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06/07/2023 | FRANCE | N°21/02502

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 06 juillet 2023, 21/02502


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/02502 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UV2H



AFFAIRE :



[KX] [VC]





C/



S.A.S. ARPEGE







Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 24 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE



N° Chambre :

N° Section : C

N° RG

: F19/00548



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :









Me Etienne BATAILLE de la SCP SCP Etienne BATAILLE, Julien TAMPE



Me Anne PETER JAY







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/02502 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UV2H

AFFAIRE :

[KX] [VC]

C/

S.A.S. ARPEGE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 24 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F19/00548

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Etienne BATAILLE de la SCP SCP Etienne BATAILLE, Julien TAMPE

Me Anne PETER JAY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [KX] [VC]

né le 29 Août 1979 à [Localité 4] (BANGLADESH)

de nationalité Bangladaise

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Etienne BATAILLE de la SCP SCP Etienne BATAILLE, Julien TAMPE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0320 substitué par Me DEGROOTE Éléonore avocat au barreau de PARIS.

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/012555 du 07/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

S.A.S. ARPEGE

N° SIRET : 31 2 1 47 770

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentant : Me Anne PETER JAY, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C 0875 substitué par Me ELHARRAR Karina avocat au barreau de PARIS.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE-MONNYER Président

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [VC] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 2 mai 2016, en qualité de chef de partie, par la société Arpège, qui a pour activité la restauration collective, assurant à ce titre la gestion de la restauration pour le compte de ses sociétés clientes, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale de la restauration de collectivités.

Convoqué le 1er mars 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 13 mars suivant, et mis à pied à titre conservatoire, M. [VC] a été licencié par lettre datée du 22 mars 2018 énonçant une cause réelle et sérieuse.

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [VC] a saisi, le 4 et le 6 février 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de demander la nullité de son licenciement à titre principal en raison du harcèlement moral qu'il indique avoir subi, et d'entendre juger dénué de cause réelle et sérieuse son licenciement à titre subsidiaire, et de solliciter la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement des entiers dépens.

Par jugement rendu le 24 juin 2021, notifié le 22 juillet 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que le licenciement de M. [VC] est fondé.

Déboute M. [VC] de l'ensemble de ses demandes.

Déboute la société Arpège de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [VC] aux éventuels dépens de l'instance.

Le 30 juillet 2021, M. [VC] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par décision du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a accordé à M. [VC] une aide juridictionnelle totale, sur demande présentée le 17 août 2021.

Par ordonnance rendue le 24 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 12 juin 2023.

' Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 2 novembre 2021, M. [VC] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

- A dit et jugé que son licenciement est fondé

- L'a débouté de l'ensemble de ses demandes

- L'a condamné aux éventuels dépens de l'instance.

En conséquence,

Déclarer son licenciement nul ou, à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse

Condamner la société Arpège à lui verser les sommes suivantes :

- 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire,

- 10 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En tout état de cause,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité résultat de l'employeur

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de prévoyance mutuelle

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique pour la procédure d'appel.

Ordonner que la décision à intervenir soit assortie :

Des intérêts au taux légal (article 1153-1 du code civil)

Ordonner que les dépens soient mis à la charge de la société Arpège

' Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 26 janvier 2022, la société Arpège, demande à la cour de :

Dire la demande nouvelle au titre de la prévoyance irrecevable en appel, le principe d'unicité de la demande n'existant plus depuis le 26 mai 2016 .

Confirmer le jugement entrepris.

Débouter M. [VC] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

Le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité 

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, le salarié énonce avoir subi des pressions et un comportement dénigrant et humiliant de sa hiérarchie, une accélération des cadences de travail sans aide, une absence de préparation à des tâches nouvelles sans y être assisté, faits constitutifs selon lui d'un harcèlement.

La société oppose que M. [VC] ne rapporte aucune preuve d'agissements de harcèlement moral et pas davantage de manquement à l'obligation de sécurité.

Au soutien de sa demande et s'agissant de l'ensemble des faits, le salarié produit aux débats les pièces suivantes :

Une déclaration de main courante effectuée au commissariat de [Localité 2] du 17 juillet 2017 aux termes de laquelle M. [VC] déclarait : «  Je me présente afin de vous signaler les problèmes que je rencontre avec Mme [R]. Je suis employé à la [Adresse 7] au restaurant. Bonsens. Depuis huit mois, cette personne n'arrête pas de crier et de me donner des ordres. Elle me demande de travailler toujours plus vite. Aujourd'hui, j'ai eu un litige avec elle. Je suis allé voir le directeur pour lui dire et il s'est entretenu avec elle. Je fais cette démarche pour me protéger au cas où. »

Une déclaration de main courante effectuée au commissariat de [Localité 2] du 01 mars 2018 aux termes de laquelle M. [VC] faisait état des faits suivants : «  Aujourd'hui je suis parti manger à ma pause avec ma collègue, la responsable de secteur de mon travail Mme [T] a elle aussi mangé une table à côté de la mienne. Lorsqu'elle a fini de manger à 11h18 elle m'a appelé d'un air énervé, m'a mal parlé, comme un chien et m'a dit de venir et de reprendre le travail alors que ma pause dure jusqu'à 11h25. Depuis deux ans ça ne cesse pas, je suis épuisé, elle parle très mal aussi à tous mes collègues. De même pour mon directeur de site M. [M] lorsque je lui demande quelque chose ça se termine en insulte et il me parle mal également.

Un courriel du 17 juillet 2017 adressé par M. [ND] [B], délégué du personnel à M. [O] et à M. [V] transmettant une demande de mutation du salarié en précisant que ce dernier avait accepté son affectation au restaurant Bonsens sans contester, mais qu'en raison de problèmes de compréhension du français « il n'avait pas tout compris. ».

Un courriel du 14 janvier 2018 adressé par M. [ND] [B], délégué du personnel aux responsables hiérarchiques du salarié sollicitant au profit de ce dernier, le bénéfice d'une formation à l'apprentissage du français ainsi que son changement rapide de site en raison de tensions entre « M. [V], [UZ] [D] et M. [KX] ». Suite aux derniers avertissements reçus par le salarié, M [B] faisait les observations suivantes :

S'agissant des retards, le salarié à chaque fois envoyait un SMS afin d'avertir sa responsable de problèmes de transport,

L'impossibilité pour le salarié de faire plus de 200 salades en devant peser les ingrédients et demande de solution sous la forme d'une aide ou d'un roulement avec un autre collègue,

L'usage du téléphone est interdit ce qui n'est pas appliqué pour l'ensemble des collaborateurs du restaurant,

M. [KX] respecte les convives mais maîtriserait mieux l'usage des formules de politesse s'il recevait une formation portant sur l'apprentissage de la langue française.

Les mains courantes produites aux débats qui font état de plaintes du salarié reprennent les seules allégations de ce dernier sans être corroborées par aucun témoignage extérieur.

De même, les deux courriels de M. [B], délégué du personnel, adressés à la hiérarchie dans l'intérêt du salarié se limitent à contester les avertissements reçus et à solliciter une formation en français à son bénéfice.

Faute pour le salarié d'établir des éléments de fait, lesquels, pris dans leur ensemble laisseraient supposer l'existence d'un harcèlement, M. [VC] sera débouté de sa demande au titre du harcèlement moral ainsi que de sa demande relative à un manquement à l'obligation de sécurité allégué au titre d'un harcèlement moral lequel n'est pas établi.

Sur le manquement à l'obligation de prévoyance et de mutuelle.

Le salarié reproche à la société Arpège de ne pas avoir fait le nécessaire pour qu'il puisse bénéficier de la prise en charge complémentaire suite à son arrêt de travail.

La société Arpège oppose l'irrecevabilité de cette demande nouvelle en cause d'appel. Elle fait observer subsidiairement que la date de l'arrêt concerné n'est pas précisée dans les conclusions de l'appelant et ajoute qu'il résulte en tout état de cause du bulletin de salaire du mois de mars 2018 que le salarié a bien perçu des indemnités de prévoyance.

Contrairement à ce que soutient la société Arpège cette demande n'est pas nouvelle en cause d'appel pour avoir été déjà formulée devant les premiers juges qui l'ont rejetée.

S'il est constant au vu de la lettre de licenciement que le salarié a fait l'objet d'un arrêt de travail susceptible de mobiliser la prévoyance et qu'un dossier a été établi en ce sens, à défaut de toute précision apportée par l'appelant, aucun élément ne vient objectiver une éventuelle carence de la société quant au bénéfice d'une prise en charge complémentaire.

