivrées le :

à :

M. [R]

Me LAFFONT

AJE

Me DANCKAERT

Min. Public

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT QUATRE AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

a été rendue, par mise à disposition au greffe, l'ordonnance dont la teneur suit après débats et audition des parties à l'audience publique du28 février 2024 où nous étions Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles, assisté par Céline KOÇ, greffier, le prononcé de la décision a été renvoyée à ce jour ;

ENTRE :

Monsieur [P] [R]

né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 8], ALGERIE

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant, représenté par Me Jacqueline LAFFONT de l'AARPI HAIK & ASSOCIES AARPI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0083, substitué par Me Nabil LAKHAL, supervisant Mme [B] [G], élève avocate

DEMANDEUR

ET :

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

Direction des Affaires Juridiques, [Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 3]

représenté par Me Marie-Hélène DANCKAERT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 520

ET :

Le ministère public pris en la personne de Mme GULPHE-BERBAIN, avocat général

Nous, Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles, assisté de Rosanna VALETTE, Greffier,

Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 28 mars 2023 relaxant monsieur [P] [R], devenu définitif par un certificat de non-pourvoi du 4 avril 2023 ;

Vu la requête de monsieur [P] [R] né le [Date naissance 2] 1978, reçue au greffe de la cour d'appel de Versailles le 26 mai 2023 ;

Vu les pièces jointes à cette requête, le dossier de la procédure ;

Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, déposées lors de l'audience du 28 février 2024 ;

Vu les conclusions du procureur général, reçues au greffe de la cour d'appel de Versailles le 23 janvier 2024 ;

Vu les lettres recommandées en date du 23 novembre 2023 notifiant aux parties la date de l'audience du 28 février 2024 ;

Vu les articles 149 et suivants et R26 du code de procédure pénale ;

EXPOSÉ DE LA CAUSE

Monsieur [P] [R] sollicite la réparation de sa détention provisoire du 29 juillet 2021 au 9 septembre 2021 à la maison d'arrêt des [6].

Il sollicite dans sa requête les sommes suivantes :

25 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2 760 euros en réparation de son préjudice matériel dont 1 000 euros de remboursement des frais de défense pénale ;

1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions reçues le 28 février 2024, l'agent judiciaire de l'Etat sollicite une réparation du préjudice moral à hauteur de 7 000 euros. Il fait valoir que le requérant vivait en concubinage, sans enfants et avait déjà été incarcéré ce qui permet de relativiser le choc carcéral subi. Il ajoute que l'absence du requérant lors de la naissance de ses enfants constitue un facteur d'aggravation du préjudice moral. S'agissant des conditions de détention, il relève qu'en l'espèce, le requérant n'apporte aucun élément permettant de singulariser ses conditions de détention propres. Au titre du préjudice matériel, l'agent judiciaire de l'Etat juge recevable la demande d'indemnisation du requérant au titre d'une perte de chance d'exercer une activité professionnelle et de percevoir une rémunération mais réserve sa proposition d'indemnisation à la communication de documents permettant de calculer l'étendu de ce préjudice. Il reconnait que la détention injustifiée a injustement privé le requérant de sa rémunération mais qu'il ne fournit aucun élément permettant de calculer ce manque à gagner. Il ajoute qu'il appartient à la partie qui demande l'indemnisation d'un préjudice d'en établir l'existence et l'étendue. Concernant la demande de remboursement des frais de défense pénale, l'agent judiciaire de l'Etat constate que le requérant ne communique aucune facture et conclut au rejet du remboursement des frais d'avocat. Enfin, il s'en remet à l'appréciation du premier président concernant la somme demandée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions en date du 23 janvier 2024, le procureur général conclut à la recevabilité de la requête et s'en rapporte à l'appréciation du premier président s'agissant du montant de la réparation du préjudice moral subi. Il précise que le choc carcéral du requérant doit être relativisé compte tenu de ses précédentes incarcérations. Il ajoute que le fait pour le requérant de n'avoir pas pu soutenir sa compagne lors de son hospitalisation et de n'avoir pas pu assister à la naissance de ses filles constitue un facteur d'aggravation du préjudice moral. Au titre du préjudice matériel, le procureur général conclut à l'indemnisation du préjudice financier pour la perte de chance d'exercer une activité professionnelle et de percevoir des ressources pendant une période de 42 jours sous réserve de la production de pièces permettant le calcul du préjudice et conclut au rejet de l'indemnisation des frais d'avocat. Enfin, il sollicite la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la requête

Aux termes des articles 149, 149-1, 149-2 et R26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive a droit, à sa demande, à réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention.

