COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 30B
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 06 JUILLET 2023
N° RG 22/07432 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VR7C
AFFAIRE :
S.A.S.U. PROTOSTYLE
C/
S.C.I. IMMOFIM INVEST 4
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 24 Novembre 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de VERSAILLES
N° RG : 22/00866
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 06.07.2023
à :
Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Sophie ROJAT, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S.U. PROTOSTYLE
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° Siret : 344 727 235 (RCS Versailles)
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 22461
Ayant pour avocat plaidant Me Michel GARCIA, du barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.C.I. IMMOFIM INVEST 4
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité.
N° Siret : 879 425 197 (RCS Nantes)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie ROJAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 427
Ayant pour avocat plaidant Me Hanan CHAOUI, du barreau de Paris
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous-seing privé en date du 13 janvier 2013 la société GDBAT, aux droits de laquelle vient la SCI Immofim Invest 4, a donné à bail commercial à la société Protostyle des locaux composés de 3 lots, à savoir les lots n°3, 5 et 6, tous situés [Adresse 3] à [Localité 6], moyennant un loyer annuel de 117 000 euros HT et hors charges payable par trimestre à échoir, avec indexation, et pour une durée expirant le 31 décembre 2022.
Par acte sous-seing privé en date du 21 janvier 2019, les parties ont conclu un avenant, retirant le lot n°3, alors restitué à la société GDBAT à compter du 1er juillet 2019, et ramenant le loyer annuel dû à la somme annuelle de 80 954.16 euros HT, et hors charges.
Par courrier recommandé en date du 28 juin 2019, la société Protostyle a indiqué au bailleur qu'elle mettait fin au bail de location du box n° 6 au 31 décembre 2019.
Suivant mise en demeure en date du 11 janvier 2022, la société Immofim Invest 4 a sollicité du preneur le règlement des factures des mois d'octobre 2021 et janvier 2022 pour un montant de 135 454,75 euros.
Par exploits en date des 7 février et 20 mai 2022, la société Immofim Invest 4 a fait délivrer deux commandements de payer visant la clause résolutoire contenue au contrat et exigeant pour le second le règlement de la somme de 173 837,77 euros.
Par acte d'huissier du 20 juin 2022, la preneuse a quant à elle donné congé de l'ensemble des locaux loués pour le 31 décembre 2022.
Par acte d'huissier de justice délivré le 20 juin 2022, la société Protostyle a fait assigner la société Immofin Invest 4 en référé aux fins principalement de voir fixer sa dette locative à la somme de 18 500 euros et de voir suspendre les effets de la clause résolutoire.
Par ordonnance contradictoire rendue le 24 novembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Versailles a :
écarté la pièce n° 13 produite par la société SCI Immofim Invest 4 ;
constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail commercial en date du 13 janvier 2013 tel que modifié par avenant en date du 21 janvier 2019 et liant la société Protostyle à la société Immofin Invest 4 ;
constaté en conséquence, la résiliation du bail commercial à compter du 21 juin 2022, date d'effet de la clause résolutoire ;
ordonné l'expulsion de la société Protostyle [Adresse 3] à [Localité 6] ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due à la somme de 11 135.97 euros ;
condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4, la somme de 195 714,97 euros au titre des loyers charges et indemnités d'occupation dus jusqu'au 30 septembre 2022, dont la somme de 173 443.04 euros avec intérêts prorata temporis au taux d'escompte de la banque de France augmenté de 4 points intérêts ;
condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4, à titre de provision, ladite indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er octobre 2022 et jusqu'à libération des lieux ;
dit n'y avoir lieu à référer sur la demande de provision en application de l'article VII-4° du bail du 13 janvier 2013 ;
débouté la SAS Protostyle de sa demande de suspension d'effet de la clause résolutoire ;
débouté la SAS Protostyle de sa demande en délais de paiement ;
condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4 la somme de 2 000 euros par application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la SAS Protostyle aux dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer en date du 20 mai 2022 ;
rappelé que la décision est exécutoire par provision.
Un constat contradictoire d'état des lieux de sortie a été réalisé les 28 novembre et 1er décembre 2022.
