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06/07/2023 | FRANCE | N°23/00472

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 06 juillet 2023, 23/00472


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80B



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 23/00472 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VV4J



AFFAIRE :



[J] [B]





C/



S.A.R.L. SFTT









Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 25 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : I

° RG : 18/00814



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nadia TIAR



Me Sandra POUILLEY







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80B

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 23/00472 - N° Portalis DBV3-V-B7H-VV4J

AFFAIRE :

[J] [B]

C/

S.A.R.L. SFTT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 25 Février 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : I

N° RG : 18/00814

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nadia TIAR

Me Sandra POUILLEY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [B]

né le 10 Juillet 1955 à LAOS

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par : Me Nadia TIAR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0513

APPELANT

****************

S.A.R.L. SFTT

N° SIRET : 380 57 5 5 22

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par : Me Sandra POUILLEY, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P107

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [B] a été engagé en qualité de technicien télécom, par la société française de télécommunication et de transmission (ci-après 'SFTT'), d'abord selon contrat de travail à durée déterminée du 6 janvier 2014 au 31 juillet 2014, puis selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er août 2014.

L'entreprise, qui est spécialisée dans l'installation de matériel de téléphonie et de fibre optique intervenait comme sous-traitante de sociétés telles qu'Orange ou France Télécom et ce par le biais de la société Circet, employait moins de onze salariés et relevait de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.

Suite au décès du gérant de la société SFTT, [D] [K], survenu le 21 décembre 2015, l'assemblée générale a désigné son fils, M. [O] [K], pour le remplacer le 7 janvier 2016.

Convoqué le 30 juin 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique, fixé au 7 juillet suivant, M. [B] a été informé le 11 juillet 2017 de l'impossibilité d'un reclassement compte tenu de la suppression de son poste en raison de la cessation d'activité de l'entreprise.

Par lettre datée du 13 juillet 2017, M. [B] a été licencié pour les motifs suivants :

« A la suite de notre entretien du 7 juillet 2016, nous sommes au regret de vous informer que nous sommes dans l'obligation de poursuivre notre projet de licenciement économique à votre égard.

Comme nous vous l'avons indiqué lors de cet entretien, votre emploi est supprimé pour les motifs économiques suivants :

-Cessation d'activité.

Dans le cadre de cette procédure, nous vous avons proposé le bénéfice d'un contrat de sécurisation professionnelle. Le délai de réflexion expire le 28 juillet 2016. Vous avez donc jusqu'à cette date pour accepter ou refuser le CSP proposé.

A l'issue de votre contrat, vous recevrez une indemnité égale à l'indemnité de licenciement conventionnelle.

Votre préavis de 2 mois débutera à la date de 1ère présentation de la présente. Si vous acceptez le CSP, vous quitterez l'entreprise le 28 juillet 2016, dans ce cas, les droits seront versés à l'Assedic.

Si vous le refusez, vous effectuerez votre préavis de 2 mois jusqu'à son terme, soit jusqu'au 12 septembre 2016.

Nous vous rappelons qu'à compter de la rupture de votre contrat de travail, vous pouvez bénéficier de la portabilité de la garantie de prévoyance, sous réserve que les conditions d'ouverture des droits prévues à l'article L. 911-8 du code de la sécurité sociale soient respectées.

Au terme de votre contrat, nous tiendrons à votre disposition votre attestation Pôle emploi, votre certificat de travail et votre solde de tout compte. »

Contestant son licenciement, M. [B] a saisi, le 9 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Montmorency aux fins d'entendre juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de 20 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive et 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 25 février 2020, notifié le 5 mars 2020, le conseil a jugé M. [B] mal fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions, l'a débouté de l'intégralité de ses prétentions, a débouté la société SFTT de l'intégralité de sa demande reconventionnelle et a laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 3 avril 2020, M. [B] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Radiée le 17 mai 2022, l'affaire a été réinscrite au rôle le 15 février 2023 à la demande de l'appelant.

Par ordonnance rendue le 11 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 17 mai 2023.

' Selon ses dernières conclusions notifiées le 17 avril 2023, M. [B] demande à la cour de réformer le jugement rendu le 25 février 2020, l'infirmant totalement et statuant à nouveau de :

Juger que le licenciement économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamner la société SFTT au paiement des sommes suivantes :

- 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail

- 3 500 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les intérêts au taux légal

- les dépens d'instance dont les frais de l'assignation devant la cour soit 250 euros.

' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 10 mai 2023, la société française de télécommunication et de transmission demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que M. [B] est mal fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions et l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,

Réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau :

À titre principal :

Juger que le motif économique de cessation d'activité est parfaitement démontré,

Juger que la Société SFTT a parfaitement respecté son obligation de reclassement,

Débouter en conséquence M. [B] de ses demandes indemnitaires à ce titre,

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, ramener à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts alloués à ce dernier ;

En tout état de cause,

Dans l'hypothèse où la cour considérerait que les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formulées par M. [B] sont fondées, juger que les dommages et intérêts alloués à ce titre s'entendent comme des sommes brutes avant précompte de la CSG et CRDS et des éventuelles cotisations sociales ;

Débouter M. [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [B] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur le motif économique :

Conformément aux dispositions de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2008-596 du 25 juin 2008, applicable à la date du licenciement de M. [B], constitue un licenciement pour motif économique celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques, à une réorganisation de l'entreprise ou à une cessation d'activité.

La cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable de l'employeur, la réalité du motif du licenciement s'appréciant à la date de son prononcé.

Il importe peu que les opérations de liquidation amiable de la société et de radiation du registre du commerce n'ont pas été engagées concomitamment à l'engagement de la procédure de licenciement, dès lors qu'il est établi par les pièces communiquées par la société intimée que celle-ci n'a effectivement plus d'activité depuis le second semestre 2016.

C'est ainsi qu'il ressort des pièces comptables communiquées par la société intimée, que le chiffre d'affaires 2016 a été divisé par 2 par rapport à l'année 2015 et que la société n'a enregistré aucune activité en 2017, 2018 jusqu'au 30 octobre 2019, date à laquelle l'assemblée générale a décidé la dissolution de la société, M. [O] [K] étant désigné liquidateur amiable.

Ces pièces comptables qui démontrent la cessation complète et définitive de toute activité concomitante à la rupture du contrat de travail de M. [B], ne sont pas utilement critiqués par l'appelant qui se borne à invoquer sa pièce n°7, qui consiste simplement en la correspondance datée du 11 juillet 2016 aux termes de laquelle l'employeur lui a annoncé l'impossibilité de reclassement en raison de la cessation définitive de la société.

Le salarié relève encore dans les statuts de la société (pièce commune n°3) que l'assemblée générale aurait décidé le 30 septembre 2016 une augmentation du capital social à 100 000 euros, ce qui viendrait contredire selon lui la prétendue décision de cesser définitivement l'activité.

Le document versé aux débats, qui consiste aux statuts de la société 'mis à jour au 30 septembre 2016" porte mention de cette augmentation sous la locution suivante : 'Aux termes de la même assemblée générale extraordinaire [...] le capital social a ensuite été augmenté [...] ' ; la dernière assemblée générale extraordinaire citée dans les statuts étant en date du 30 juin 2015, il n'est pas établi que l'augmentation du capital soit advenue postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Il s'ensuit que le motif invoqué par l'employeur au soutien du licenciement est établi.

Le salarié fait valoir, par ailleurs, que 'même à la supposer établie', une telle cessation d'activité serait plus que sujette à caution et ne pourrait que résulter de la légèreté blâmable de l'employeur, la société SFTT n'ayant connu aucune baisse d'activité et ayant même remporté de nombreux marchés à l'époque où la procédure de licenciement a été engagée.

Toutefois, il est constant qu'en janvier 2016, l'assemblée générale des associés a nommé M. [O] [K], alors âgé de 29 ans, gérant de la société consécutivement au décès de son père, [D] [K], survenu en décembre 2015, qui dirigeait jusqu'alors l'entreprise.

Compte tenu de ces circonstances, et peu important les commandes que la société a pu enregistrer jusqu'en mai 2016, pour lesquelles la société justifie par la communication des bons de réception que les chantiers ont été livrés et réceptionnés par la société Circet de février à juillet 2016, les associés de la société ont pu légitimement et sans commettre de faute décider de cesser définitivement l'activité de l'entreprise.

Aucune légèreté blâmable n'est davantage caractérisée par l'appelant de nature à emporter le caractère injustifié du licenciement.

M. [B] plaide encore que l'employeur ne rapporterait pas la preuve de l'incidence de la cessation d'activité sur la suppression de son poste.

Dans la mesure où il est établi que la société a cessé toute activité dans le courant du 2ème semestre 2016 et que M. [B] ainsi que ses deux collègues, MM. [T] et [E], ont été licenciés le même jour et pour le même motif, la preuve de la suppression du poste qu'il occupait est amplement rapportée.

C'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le licenciement repose sur un motif économique réel et sérieux.

Sur le reclassement :

Selon l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2010-499 du 18 mai 2010, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Cette recherche de possibilités de reclassement doit être réalisée par l'employeur, si la société fait partie d'un groupe, auprès des autres sociétés de ce groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties.

Compte tenu de la cessation d'activité et de la suppression de l'ensemble des emplois, la preuve de l'impossibilité d'un reclassement au sein de l'entreprise est amplement démontrée.

Se prévalant d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (Cour d'appel de Paris, Pôle 6 -Chambre 8, 23 juin 2011, n°09/09711), l'appelant soutient que 'caractérise l'existence d'un groupe au sein duquel doit être recherché le reclassement du salarié visé par une mesure de licenciement pour motif économique l'ensemble constitué par l'entreprise donneuse d'ordre et les différentes sociétés intervenant dans la chaîne de sous-traitance, et ce au regard des mises à disposition effectives des personnels'.

Toutefois, la société intimée objecte n'avoir jamais appartenu à quelque groupe que ce soit, Orange, France Telecom ou encore Circet, ce qui n'est pas sérieusement contredit par l'appelant.

S'agissant de l'existence d'un groupe dit de reclassement, dont aurait fait partie la société intimée et les différents donneurs d'ordres, M. [B] se borne à alléguer, sans communiquer le moindre élément utile de nature à étayer sa thèse, qu'une permutation de tout ou partie du personnel était envisageable auprès de ces sociétés donneurs d'ordres.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu que l'employeur rapportait la preuve de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de reclasser le salarié.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [B] aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 23/00472
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;23.00472 ?
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