La requête en indemnisation doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée, et toutes indications utiles prévues à l'article R26. Elle doit être présentée au premier président de la cour d'appel dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement acquiert un caractère définitif.

La requête, respectant en tous points les conditions posées par ces articles, est recevable.

Sur le préjudice moral

Monsieur [P] [R] a été incarcéré 42 jours alors qu'il était âgé de 43 ans.

La séparation avec les proches étant inhérente à la détention, elle ne peut faire l'objet d'un facteur d'aggravation du choc carcéral et donc du préjudice moral subi. Cependant, la réparation du préjudice moral peut tenir compte de certains facteurs personnels et familiaux tels que le fait pour le requérant de ne pas pouvoir assister à la naissance d'un enfant ou de ne pas pouvoir soutenir sa compagne lors d'une hospitalisation.

En l'espèce, le requérant produit un certificat du service gynécologique du centre hospitalier de [Localité 5] attestant de l'hospitalisation de sa compagne, ainsi que les actes de naissance de ses deux filles, lorsqu'il était placé en détention provisoire. La détention provisoire a ainsi eu d'importantes conséquences sur la vie familiale du requérant.

Le requérant sera donc indemnisé sur ce chef.

La somme de 10 000 euros paraît proportionnée eu égard à la période de détention injustifiée et à la prise en compte d'un facteur d'aggravation du préjudice moral subi. Il convient donc d'allouer à monsieur [P] [R] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Sur le préjudice matériel 

Sur la perte de chance d'exercer une activité professionnelle et de percevoir une rémunération

La perte de revenus tirés de l'exploitation d'une société ainsi que la perte de chance de percevoir des salaires sont réparables. Toutefois, il appartient à la partie qui demande l'indemnisation d'un préjudice d'en établir l'existence et l'étendue.

En l'espèce, le requérant ne justifie pas qu'il exerçait une activité professionnelle antérieure qui avait cessé du fait de la détention provisoire et il ne fournit aucun document, ni bilan, ni feuille d'imposition, permettant d'évaluer son préjudice matériel.

Le requérant sera donc débouté sur ce chef.

Sur les frais de défense pénale

Seules sont indemnisées les prestations directement liées à la privation de liberté dès lors qu'elles sont à la charge du requérant et à la condition qu'il fournisse une facture d'honoraires énumérant de façon détaillée les prestations effectuées pour obtenir sa libération ainsi que leur coût, notamment les visites à l'établissement pénitentiaire, les diligences effectuées pour faire cesser la détention par des demandes de mise en liberté.

En l'espèce, le requérant ne produit aucune facture permettant d'établir la réalité des frais engagés.

Le requérant sera donc débouté sur ce chef.

Ainsi, le requérant sera débouté de sa demande d'indemnisation de son préjudice matériel.

Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge du requérant les sommes qu'il a dû engager dans le cadre de la présente procédure. Il convient donc de lui allouer la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance contradictoire,

DÉCLARONS recevable la requête de monsieur [P] [R] ;

DÉBOUTONS monsieur [P] [R] de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel ;

ALLOUONS à monsieur [P] [R] :

La somme de DIX MILLE EUROS (10 000 euros) en réparation de son préjudice moral ;

La somme de MILLE DEUX CENTS EUROS (1 200 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSONS les dépens de la présente procédure à la charge de l'agent judiciaire de l'Etat.

Prononcé par mise à disposition de notre ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées selon les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

ET ONT SIGNÉ LA PRÉSENTE ORDONNANCE

Jean-François BEYNEL, premier président de la cour d'appel de Versailles

Rosanna VALETTE, greffier

LE GREFFIER LE PREMIER PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-7
Numéro d'arrêt : 23/03380
Date de la décision : 24/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-24;23.03380 ?
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