Par déclaration reçue au greffe le 9 décembre 2022, la société Protostyle interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Protostyle demande à la cour, au visa des articles 835 al 1er du code de procédure civile, 1343-5 du code civil et L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce, de :
« à titre principal,
- infirmer partiellement l'ordonnance attaquée rendue le 24 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Versailles en ce qu'il :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail commercial en date du 13 janvier 2013 tel que modifié par avenant en date du 21 janvier 2019 et liant la société Protostyle à la société Immofin Invest 4 ;
- constaté en conséquence la résiliation du bail commercial à compter du 21 juin 2022, date d'effet de la clause résolutoire ;
- fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due à la somme de 11 135,97 € ;
- condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4 la somme de 195 714,97 € au titre des loyers charges et indemnités d'occupation dus jusqu'au 30 septembre 2022 dont la somme de 173 443,04 € avec intérêts prorata temporis au taux d'escompte de la banque de France augmenté de 4 points intérêts ;
- condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4, à titre de provision, ladite indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er octobre 2022 et jusqu'à libération des lieux ; - débouté la SAS Protostyle de sa demande de suspension d'effet de la clause résolutoire ;
- débouté la SAS Protostyle de sa demande en délais de paiement ;
- condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4 la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
à titre principal,
- juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire est nul ;
en tout état de cause,
- rejeter la pièce n°13 de la SCI Immofin Invest 4 en ce qu'elle a été versée tardivement aux débats et la débouter de l'ensemble de ses demandes ;
- suspendre les effets de la clause résolutoire telle que visée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire adressé à la société Protostyle en date du 20 mai 2022 ;
- condamner la SCI Immofin Invest 4 à verser à la société Protostyle la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la société SCI Immofin Invest 4 aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire,
- si la cour venait à appliquer la clause résolutoire, accorder un échelonnement de la dette sur une période de 24 mois ;
- ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal ;
- condamner la SCI Immofim Invest 4 4 aux dépens de l'instance. »
Dans ses dernières conclusions déposées le 16 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Immofim Invest 4 demande à la cour, au visa de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, de :
« - confirmer partiellement l'ordonnance de référé du 24 novembre 2022 en ce qu'elle a :
' constaté l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail commercial du 13 janvier 2013 tel que modifié par avenant en date du 21 janvier 2019 et liant la société Protostyle à la société Immofin Invest 4 ;
' constaté en conséquence, la résiliation du bail commercial à compter du 21 juin 2022, date d'effet de la clause résolutoire ;
' ordonné l'expulsion de la SAS Protostyle [Adresse 3] à [Localité 6] ainsi que de celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
' fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation due à la somme de 11 135,97 € ;
' condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4, la somme de 195 714,97 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus jusqu'au 30 septembre 2022, dont la somme de 173 443,04 € avec intérêts protata temporis au taux d'escompte de la banque de France augmenté de 4 points intérêts ;
' condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4 à titre de provision, ladite indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er octobre 2022 et jusqu'à la libération des lieux ;
' débouté la SAS Protostyle de sa demande de suspension d'effet de la clause résolutoire ;
' débouté la SAS Protostyle de sa demande en délais de paiement ;
' condamné la SAS Protostyle à verser à la SCI Immofin Invest 4 la somme
de 2000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamné la SAS Protostyle aux dépens de l'instance, comprenant le coût du commandement de payer en date du 20 mai 2022 ;
' rappelé que la présente décision est exécutoire par provision.
- infirmer partiellement l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :
' écarté la pièce n°13 produite par la société SCI Immofin Invest 4 ;
en conséquence, statuant de nouveau, il est demandé à la Cour d'appel de Paris (sic) de :
- débouter la société Protostyle de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- constater l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire prévue au bail du 13 janvier 2013 consenti à la société Protostyle au titre des locaux situés au [Adresse 3],
- dire que le bail du 13 janvier 2013 est résilié depuis le 21 juin 2022,
- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Protostyle jusqu'à libération des lieux loués à hauteur du dernier loyer contractuel exigible, outre les taxes, charges et accessoires exigibles,
- condamner la société Protostyle au paiement de cette indemnité d'occupation à compter du 21 juin 2022 et ce jusqu'au 1er décembre 2022, date de restitution des locaux,
- condamner par provision la société Protostyle à régler à la société Immofin Invest 4 la somme de 232 092,50 € TTC au titre des loyers, indemnité d'occupation et charges dus en application du bail commercial du 13 janvier 2013, arrêtés au 1er décembre 2022,
- condamner par provision la société Protostyle à régler à la société Immofin Invest 4, au titre de la somme de 232 092,50 € TTC, les intérêts de retard contractuellement prévus, à savoir les intérêts de retard calculés prorata temporis au taux d'escompte de la Banque de France augmenté de 4 points à compter du 7 février 2022,
- condamner la société Protostyle à régler à la société Immofin Invest 4 la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
- condamner la société Protostyle au paiement des entiers dépens, lesquels comprendront le coût des commandements de payer signifiés les 7 février et 20 mai 2022. »
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société Protostyle appelante fait tout d'abord valoir que contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, elle a bien formé opposition au commandement de payer délivré le 22 mai 2022 par son action en référé introduite par assignation du 20 juin 2022.
Elle soutient ensuite que le commandement de payer est nul puisqu'il ne mentionne aucun détail clair sur la somme demandée, contenant simplement une annexe listant les sommes sans indiquer à quel lot elles se rapporteraient.
Elle invoque également la nullité de ce commandement au motif que le montant de la somme principale demandée par la société Immofim Invest 4 n'est pas justifié, soutenant que le loyer aurait dû être réduit d'un tiers depuis de la remise du lot n° 6.
Elle entend souligner qu'elle a été dans une impasse financière entre les mois d'août 2021 à mai 2022, par suite de la crise liée au Covid-19, mais que sa bailleresse a refusé de lui accorder les aménagements de paiement qu'elle réclamait.
Elle prétend qu'en tout état de cause, appliquer la clause résolutoire et lui enjoindre de régler immédiatement la somme de 173 837,77 euros risquerait de provoquer l'ouverture d'une procédure collective, ce qui constitue un dommage imminent qu'il convient de faire cesser en lui accordant la suspension des effets de la clause résolutoire.
A titre subsidiaire, elle sollicite un échelonnement de sa dette sur 24 mois, rappelant l'impact de la crise sanitaire sur son activité et exposant démontrer à ce jour une augmentation significative de son carnet de commande la mettant en mesure d'honorer les échéances qui découleraient de l'octroi de délais de paiement.
La société Immofim Invest 4 bailleresse s'oppose aux demandes de l'appelante.
Elle soutient que :
la société Protostyle n'a pas formé opposition au commandement de payer dans le délai d'un mois, son assignation du 20 juin 2022 ne visant à titre principal que la suspension des effets de la clause résolutoire, la réduction du quantum de la dette et l'octroi de délais de paiement ;
le bail a donc pris fin le 21 juin 2022 ;
le commandement est parfaitement clair et justifié en ce qu'il vise les sommes dues au titre les loyers des lots n° 5 et 6, la restitution prétendue de ce dernier lot n'ayant pu intervenir de manière unilatérale, alors qu'en outre, l'appelante a perçu des sous-loyers pour ce lot.
Elle demande donc à la cour de confirmer l'ordonnance qui a constaté l'acquisition de la clause résolutoire sans suspension de ses effets.
En tout état de cause, elle sollicite le rejet des demandes de la société Protostyle, faisant observer que nonobstant l'IBR qu'elle verse aux débats faisant apparaître des hausses de son chiffre d'affaires, elle n'a payé aucune somme au titre des loyers et des charges du lot n° 6 depuis le 31 décembre 2019 et n'a versé aucune somme au titre du bail depuis le 26 mai 2021, à l'exception d'un versement partiel du 13 juin 2022.
Elle indique que l'appelante est actuellement débitrice de la somme de 232 092,50 euros au titre du bail (sauf à parfaire après chiffrage des opérations de remise en état des locaux), suivant décompte du 13 février 2023 arrêté au 1er décembre 2022, faisant observer qu'elle n'a fait aucun effort pour apurer sa dette qui n'a cessé de croître depuis le début de la procédure, en dépit de l'ordonnance dont appel prononçant l'exigibilité de la dette sans délai.
Elle s'oppose à la suspension des effets de la clause résolutoire, relevant que le projet de bilan de la société Protostyle arrêté au 30 juin 2022 fait apparaître un passif à court terme de 3 739 249,68 euros au titre des dettes d'exploitation, sa créance ne représentant que 6,20 % de ce passif.
La société Immofim Invest 4 demande en conséquence la condamnation de la société Protostyle au paiement de la somme de 232 092,50 euros TTC portant intérêts au taux d'escompte de la Banque de France augmenté de 4 points à compter du 7 février 2022, date de signification du premier commandement de payer, conformément à l'article 4 alinéa 3 du bail.
Sur ce,
A titre liminaire il sera observé qu'à hauteur de cour, nulle discussion n'est élevée par la société Protostyle s'agissant de la pièce n° 13 versée par l'intimée, qui au demeurant correspond à l'ordonnance dont appel.
En outre, la société Immofim Invest 4 ne développe pas dans le corps de ses conclusions de moyens et arguments pour asseoir sa demande tendant à l'infirmation de l'ordonnance sur ce point, de sorte que la cour constate qu'elle n'est saisie d'aucune prétention à ce titre.
Sur la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire :
L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.
Faute d'avoir payé ou contesté les sommes visées au commandement dans le délai imparti, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement ; l'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.
La contestation des sommes visées au commandement ne peut paralyser ses effets que s'il apparaît qu'elle est légitime.
Par ailleurs, s'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, juge de l'évidence, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, un tel moyen peut cependant être examiné sur le point de savoir s'il constitue une contestation suffisamment sérieuse sur les effets de cet acte, notamment quant à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire.
Le commandement de payer doit permettre au débiteur de connaître la nature et le détail des sommes qui lui sont réclamées.
La seule critique élevée par l'appelante concernant la validité du commandement a trait à l'absence de distinction dans le décompte annexé des sommes réclamées en considération des lots concernés.
Cette contestation n'est susceptible de revêtir un caractère sérieux que si l'indication des numéros de lots s'avérait nécessaire au locataire pour sa bonne compréhension des sommes réclamées.
Il est acquis aux débats que les sommes visées au commandement concernent, indistinctement, les lots n° 5 et 6, les parties s'accordant pour dire que le lot n° 3 a été valablement restitué à la bailleresse selon avenant du 21 janvier 2019.
Or, la société Protostyle est mal fondée à prétendre que les loyers concernant le lot n° 6 auraient dû être déduits du fait de la remise au bailleur de ce lot.
En effet, il ressort des éléments du dossier qu'aucune suite n'a été donnée au courrier de l'appelante en date du 28 juin 2019 informant sa bailleresse qu'elle mettait fin au bail du box n° 6 à compter du 31 décembre 2019, tandis que cette résiliation unilatérale ne pouvait être effective sans l'accord de la bailleresse.
Par ailleurs, il apparaît que la société Protostyle n'a jamais adressé à sa bailleresse de contestation concernant les sommes qui lui ont été réclamées postérieurement au 31 décembre 2019, incluant globalement les loyers des lots n° 5 et 6, son courrier en réponse à la mise en demeure de la société Immofim Invest 4 du 12 avril 2021, dont il n'est au demeurant pas établi qu'il ait été envoyé et réceptionné par la bailleresse, ne mentionnant en tout état de cause qu'une difficulté relative à la périodicité des échéances des loyers.
En outre, sans que la société Protostyle ne s'en explique dans ses conclusions, il ressort des pièces n° 9 et 10 versées par l'intimée, que la locataire a conclu le 4 juin 2020 une convention de sous-location avec la société Jenoptec concernant la totalité du lot n° 6, et le 8 septembre 2020, un avenant avec la même société, lui sous-louant la partie bureaux du lot n° 5.
La contestation de la société Protostyle au titre des loyers concernant le lot n° 6 étant dans ces conditions à l'évidence dénuée de sérieux, tandis qu'elle ne conteste pas ne pas avoir réglé les causes du commandement de payer dans le délai requis, la clause résolutoire du bail s'est bien retrouvée acquise ainsi que l'a constaté le premier juge dont l'ordonnance sera confirmée sur ce point, ainsi qu'en sa disposition subséquente sur l'expulsion.
L'acquisition de la clause résolutoire résultant de l'application des règles légales et conventionnelle, elle ne saurait caractériser un dommage imminent, alors qu'en outre il est acquis que les locaux ont été restitués par la locataire qui est donc mal venue à invoquer un risque de cessation des paiements si cette acquisition était constatée.
Sur l'indemnité d'occupation :
Une indemnité d'occupation due au titre de l'occupation illicite d'un bien a pour objet de réparer le préjudice causé au propriétaire par la perte des fruits et revenus et de se substituer à ces derniers.
Dans le cas présent et avec l'évidence requise en référé, l'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur égale au montant du dernier loyer contractuel exigibles, outre les taxes et charges accessoires.
L'ordonnance dont appel sera infirmée en ce sens et la société Protostyle sera condamnée à titre de provision à payer cette indemnité à compter du 21 juin 2022, date de la résiliation du bail.
Sur la demande de provision au titre des arriérés :
Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire, statuant en référé, peut, dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.
En application de ce texte, le montant de la provision qui peut être allouée en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.
A l'exception de sa contestation concernant le lot n° 6, dont il a été ci-dessus jugé qu'elle était dépourvue de sérieux, la société Protostyle ne critique pas le montant réclamé par la société Immofim Invest 4 et actualisé à hauteur de cour à la somme de 232 092,50 euros TTC.
Par voie d'infirmation, la société Protostyle sera condamnée à payer cette somme à la société Immofim Invest 4, à titre de provision à valoir sur les arriérés dus au 31 décembre 2022, ainsi qu'il résulte du décompte produit par l'intimée.
L'intimée sollicite que cette somme porte intérêts conformément aux dispositions du contrat de bail, soit à un taux calculé prorata temporis, au taux d'escompte de la Banque de France augmenté de 4 points.
Toutefois, la clause du bail prévoyant une majoration forfaitaire de l'intérêt légal en cas de non paiement à échéance du loyer dû pouvant s'analyser comme une clause pénale, susceptible de modération par le juge du fond, ce qui ne pouvant être exclu en l'espèce, sa mise en oeuvre échappe aux pouvoirs du juge des référés, et de la cour statuant à sa suite.
En conséquence, il sera dit que la provision à laquelle la société Protostyle est condamnée portera intérêts au taux légal à compter du commandement du 7 février 2022 sur la somme de 135 849,48 euros et à compter du prononcé du présent arrêt pour le surplus.
Sur la demande d'échelonnement du paiement de la dette :
Le premier alinéa de l'article 1343-5 visé dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
Si la société Protostyle justifie aux termes d'un extrait concernant l'évolution de son compte de résultat d'une amélioration de son chiffre d'affaires au cours de l'année 2022, elle n'explique en revanche pas comment son carnet de commande serait susceptible d'évoluer en 2023 en l'état d'une libération intégrale des locaux antérieurement occupés.
Faute d'indication sur la continuation de son activité par l'appelante, elle ne justifie pas de sa capacité à apurer la dette si celle-ci était échelonnée dans le temps.
Dans ces conditions, l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a rejeté sa demande de délais de paiement.
Sur les demandes accessoires :
L'appelante succombant en ses demandes, l'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Partie perdante, elle ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d'appel tels que limitativement énumérés par l'article 695 du code de procédure civile.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Immofim Invest 4 la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, et dans les limites de sa saisine,
CONFIRME l'ordonnance du 24 novembre 2022 sauf en ce qu'elle a jugé sur l'indemnité d'occupation et la provision ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe l'indemnité d'occupation à la valeur égale au montant du dernier loyer contractuel exigible, outre les taxes et charges accessoires ;
Condamne la société Protostyle à titre de provision à payer cette indemnité d'occupation à compter du 21 juin 2022 ;
Condamne la société Protostyle à payer à la société Immofim Invest 4 la somme de 232 092,50 euros à titre de provision à valoir sur les arriérés dus au 31 décembre 2022 ;
Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 février 2022 sur la somme de 135 849,48 euros, et à compter du prononcé du présent arrêt pour le surplus ;
Condamne la société Protostyle à verser à la société Immofim Invest 4 la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Dit que la société Protostyle supportera les dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier lors du prononcé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,