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06/04/2024 | FRANCE | N°24/02145

France | France, Cour d'appel de Versailles, Chambre civile 1-7, 06 avril 2024, 24/02145


COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7







Code nac : 14H





N° 84



N° RG 24/02145 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WOL6



















Du 06 AVRIL 2024































ORDONNANCE



LE SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE



A notre audience publique,



Nous, Laurent BABY, Conseiller à la cour d'appel de Versa

illes, délégué par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Isabelle FIORE, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :



ENTRE :



Monsieur [I] [B]

né le 2...

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre civile 1-7

Code nac : 14H

N° 84

N° RG 24/02145 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WOL6

Du 06 AVRIL 2024

ORDONNANCE

LE SIX AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

A notre audience publique,

Nous, Laurent BABY, Conseiller à la cour d'appel de Versailles, délégué par ordonnance de monsieur le premier président afin de statuer dans les termes de l'article L 743-21 et suivants du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Isabelle FIORE, Greffier, avons rendu l'ordonnance suivante :

ENTRE :

Monsieur [I] [B]

né le 21 Décembre 1997 à [Localité 3] (MAROC)

de nationalité Marocaine

assisté de Me Anna LAUV, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 327

assisté de Monsieur [N] interprête assermenté en langue arabe

DEMANDEUR

ET :

Préfecture des Yvelines représentée par Me Heloïse HACKER de la SELARL CENTAURE AVOCATS avocat au barreau de PARIS

DEFENDEUR

Et comme partie jointe le ministère public absent

Vu les dispositions des articles L. 742-1 et suivants et R. 743-10 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'extrait individualisé du registre prévu par l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'obligation de quitter le territoire français notifiée par le préfet de Seine-Saint-Denis le 19 novembre 2023 à M. [B] ;

Vu l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 3 avril 2024 portant placement de l'intéressé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 48 heures, notifiée le 4 avril 2024 à 9 h 44 à M. [B] ;

Vu la requête en contestation du de la décision de placement en rétention du 4 avril 2024 par M. [B] (dossier ouvert sous le numéro de RG 24/851) ;

Vu la requête de l'autorité administrative en date du 4 avril 2024 tendant à la prolongation de la rétention de M. [B] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 28 jours (dossier ouvert sous le numéro de RG 24/852) ;

Le 5 avril 2024, M. [B] a relevé appel de l'ordonnance prononcée à distance avec l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle par le juge des libertés et de la détention de Versailles le 5 avril 2024 à 14h02, qui lui a été notifiée le même jour à 14h50 , et par laquelle le juge des libertés et de la détention a ordonné la jonction de la procédure sous le numéro de répertoire général RG 24/851 avec la procédure suivie sous le numéro de répertoire général RG 24/852, rejeté le moyen d'irrégularité, rejeté la requête en contestation de la décision de placement en rétention administrative, déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable, déclaré la procédure diligentée à l'encontre de M. [B] régulière et ordonné la prolongation de la rétention de M [B] pour une durée de vingt-huit jours à compter du 6 avril 2024 à 9h44.

Il sollicite, dans sa déclaration d'appel, l'annulation de l'ordonnance, subsidiairement, sa réformation et la fin de la rétention. A cette fin, il soulève :

. la violation de l'article L. 141-3 du CESEDA,

. l'absence de diligences de l'administration.

Il expose que lors de la notification de son arrêté de placement en rétention, il n'a pas été assisté d'un interprète ; qu'or, il maîtrise très mal le français, notamment lorsqu'il s'agit de termes complexes de telle sorte qu'il aurait dû être assisté d'un interprète en langue arabe comme ce fut le cas lors de la notification de son OQTF ainsi que de ses droits en rétention à son arrivée au CRA de [Localité 2].

En ce qui concerne les diligences de l'administration, M. [B] soutient qu'il est placé en rétention depuis le 4 avril 2024 et que l'administration ne démontre pas avoir effectué les diligences en vue de son éloignement.

Les parties ont été convoquées en vue de l'audience devant la cour d'appel de Versailles qui s'est tenue le 6 avril 2024 à 14h00.

A l'audience, le conseil de M. [B] a soutenu les moyens développés dans la déclaration d'appel.

Le conseil de la préfecture s'est opposé aux moyens soulevés et a demandé la confirmation de la décision entreprise, en faisant valoir qu'il est douteux que M. [B] ne parle pas le français alors qu'il est en France depuis 2020 et que des éléments du dossier montrent qu'il y a également résidé à partir de 2017. Il estime que l'administration rapporte la preuve des diligences qu'elle a effectuées en vue de mettre en 'uvre une mesure d'éloignement de M. [B].

Entendu en dernier, M. [B] a indiqué ne pas comprendre pourquoi il était en centre de rétention et fait valoir que dès qu'il sortirait du centre de rétention administrative, il quitterait la France.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

En vertu de l'article R. 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président dans les 24 heures de son prononcé, ce délai courant à compter de sa notification à l'étranger lorsque celui-ci n'assiste pas à l'audience. Le délai ainsi prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du code de procédure civile.

L'article R 743-11 du même code prévoit qu'à peine d'irrecevabilité, la déclaration d'appel est motivée.

En l'espèce, l'appel a été interjeté dans les délais légaux et il est motivé. Il doit être déclaré recevable.

Sur l'irrégularité de la notification de l'arrêté de placement en rétention administrative

L'article L. 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que lorsque les dispositions du présent code prévoient qu'une information ou qu'une décision doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits dans cette langue, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur une liste établie par le procureur de la République ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger.

