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06/07/2023 | FRANCE | N°21/02488

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 06 juillet 2023, 21/02488


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/02488 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UVWT



AFFAIRE :



[J] [Y]





C/



S.A.S. SNI MULTISERVES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 08 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL



N° Chambre :

N° Section

: C

N° RG : F 20/00184



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :







M. [P] [M]



Me Roland ZERAH







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/02488 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UVWT

AFFAIRE :

[J] [Y]

C/

S.A.S. SNI MULTISERVES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 08 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : F 20/00184

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

M. [P] [M]

Me Roland ZERAH

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [J] [Y]

née le 01 Février 1965 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 2]

Representé par : M. [P] [M] (Délégué syndical ouvrier)

muni d'un pouvoir.

APPELANTE

****************

S.A.S. SNI MULTISERVES

N° SIRET : 810 49 3 0 23

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Roland ZERAH, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0164 substitué par Géraldine CASINI avocat au barreau de PARIS.

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE-MONNYER Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [Y] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (65 heures mensuelles), à compter du 31 janvier 1998 par la société Metlif, en qualité d'agent de service, lequel a été repris par avenant conclu le 31 décembre 2018 en application de l'article 7 de la convention collective de la propreté par la société SNI Multiservices, qui a pour activité le nettoyage industriel, aéroportuaire, agroalimentaire, emploie moins de dix salariés et relève de la convention collective des entreprises de propreté.

Mme [Y] a été en arrêt suite à un accident de travail du 12 février 2020 jusqu'au 19 juin 2020 puis en congés payés du 25 juin au 17 juillet 2020.

A compter du 22 juin 2020, Mme [Y] a été affectée sur un nouveau site, sur lequel la salariée ne s'est jamais rendue.

Convoquée le 1er août 2020, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 24 août suivant, Mme [Y] a été licenciée par lettre datée du 24 août 2020 pour faute grave à savoir un abandon de poste.

Contestant la rupture de son contrat de travail, Mme [Y] a saisi, le 21 septembre 2020, le conseil de prud'hommes d'Argenteuil aux fins d'entendre juger dénué de cause réelle et sérieuse son licenciement, et de solliciter la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s'est opposée aux demandes de la requérante.

Par jugement rendu le 8 juillet 2021, notifié le même jour, le conseil a statué comme suit :

Juge le licenciement de Mme [Y] fondé sur une faute grave démontrée par l'employeur

Condamne la société SNI Multiservices prise en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [Y] les sommes de :

886,54 euros (huit cent quatre-vingt-six euros et cinquante-quatre centimes) au titre de rappel de salaire sur la base du minimum conventionnel

88,65 euros (quatre-vingt-huit euros et soixante-cinq centimes) au titre des congés payés y afférents

339,30 euros (trois cent trente-neuf euros et trente centimes) au titre de compensation du temps d'habillage et déshabillage

33,93 euros (trente-trois euros et quatre-vingt-treize centimes) au titre des congés payés y afférents

65 euros (soixante-cinq euros) au titre de l'indemnité de nettoyage des vêtements de travail

500 euros (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne à la société SNI Multiservices prise ne la personne de son représentant légal, la remise à Mme [Y] des bulletins de salaire conformes à la présente décision

Déboute Mme [Y] du surplus de ses demandes.

Met les entiers dépens à la charge de la société SNI Multiservices prise en la personne de son représentant légal.

Le 28 juillet 2021, Mme [Y] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 24 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 12 juin 2023.

' Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 4 octobre 2021, Mme [Y] demande à la cour de :

La recevoir en ses demandes d'appelante principale

De confirmer le jugement rendu le 8 juillet 2021 en ce qu'il a condamné la société SNI Multiservices à lui payer les sommes suivantes :

886,54 euros au titre de rappel de salaire sur la base du minimum conventionnel, outre 88,65 euros au titre des congés payés y afférents.

