COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 63B
DU 11 JUILLET 2023
N° RG 21/05127
N° Portalis DBV3-V-B7F-UWCP
AFFAIRE :
S.A.S. PJB
C/
[D] [C]
MMA IARD ...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Philippe MIRABEAU,
-Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 23 mai 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
S.A.S. PJB, exerçant sous l'enseigne 'ALFRED'CAFÉ'
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 794 418 780
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Philippe MIRABEAU, avocat - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 716
APPELANTE
****************
Maître [D] [C]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Compagnie d'assurance MMA IARD ASSURANCES MUTUELLE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social en cette qualité
N° SIRET : 775 65 2 1 26
[Adresse 1]
[Localité 4]
S.A. MMA IARD
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : 440 04 8 8 82
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentées par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21339
Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [T] a été embauché le 24 septembre 2007 par contrat à durée indéterminée à temps complet de 39 heures en qualité de commis de cuisine par Mme [K] qui exploitait sous l'enseigne « Café l'An 2000 » un fonds de commerce à [Localité 6] et y exerçait une activité principale de restauration.
Le 9 septembre 2013, son contrat de travail a, conformément à l'article L 1224-1 du code du travail, été transféré à la SAS PJB (ci-après la « société PJB ») à l'occasion de la cession de ce fonds de commerce à son profit.
Toutefois, cette dernière licenciait M. [T] pour faute le 4 décembre 2013 en raison de son refus d'accepter un changement de ses horaires de travail.
Par jugement du 26 mars 2018, le conseil de prud'hommes de Nanterre saisi par M. [T] a jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné la SAS PJB à lui payer 6000 euros à titre de dommages et intérêts, outre une indemnité de préavis et les frais irrépétibles.
La SAS PJB a interjeté appel de cette décision devant la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée le 20 avril 2018. Mme [D] [C], avocate au barreau de Versailles, a été chargée, en tant que postulante, de notifier les conclusions d'appel.
Par ordonnance du 13 septembre 2018, le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de la déclaration d'appel faute pour la société PJB d'avoir remis au greffe ses conclusions dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile.
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier de justice des 28 janvier et 3 février 2020, la société PJB a assigné Mme [C], ainsi que les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d'engager sa responsabilité civile professionnelle et d'obtenir réparation du préjudice subi.
Par un jugement rendu le 22 juillet 2021 le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Rejeté l'intégralité des demandes de la SAS PJB,
- Rejeté les demandes des parties au titre des frais irrépétibles,
- Condamné la SAS PJB à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par la SCP Interbarreaux Raffin et Associés.
La SAS PJB a interjeté appel de ce jugement le 5 août 2021 à l'encontre de Mme [C], la mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles et la mutuelle MMA Iard.
Par conclusions notifiées le 7 mars 2022, la société PJB demande à la cour, au fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
- Déclarer recevable et bien fondée la SAS PJB en son appel du jugement rendu le 22 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre, y faisant droit : réformer,
- Déclarer bien fondée la SAS PJB en toutes ses demandes,
- Condamner solidairement Me [C], MMA Iard Assurances Mutuelles et MMA Iard au versement de 8686,54 euros au titre de la perte de chance d'obtenir la réformation du jugement, soit 80% de la somme de 10 858,18 euros à laquelle la SAS PJB a été condamné en première instance outre les 1.980 euros correspondant aux frais d'avocat exposés à perte par la société PJB,
- Les condamner à régler la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
- Débouter les intimés de l'intégralité de leurs demandes.
En tout état de cause, les condamner au paiement d'une indemnité de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 30 septembre 2022, Mme [C], la mutuelle MMA Iard et la mutuelle Iard Assurances Mutuelles demandent à la cour, au fondement de l'article 1231-1 du code civil, de :
- Réformer le jugement en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de Me [C],
- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la perte de chance alléguée par la société PJB était inexistante,
- Débouter la société PJB de l'intégralité de ses demandes.
Y ajoutant,
- Condamner la société PJB à payer aux sociétés MMA Iard SA et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société PJB aux entiers dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 janvier 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.
Sur la responsabilité civile professionnelle de Mme [C]
La cour constate qu'en dépit de la motivation très claire et très pédagogique du jugement sur ce point, l'appelante ne fonde pas sa demande sur les textes afférents à la responsabilité contractuelle mais, à tort, sur ceux relatifs à la responsabilité délictuelle.