La demande de M. [VC] sera rejetée par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Monsieur,

Dans le cadre des dispositions de l'article L. 1232-2 et L. 1232-4 du code du travail, nous vous avons convoqué, par courrier remis en main propre et par courrier recommandé en date du 01 mars 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se dérouler le mardi 13 mars 2018. Lors de cet entretien vous étiez assisté par Madame [C] [K] [E], Membre du CE suppléant, DP titulaire FO.

Lors de l'entretien nous vous avons reproché les suivants.

En date du 28 février 2018, aux alentours de 10h45 vous êtes entré dans le bureau de la direction du site [Adresse 7] afin de demander à Monsieur [M] [V], Directeur de Restaurant des informations sur votre dossier de prévoyance. Monsieur [M] [V] vous a alors affirmé que vos demandes de remboursement avaient été envoyées au service concerné pour traitement.

Vous vous êtes alors emporté car la réponse de votre hiérarchie ne vous convenait pas. Monsieur [M] [V] vous a donc demandé de restaurer votre calme tout en vous indiquant qu'il se renseignerait sur l'avancée de votre dossier de prévoyance.

Toujours pas satisfait par la réponse, vous avez redoublé d'agressivité en affirmant à Monsieur [M] [V] qu'il vous mentait et qu'il n'en ferait rien. Vous avez ensuite adopté une attitude provocatrice et vous êtes adressé en ces termes à votre hiérarchie : « Allez-y mettez moi encore un avertissement, alors !! Allez-y licenciez moi !! ». Monsieur [ND] [J], Chef de Production est alors intervenu car votre comportement ainsi que votre façon de vous adresser à la hiérarchie étaient inappropriés.

Monsieur [M] [V] vous a de nouveau indiqué qu'il se renseignerait auprès du service concerné au sujet de l'avancée de votre dossier de remboursement prévoyance tout en vous invitant à regagner votre poste. Vous avez dans un premier temps refusé de regagner votre poste de travail pour vous exécuter après 30 minutes d'âpres négociations.

En date du 1er mars 2018, Madame [X] [H], Responsable De Point De Restauration vous a demandé d'être à votre poste de travail à 11h25 en prévision de l'ouverture du point de Restauration à 11h30. Madame [X] [H], vous a fait ce rappel car la veille vous étiez en retard à votre poste de travail, ce qui avait généré une forte désorganisation en début du service.

Lors de l'entretien vous avez réfuté l'ensemble de ces faits et avait indiqué que la direction refusait systématiquement d'entendre vos problématiques. Nous vous rappelons que le lundi 12 février 2018, suite à votre demande vous avez été autorisé à quitter votre poste de travail afin de vous rendre au siège de la société vous entretenir avec la direction.

Vous avez alors été reçu par Monsieur [GH] [G], Responsable des Ressources Humaines et Monsieur [U] [Y], Responsable Emploi et Compétences qui ont tenté durant 1 heure, de vous expliquer l'importance du respect de la hiérarchie et la nécessité de respecter votre horaire travail pour le bon fonctionnement du service. A l'issue de cette entrevue, vous n'êtes pas retourné à votre poste de travail.

Nous vous rappelons que conformément à l'article 6-1 - Discipline et comportement ' de notre règlement intérieur: « Dans l'exécutions de son travail, le personnel est tenu de respecter les instructions de ses supérieurs hiérarchiques, ainsi que l'ensemble des instructions diffusées par voie de notes de service et d'affichage. Tout acte contraire à la discipline est passible de sanctions. Il doit de plus faire preuve de correction dans son comportement vis-à-vis de ses collègues et de la hiérarchie, sous peine de sanctions. »

Nous vous rappelons également que conformément à l'article 3 - horaires et durée du travail de ce même règlement intérieur. « Les salariés devront respecter l'horaire de travail fixé par la direction conformément à la règlementation en vigueur, et affiché dans les lieux de travail auxquels il s'applique. Ils devront de plus respecter les modifications de l'horaire éventuellement décidées par la direction dans les limites et le respect des procédures imposées par la convention collective et la loi. Tout retard non justifié pourra entrainer des sanctions sous réserve des droits des représentants du personnel. Les salaries se trouveront à leur poste de travail - en tenue de travail à l'heure fixée pour le début et la fin du travail. »

Vos multiples contestations et votre refus systématique de ne pas regagner votre poste de travail lorsque la direction vous en donne la consigne perturbent fortement l'organisation du travail. En effet, vos requêtes constantes auprès de la direction et dont vous n'acceptez pas les réponses entrainent de longs échanges improductifs et ont pour conséquence de retarder la production du matin et dégrader l'efficacité du service.