La cour relève en l'espèce que l'obligation faite à M. [B] de quitter le territoire français et l'espace Schengen, découlant de l'arrêté du préfet de Seine-Saint-Denis du 19 décembre 2023, lui a été notifié le jour même. L'arrêté en question, produit au dossier, montre que M. [B] l'a signé et paraphé, étant précisé qu'il a également été signé par un interprète en langue arabe (cf. OQTF du 19 décembre 2023 page 4). M. [B] savait donc depuis le 19 décembre 2023, quoi qu'il le nie à l'audience, qu'il devait quitter le territoire français.

En ce qui concerne l'arrêté de placement en rétention administrative par le préfet des Yvelines, cet arrêté a été notifié à l'intéressé le 4 avril 2024 à 9h44. Ainsi que le soutient à juste titre M. [B], cet arrêté ne lui a pas été notifié en langue arabe même s'il a reconnu avoir reçu notification de la décision en signant à cet effet.

La cour relève toutefois qu'un document relatif à ses droits au centre de rétention lui a été remis en même temps que lui a été notifié l'arrêté de placement en rétention. De ce document, il ressort notamment que M. [B] était avisé de ce qu'il avait « la possibilité de contacter toutes les organisations et instances nationales, internationales et non gouvernementales de [son] choix (...) » dont une liste était dressée. Or, il apparaît que M [B] a eu la possibilité de contacter une de ces organisations puisque l'une d'elles (France Terre d'Asile ainsi qu'il ressort des débats à l'audience) l'a aidé à rédiger sa requête en contestation de son placement en rétention administrative ' ainsi d'ailleurs que sa déclaration d'appel ' de telle sorte que, dans les faits, M. [B] a pu mettre en 'uvre le droit de contester son placement en rétention administrative.

En outre, M. [B] s'est vu notifier une notice d'« information des étrangers sur leurs droits » qu'il a signée, qui était rédigée en langue arabe et qui a été lue par un interprète en langue arabe qu'il comprend.

Enfin, ainsi que l'a relevé avec pertinence le premier juge, la fiche pénale de M. [B], qui a été incarcéré au centre pénitentiaire de [Localité 1] jusqu'au 4 avril 2024 à 9h44 (heure de la levée d'écrou), montre que sa « langue parlée principale » est le français de sorte que cette langue est bien une « langue qu'il comprend » au sens de l'article L. 141-3 susvisé.

Dès lors, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a rejeté le moyen ici examiné.

Sur l'insuffisance des diligences de l'administration

Aux termes de l'article L. 741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ.

Si l'intéressé ne présente ni passeport ni garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables à une assignation à résidence, il importe de permettre à l'autorité administrative d'effectuer toutes démarches utiles auprès des autorités consulaires compétentes de façon à mettre en 'uvre la décision de reconduite à la frontière qui a été prise.

En l'espèce, M. [B] a été placé en rétention le 4 avril 2024 à sa sortie de prison.

Il ressort de l'arrêté de placement en rétention administrative que « l'intéressé n'a à aucun moment remis à un service de police ou de gendarmerie l'original de son passeport en cours de validité contre récépissé valant justification d'identité » et qu'il ne justifiait d'aucune adresse fixe et fiable.

Lors de l'audience, M. [B] a confirmé n'avoir aucun document d'identité.

Il est justifié par la préfecture que le 4 avril 2024 à 14h53, elle a, par courriel, présenté au consulat du Maroc une « demande de saisine consulaire concernant M. [B] [I] né le 21/12/1997 à [Localité 3] au Maroc, de nationalité marocaine ». Par cette demande, le consul général du Maroc a été informé que le préfet des Yvelines avait transmis une demande d'identification par empreintes digitales aux autorités centrales marocaines pour M. [B]. Cette mesure se justifie par le fait que M. [B] n'a remis aux autorités aucun document d'identification.

Par ailleurs, les services préfectoraux justifient d'une demande de routing d'éloignement de M. [B] dont il a été accusé réception le 4 avril 2024 à 12h28 par le ministère de l'intérieur, montrant qu'est envisagé son éloignement par vol commercial à partir du 16 mai 2024 (« première dispo »).

L'administration justifie ainsi avoir effectué des démarches utiles auprès des autorités consulaires compétentes de façon à mettre en 'uvre la décision de reconduite à la frontière qui a été prise.

Le moyen, nouveau en cause d'appel mais recevable, est donc infondé.

En conséquence, il y a lieu de confirmer l'ordonnance dans son intégralité.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare le recours recevable en la forme,

Rejette le moyen tiré d'un défaut de diligences de l'administration,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Fait à VERSAILLES le 6 avril 2024 à 15 h 30

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Pour information:

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie de la présente décision et notification de ce qu'elle est susceptible de pourvoi en cassation dans un délai de 2 mois selon les modalités laissée ci-dessous.

l'intéressé, l'interprète, l'avocat

POUR INFORMATION : le délai de pourvoi en cassation est de DEUX MOIS à compter de la présente notification.

Article R 743-20 du CESEDA :

' L'ordonnance du premier président de la cour d'appel ou de son délégué n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui l'a placé en rétention et au ministère public. '.

Articles 973 à 976 du code de procédure civile :

Le pourvoi en cassation est formé par déclaration au greffe de la Cour de Cassation, qui est signée par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ;

La déclaration est remise au secrétariat-greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de défendeurs, plus deux ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : Chambre civile 1-7
Numéro d'arrêt : 24/02145
Date de la décision : 06/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-06;24.02145 ?
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