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06/07/2023 | FRANCE | N°21/02480

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 06 juillet 2023, 21/02480


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/02480



N° Portalis DBV3-V-B7F-UVVE



AFFAIRE :



[U] [S]





C/

S.A QUADIENT FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 09 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : I

N° RG : F19/00

555



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Sarah ANNE



Me Jérôme DANIEL de

la AARPI EUNOMIE AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/02480

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVVE

AFFAIRE :

[U] [S]

C/

S.A QUADIENT FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 09 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : I

N° RG : F19/00555

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Sarah ANNE

Me Jérôme DANIEL de

la AARPI EUNOMIE AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [S]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Sarah ANNE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 33

APPELANT

****************

S.A QUADIENT FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Jérôme DANIEL de L'AARPI EUNOMIE AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0035 - Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - substitué par Me DAUXERRE Nathalie avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Juin 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE-MONNYER Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [S] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée, à compter du 18 avril 2018, en qualité de commercial sédentaire, par la société Neopost France, filiale de la société Quadient France, qui a pour activité le traitement et la gestion du courrier dans l'intérêt des entreprises et la commercialisation des matériels tels que des machines pour mise sous pli, trieuses, plieuses, machines à affranchir ainsi que des services associés, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale de la métallurgie de la région parisienne.

Convoqué le 3 octobre 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 15 octobre suivant, et mis à pied à titre conservatoire, M. [S] a été licencié par lettre datée du 22 octobre 2018 énonçant une faute grave.

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [S] a saisi, le 22 février 2019, le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins d'entendre juger dénué de cause réelle et sérieuse son licenciement, et de solliciter la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 9 juillet 2021, notifié le 20 juillet 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement de M. [S] pour faute grave est légitime.

Déboute M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Condamne M. [S] aux entiers dépens

Condamne M. [S] à payer à la société Quadient, venant aux droits de la société Neopost, la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 29 juillet 2021, M. [S] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par décision du 7 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Versailles a accordé à M. [S] une aide juridictionnelle totale, sur demande présentée le 17 août 2021.

Par ordonnance rendue le 24 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 12 juin 2023.

' Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 29 avril 2023, M. [S] demande à la cour de :

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné en sus à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Et statuant à nouveau :

Fixer son salaire mensuel moyen à la somme de 2.707 euros ;

Requalifier son licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société Quadient, venant aux droits de la société Neopost à lui verser les sommes suivantes :

o Salaire mise à pied = 1.714 euros

o Congés payés sur salaire mise à pied = 171 euros

o Préavis = 2.707 euros

o Congés payés sur préavis = 270 euros

o Dommages-intérêts pour rupture abusive = 2.707 euros

Ordonner l'exécution provisoire sur l'ensemble de la décision à intervenir.

Condamner la société Quadient, venant aux droits de la société Neopost à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, outre 2.000 euros pour la procédure d'appel, ainsi qu'aux dépens.

' Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 17 mai 2023, la société Quadient, venant aux droits de la société Neopost, demande à la cour de :

La recevoir en ses conclusions et l'y déclarer bien-fondée ;

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

- dit le licenciement de M. [S] pour faute grave légitime

- débouté M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamné M. [S] aux entiers dépens ;

- condamné M. [S] à lui payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre principal,

Juger le licenciement pour faute grave de M. [S] légitime ;

En conséquence,

Débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre reconventionnel

Condamner M. [S] à lui verser dans le cadre de la procédure d'appel, la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [S] aux éventuels dépens de l'instance d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée:

« Monsieur,

Comme vous le savez, l'entreprise est particulièrement soucieuse du respect des valeurs partagées d'éthique, de dignité et de respect ; ceci impliquant de la part de chacun(e) d'adopter ' en toutes circonstances ' un comportement parfaitement exemplaire.