339,30 euros au titre de compensation du temps d'habillage et déshabillage, outre 33,93 euros au titre des congés payés y afférents.

65 euros au titre de l'indemnité d'entretien de vêtement de travail

500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Infirmer le jugement statuant à nouveau et y ajoutant.

Condamner la société à lui payer à titre de :

Indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base de 69h28 : 21 714 euros

Indemnité conventionnelle de licenciement sur la base de 69h28 : 6 307,86 euros

Indemnité de préavis sur la base de 69h28 : 1 447,60 euros, outre les congés payés afférents 144,76 euros

Dommages et intérêts pour l'absence de la visite médicale obligatoire de reprise : 4 000 euros

Les dommages et intérêt pour l'absence d'action de prévention, de risques professionnels, d'action d'adaptation, d'information de formation de sécurité, de la formation, professionnelle, de documents uniques et pour perte de chance : 3 000 euros.

La contrepartie d'habillage et déshabillage de 01/01/2019 à 11/02/2020 : 307,12 euros, outre 30,71euros de congés payés afférents

Indemnité de nettoyage de vêtements de travail de 01/01/19 à 11/02/20 : 200 euros

Article 700 du nouveau code de la procédure civile : 2 000 euros

Condamne la société SNI Multiservices au paiement d'intérêts légal à compter du BCO.

Condamne la société SNI Multiservices aux dépens et au paiement de l'intégralité des frais de recouvrement forcé par voie d'huissier de justice.

Déboute la société SNI Multiservices de l'intégralité de ses demandes.

' Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 octobre 2021, la société SNI Multiservices demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui à payer au titre de l'article 700 du code de procédure civile une somme non déterminée au dispositif des conclusions.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la demande de rappel de salaires.

Mme [Y] fait valoir que l'employeur, en ne la faisant travailler que 65 heures par mois, n'a pas respecté la durée minimale de travail fixée à 16 heures hebdomadaires, soit 69 h 28 par mois par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés.

La société s'oppose à cette demande en faisant valoir qu'en acceptant de signer un avenant à son contrat de travail sur une base de 65 heures la salariée a exprimé sa volonté pour cette durée de travail.

L'article L. 3123-7 du code du travail prévoit que le salarié embauché à temps partiel « bénéficie d'une durée minimale de travail hebdomadaire déterminée selon les modalités fixées aux articles L 3123-19 et L 3123-27. ».

L'alinéa 2 du même article prévoit qu'une durée de travail inférieure peut être fixée à la demande du salarié pour lui permettre de faire face à des contraintes personnelles, soit pour lui permettre de cumuler plusieurs activités afin d'atteindre un temps de travail correspondant à temps plein.

La demande du salarié est écrite et motivée.

L'article L. 3123-19 du code du travail dispose que 'Une convention ou un accord de branche étendu fixe la durée minimale de travail mentionnée à l'article L. 3123-7. Lorsqu'elle est inférieure à celle prévu à l'article L. 3123-27 du code du travail, il détermine les garanties quant à la mise en oeuvre d'horaires réguliers ou permettant au salarié de cumuler plusieurs activités, afin d'atteindre une durée globale d'activité correspondant à un temps plein ou au moins égale à la durée mentionnée à l'article L.3123-27. Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut une convention ou un accord de branche étendu détermine les modalités selon lesquelles les horaires de travail des salariés effectuant une durée inférieure à la durée minimale prévue à l'article L. 3123-27 sont regroupés sur des journées ou des demi-journées régulières ou complètes.

L'article L.3123-27 prévoit une durée minimum de vingt-quatre heures par semaine.

L'article 6.2.4.1 de la convention collective des entreprises de propreté applicable à la relation de travail que le salarié invoque à l'appui de sa demande de rappel de salaires stipule une durée minimum de travail à temps partiel de 16 heures, soit 69,28 heures par mois, sauf demande écrite et motivée du salarié d'une durée de travail inférieure.

En l'espèce, l'avenant au contrat de travail de Mme [Y] en date du 31 octobre 2018 dont cette dernière conteste l'authenticité en alléguant sans en justifier ni produire aux débats une quelconque pièce de nature à étayer ses allégations sur ce point, prévoit une durée mensuelle de travail de 65 heures du lundi au vendredi de 18 heures à 20 heures.

Sans qu'il soit justifié par l'employeur que Mme [Y] ait expressément fait la demande d'effectuer moins de 69 h 28 ou qu'elle ait eu un autre emploi, la durée de travail mensuelle est donc inférieure à la durée conventionnelle minimale de 69 h 28 heures.

Il apparaît ainsi qu'en ne respectant pas les conditions légales, la société SNI Multiservices a dérogé à la durée minimale de travail fixée par la convention collective.

La cour étant en mesure de statuer sur la réclamation de la salariée sans procéder à la vérification de la signature litigieuse figurant sur l'avenant, il résulte de ces éléments que Mme [Y] est bien fondée à demander un rappel de salaire du fait de la violation de la convention collective, que l'employeur n'a pas respectée.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 886,54 euros au titre des rappels de salaire pour la période du 1er janvier 2019 au 24 août 2020, outre la somme de 88,65 euros au titre des congés payés afférents.

Ce rappel de salaire entraîne une incidence sur le salaire de référence ainsi que le plaide à juste titre la salariée lequel emportera une incidence sur le calcul des différentes indemnités de licenciement.

Sur la visite médicale de reprise.

Mme [Y] reproche à l'employeur d'avoir omis d'organiser à l'issue de son arrêt de travail d'une durée supérieure à 30 jours pour accident de travail une visite médicale de reprise par le médecin du travail.

La société SNI Multiservices qui ne conteste pas l'absence de visite médicale de reprise à l'issue de l'arrêt de travail du 12 février 2020 au 19 juin 2020 et affirme sans en justifier que la salariée travaillait également pour un autre employeur, soutient qu'il appartenait à cet employeur chez lequel l'accident de travail est survenu, d'organiser la visite médicale de reprise.

Selon les dispositions de l'article R.4624-31 du code du travail, le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après une absence d'au moins 30 jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Le même article précise dès que l'employeur a connaissance de la date de la fin de l'arrêt de travail, il saisit le service de santé au travail qui organise l'examen de reprise le jour de la reprise effective par le travailleur, et au plus tard dans un délai de huit jours qui suivent cette reprise.

Il s'ensuit que l'organisation de la visite de reprise incombe à l'employeur, qui tenu à une obligation de sécurité qui lui est personnelle du fait de l'emploi occupé par la salariée au sein de la société, ne peut s'exonérer de cette obligation en raison du fait que l'accident du travail ayant donné lieu à un arrêt de travail ait eu lieu chez un autre employeur, ce dont il ne justifie d'ailleurs pas.

Cette obligation ne pèse toutefois sur l'employeur que si le salarié a effectivement repris le travail ou manifesté la volonté de le reprendre.

La salariée ayant informé par mail (pièce n° 3 de la société) son employeur de son retour au sein de l'entreprise le 22 juin 2009, qui malgré cette information n'a pas organisé de visite médicale de reprise de sa salariée, le manquement est établi à l'encontre de l'employeur.

Le non-respect de cette obligation a causé un préjudice à Mme [Y] dans la mesure où celle-ci n'a pu voir apprécier son aptitude médicale à reprendre son poste dont l'affectation géographique était modifiée par l'employeur lors de sa reprise de poste et l'éventuelle nécessité d'une adaptation de ses conditions de travail.

Ces circonstances conduisent à évaluer à la somme de 1 000 euros, les dommages-intérêts dus sur ce fondement, par infirmation du jugement entrepris.

Sur l'obligation de sécurité.