C'est pourtant à bon droit que, constatant que Mme [C] était investie d'un mandat de postulation emportant mission de représentation et d'assistance, les premiers juges ont, en application des articles 12 et 16 du code de procédure civile, restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, et retenu que la responsabilité de Mme [C] ne pouvait être engagée qu'au fondement des articles 1147, 1149 et 1150 (devenus 1231-1 à 3) du code civil, relatifs à la responsabilité contractuelle.
C'est d'ailleurs ce qu'a exactement retenu l'intimé.
L'article 1231-1 du code civil dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article 1231-2 du code civil précise que les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.
Il appartient donc à la société PJB de démontrer la faute (inexécution ou mauvaise exécution du mandat) et le préjudice directement causé par cette faute.
Sur la faute
Le jugement du 22 juillet 2021 a retenu que Mme [C] avait commis une faute en ne transmettant pas les conclusions de l'appelant dans le délai imparti, alors qu'elle avait la charge, en qualité d'avocat postulant, de notifier ces écritures. Il a également considéré qu'elle ne démontrait pas une remise au greffe au sens de l'article 908 du code de procédure civile, ni la difficulté informatique insurmontable qu'elle allègue.
Moyens des parties
La société PJB, au fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, poursuit l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation. Elle considère que Mme [C], avocat postulante devant la chambre sociale de la cour d'appel de Versailles, a commis une faute en ne remettant pas au greffe, dans le délai prévu à l'article 908 du code de procédure civile, les conclusions d'appelant qui lui avaient été transmises par l'avocat plaidant le 27 juin 2018.
Mme [C], les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, demandent, au fondement de l'article 1231-1 du code civil, la réformation du jugement en ce qu'il a retenu que Mme [C] avait commis une faute. Elles font valoir que les conclusions ont été notifiées via le réseau privé virtuel avocats (RPVA) le 2 juillet 2018 et qu'elles ont également été notifiées au défenseur syndical le 6 juillet 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception. Elles prétendent que les conclusions n'ont pas été réceptionnées par le greffe en raison d'un problème informatique, présentant les caractéristiques d'une force majeure, et qu'aucun message d'erreur n'a été reçu. Elles en déduisent que Mme [C] n'a commis aucune faute.
Appréciation de la cour
L'article 908 du code de procédure civile dispose qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
En l'espèce, il est constant que les conclusions d'appelant n'ont pas été réceptionnées par le greffe de la chambre sociale de la cour d'appel dans le délai de trois mois, à compter de la déclaration d'appel du 20 avril 2018 (soit avant le 20 juillet 2018).
Force est de constater qu'une transmission au défenseur syndical le 6 juillet 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception n'est pas de nature à remplir la condition posée par l'article 908 du code de procédure civile.
Par ailleurs, la seule mention « signifiées le : 02/07/2018 » apposées par l'avocat lui-même ne saurait constituer une preuve de remise au greffe (pièce 1 de l'intimée).
Enfin, Mme [C] ne démontre pas l'erreur informatique qu'elle allègue, aucune pièce extraite du RPVA n'étant produite.
Il est donc établi que les conclusions d'appelant n'ont pas été transmises dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel, alors qu'il incombait à Mme [C], en tant qu'avocat postulante, de le faire. C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu qu'elle avait commis une faute.
Le jugement sur ce point sera confirmé.
Sur le préjudice et le lien de causalité
Le jugement du 22 juillet 2021 a rejeté les demandes d'indemnisation de la société PJB aux motifs que si la faute était établie, la perte de chance d'obtenir une infirmation de la décision du conseil de prud'hommes de Nanterre était nulle.
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes d'indemnisation, la société PJB soutient que la faute de Mme [C] lui a directement fait perdre une chance d'obtenir l'infirmation du jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre et sollicite la condamnation solidaire de Mme [C] et de ses assureurs à lui verser : 8 686,54 euros au titre de la perte de chance d'obtenir la réformation du jugement, 1 980 euros correspondant « aux frais d'avocat exposés à perte » et 5000 euros au titre du préjudice moral.