Or, au cours de l'été 2018, M. [E] (Directeur des ventes), a reçu un premier signalement de Mme [R] (Responsabilité télévente) se plaignant d'un comportement inapproprié vous concernant, ce qui a nécessité un rappel à votre attention ' le 26 juillet 2018, des règles élémentaires à respecter en matière de lutte contre les agissements de harcèlement.

Nous étions cependant loin de nous douter à cette date que ce qui avait été présenté alors comme un écart de comportement de votre part erreur s'avérerait en réalité plus grave qu'il n'en paraissait.

En effet, le 27 septembre 2018, Mme [R] nous a signalé des faits vécus comme participant d'une situation de harcèlement (tant sexuel que moral) dont vous vous seriez rendu coupable à son égard.

Dans ce contexte, nous avons immédiatement diligenté une commission d'enquête, afin d'entendre les divers protagonistes et d'analyser en toute objectivité les faits qui venait de nous être rapportés.

Au terme des investigations de la commission d'enquête, il est apparu que vous aviez adressé, à plusieurs reprises, à Mme [R] des courriels et SMS intempestifs à connotation sexuelle, parfaitement déplacés et inappropriés dans le cadre d'une relation de travail respectueuse des personnes.

Il apparaît également que - faute de parvenir à vos fins - vous avez exercé sur Mme [R] une pression morale (en faisant preuve d'agressivité, d'insubordination et de man'uvres de déstabilisation) ce qui a entraîné une vive dégradation de ses conditions de vie et de travail.

Au cours de l'enquête et lors de l'entretien, vous avez reconnu les faits et être l'auteur des correspondances adressées à Mme [R].

Constat étant dressé d'agissements gravement dysfonctionnels de votre part et générateurs de tension insupportables au sein d'une collectivité de travail fondée sur des valeurs pleinement respectueuses de la dignité des personnes, nous sommes contraints de vous notifier en la forme votre licenciement pour faute grave.

[...] »

La société Quadient France soutient les griefs exposés dans la lettre de licenciement et objecte que la preuve de la matérialité des faits est établie au regard des SMS et courriels envoyés par M. [S] à Mme [R] sa supérieure hiérarchique (N+2), faits confirmés par l'attestation de M. [E], directeur des ventes à distance (N+3 du salarié).

La société estime que le harcèlement moral exercé par le salarié a persisté sous la forme d'une pression déplacée à l'encontre de sa responsable en dénonçant faussement aux termes d'un courriel du 27 septembre 2018 être lui-même victime de discrimination, fait sur lequel il est revenu par mail du 2 octobre 2018.

La société soutient également que le salarié a reconnu la matérialité des faits qui lui sont reprochés, à la fois lors de son audition au cours de l'enquête, mais aussi lors de l'entretien préalable au licenciement.

M. [S] objecte ne pas avoir reconnu les faits reprochés lors de l'entretien préalable, et oppose l'absence de force probatoire des éléments produits aux débats par la société.

Il considère ainsi que les courriels et les SMS sont d'ordre professionnel et non constitutifs de harcèlement moral. Il conteste la teneur du procès-verbal de constat d'huissier de justice, en relevant que ce dernier n'a pu constater l'existence des SMS, Mme [R] soulignant avoir effacé l'historique de son téléphone. Il relève en outre que ces faits avaient déjà fait l'objet d'une sanction le 26 juillet 2018 par M. [E] et que la nouvelle sanction repose sur des faits prescrits. M. [S] contestant enfin l'attestation de M. [E] pour être dépourvue selon lui de force probante du fait de son antériorité au licenciement et de son caractère non manuscrit.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

Pour preuve de la réalité des griefs reprochés au salarié, la société Quadient France verse aux débats :