Mme [Y] reproche à l'employeur de ne pas avoir respecté son obligation de sécurité notamment de ne pas avoir mis en place :

- Les actions de prévention,

- Les actions de risques professionnels,

- Les actions d'adaptation,

- Les actions de développement des compétences,

- Les actions d'information et de formation de sécurité,

- Les actions de la formation professionnelle,

- L'établissement d'un plan de prévention,

- L'établissement des documents uniques.

L'employeur ne réplique pas à ce moyen. Toutefois si la société ne justifie pas en effet avoir mis en 'uvre les mesures destinées à prévenir la survenance des risques, la salariée n'argumente ni ne caractérise aucun préjudice en lien avec ce manquement.

Mme [Y] sera donc déboutée de sa demande de dommages intérêts par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du temps d'habillage et de déshabillage.

Au soutien de sa demande de paiement de la somme de 587,66 euros pour le temps d'habillage et de déshabillage pour la période du 1er janvier 2019 au 11 février 2020, outre 58,76 euros de congés payés afférents, Mme [Y] fait valoir qu'elle n'a jamais perçu de contrepartie pour compenser son temps d'habillage et de déshabillage de sa tenue au travail.

La société estime cette demande non fondée.

Selon les dispositions de l'article L.3121-3 du code du travail, « le temps nécessaire aux opérations d'habillage et de déshabillage fait l'objet de contreparties. Ces contreparties sont accordées, soit sous forme de repos, soit sous forme financière, lorsque le port d'une tenue de travail est imposé par des dispositions légales, par des stipulations conventionnelles, le règlement intérieur ou le contrat de travail et que l'habillage et le déshabillage doivent être réalisés dans l'entreprise ou sur le lieu de travail. Ces contreparties sont déterminées par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par le contrat de travail, sans préjudice des clauses des conventions collectives, de branche, d'entreprise ou d'établissement, des usages ou des stipulations du contrat de travail assimilant ces temps d'habillage et de déshabillage a du temps de travail effectif ».

Faute pour la salariée d'étayer ses allégations selon lesquelles les conditions cumulatives de l'article L.3121-3 seraient réunies, à savoir l'obligation de revêtir et d'enlever la tenue professionnelle sur le lieu de travail, elle sera déboutée de sa demande indemnitaire et le jugement entrepris infirmé de ce chef.

Sur la demande au titre de l'entretien de la tenue de travail.

Au soutien de sa demande en paiement de la somme de 200 euros au titre de l'entretien de la tenue de travail pour la période du 1er janvier 2019 au 11 février 2020, Mme [Y] affirme avoir été obligée en raison des carences de l'employeur d'assumer l'entretien de sa tenue professionnelle.

Les frais qu'un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l'intérêt de l'employeur doivent être supportés par ce dernier.

L'employeur qui reconnaît avoir fourni les vêtements de travail pour l'exécution des travaux salissants et pénibles dans les locaux de l'entreprise utilisatrice, ne justifie pas en avoir pris en charge l'entretien.

C'est donc par de justes motifs que la cour adopte que les premiers juges ont apprécié le préjudice de la salariée à hauteur de 65 euros. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Madame,

À la suite de notre entretien du 24 août 2020, auquel vous ne vous êtes pas présentée, nous vous informons que nous sommes contraints de vous licencier pour faute grave pour les motifs suivants : abandon de poste. »

Mme [Y] conteste toute faute en faisant valoir qu'elle était au moment de son licenciement en période de suspension de son contrat de travail consécutivement à son accident du travail du 12  février 2020 à la suite duquel elle a été arrêtée jusqu'au 19 juin 2020 en raison de l'absence de visite médicale de reprise organisée par son employeur.

La société rétorque que le licenciement était parfaitement justifié en raison de la clause de mobilité insérée au contrat de travail de Mme [Y].

En cas de litige, en vertu des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste il profite au salarié.