Reprenant l'intégralité de ses conclusions destinées à la chambre sociale de la cour, elle considère que les nouveaux horaires de M. [T] s'analysent en un simple changement des conditions de travail, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, qui s'imposait à M. [T]. Elle précise que les changements d'horaires relevaient de la stratégie de la société, et ne répondaient pas à des difficultés économiques. Elle en déduit que le licenciement de M. [T], qui ne s'est pas présenté à son poste aux nouveaux horaires, reposait sur une cause réelle et sérieuse et qu'il devait être débouté, en conséquence, de ses demandes indemnitaires.
Selon elle, « quelque (sic) soit l'appréciation qui peut être faite par la juridiction des chances de succès du recours, l'absence totale d'indemnisation retenue par le tribunal judiciaire de Nanterre n'est conforme ni au texte ni à la jurisprudence ».
Elle explique son préjudice moral par le stress occasionné par l'anéantissement de tout espoir de voir réformer le jugement et les différentes procédures mises en 'uvres contre elle.
Poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a considéré que la perte de chance était inexistante, Mme [C], les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, demandent, au fondement de l'article 1231-1 du code civil, le rejet des demandes d'indemnisation de l'appelante.
Elles font valoir que la perte de chance alléguée est inexistante car, selon elles, le jugement du conseil de prud'hommes, conforme à la jurisprudence établie et constante de la Cour de cassation, n'avait aucune chance d'être réformé. Elles rappellent que si en théorie le changement des horaires de travail est considéré comme relevant du pouvoir de direction de l'employeur, il est considéré comme une modification du contrat de travail, exigeant l'accord du salarié, lorsque les horaires de travail étaient contractualisés et qu'il est opéré un bouleversement de ceux-ci tel que le passage d'un horaire continu à un horaire discontinu, d'un horaire de jour à un horaire de nuit (ou inversement), la privation du repos dominical.
Elles soutiennent qu'en l'espèce, M. [T] est passé d'un horaire fixe et continu (8h-16h) à des horaires discontinues et en partie la nuit (9h-14h30 et 19h-22h30), avec seulement deux week-ends par mois garanties soit un dimanche sur deux travaillé, ce qui constitue un bouleversement de son contrat de travail qui nécessitait donc son accord, de sorte que le licenciement était nécessairement sans cause réelle et sérieuse. Elles en déduisent que la cour d'appel de Versailles, si elle avait été amenée à statuer, aurait nécessairement confirmé le jugement et que les chances d'aboutir à une infirmation étaient inexistantes.
Sur la demande de remboursement des honoraires d'avocat, elles font valoir qu'en l'absence de factures versées au débat, la société PJB ne justifie pas d'un préjudice indemnisable.
Elles ajoutent que le préjudice moral allégué n'est pas imputable à Mme [C] mais à une décision judiciaire devenue exécutoire, et que, par ailleurs, la société PJB n'apporte aucune preuve d'une prétendue atteinte à son image et à sa réputation.
Appréciation de la cour
Lorsque le dommage directement causé par la faute de l'avocat consiste en la disparition de la possibilité d'un événement favorable, sa réparation ne peut être accordée qu'au titre d'une perte de chance, entendue comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable, qui doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Il appartient à celui qui s'en prévaut d'établir un lien de causalité direct entre la perte de chance alléguée et la faute.
La perte de chance subie par le justiciable qui a été privé de la possibilité de faire valoir ses droits par la faute d'un avocat, se mesure donc à la seule probabilité de succès de la diligence omise.
Il incombe à la société PJB de démontrer qu'une action devant la chambre sociale de la cour d'appel de Versailles avaient des chances certaines, mêmes faibles, de prospérer. Il est dès lors nécessaire pour ce faire de reconstituer la discussion qui aurait pu avoir lieu devant ces juridictions.
Ainsi que l'ont exactement et très clairement rappelé les premiers juges, le changement des horaires de travail doit être considéré comme une modification du contrat de travail, et non comme relevant du pouvoir de direction de l'employeur, dès lors que, par son ampleur ou sa nature, il entraîne un bouleversement du travail du salarié.
Ainsi la jurisprudence a considéré qu'un simple changement d'horaire en journée sans modification de la durée du travail, ou le fait de travailler le samedi matin au lieu du lundi matin en l'absence de clause contractuelle excluant le travail du samedi, relevaient du pouvoir de direction de l'employeur et n'exigeaient pas l'accord du salarié.