- le procès-verbal de constat d'huissier, en date du 10 octobre 2018, dans lequel ce dernier retranscrit les messages que Mme [R] a reçus de M. [S] sur son téléphone. Tel qu'un message du jeudi 19 avril 2018: 'un petit sourire :) madame [R]', jeudi 3 mai 2018: 'je me sens mal à l'aise comme un étranger à tes yeux. C'est étrange de communiquer qu'avec mes collègues. Mais bon. Je voulais danser avec madame [R]', 'j'ai du mal à te regarder dans les yeux parce qu'il y a une gêne, trop de respect et d'estime peut-être. Il y a trois ans j'aurais pu épouser une responsable de service chez Neopost. Mais hélas, le destin a fait son travail. En aparté tu ressembles à une manjack fortement née en 1973 qui était avec moi et que j'ai failli épouser'ou encore un message du vendredi 18 mai 2018: 'Bon week-end Mme [K] [S]', et du samedi 19 mai 2018: 'depuis notre premier entretien, tu fais partie des personnes dans ma tête et dans mon coeur', ou du vendredi 25 mai 2018: 'j'arrête pas de pleurer [K] depuis que je suis sur la route. Je demande pardon à ton époux, à M. [X] [E]'.

- un mail dans lequel est copié un SMS du 24 juillet 2018 envoyé par M. [S] à Mme [R] : 'Bonsoir [K], comme je n'arrive pas à avoir un enfant avec ma femme. Je cherche une manjac pour mariage. Lol. Je rêve d'une épouse manjac comme toi vu que tu es madame';

- un mail, envoyé le 26 juillet 2018 par Mme [R] à M. [E] dénonçant une situation 'vraiment inconfortable (sms, emails intempestifs et attitude limite agressive)' de la part de M. [S],

- une attestation de M. [E] expliquant: 'le 26 juillet 2018, Mme [R] m'a indiqué rencontrer des difficultés avec M. [S] [...] elle m'a par ailleurs montré un SMS reçu de la part de M. [S] en date du 24 juillet 2018. Le contenu était surprenant et déplacé M. [S] indiquait qu'il voulait une épouse 'manjac' comme elle [...] J'ai alors reçu M. [S] afin de lui rappeler les dispositions en vigueur en termes de harcèlement et lui ai demandé de cesser ses agissements';

- un mail en date du 26 juillet 2018, aux termes duquel M. [E] met en garde le salarié en matière de harcèlement en l'informant qu'il n'acceptera aucune dérive de sa part et lui rappelle les dispositions du code pénal en matière de harcèlement;

- un mail du 27 septembre 2018 adressé par M. [S] à Mme [R] aux termes duquel ce dernier dénonce être victime de la part de sa hiérarchie d'un comportement différencié ;

- un mail du 27 septembre 2018 dans lequel Mme [R] envoie à Mme [T], directrice des ressources humaines, une copie des SMS qu'elle explique avoir reçus de la part de M. [S];

- les conclusions de la commission d'enquête éthique en date du 3 octobre 2018 établissant que : 'le comportement de M. [S] est incohérent et totalement inapproprié vis-à-vis de ses responsables et particulièrement de Mme [R]. M. [S] a exercé de façon progressive une pression déplacée sur des personnes de son environnement professionnel. Mme [R] a été particulièrement exposée aux dérives personnelles, à connotation sexuelle, de son subordonné. M. [S] a prolongé cette pression sur Mme [R] et M. [B] avec des allégations de discrimination injustifiées';

Sur l'épuisement du pouvoir disciplinaire :

M. [S] relève que l'envoi à Mme [R] de SMS litigieux qui lui sont reprochés comme étant à connotation sexuelle sont datés du 19 avril au 16 juin 2018 et considère qu'ils ne pouvaient de nouveau être sanctionnés pour avoir déjà faits l'objet d'un avertissement le 26 juillet 2018.

Toutefois, il est établi que M. [P], avisé le 26 juillet par Mme [R] du comportement incorrect de M. [S] à son égard, a reçu l'intéressé en entretien et lui a adressé à l'issue le message suivant, qui avait pour objet 'suite à notre entretien' :

« je vous fais suivre les éléments que je vous ai fourni en main propre. Ci-dessous un extrait du code pénal référent au sujet du harcèlement. Je m'attends à un comportement exemplaire de votre part et n'accepterai aucune dérive de votre part. Je resterai très vigilant sur ce sujet et ce pour l'ensemble des collaborateurs dont j'ai la responsabilité. »

Il ne ressort pas de ce message que l'employeur sanctionne un comportement fautif du salarié, mais simplement qu'il le rappelle à l'ordre. Aucune sanction n'ayant été notifiée au salarié à cette occasion, ce dernier n'est pas fondé à invoquer l'épuisement du pouvoir disciplinaire.

Sur la prescription des faits :

L'article L. 1332-4 du même code prévoit qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. Le délai court du jour où l'employeur a eu connaissance exacte et complète des faits reprochés.

Plus de deux mois s'étant écoulés entre les derniers faits reprochés susceptibles de participer d'un harcèlement sexuel à l'encontre de Mme [R], en date du 26 juillet 2018, et l'engagement de la procédure de licenciement initiée le 3 octobre 2018, et l'employeur ne rapportant pas la preuve qu'il ne disposait pas dès le 26 juillet de la connaissance exacte et complète des faits que Mme [R] avait porté à la connaissance de M. [E], rmettant de porter une appréciation...

Si en application de l'article L.1332-4 du code du travail l'employeur ne peut se prévaloir de faits antérieurs de deux mois aux poursuites disciplinaires, il en va autrement si ces faits procèdent d'un comportement fautif de même nature que celui dont relèvent les faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires.

En l'espèce, la tentative de déstabilisation de Mme [R] reprochée par l'employeur, caractérisée selon l'intimé par la dénonciation le 27 septembre 2018 d'une discrimination mensongère, ne relève pas d'un comportement fautif de même nature que ceux par ailleurs reprochés susceptibles de caractériser un harcèlement sexuel qui se sont déroulés jusqu'au rappel à l'ordre du 26 juillet 2018, lesquels sont donc prescrits.

Sur la cause du licenciement :

Cela étant, la société Quadient rapporte la preuve de ce que M. [S] a dénoncé le 27 septembre 2018, soit dans les deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement, à Mme [R] une discrimination dont il prétendait être la victime de la part de son N+1 et de Mme [R], dénonciation sur laquelle il est revenu le 2 octobre 2018 en présentant ses excuses et en concédant que celle-ci n'avait jamais existé.

Il est donc établi que nonobstant le rappel à l'ordre notifié par le responsable du service le 26 juillet 2018, M. [S] a réitéré à l'égard de Mme [R] un comportement de nature à déstabiliser cette dernière en dénonçant de sa part des faits graves relevant prétendument d'une discrimination. C'est sans se méprendre que l'employeur a considéré que le salarié a adopté de nouveau à l'égard de Mme [R] une attitude de nature à la déstabiliser en lui dénonçant faussement être victime de sa part de discrimination, caractérisant une pression morale exercée sur sa supérieure qui avait dénoncé quelques semaines auparavant son comportement harcelant.

La dénonciation de mauvaise foi d'une discrimination prétendument commise par une supérieure à l'égard de qui le salarié avait antérieurement adressé des SMS et des emails à connotation sexuelle, alors même que l'employeur l'avait rappelé à l'ordre sur son comportement à l'égard de ses collègues, constitue un manquement du salarié à ses obligations professionnelles d'une gravité telle qu'il rendait impossible son maintien dans l'entreprise, même durant la période de préavis.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement du salarié fondé sur une faute grave et en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes subséquentes.

Pour les mêmes motifs, le licenciement pour faute grave étant justifié, la demande de rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire n'est pas fondée. Le jugement déféré sera donc confirmé ce qu'il a débouté M. [S] de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,

Condamne M. [U] [S] à verser à la société anonyme Quadient France une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne M. [U] [S] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02480
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.02480 ?
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