La faute grave se définit comme étant un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat et la charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

L'article L.1226-7 du code du travail énonce que le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoquée par l'accident ou la maladie.

En application de l'article L 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

Selon l'article L.1226-13 de ce code, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions des articles L.1226-9 et L.1226-18 est nulle.

Il est constant que la salariée était en arrêt de travail pour accident du travail du 12 février 2020 au 19 juin 2020. En l'absence de visite de reprise postérieurement à la date du 19 juin 2020, et nonobstant la période de congés payés qui a suivi l'arrêt de travail du 25 juin au 17 juillet 2020, le contrat de travail de la salarié était toujours suspendu à la suite de l'accident du travail dont elle avait été victime lorsque l'employeur l'a convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre du 1er août 2020, puis l'a licenciée pour faute grave au motif d'un abandon de poste par lettre du 24 août 2020.

Or, en l'absence de visite de reprise organisée par l'employeur, le contrat de travail demeure suspendu, de sorte que l'employeur ne peut reprocher au salarié son absence et le licencier pour ce motif ( Cass.Soc, 16 octobre 2019, n° 18-19.893).

Dès lors, l'absence de la salariée à son poste de travail suite à son changement d'affectation par l'employeur ne peut être qualifiée de faute grave et le licenciement de la salariée sera jugé sans cause réelle et sérieuse, dans les limites des demandes formulées par l'appelante.

Sur les indemnités de rupture.

Mme [Y] demande l'octroi d'une indemnité d'un montant de 21 714 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, la salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 2,5 mois de salaire brut et un montant maximal de 16,5 mois de salaire brut.

En considération du fait que Mme [Y] travaillait dans une entreprise de moins de 10 salariés, avait 22 ans d'ancienneté, était âgée de 55 ans au moment de la rupture du contrat de travail et du montant de son salaire tel que ci-avant réévalué à la 741 euros bruts, la salariée ne fournissant aucun élément relatif à l'évolution de sa situation professionnelle, il lui sera alloué la somme de 20 000 euros bruts.

Selon l'article L.1234-9 du code du travail, dans sa version applicable à la présente espèce, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ;

Sur la base du salaire de référence et sans contestation de la société sur le quantum sollicité, il sera fait droit à la demande d'indemnité conventionnelle à hauteur de la somme de 6 307,86 euros.

Conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, le montant de l'indemnité compensatrice de préavis correspond au salaire qu'aurait perçu le salarié s'il avait travaillé pendant son préavis.

En conséquence, la salariée est bien fondée en ses demandes de paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 1447,60 euros, outre les congés payés afférents à hauteur de 144,76 euros.

Sur les autres demandes.

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêts à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, alors que les créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.

L'intimée sera condamnée à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil du 8 juillet 2021en en ce qu'il a :

' condamné la société SNI Multiservices à payer à Mme [Y] :

- la somme de 886,54 euros au titre des rappels de salaire pour la période du 1er janvier 2019 au 24 août 2020, outre la somme de 88,65 euros au titre des congés payés afférents,

- la somme de 65 euros au titre de l'indemnité de nettoyage des vêtements de travail,

-la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

' débouté Mme [N] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

L'infirme pour le surplus,

statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Juge le licenciement de Mme [Y] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société SNI Multiservices à payer à Mme [Y] les sommes suivantes :

- 1 000 euros de dommages intérêts pour absence de visite médicale de reprise

- 20 000 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6 307,86 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 1 447,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 144,76 euros au titre des congés payés afférents,

Déboute Mme [Y] de sa demande au titre de la contrepartie des temps d'habillage et de déshabillage,

Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les sommes à caractère salarial à compter de la réception par l'employeur de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation, et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées, et qu'ils courent sur les sommes à caractère indemnitaire, à compter du jugement déféré sur le montant de la somme allouée par les premiers juges et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société SNI Multiservices à payer à Mme [Y] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, et aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02488
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.02488 ?
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