Par ailleurs, vous monopolisez plus que nécessaire le temps d'un directeur de site l'empêchant de remplir l'une de ses fonctions premières, à savoir s'assurer de l'élaboration de la prestation dans le respect des orientations fixées au contrat et gérer la relation client en supervisant le bon déroulement du service en terme d'accueil des convives.

Cette récurrence de votre comportement contestataire et souvent ponctué d'agressivité remet en cause notre appréciation quant à votre capacité à travailler dans un cadre organisé, à respecter ce cadre et à vous conformer aux règles et procédure d'entreprise.

D'autant plus que ces évènements ne sont pas des constats isolés dans l'historique de votre relation contractuelle depuis votre embauche en mai 2016.

En effet, vous avez déjà fait l'objet d'un premier avertissement notifié le 9 août 2017 pour des propos menaçants conférés à l'encontre de votre supérieur hiérarchique, suivi d'un deuxième avertissement notifié le 30 janvier 2018, en raison de votre volonté affichée de ne pas respecter les consignes de la hiérarchie, ainsi que le règlement intérieur par le biais de vos retards répétés et injustifiés.

En lieu et place de votre poste de travail, vous vous êtes présenté à 11h30 dans le bureau de la direction accompagné de Monsieur [I] [L], Magasinier afin de recueillir des explications auprès de Monsieur [M] [V] relatif au rappel que vous avait fait Madame [X] [H] qui selon vous n'était pas justifié.

Monsieur [M] [V] vous a affirmé que le moment n'était pas opportun tout en vous proposant de traiter la question après le service qui était sur le point de débuter et en présence d'un autre membre de l'encadrement. Vous vous êtes de nouveau emporté et Monsieur [M] [V] a coupé court à la conversation afin d'assurer la supervision du service du jour débutant à 11h 45.

Madame [BD] [S], Adjointe Directeur de Restaurant qui s'est rendue au bureau à 11h50 afin de modifier la signalétique, vous a trouvé au téléphone alors que vous étiez supposé être en poste pour assurer le service. Vous avez alors indiqué à cette dernière que vous appeliez le commissariat, puis lui avez demandé l'autorisation de quitter votre lieu de travail.

Madame [BD] [S] a refusé de vous délivrer cette autorisation et a avisé Monsieur [M] [V] de votre départ du site en tenue de travail selon les propos de Monsieur [I] [L]. Votre abandon de poste a eu des conséquences néfastes sur le déroulement du service sur la [Adresse 7], mais également sur le service de la [Adresse 8].

En effet, face à votre abandon de poste, Monsieur [P] [Z], Directeur Comptes Clés a dû solliciter Madame [A] [N], Directrice de Restaurant de la [Adresse 8] à 11 h 52 afin que cette dernière détache en urgence une personne de son équipe sur la [Adresse 7], désorganisant de ce fait le service sur la [Adresse 8].

Dans ce cadre de forte perturbation du service, lié à votre refus de prise de poste suivi de votre départ non autorisé, Madame [F] [W], Hôtesse Cafeteria Poly compétent sur la [Adresse 8] a dû assurer votre poste sur la [Adresse 7] de 12h15 à 14h30.

Vous êtes revenu sur le site de la [Adresse 7] à 14h00, et afin de faire cesser votre comportement agressif envers la direction, ainsi que la perturbation du service il vous a été notifié par Monsieur [ZO] [IR], Responsable des Ressources Humaines une mise à pied à titre conservatoire.

Vous avez refusé de signer la décharge de remise en main propre et avez remis à Monsieur [ZO] [IR] une copie de votre dépôt de main courante au commissariat de [Localité 5].

Malgré votre refus de signer la décharge de notification de mise à pied à titre conservatoire, Monsieur [ZO] [IR] vous a demandé de quitter les lieux et de restituer votre badge d'accès.

Vous vous êtes de nouveau emporté tout en refusant de quitter les lieux et de rendre le badge d'accès, à tel point que l'intervention des services de sécurité de la [Adresse 7] a été nécessaire. Vous avez maintenu votre refus et par excès de colère avez cassé le porte savon du vestiaire devant Monsieur [M] [V] et l'agent de sécurité.

Votre badge d'accès a été annulé et vous avez été raccompagné à la sortie du site par Messieurs [ZO] [IR] et [M] [V], ainsi qu'un agent de la sécurité incendie.

Aussi, compte tenu de l'ensemble de ces faits et de votre refus manifeste de l'autorité rendant nos relations difficiles, nous avons pris la décision de ne pas maintenir notre relation contractuelle et nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute simple.

Nous vous informons que la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet depuis le 1er mars 2018 cesse de plein droit à la date de première présentation de ce courrier et les sommes dont vous avez été privées au titre de cette mesure conservatoire vous seront rémunérées.

[...] »

M. [VC] soutient que les griefs invoqués à l'appui de son licenciement sont infondés et conteste chacun des reproches invoqués.

La société soutient que compte-tenu de son passé disciplinaire et de son comportement d'insubordination réitéré et de son incapacité à respecter le cadre et les règles collectives et sa hiérarchie, le licenciement repose sur des motifs réels et sérieux.

En application de l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l'administration de la preuve pour ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur les faits précis et matériellement vérifiables.

La société Arpège produit aux débats :

Le témoignage de M. [J], chef de production au sein de la société selon lequel : « Le  28 février 2018, je me trouvais dans le bureau de la direction quand M. [KX] s'est présenté et a demandé à M. [V] sur un ton ferme le numéro de téléphone de la prévoyance. M. [V] lui a répondu mais visiblement la réponse n'a pas plu et M . [KX] a commencé à parler de plus en plus fort et d'une façon très agressive. Je suis alors intervenu et demandé à M. [KX] de rester calme et de respecter M. [V] je lui ai également demandé de rejoindre son poste de travail pour le service mais M. [KX] a continué à être agressif et a refusé de retourner à son poste. Après un long moment et beaucoup de discussion , il a enfin décidé de partir du bureau et a regagné son poste en continuant de parler très fort dans les couloirs. » ;

Le témoignage de Mme [S] qui relate les faits suivants : «  Je certifie que j'ai surpris M. [KX] [VC] le 1er mars avec son téléphone portable au bureau vers 11h50, je me rendais au bureau pour une modification de signalétique. M. [VC] [KX] me demande de le laisser partir, je refuse, il le prend mal et me dit qu'il appelle le commissariat. Je lui rappelle que s'il part sans l'autorisation de sa direction, c'est un abandon de poste. Il parle avec son interlocuteur en ligne et je repars en direction du service car j'ai laissé les équipes seules. Je préviens dans la foulée le directeur. Je constate que ce n'est pas la première fois que M. [VC] [KX] se comporte de la sorte. Il a un comportement irrespectueux et a le verbe fort quand il s'adresse au directeur et adopte un comportement agressif. Ce comportement crée des tensions au sein de l'équipe. »

Même si par courriel du 14 janvier 2018, M. [B] délégué du personnel, contestait dans l'intérêt de M. [VC] les reproches formulés par le biais de l'avertissement notifié le 30 janvier 2018, force est de constater que l'altercation et les propos agressifs tenus envers sa responsable d'équipe qui ont fait l'objet d'un avertissement le 9 août 2017 n'ont pas été contestés par M. [VC].

Or, il ressort des éléments versés aux débats que le salarié réitérait un comportement très agressif envers sa hiérarchie le 28 février 2018 et refusait de respecter ses horaires de travail, ainsi que de retourner à son poste le 1er mars malgré l'injonction en ce sens de Mme [S] .

Ces témoignages, circonstanciés ne sont pas utilement contredits par le salarié.

Les manquements reprochés à M. [VC] sont ainsi caractérisés, ils sont constitutifs d'une faute.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

M. [VC] sera débouté de sa demande subséquente.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 24 juin 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur [VC] aux dépens de l'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02502
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.02502 ?
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