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06/07/2023 | FRANCE | N°21/02924

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 06 juillet 2023, 21/02924


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/02924 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UYRM



AFFAIRE :



SELARL PJA, prise en la personne de Me [F] [G] - Mandataire liquidateur de la S.A.S. SAAA



C/



[N], [A] [I]



L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ORLEANS





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2021 par le Conseil de P

rud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : I

N° RG : 20/00206



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sabine LAMIRAND de la SELARL LPALEX



Me Mélina PEDROLETTI



Me Sophie CORMAR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/02924 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UYRM

AFFAIRE :

SELARL PJA, prise en la personne de Me [F] [G] - Mandataire liquidateur de la S.A.S. SAAA

C/

[N], [A] [I]

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ORLEANS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : I

N° RG : 20/00206

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sabine LAMIRAND de la SELARL LPALEX

Me Mélina PEDROLETTI

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SELARL PJA, prise en la personne de Me [F] [G] - Mandataire liquidateur de la S.A.S. SAAA

[Adresse 6]

[Adresse 7]

[Localité 2]

Représentant : Me Sabine LAMIRAND de la SELARL LPALEX,Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.455 - Représentant : Me Amandine RAVEL, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000049

APPELANTE

****************

Monsieur [N], [A] [I]

né le 31 Octobre 1968 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me Christine BORDET-LESUEUR, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000005 - Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

INTIME

****************

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA ORLEANS

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substituée par Me Isabelle TOLEDANO, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 31 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

EXPOSE DU LITIGE

M. [N] [I] a été engagé à compter du 6 janvier 1992, par contrat de travail à durée indéterminée par la société par actions simplifiée (SAS) SAAA en qualité de technicien au niveau 3 échelon 1 coefficient 215 moyennant un salaire brut mensuel de 7 000 francs pour un temps de travail effectif de 39 heures hebdomadaires. En dernier lieu, il occupait les fonctions de dessinateur maquettiste au niveau 3, échelon 3 coefficient 240 moyennant une rémunération mensuelle moyenne brute de 2 841 euros.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective de la métallurgie d'Eure et Loir.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 30 juillet 2020, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 septembre 2020 puis par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 septembre 2020, la SAS SAAA lui a notifié son licenciement pour faute grave, lui reprochant d'avoir mis ses connaissances et ses compétences au profit d'une société concurrente au cours de la relation de travail.

Contestant son licenciement, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres par requête reçue au greffe le 14 octobre 2020, afin de voir juger son licenciement infondé, outre la condamnation de son employeur au versement de diverses sommes.

Par jugement du 9 septembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Chartres a :

En la forme,

- Reçu M. [N] [I] en ses demandes.

- Reçu la S.A.S. SAAA en sa demande reconventionnelle.

Au fond,

- Dit que le licenciement de M. [N] [I] ne repose sur aucune faute grave.

- Déclaré le licenciement de M. [N] [I] sans cause réelle et sérieuse.

- Fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [I] à 2.841 euros.

En conséquence,

- Condamné la S.A.S. SAAA à verser à M. [N] [I] les sommes suivantes :

* 34.092 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 24.332,33 euros nets au titre d'indemnité de licenciement,

* 5.682 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 568 euros au titre des congés payés y afférents,

- Dit que les sommes à caractère de salaires seront assorties des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, et à compter du prononcé du jugement s'agissant des autres sommes.

- Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts en application de l'article L. 343-2 du code civil.

- Ordonné à la S.A.S. SAAA de remettre à M. [I] le solde de tout compte, le certificat de travail, l'attestation Pole Emploi, rectifiés, et le bulletin de salaire et salaire restant dû, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement.

- Dit que le conseil de prud'hommes se réserve expressément le droit de liquider l'astreinte.

- Condamné la S.A.S. SAAA à verser à M. [N] [I] la somme de 1 500 euros au titre de l'Article 700 du code procédure civile.

- Débouté M. [I] du surplus de ses demandes.

- Débouté la S.A.S. SAAA de sa demande reconventionnelle.

- Rappelé que sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletin de salaire, certificat de travail...) ainsi que celles ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire ; étant précisé que la moyenne des trois derniers mois de salaire est fixée à 2.841 euros.

- Ordonné l'exécution provisoire de droit.

- Condamné la S.A.S. SAAA à rembourser à Pôle Emploi, en application des dispositions de l'article L.1235-4 du Code du Travail, la somme équivalente à trois mois d'indemnités de chômage perçues ou éventuellement perçues par M. [N] [I].

- Condamné la société S.A.S. SAAA aux entiers dépens qui comprendront les frais éventuels d'exécution.

Par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 2 décembre 2021, il a été ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société SAAA, Me [W] étant désigné administrateur et la SELARL PJA Me [F] ès qualité de mandataire judiciaire.

L'AGS a été assignée le 20 janvier 2022 en intervention forcée par la société SAAA.

Par jugement du tribunal de commerce de Chartres du 8 décembre 2022, la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire, la SELARL PJA, prise en la personne de Maître [F] étant désignée es qualité de mandataire liquidateur.