A l'inverse, en cas d'horaires contractualisées, le passage d'un horaire fixe à un horaire variable, d'un horaire continu à un horaire discontinu, d'un horaire de jour à un horaire de nuit (ou inversement) ou encore la privation du repos dominical constituent des modifications du contrat de travail qui nécessitent l'accord du salarié.
En l'espèce, c'est par d'exacts motifs, précis et circonstanciés, adoptés par la cour, que le tribunal a considéré que le recours de la société PJB n'avait aucune chance de succès et que le changement d'horaires imposé à M. [T] constituait une modification du contrat de travail exigeant l'accord du salarié.
Les horaires de M. [T] entre 2007 et 2013 étaient de 8h à 16h du lundi au vendredi. Ces horaires, exécutés de façon constante, régulière et paisible pendant six années, doivent être analysés comme étant contractualisés.
Le changement d'horaires envisagé consistait à travailler de 9h à 14h30 et de 19h à 22h30, avec deux jours de repos consécutifs par semaine mais un week-end sur deux travaillé.
Pour démontrer que le changement d'horaire imposé à M. [T] relevait du pouvoir de direction de l'employeur, la société PJB reprend dans leur intégralité les conclusions qu'elle envisageait de notifier au greffe de la chambre sociale de la cour.
Force est de constater que les jurisprudences qu'elle cite n'ont rien à voir avec l'ampleur des modifications d'horaires imposées à M. [T] :
Soc., 13 décembre 2000, n°98-42.598 : dans cette espèce, il était demandé au salarié de travailler certains jours jusqu'à 19 heures au lieu de 16, 17, 18 ou 18 heures 30, ce changement étant intervenu à la demande d'une autre salariée ayant un enfant scolarisé ;
Soc., 6 octobre 2004, n°02-43.488 : dans cette espèce relative à un contrat à durée déterminée saisonnier, le changement d'horaire consistait à une nouvelle répartition de l'horaire au cours de la journée, alors que la durée de travail et la rémunération restaient identiques ;
Soc., 27 juin 2001, n°99-42.462 : ici, l'employeur, demandait aux salariés de travailler le samedi matin, jour ouvrable, au lieu du lundi matin ;
Soc., 6 mai 2009, n°07-41.766 : ici, il était demandé à la salariée de venir travailler la journée du samedi, à défaut de clause contractuelle excluant le travail le samedi, ce changement des conditions de travail étant décidé dans l'intérêt de l'entreprise.
Ces changements, par leur ampleur relative, ne modifient pas un élément essentiel du contrat de travail.
A l'inverse, le changement d'horaire imposé à M. [T] revenait à le priver du repos dominical deux fois par mois, et à passer d'un horaire continu à un horaire discontinu. Or, selon une jurisprudence constante et établie, ces bouleversements caractérisent, en raison de leur ampleur et de leur nature, une modification du contrat de travail requérant l'accord du salarié (Soc., 18 décembre 2000, n°98-42.885 ; Soc., 3 novembre 2011, n°10-30.033 ; Soc. 2 mars 2011 n°09-43.223 ; Soc., 5 juin 2013, n°12-12.953).
Dès lors, le recours de la société PJB n'avait aucune chance de succès, la perte de chance alléguée est en réalité nulle (perte d'une chance de 0%) car la cour aurait nécessairement confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté les demandes indemnitaires de la société PJB, aucune perte de chance certaine n'étant démontrée.
La demande de remboursement des frais d'avocat, exposés par la seule volonté de la société PJB et, au demeurant, non justifiés, sera rejetée.
De même, la société PJB invoque, pour expliciter son préjudice moral, le « stress occasionné par l'anéantissement de tout espoir de voir réformer le jugement et les différentes procédures mises en 'uvre contre elle ». Ainsi que l'ont exactement considéré les premiers juges, le recours n'avait aucune chance d'aboutir de sorte que la désillusion trouve sa cause non dans la faute mais dans l'impossible infirmation du jugement et les procédures mises en 'uvre résultent quant à elle de la condamnation prononcée. La demande au titre du préjudice moral doit donc également être rejetée.
Dès lors le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'intégralité des demandes indemnitaires de la société PJB.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, la société PJB sera condamnée aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société PJB aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Sixtine DU CREST, conseiller, pour la présidente empêchée, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller,