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06/07/2023 | FRANCE | N°22/03504

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 06 juillet 2023, 22/03504


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 22/03504 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ7N



AFFAIRE :



[W] [O]



C/



S.A.S. CHRONOPOST











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : E

N° RG : F16/0124

2



Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :





Me David VAN DER BEKEN de l'AARPI Alter Ego Avocats



Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES



Le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 22/03504 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VQ7N

AFFAIRE :

[W] [O]

C/

S.A.S. CHRONOPOST

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Septembre 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : E

N° RG : F16/01242

Copies exécutoires et copies certifiées conformes délivrées à :

Me David VAN DER BEKEN de l'AARPI Alter Ego Avocats

Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES

Le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu le 10 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles (19ème chambre sociale)

Monsieur [W] [O]

né le 16 Novembre 1968 à [Localité 5]

de nationalité Française

Chez Madame [I] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me David VAN DER BEKEN de l'AARPI Alter Ego Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1857

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

S.A.S. CHRONOPOST

N° SIRET : 383 960 135

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - Représentant : Me Cyril CRUGNOLA de la SELARL ARTLEX V, Plaidant, avocat au barreau de NANTES, vestiaire : 200

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI,

Par contrat de travail à durée indéterminée du 13 mars 2009, M. [O] a été engagé par la SAS Chronopost en qualité de responsable coordinateur solutions clients, statut cadre. Il a occupé en dernier lieu le poste de chef de projets au sein de la direction du support clients et opérations.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des transports routiers.

Selon l'employeur, Monsieur [O] n'a pas répondu aux attentes de la société et celle-ci a mis en oeuvre un plan d'actions, à compter du 27 novembre 2015, afin d'aider le salarié dans la réalisation de ses missions.

Par courrier recommandé du 16 mars 2016, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement s'étant déroulé le 25 mars 2016 en présence du salarié.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 15 avril 2016, la SAS Chronopost a notifié à M. [O] son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Par requête du 16 juin 2016, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt afin d'obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le versement de diverses sommes.

Par jugement du 27 septembre 2018 auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a':

- Dit fondé le licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [O] ;

- Débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

Reçu la société Chronopost en sa demande reconventionnelle et l'en ont déboutée ; '

- Dit régulière la convention de forfait jours rédigée dans le contrat de travail de Monsieur [O] ;

- Débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

- Décidé que chaque partie, par souci d'équité, conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés pour la première instance ;

- Mis les éventuels dépens a la charge de la partie qui a succombé.

Par déclaration reçue au greffe le 13 novembre 2018, M. [O] a interjeté appel du jugement rendu le 27 octobre 2018.

Par arrêt du 10 mars 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales et des parties et de la procédure antérieure, la cour d'appel de Versailles a':

- Confirmé le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de sa demande de nullité de la convention de forfait jours,

Statuant sur le chef infirmé et y ajoutant,

- Dit que la convention de forfait jours appliquée à la relation de travail entre Monsieur [W] [O] et la société Chronopost est nulle,

- Débouté Monsieur [W] [O] des demandes de salaires formées au titre des heures supplémentaires,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Condamné Monsieur [W] [O] à payer à la société Chronopost la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Monsieur [W] [O] aux dépens dont le recouvrement sera effectué par l'AARPI JRF avocats représentée par maitre Dontot.

- Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Par décision du 28 septembre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a':

- Cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a déboute M. [O] des demandes de rappel de salaires formées au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs non pris et de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé, et en ce qu'il le déboute de sa demande de rectification des bulletins de paie et des documents sociaux, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

- Remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;

- Condamné la société Chronopost aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande formée par la société Chronopost et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

- Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille vingt-deux.

Par déclaration du 24 novembre 2022, M. [O] a saisi la cour d'appel de Versailles comme cour de renvoi.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 17 mai 2023 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [W] [O], appelant demande à la cour de':

- Recevoir monsieur [W] [O] en sa saisine et l'y déclarer bien fondé ;

- Infirmer le jugement rendu le 27 septembre 2018 par la formation paritaire du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement, RG : F16/01242), en ce qu'il :

- Dit régulière la convention de forfait jours rédigée dans le contrat de travail de Monsieur [O].

- Débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes à ce titre.

- Décidé que chaque partie, par souci d'équité, conservera à sa charge les frais irrépétibles exposés pour la première instance.

- Mis les éventuels dépens à la charge de la partie qui succombe. »

Ajoutant à l'arrêt rendu le 10 mars 2021 entre les parties par la cour d'appel de Versailles et statuant à nouveau,

- Juger monsieur [W] [O] bien fondé en ses demandes en rappels de salaires et d'indemnités de rupture ;

- Juger que la société SAS Chronopost a délibérément dissimulé une partie de l'activité salariée de monsieur [W] [O];

- Juger que la société Chronopost est prescrite à solliciter pour la première fois par conclusions déposées et signifiées le 17 mars 2023 la condamnation de monsieur [W] [O] à lui verser, en deniers ou quittance, d'une somme de 6 583,04 euros bruts au titre de la répétition du paiement indu de jours de RTT au cours des années 2013, 2014, 2015 et 2016 ;

En conséquence,

- Condamner la société SAS Chronopost à payer à monsieur [W] [O] les sommes suivantes :

*40 287,14 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

*4 028,71 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

*3 357,26 euros brut à titre de rappel de salaire sur 13ème mois ;

*335,73 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

*18 950,18 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris ;

*5 194,81 euros brut à titre de rappel sur indemnité compensatrice de préavis ;

*519,48 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

*3 713,29 euros net à titre de rappel sur indemnité conventionnelle de licenciement ;

*34 999,08 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

- Juger que les condamnations prononcées produiront intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2016, date de réception de la demande, s'agissant des créances de nature salariale et à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir s'agissant des autres chefs de condamnation ;

- Ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- Ordonner à la société SAS Chronopost de remettre à monsieur [W] [O] un bulletin de paie et une attestation destinée au pôle-emploi conformes au dispositif de l'arrêt à intervenir, et ce sous peine d'une astreinte de 150 € par jour de retard, par document et par infraction constatée passé le 30ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

- Ordonner à la société SAS Chronopost de régulariser la situation de monsieur [W] [O] auprès des organismes sociaux d'assurance maladie, d'assurance retraite et d'assurance chômage, et ce sous peine d'une astreinte de 250 € par jour de retard et par infraction constatée passé le 60ème jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

- Se réserver le contentieux de la liquidation desdites astreintes ;

- Condamner la société SAS Chronopost à payer à monsieur [W] [O] la somme de 10 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société SAS Chronopost aux entiers dépens ;

- Débouter la société SAS Chronopost de toutes ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 23 mai 2023 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la SAS Chronopost demande à la cour de':

A titre principal'

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté Monsieur [O] de ses demandes formulées au titre de l'irrégularité de la convention de forfait annuel en jours, en ce compris des demandes formulées au titre des heures supplémentaires, au titre des rappels sur indemnités de rupture en découlant, au titre du repos compensateur non pris ainsi qu'au titre du travail dissimulé ;

- En tout état de cause, déclarer irrecevables les demandes formulées par Monsieur [O] au titre des rappels sur indemnités de rupture ;

En conséquence, débouter Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire

- Fixer le salaire brut moyen à un montant de 4.548,64 € ;

- Limiter les condamnations éventuelles de la société aux sommes suivantes :

*40.119,40 euros bruts à titre de rappels sur les heures supplémentaires, outre 4.011,94 € bruts au titre des congés payés afférents';

*17.034,32 € à titre d'indemnité au titre de la contrepartie en repos, outre 1.703,43 € au titre des congés payés afférents ;

*3.480,94 € bruts à titre de rappel sur l'indemnité compensatrice de préavis, outre 348,09 € au titre des congés payés afférents ;

*2.974,87 € à titre de rappel sur l'indemnité conventionnelle de licenciement.

- Condamner Monsieur [O] à verser à la société une somme de 6.583,04 € bruts à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail payés de manière indue, au besoin par compensation avec d'éventuelles sommes dues au titre des heures supplémentaires.

En tout état de cause,

- Condamner Monsieur [O] à verser à la société Chronopost la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 24 mai 2023.

SUR CE,

Sur le périmètre de la cassation et l'irrecevabilité des demandes

M. [O] forme devant la présente cour de renvoi des demandes de condamnation de la société Chronopost à lui payer des sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, rappel de salaire sur 13ème mois, congés payés y afférents, de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris, de rappel sur indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, de rappel sur indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité pour travail dissimulé ;

Toutefois, l'arrêt du 28 septembre 2022 de la chambre sociale de la Cour de cassation a'cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a déboute M. [O] des demandes de rappel de salaires formées au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs non pris et de dommages-intérêts au titre du travail dissimulé, et en ce qu'il le déboute de sa demande de rectification des bulletins de paie et des documents sociaux, l'arrêt rendu le 10 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; il a remis, sur ces points uniquement, l'affaire et les parties dans l'état ou elles se trouvaient avant cet arrêt ;

Il s'ensuit que la présente cour de renvoi ne peut statuer sur les demandes de M. [O] relatives aux rappels sur indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents et sur indemnité conventionnelle de licenciement, qui avaient déjà été formées devant les juges du fond et dont elle n'est plus saisie.

Alors que M. [O] a introduit sa requête devant le conseil de prud'hommes avant le 1er août 2016, il est en droit en revanche de former une demande nouvelle en appel, y compris devant la cour de renvoi, relativement au rappel de salaire sur 13ème mois et aux congés payés y afférents.

Sur les heures supplémentaires, le 13ème mois et les jours de réduction du temps de travail

Il est rappelé qu'au terme des décisions déjà rendues, la convention de forfait annuel en jours a été définitivement annulée.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [O] expose que ses horaires de travail étaient habituellement les suivants: du lundi au vendredi, de 9h30 à 20 heures, dont 1,5 heure de pause déjeuner, soit 45 heures par semaine.

Il indique avoir accompli sur cette base : 245 heures supplémentaires en 2013, 367 heures supplémentaires en 2014, 346 heures supplémentaires en 2015, et 72 heures supplémentaires en 2016, soit un total de 1 030 heures supplémentaires.

Il sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser la somme totale de 40 287,14 euros brut à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires, outre celle de 4 028,71 euros brut au titre des congés payés y afférents, se décomposant ainsi':

- 9 652,52 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2013 et 965,25 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 14 459,83 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2014 et 1 445,98 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 13 633,34 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2015 et 1 363,33 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 2 541,46 euros bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires pour l'année 2016 et 254,15 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Il indique tout d'abord s'être plaint à plusieurs reprises de sa charge de travail au cours de l'exécution du contrat de travail, se référant aux mentions en ce sens dans ses compte-rendu d'entretiens professionnels.

Il produit notamment':

- une sommation de communiquer de son conseil datée du 27 novembre 2017 adressée à la société Chronopost concernant « Le relevé horaire journalier détaillé, daté et dument certifié conforme (par un représentant de la société Chronopost régulièrement mandaté) sur la période allant du 1er juin 2013 au 31 mai 2016, des entrées et sorties de Monsieur [W] [O], tel que résultant de l'exploitation de son (ou ses) badge (s) personnel (s) d'accès et d'identification, dont une photographie recto-verso du dernier modèle en sa possession a été produite par le demandeur en pièce n°71 », précisant qu'il disposait en effet d'un badge d'accès aux locaux de l'entreprise dont la copie est aussi versée aux débats,

- un décompte par jour, semaine et année de son temps de travail et des rappels de salaire qui en découlent au titre des heures supplémentaires, du 13ème mois et des congés payés y afférents'; il précise avoir déduit de ce décompte une heure et demie par jour travaillé au titre de ses temps de pause et de restauration,

- des courriels qu'il a adressés dans le cadre professionnel au-delà de 18 heures'; à titre d'exemple,'le 27 novembre 2015 à 19 h 14, le 10 décembre 2015 à 20 h 39, le 4 janvier 2016 à 20 h 13, etc. ; il précise à ce titre ne pas disposer de l'intégralité de la messagerie professionnelle qu'il utilisait dans le cadre de ses fonctions, mais seulement de certains éléments épars qu'il avait mis de côté à titre d'éléments de preuve concomitamment à la dégradation de sa situation professionnelle,

- outre une attestation de sa compagne, qu'il y a lieu toutefois d'écarter, se rapportant à des horaires de départ et d'arrivée au domicile et compte tenu des liens l'unissant à M. [O].

Il somme en outre la société Chronopost de produire sur l'ensemble de la période litigieuse, l'intégralité de son ancienne messagerie professionnelle (courriels reçus et courriels envoyés).

Le salarié produit ainsi, non pas uniquement un décompte global de son temps de travail, mais plusieurs éléments préalables se révélant suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

L'employeur, outre qu'il conteste ce caractère suffisamment précis, déjà caractérisé cependant, invoque des incohérences entre les déclarations du salarié et le décompte effectué par ce dernier.

Il se réfère seulement à ce titre aux indications relatives à M. [O] dans le cadre de ses entretiens annuels, concernant son environnement et sa charge de travail, soit :

- pour l'année 2013 : « légèrement à surveiller dans la durée »

- pour l'année 2014 : « charge élevée sur 2014 », le salarié répondant par ailleurs par l'affirmative à la question de sa satisfaction de la conciliation vie personnelle / vie professionnelle,

- pour l'année 2015 : « considère qu'il est en surcharge de travail sur 2015 », exprimant en outre des difficultés quant à la conciliation vie personnelle / vie professionnelle.

Ces mentions très succinctes rédigées par le manager, et qui révèlent néanmoins l'accroissement des difficultés relevées de manière répétée par le salarié, sont insuffisantes, en l'absence d'autres éléments, à caractériser des incohérences avec le décompte précis effectué par ce dernier.

Force est de constater que l'employeur ne produit aucun élément relatif au horaires et durées de travail de M. [O] contredisant les éléments précités.

S'il relève justement que la dernière sommation de M. [O], devant la cour de renvoi, relativement à la production sur l'ensemble de la période litigieuse de l'intégralité de son ancienne messagerie professionnelle, est trop tardive pour qu'il puisse y déférer, il est souligné en revanche, que la société Chronopost n'avait pas davantage déféré à la sommation de communiquer ses relevés horaires journaliers sur la période litigieuse d' entrées et sorties résultant de l'exploitation de son badge d'accès et d'identification, qui était datée pour sa part du 27 novembre 2017.

Au vu des éléments produits aux débats, la cour retient que M. [O] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées et fait droit, selon les décomptes qu'il produit, lesquelles excluent justement l'indemnité de congés payés dans la base de calcul, à ses demandes en lui allouant les sommes de 40 287,14 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre celle de 4 028,71 euros brut au titre des congés payés y afférents.

Par suite du rappel de salaire ainsi accordé au titre des heures supplémentaires effectuées mais non rémunérées, M. [O] peut également prétendre à un rappel de salaire au titre du 13ème mois ' prévu au contrat de travail ' à hauteur de 1/12ème du rappel alloué au titre des heures supplémentaires, soit la somme de 3 357,26 euros brut, outre celle de 335,73 euros brut au titre des congés payés afférents.

La société Chronopost sollicite à titre reconventionnel et subsidiaire la condamnation de M. [O] à verser à lui verser la somme de 6.583,04 euros bruts à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail payés de manière indue, au besoin par compensation avec d'éventuelles sommes dues au titre des heures supplémentaires.

M. [O] soulève la prescription de cette demande qui a été formée pour la première fois par l'employeur devant la cour de renvoi.

L'article L. 3245-1 du code du travail dispose que : « l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat »

Il est constant que la saisine de la juridiction prud'homale'par M. [O], le 16 juin 2016, a interrompu la prescription de l'action en restitution.

L'interruption efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

A la date du 16 juin 2016, la société Chronopost était informée du caractère alors seulement potentiellement indu des jours de RTT payés à M. [O] qui avait formé des demandes de rappel d'heures supplémentaires en lien avec l'irrégularité de sa convention de forfait-jours'; elle a formé par conclusions du 17 mars 2023 sa demande au titre du remboursement des jours de réduction du temps de travail payés. La convention de forfait en jours appliquée à M. [O] a été déclarée nulle, l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 28 septembre 2022 ayant confirmé sur ce point l'arrêt de la cour d'appel de Versailles. La nullité de la convention de forfait justifie le remboursement des jours de réduction du temps de travail qui ont été payés.

Il y a ainsi lieu de retenir que la demande de la société Chronopost n'est pas prescrite et de condamner M. [O] à lui verser la somme de 6.583,04 euros bruts à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail payés de manière indue.

Il sera ordonné la compensation de ces sommes entre les parties,

Sur les repos compensateurs

L'article L3121-30 du code du travail impose une contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

L'article 12 de la convention collective applicable prévoyait que le contingent d'heures supplémentaires pouvant être effectuées était fixé à 130 heures pour les sa catégorie de personnel.

En l'espèce, M. [O] a effectué 245 heures supplémentaires en 2013, soit 115 heures au-delà du contingent, 367 heures supplémentaires en 2014, soit 237 heures au-delà du contingent et 346 heures supplémentaires en 2015, soit 216 heures au-delà du contingent, soit un total de 568 heures au-delà du contingent.

Il sera fait droit à sa demande, sur la base d'un salaire brut moyen de 4'599,49 euros au cours des 12 derniers mois correspondant à un taux horaire de 30,33 euros, en lui allouant la somme de 18 950,18 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris ;

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; une telle intention ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

Il est rappelé que le contrat de travail de M. [O] stipulait en son article 7 une durée de travail de 215 jours par an, avec 11 jours de repos supplémentaires par année de référence définie dans l'accord d'entreprise du 23 mai 2008.

S'il résulte de l'arrêt du 10 mars 2021 de la cour d'appel de Versailles, définitif sur ce point, que la convention de forfait jours appliquée à la relation de travail entre M. [O] et la société Chronopost est nulle, les motifs de l'arrêt se référant à un non-respect des stipulations conventionnelles relatives au contrôle et au suivi de l'organisation du travail, il demeure que le caractère intentionnel du travail dissimulé est insuffisamment caractérisé en l'espèce.

Ce chef de demande est en conséquence rejeté.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'enjoindre à la société Chronopost de remettre à M. [O], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, l'attestation pôle emploi et un bulletins rectifiés.

Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas nécessaire.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.

S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compterdu présent arrêt.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

[O] tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Chronopost.

La demande formée par M. [O] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Vu l'arrêt du 28 septembre 2022 de la chambre sociale de la Cour de cassation,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit que la présente cour de renvoi ne peut statuer sur les demandes de M. [O] relatives au rappel de salaire sur 13ème mois et congés payés y afférents, et aux rappels sur indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents et sur indemnité conventionnelle de licenciement, dont elle n'est plus saisie,

Statuant sur les points restant en litige et y ajoutant,

Dit que la demande reconventionnelle de la SAS Chronopost de remboursement des jours de réduction du temps de travail payés de manière indue n'est pas prescrite,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formée au titre du travail dissimulé,

L'infirme pour le surplus,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,

Condamne la SAS Chronopost à payer à payer à M. [W] [O] les sommes suivantes :

- 40 287,14 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et 4 028,71 euros brut au titre des congés payés y afférents,

- 3 357,26 euros brut à titre de rappel de salaire au titre du 13ème mois et 335,73 euros brut au titre des congés payés afférents.

- 18 950,18 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris,

- 3'000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure,

Condamne M. [W] [O] à verser à la SAS Chronopost la somme de 6.583,04 euros bruts à titre de remboursement des jours de réduction du temps de travail payés de manière indue,

Ordonne la compensation de ces sommes entre les parties,

Ordonne à la SAS Chronopost de remettre à M. [W] [O] dans le mois de la notification de la présente décision, un bulletin de paie et l'attestation Pôle emploi rectifiés,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la SAS Chronopost aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 22/03504
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;22.03504 ?
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