Par déclaration au greffe du 5 octobre 2021, la SAS SAAA a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 10 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la Selarl PJA, prise en la personne de Me [F], mandataire liquidateur de la SAS SAAA, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- Dit que le licenciement de M. [N] [I] ne repose sur aucune faute grave ;

- Déclaré le licenciement de M. [N] [I] sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné la société SAAA à verser à M. [I]:

* 34 092 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 24 332,33 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

* 5 682 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 568 euros à titre de congés-payés afférents au préavis ;

* 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Ordonné la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du Code civil ;

- Ordonné la remise d'un solde de tout compte, d'une attestation Pôle emploi, d'un bulletin de salaire et d'un certificat de travail rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois suivant la notification du jugement ;

- Débouté la société SAAA de la demande reconventionnelle qu'elle formait sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société SAAA à rembourser à Pôle-emploi, une somme équivalente à 3 mois d'indemnités chômage perçues ou éventuellement perçues par M. [I];

- Condamné la société SAAA aux entiers dépens.

Et, statuant à nouveau de :

Débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes ;

Condamner M. [I] à verser à la société SAAA la somme de 4.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés tant en première instance qu'en appel ;

Condamner M. [I] aux entiers dépens, en ce compris l'exécution.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 5 mai 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [I] demande à la cour de :

- Déclarer les appelants mal fondés en leur appel, les débouter ;

- Confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Chartres jugeant son licenciement pour faute grave dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Fixer sa créance aux sommes suivantes :

* 55 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 24 332.33 euros nets à titre d'indemnité de licenciement ;

* 5 682 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 568 euros à titre de congés payés afférents ;

* 20 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier ;

- Remise sous astreinte de 100 euros par jour de retard compter du prononcé de la décision : du solde de tout compte, bulletin de salaire et salaire restant dû à ce titre, certificat de travail, attestation pôle emploi, rectifiés ;

- Article 700 du code de procédure civile : 4 500 euros d'intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes ;

- Capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

- Déclarer recevable et bien fondée la mise en cause de l'AGS, laquelle est conforme aux dispositions de l'article 3253-6 du code du travail et déclarer qu'elle doit être maintenue ;

- Déclarer la décision à intervenir opposable à l'UNEDIC (Délégation AGS CGEA d'Orléans) ;

- Condamner la Selarl PJA, en la personne de Maître [G] [F] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Société SAAA, aux entiers dépens ;

- Débouter l'AGS de l'ensemble de ses demandes.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 20 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens l'Unedic délégation AGS CGEA Orléans demande à la cour de :

A titre principal,

Vu les conclusions de M. [I] et de Me [F] ès qualité de mandataire liquidateur de la société SAAA,

Mettre hors de cause l'AGS CGEA d'Orléans ;

A titre subsidiaire,

- Infirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

Débouter M. [I] de ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;

A titre plus subsidiaire,

- Juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

Débouter M. [I] de sa demande au titre de l'indemnité sans cause réelle et sérieuse ;

A tout le moins,

Ramener le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes proportions ;

En tout état de cause :

- Mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;

- Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L 622-28 du code du commerce ;

- Juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, notifiée au salarié est motivée comme suit :

« Nous vous avons reçu jeudi 3 septembre 2020 après midi dans le cadre de l'entretien préalable à une mesure de licenciement pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave.

Vous étiez assisté lors de cet entretien de monsieur [M] [V], conseiller du salarié.

Les explications recueillies au cours de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation quant à la gravité des fautes qui vous sont reprochées.

Vous avez été engagé dans notre société le 6 janvier 1992 en qualité de dessinateur-maquettiste. Dans le cadre de vos fonctions vous effectuez pour la société SAAA des créations intellectuelles de différentes natures, notamment des créations graphiques et documentaires, et animez le site Internet de la société, notamment en y insérant des images, graphismes et textes.

Par avenant à votre contrat de travail du 6 juillet 2016, vous avez consenti expressément à céder à notre société vos droits de propriété intellectuelle sur les créations que vous réalisez dans le cadre de l'exécution de votre contrat de travail (créations graphiques et documentaires, insertions d'images, textes et graphismes réalisées par vos soins dans le cadre de l'animation du site Internet de la société.)

Notre société a pour société s'ur, dans le cadre du Groupe COFINEG, la société REVOLUPLAST, avec laquelle elle entretient, depuis toujours, des liens étroits. En effet la société REVOLUPLAST a été créée pour développer, en sous-traitance de SAAA, des solutions de coffrets et boîtiers plastiques. Son activité comme sous-traitante de SAAA demeure encore importante aujourd'hui, outre l'activité que REVOLUPLAST a développé avec le temps pour d'autres clients.

Les deux sociétés, distantes de quelques centaines de mètres, partagent un même réseau informatique et serveur et de nombreuses informations techniques et commerciales. Leurs personnels respectifs se connaissent très bien et se fréquentent régulièrement notamment dans le cadre de réunions conviviales.

Compte tenu de ces liens étroits entre SAAA et REVOLUPLAST, vous avez été amené au cours de votre carrière au sein de SAAA à développer des graphismes et dessins non seulement pour SAAA mais aussi occasionnellement pour des produits développés par REVOLUPLAST. Par ailleurs la direction commerciale de REVOLUPLAST a été amenée à prendre conseil auprès de vous pour les besoins de son propre site Internet, au regard de vos compétences de Webmaster en la matière.

Le 8 juillet 2020, le directeur commercial de la société REVOLUPLAST Monsieur [T] [L] recevait la visite d'un prospect, Monsieur [Y], de la société DOOVISION SANTE. Cette société était en effet en recherche d'une solution de production de boîtiers plastiques pour la fabrication d'appareils de désinfection dans le contexte du Covid-19.

Monsieur [Y] a expliqué à Monsieur [L] lors de cette visite qu'il avait également sollicité pour son besoin un concurrent direct de REVOLUPLAST, la société TECHNIBOX, lui présentant même quelques dessins du produit que celle-ci proposait, et lui disant qu'il devait connaître le dessinateur de TECHNIBOX, dans la mesure où celui-ci était domicilié à [Adresse 8].

Devant cette affirmation Monsieur [L] a marqué sa surprise. Monsieur [Y] lui alors précisé que le dessinateur en question était monsieur [N] [I], de l'association COMBAG.

Monsieur [L] a exprimé de plus fort sa surprise. Il a expliqué à Monsieur [Y] qu'il connaissait bien Monsieur [I] dans la mesure où celui-ci travaillait comme dessinateur au sein de SAAA, société s'ur de REVOLUPLAST.

Nous avons ainsi découvert, de façon tout à fait fortuite, que vous mettiez vos compétences de dessinateur et de maquettiste, par le truchement de votre association COMBAG, au service de la société TECHNIBOX, société qui concurrence directement les produits développés au sein de notre groupe et en l'occurrence de notre société s'ur la société REVOLUPLAST.

Or cette dernière est en concurrence frontale avec TECHNIBOX, ce que vous ne pouvez ignorer.

Cette découverte nous a amenés à faire des recherches complémentaires sur Internet sur les activités qui pouvaient être les vôtres, et nous sommes allés de surprise en surprise.

C'est ainsi que sur le site de l'AFNIC et WHOIS, registres Internet des noms de domaine en .fr, votre association COMBAG apparaît comme étant le contact administratif de la société TECHNIBOX pour le nom de domaine boitierplastique.fr.

Sur la base de noms de domaine whois.com, votre association COMBAG est là encore associée à la société TECHNIBOX.

Or nous vous rappelons qu'aux termes de l'article 3 de votre contrat de travail, vous êtes tenu, dans le cadre de votre contrat de travail à temps plein avec SAAA, de consacrer tous vos soins et tout votre temps à l'entreprise dans l'exercice de votre fonction, et vous vous êtes engagé :

- A vous interdire de travailler à quelque titre que ce soit pour une entreprise concurrente ou non de notre société ;

- A vous interdire de faire des affaires pour votre compte personnel ou de toucher une rémunération quelconque de tiers.

Votre activité auprès de la société TECHNIBOX pour les besoins du référencement sur Internet de celle-ci viole donc manifestement vos obligations ci- dessus rappelées vis-à-vis de SAAA.

Outre votre compétence dans le domaine de l'animation de sites Internet, c'est aussi manifestement votre compétence de dessinateur que vous avez mis au service de la société TECHNIBOX comme Monsieur [L] l'a appris fortuitement lors de la visite de monsieur [Y] ci-dessus rappelée.

Qui plus est, dans la mesure ou TECHNIBOX est un concurrent direct de notre société s'ur REVOLUPLAST, cette activité nuit aux intérêts des sociétés de notre groupe.

Vos agissements violent l'obligation de loyauté inhérente à votre contrat de travail dans la mesure où vous mettez vos compétences et votre connaissance des produits et projets développés au sein de SAAA et de REVOLUPLAST au service de la société TECHNIBOX.

Vous n'avez pas véritablement nié lors de notre entretien les faits qui vous sont reprochés, cherchant simplement à les minimiser et à dénier leur caractère préjudiciable.

Or vos compétences et vos savoirs faire sont cruciaux pour notre entreprise et notre groupe, et dans un contexte de concurrence très vive, et qui plus est de difficultés économiques pour SAAA, le fait de faire bénéficier la concurrence, et plus généralement des sociétés tierces, à quelque titre que ce soit, de vos savoirs faire, développés pour SAAA, constitue une déloyauté manifeste qui ruine la confiance que nous placions en vous et rend impossible la poursuite de notre collaboration.

Par conséquent nous sommes amenés à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement prendra effet dès l'envoi de la présente lettre, sans préavis ni indemnité de licenciement.

Nous tiendrons à votre disposition votre solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation destinée au Pôle Emploi, le vendredi 11 septembre 2020 à 10 heures.

Nous vous demandons de nous restituer sans délai tous équipements, matériels et documents de l'entreprise restant en votre possession.

En outre, nous vous précisons qu'en application de l'article L911-8 du Code de la sécurité sociale, vous pouvez bénéficier, dans les conditions et les modalités prévues par ce texte, d'un maintien temporaire :

- Des garanties frais de santé en vigueur dans l'entreprise ;

- De la couverture prévoyance (risques incapacité-invalidité-décès) à laquelle vous êtes affilié. Ce maintien s'effectuera pendant une durée égale à la période d'indemnisation chômage sans pouvoir excéder 12 mois. Pendant cette période, aucune cotisation ne vous sera demandée.

Nous vous précisons d'autre part que conformément à l'article R 1232-13 du code du travail, vous disposez d'un délai de quinze jours suivant la présente notification de licenciement pour nous demander, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé, des précisions sur les motifs énoncés dans la présente lettre de licenciement. »

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. Il s'ensuit que l'engagement de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués, dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.

Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave qu'il invoque.

Sur les fonctions du salarié au sein de la société SAAA et la clause d'exclusivité

Selon le liquidateur, le salarié a été engagé en qualité de technicien puis il a exercé au sein du service marketing, les fonctions de dessinateur maquettiste « au titre desquelles il était chargé de toute la création des documents, plaquettes et autres présentations commerciales, puis de créer et de faire vivre le site internet de la SAAA » qu'il précise être « la vitrine de toutes les conceptions et réalisations de la société ».

Il fait valoir qu'en vertu de l'article 3 de son contrat de travail signé le 6 janvier 1992, M. [I] était soumis à une clause de conditions d'exercice de l'emploi libellée comme suit : « Monsieur [I] exercera son activité sous l'autorité de la Direction ou de tout autre personnel que celle-ci entendra se substituer.

Il s'engage à consacrer tous ses soins et tout son temps à l'entreprise dans l'exercice de sa fonction. Il s'interdit, pendant toute la durée du présent contrat, de travailler à quelque titre que ce soit, par lui-même ou par personne physique ou morale interposée, pour une entreprise concurrente ou non de la Société.

Il s'interdit de faire des affaires pour son compte personnel ou de toucher une rémunération quelconque de tiers.

Toute violation de cette clause pourra être considérée par la Société comme une faute grave de nature à mettre fin au contrat, sans préavis ni indemnité d'aucune sorte. »

M. [I] affirme qu'aucun avenant à son contrat de travail n'a été signé à sa prise de fonctions de dessinateur maquettiste, que les conditions d'exercice de ce nouveau poste n'ont pas été définies ni contractualisées et soutient que l'article 3 précité est lié uniquement au poste de technicien et non à celui de dessinateur maquettiste.

La fonction est un élément essentiel du contrat de travail régi par le principe d'immutabilité des contrats. Si le pouvoir de direction permet à l'employeur d'aménager la relation de travail, il doit être exercé notamment, dans le respect des éléments immuables ou essentiels du contrat qui nécessitent la rédaction d'un avenant et l'accord du salarié pour leur modification.

Le liquidateur produit tout au plus, un descriptif de poste daté du 2 mai 2017 (pièce n°3) que le salarié a signé le 8 juin 2017 et qui reprend ses principales tâches définies comme suit :

« création d'une fiche produit pour chaque produit, Assurer la mise à jour et la distribution de toutes les versions du catalogue papier, assurer la mise à jour du catalogue « PDF » en version complète et « page par page », création et suivi d'une bibliothèque des photos d'installation des produits SAAA, assurer la mise à jour de la version light du catalogue et du « book photo » en « html » sur le site SAAA et sur CDRom, création des fiches de présentations commerciales (suivant la charte graphique CAPSUD), création des documentations et plaquettes, préparer les affiches et documentations spécifiques aux salons, création d'outil internet, transmettre toutes les informations et supports permettant aux achats de faire imprimer le document » avec pour objectifs précisés, la création et le suivi de la documentation commerciale.

En conséquence de ce qui précède, s'il est établi que le salarié connaissait le périmètre de son poste de dessinateur maquettiste, il reste toutefois lié aux termes initiaux de son contrat de travail relatifs à sa fonction de technicien au sein de la société SAAA.

Concernant la clause d'exclusivité prévue à l'article 3 du contrat de travail du salarié, pour être licite, elle ne doit pas, d'une part, porter atteinte au principe de la liberté de travail énoncée dans le préambule de Constitution du 27 octobre 1946 en application de l'article L. 1221-1 du code du travail. Elle n'est donc admise que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

D'autre part, elle ne doit pas rédigée en termes généraux et imprécis quant à son champ d'application afin de permettre au juge de connaître les limites de la restriction et de vérifier si ladite restriction à la liberté de travail est justifiée et proportionnée.

En l'espèce, la clause de conditions d'exercice de l'emploi de technicien comporte une restriction de travail générale, imprécise quant à son champ d'application pour laquelle le liquidateur ne justifie pas qu'elle ait été indispensable à la protection des intérêts légitimes de la société SAAA, justifiée par la nature des fonctions de technicien du salarié et proportionnée au but recherché.

Dans ces conditions, la cour considère que la clause d'exclusivité est illicite et le grief fondé sur l'irrespect de cette stipulation contractuelle ne peut être retenu.

Sur la cession des droits de propriété intellectuelle du salarié à la société SAAA

Par avenant signé le 6 juillet 2016, le salarié s'est engagé dans le cadre de ses fonctions de dessinateur-maquettiste est-il précisé, à céder à la société SAAA, « toutes les créations effectuées au cours de l'exécution de ses fonctions dans et hors de l'entreprise ; d'après les instructions de la société, dans le domaine des activités de la société, par la connaissance ou l'utilisation des techniques et/ou des moyens spécifiques à la société, ou de données procurées par elle ».

Force est de constater que cette cession de droits de propriété intellectuelle sur les créations du salarié ne concerne que les travaux réalisés pour le compte et à la demande de son employeur et ne concerne pas les griefs reprochés au salarié, à savoir, la mise à disposition de ses compétences de dessinateur maquettiste, par l'intermédiaire de son association Combag, au service de la société Technibox puis le référencement et l'animation du site internet boitierplastique.fr appartenant à la société Technibox.

Sur le grief relatif à la mise à disposition des compétences de dessinateur-maquettiste du salarié au bénéfice de la société Technibox, concurrente de la société Revoluplast

Il est constant que les sociétés SAAA et Revoluplast, dirigées par le même président en la personne de M. [B], sont deux entités juridiques distinctes et autonomes au sens de l'article 1842 du code civil.

L'activité de la société SAAA consiste en la conception, la fabrication et la distribution de matériel de protection électronique, étant précisé qu'elle élabore et réalise différents systèmes sécurisés pour la présentation ou l'utilisation de produits (alarmes, produits électroniques antivols) (Pièce n° 8 du salarié). Le liquidateur précise que M. [B] a créé la société Revoluplast, géographiquement proche de la société SAAA, pour développer et fabriquer, en sous-traitance de la société SAAA sans qu'elle ne soit justifiée, des boîtiers et habillages plastiques sur mesure. Leurs activités apparaissent donc complémentaires (Pièce n° 9 du salarié).

Si le liquidateur soutient que les deux sociétés partagent un même réseau informatique, un même serveur, de nombreuses informations techniques et commerciales et que le salarié a été amené au cours de sa carrière au sein de la société SAAA, à développer occasionnellement des graphismes et dessins pour des produits développés par Revoluplast, et à promulguer des conseils à la direction commerciale pour les besoins de son site internet, il ne le justifie pas.

Dès lors, il est constant également que M. [I] n'avait de lien contractuel dans le cadre de son contrat de travail signé le 6 janvier 1992 et de son avenant du 6 juillet 2016 qu'avec la société SAAA.

Les parties s'accordent par ailleurs sur le fait que la société Technibox a été créée et est dirigée par un ancien collaborateur qui a quitté la société SAAA en 1998 avec lequel M. [I] a conservé des relations.

Le liquidateur auquel il incombe de rapporter la preuve de la faute grave que la société invoque, produit :

- la lettre de notification de licenciement pour faute grave adressée au salarié le 9 septembre 2020, inopérante à démontrer la faute puisqu'elle se limite à reprendre les faits retenus à l'encontre du salarié ;

- une attestation de M. [L], directeur commercial de la société Revoluplast, qui relate que le 8 juillet 2020, la société Doovision a pris contact avec lui pour lui présenter un nouveau projet qui comportait la conception et la fabrication à terme, de boîtiers plastiques sur mesure correspondant au savoir-faire de Revoluplast. Lors de cette entrevue, il confirme que le client lui a indiqué qu'il avait déjà consulté un de ses concurrents, la société Technibox, mais qu'il souhaitait une autre proposition. M. [L] indique qu'il lui a demandé au client de lui montrer un modèle afin qu'il puisse noter les points clé de son cahier des charges, ainsi que des visuels de la gamme complète, de manière à ce qu'il puisse lui établir un devis pour un design Revoluplast. Puis le directeur commercial précise que le client n'ayant pas de plans, il lui a présenté « un prospectus A4 en couleur plutôt vendeur et relativement bien fait avec le nom du produit et tout en bas le logo Technibox avec une représentation du coffret UVC en situation issue d'une conception et rendu 3D, montrant l'ensemble de la gamme à venir en arrière-plan avec différentes tailles d'écran multimédia combinés au produit « Handy » puis il insiste sur le fait que « rien n'était encore développé. Il s'agissait juste d'une planche de rendu 3 D proposée par le concurrent Technibox. ('). » M. [L] ajoute que le client veut une 2ème source, pas une duplication pour autant, de ce fait, qu'il ne lui a pas laissé le document pour ne pas l'influencer dans sa proposition.

Il conclut son témoignage en ces termes :

« Je lui fais même un compliment sur la présentation du document tout à fait compatible avec notre technique, néanmoins un peu surpris par les moyens de notre concurrent. C'est là, que notre visiteur me dit « mais d'ailleurs vous connaissez probablement le dessinateur de Technibox '! Un peu surpris encore mais curieux, je lui dis : c'est possible mais je ne vois pas. Et il me répond : il est de [Localité 3] aussi'[N] [I]'vous ne le connaissez pas ' ».

A mon étonnement même retenu, il comprit qu'il y avait un malaise et me fit rapidement remarquer qu'il avait peut-être dit quelque chose d'embarrassant. Là-dessus, plus question de récupérer une copie du document dessiné par le « dessinateur de Technibox », [N] [I], ni d'espérer concrétiser.

J'ai attendu 48 heures avant d'en parler à M. [D], notre DG, [N] était un collègue agréable et en qui j'avais confiance, difficile de comprendre pourquoi il venait s'impliquer là-dedans et surtout avec ce concurrent qu'il connaît tout en sachant qu'il vient se mettre directement en concurrence avec notre propre designer que nous avons recruté il y a 3 ans.

Conscient des conséquences possibles, M. [D] a pris le temps d'y réfléchir également et moi de me renseigner plus précisément sur les circonstances auprès du client Doovision, avant de décider d'en parler à M. [B], PDG de Revolupast-SAAA.

Il s'avère que le nom de [N] [I] a été connu par accident, ou plutôt par une maladresse de M. [K], Dg de Technibox puisque c'est lors d'un transfert de fichiers (dessins) de [N] [I] à M. [K] via une plate-forme de type Wetransfer (où l'adresse de l'expéditeur apparait de manière nominative sous l'association « COMBAG ») que M. [K] au lieu de télécharger ces fichiers pour ensuite les retransférer à nouveau à Doovision mais cette fois sous une adresse @technibox.fr, a simplement copié le lien de téléchargement et directement envoyé celui-ci a Doovision, dévoilant ainsi les coordonnées email de l'expéditeur d'origine @combag et le nom de [N] [I]. Là-dessus, le responsable de projet Doovision, ne voyant pas indiqué Technibox dans ces coordonnées, intrigué, a fait une recherche sur Combag + [N] [I], et découvert son association et qu'il était de [Localité 3] (') ».

Si M. [I] lors de son entretien préalable à licenciement a reconnu avoir transformé des photos du format PSD (Photoshop) en format JPG compte tenu du peu de compétences de M [K] (pièce n°23 du salarié), aucun élément, tel que le courriel de transfert de fichiers ou une attestation de M. [Y], ne vient établir les allégations du directeur commercial de sorte que l'attestation de ce dernier est insuffisante pour matérialiser les faits reprochés au salarié d'être le dessinateur des prospectus présentés par la société Doovision Santé.

- un extrait du site société.com relatif à la société Technibox sur lequel il est inscrit qu'elle est spécialisée dans le secteur de la fabrication de pièces techniques à base de matières plastiques, établissant ainsi qu'elle a la même activité que la société Revoluplast.

- les demandes de formation du salarié ainsi que ses feuilles d'émargement attestant de leur réalisation, permettant selon le liquidateur, de justifier des compétences du salarié pour réaliser les travaux litigieux et dont il ressort qu'il a suivi notamment les actions de formation suivantes : « perfectionnement infographie et Prépresse pour 35h ; « utilisation du logiciel 3Dvia » pour 21h, « assistant de communication Interne et Externe » pour 14h.

Si la société justifie avoir respecté son obligation de formation en application de l'article L. 6321-1 du code du travail à l'égard de M [I], les formations suivies ne permettent pas de matérialiser le niveau de compétences de graphiste du salarié ni, en conséquence, les faits reprochés dans la lettre de licenciement du 9 septembre 2020 d'autant que la société faisait appel à un graphiste, ce que M. [I] établit par la fourniture d'une facture acquittée par la société (pièce n°6).

Force est de constater d'une part que les faits ne sont pas établis et d'autre part, qu'ils concernent la société Revoluplast, concurrente de la société Technibox et non la société SAAA avec laquelle M. [I] est lié par un contrat de travail.

Et enfin, lorsque le contrat de travail d'un salarié contient une clause d'exclusivité, fut-elle licite, elle ne concerne que la société avec laquelle le salarié a contracté et ne s'applique pas à l'égard de toutes les sociétés du groupe. Il en est de même pour l'obligation de loyauté qui ne s'impose qu'avec la société contractante.

Sur le grief relatif aux activités de référencement et d'animation du site internet du salarié pour le compte de la société Technibox

Au soutien de ce grief, le liquidateur produit :

- une attestation du 27 mai 2022 de Mme [U] [X] qui précise qu'elle n'a jamais été employée au sein de la société SAAA mais qui confirme par ailleurs qu'en tant qu'amie de très longue date de M. [B], président des sociétés SAAA et Revoluplast, qu'elle est bien placée pour témoigner du choc extrême ressenti par ce dernier le jour où il a appris que M. [I] travaillait en parallèle pour le compte d'une autre société. Elle précise qu'elle a invité le président à dîner le soir même et qu'il était « particulièrement abattu et déçu qu'un collaborateur, qui plus est, détenteur de tous les schémas techniques des produits commercialisés, puisse agir de la sorte à son insu ».

Or cette attestation générale, imprécise qui ne fait que relayer les informations communiquées par l'employeur de M. [I] est dépourvue de caractère probant et ne permet pas d'établir la matérialité de la détention par le salarié, des schémas techniques des produits commercialisés par la société SAAA.

- les formations réalisées par le salarié et relatives aux faits reprochés dont « Joomla niveau initiation » pour 14h, « Virtuemart avec Joomla » pour 14h, « formation de référencement » pour 3h30, « assistant de communication Interne et Externe » pour 14h, et « le réseau social Linkedin » pour 7h qui ne permettent cependant pas de justifier utilement le grief porté à l'encontre du salarié ;

- un extrait du site « Whois.com » relatif au nom de domaine boitierplastique.fr créé le 22 octobre 2013 et détenu par la société Technibox sur lequel le nom de l'association Combag est indiqué en contact administratif, ce que M. [I] justifie par le fait d'avoir réservé, via son association, le nom de domaine pour son ancien collègue lors de la création du site en 2013.

- un extrait du site journal-officiel.gouv.fr relatif à la déclaration de création de l'association Combag en date du 16 juillet 2008 avec pour objet la « promotion musicale, l'aide à la communication visuelle et graphique et le soutien technique de groupes et musiciens amateurs » ;

- un constat d'huissier en date du 8 septembre 2020 qui établit que :

* [N] [I] est présenté comme infographiste/Webmaster, président de l'association combag design sur le site de l'association Combag ;

* l'association combag présente sur son site, une activité de « réalisation de sites internet (cms Joomla), affiches, flyers, plaquettes commerciales, cartes de visites, dépliants, jaquettes CD pour votre groupe, association ou entreprise, impressions petites et grandes quantités » ;

* le site boitierplastique.fr ne comporte aucune mention légale ;

* sur le site afnic.fr et whois.com, le titulaire du nom de domaine du site boitierplastique.fr est la société Technibox mais que le numéro de portable est le même que celui mentionné par M. [I] sur le site Combag ;

*sur le site afnic.fr et whois.com, le titulaire du nom de domaine du site combag.fr est l'association Combag dotée du même numéro de portable.

Le nom de contact de l'association Combag et le numéro de téléphone portable de M. [I] figurant sur ces sites ne permettent pas de justifier l'allégation selon laquelle il était chargé du référencement de ce site pour le compte de la société Technibox.

Si les éléments versés aux débats par le liquidateur permettent d'établir que le salarié par l'intermédiaire de son association Combag, a réservé le nom de domaine du site leboitierplastique.fr, consistant en une activité ponctuelle de création d'une adresse postale sur internet, ils ne permettent pas d'établir qu'il s'occupait du référencement du site et qu'il le faisait vivre, ce que la société SAAA affirme sans le démontrer et que le salarié dément.

Compte tenu des éléments communiqués, le liquidateur soutient que M. [I], ne pouvait exercer une activité concurrente pendant la durée de son contrat sans manquer aux obligations résultant de son contrat de travail et qu'il n'ignorait rien de cette obligation générale de non-concurrence de son employeur.

L'AGS CGEA d'Orléans fait valoir à titre principal sa mise hors de cause puis indique à titre subsidiaire se rapporter aux conclusions du liquidateur lequel justifie selon elle, de la gravité des manquements énoncés dans la lettre de licenciement. Dès lors, l'AGS sollicite l'infirmation du jugement entrepris et qu'il soit jugé que le licenciement de M. [I] est justifié par une faute grave. Elle demande enfin à titre plus subsidiaire que le licenciement de M. [I] soit requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse, les agissements du salarié constituant a minima, une faute simple.

M. [I] soutient que la société SAAA a souhaité se séparer de lui en raison de sa grande ancienneté et produit un courrier de Mme [S] adressé à la société, non probant puisque les faits rapportés dans cette pièce ne concernent pas le salarié.

Nonobstant l'illicéité de la clause d'exclusivité de M. [I], après analyse des pièces du dossier la cour relève que le liquidateur se limite à matérialiser la réservation par M. [I] par l'intermédiaire de son association Combag, du nom de domaine boitierplastique.fr pour le compte de la société Technibox sans qu'aucun autre élément ne vienne établir que le salarié animait ce site et qu'il s'occupait de son référencement, en conséquence, qu'il aurait failli à l'exécution de bonne foi de son contrat de travail.

Dans ces conditions la cour dit que le liquidateur ne rapporte pas la preuve de faits constitutifs d'une faute grave ni susceptibles de conférer au licenciement une cause réelle et sérieuse.

En conséquence, la cour déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse et confirme le jugement déféré de ce chef.

Sur les conséquences financières

Sur la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié, qui comptait une ancienneté de 28 années complètes à la date de son licenciement, peut prétendre, en réparation du préjudice résultant de la perte injustifiée de son emploi, à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 19,5 mois de salaire brut.

Il est constant que la société SAAA employait habituellement plus de onze salariés et que le salarié percevait un salaire mensuel brut moyen, non contesté, de 2 841 euros.

Eu égard aux éléments de la cause et notamment de l'âge du salarié au moment de son licenciement (52 ans), de son ancienneté au sein de la société, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits dont il ressort notamment qu'il a été indemnisé par Pôle Emploi à compter du 28 janvier 2021 après la fin de son contrat de travail en date du 9 septembre 2020 jusqu'au 28 février 2022, il convient de fixer au passif de la société SAAA, la somme de 40 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation du préjudice matériel et moral que M. [I] a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi.

Le jugement déféré sera donc infirmé en son quantum de ce chef et lesdites sommes fixées au passif de la SAS SAAA.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

M. [I] sollicite la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier mais ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice distinct de celui lié à la perte injustifiée de son emploi.

En conséquence, la cour ne fera pas droit à cette demande et confirme ainsi, le jugement déféré de ce chef.

Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application de l'article L. 1234-5 du code du travail, l'indemnité compensatrice de préavis correspond aux salaires et avantages qu'aurait perçus le salarié s'il avait travaillé pendant cette période. M. [I] est bien fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 5 682 euros bruts ainsi qu'à la somme de 568 euros bruts correspondant aux congés payés afférents.

Le jugement entrepris sera infirmé de ces chefs en ce que lesdites sommes seront fixées au passif de la SAS SAAA.

Sur l'indemnité légale de licenciement

Aux termes de l'article L. 1234-9 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Selon l'article R. 1234-2, dans sa rédaction résultant du décret n° 2017-1398 du 25 septembre 2017, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans et un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.

Si le droit à indemnité de licenciement naît à la date où le licenciement est notifié, l'évaluation du montant de l'indemnité est faite en tenant compte de l'ancienneté à l'expiration normale du préavis. En cas d'année incomplète, l'indemnité est calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré de ce chef en ce que sera fixée au passif de la SAS SAAA, la somme de 24 332,33 euros que M. [I], revendique à titre d'indemnité légale de licenciement compte tenu de son ancienneté de 28 ans et 10 mois.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient en infirmant le jugement déféré, de fixer au passif de la liquidation judiciaire le remboursement par l'employeur employant habituellement au moins 11 salariés, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnisation, la circonstance que la société soit en liquidation judiciaire ne constituant pas une cause exonératoire ; le jugement est réformé sur ce point.

Une copie du présent arrêt sera transmise à Pôle Emploi.

Sur l'intervention de l'AGS CGEA d'Orléans

L'AGS CGEA d'Orléans sollicite à tort à titre principal, sa mise en cause en raison de l'absence de demande formée à son égard en première instance sur le fondement des articles 4 et 5 du code de procédure civil selon lesquels, « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense. Toutefois l'objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant ». « Le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ».

Compte tenu du jugement du tribunal de commerce de Chartres du 8 décembre 2022 relatif à l'ouverture de la procédure collective et de la nature des sommes allouées, le présent arrêt sera opposable à l'AGS CGEA d'Orléans dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure.

Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d'ordonner à Me [G] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAAA, de remettre à M. [I] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt. Il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte ; le jugement est infirmé uniquement sur ce dernier point.

Sur les intérêts et leur capitalisation

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Chartres en date du 2 décembre 2021, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SAAA, a arrêté le cours des intérêts légaux.

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société SAAA de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au 2 décembre 2021 et il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en a été faite en justice jusqu'au 2 décembre 2021.

Les créances indemnitaires allouées par le présent arrêt, postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, ne produisent pas intérêts.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la Selarl PJA, prise en la personne de Me [G] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAAA, qui succombe.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Chartres en date du 9 septembre 2021, et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :

Dit le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA d'Orléans) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail ;

Dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;

Dit que le licenciement de M. [N] [I] ne repose sur aucune faute grave ;

Déclare le licenciement de M. [N] [I] sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe au passif de la société SAAA les sommes suivantes :

- 5 682 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 568 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

- 24 332,33 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement ;

- 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne à Me [G] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAAA, de remettre à M. [I] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Dit que les créances salariales ainsi que les sommes allouées à titre d'indemnité légale de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société SAAA de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au 2 décembre 2021 ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien devenu l'article L. 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en a été faite en justice jusqu'au 2 décembre 2021 en application de l'article L. 622-28 du code du commerce ;

Dit que les autres créances indemnitaires ne produisent pas intérêts ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société SAAA le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié par Pôle Emploi du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités ;

Dit qu'une copie de l'arrêt sera adressée par le greffe à Pôle Emploi ;

Rejette les demandes plus amples et contraires des parties ;

Rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de Me [G] [F], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SAAA et dit que ces dépens seront pris en frais privilégiés de procédure collective.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02924
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.02924 ?
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