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06/07/2023 | FRANCE | N°21/02257

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 06 juillet 2023, 21/02257


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/02257 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUH7



AFFAIRE :



[D] [M]





C/

S.A.S. KEONYS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 10 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F16/00324





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Philippe AXELROUDE de la SELARL WILLWAY AVOCATS





Me Florence BONA de

la AARPI BJF







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE SIX JUILLET DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/02257 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUH7

AFFAIRE :

[D] [M]

C/

S.A.S. KEONYS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 10 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : F16/00324

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Philippe AXELROUDE de la SELARL WILLWAY AVOCATS

Me Florence BONA de

la AARPI BJF

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [D] [M]

né le 12 Mars 1971 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par : Me Philippe AXELROUDE de la SELARL WILLWAY AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0285

APPELANT

****************

S.A.S. KEONYS

N° SIRET : 504 725 730

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Florence BONA de l'AARPI BJF, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1099 substituée par Stéphanie PAILLER avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [M] a été engagé par contrat à durée indéterminée, à compter du 20 août 2014, en qualité de directeur des ressources humaines, statut cadre, par la société par actions simplifiée Keonys, qui est spécialisée dans le secteur d'activité du conseil en systèmes et logiciels informatiques, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale de la métallurgie, ingénieurs et cadres.

Convoqué le 30 octobre 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 9 novembre suivant, et mis à pied à titre conservatoire le 4 novembre la société ayant considéré à cette date que le salarié avait effacé et récupéré des fichiers de plusieurs salariés qui avaient ainsi disparu des systèmes informatisés, M. [M] a été licencié par lettre datée du 13 novembre 2015 énonçant une faute lourde.

M. [M] était placé en arrêt maladie continument dès le 4 novembre 2015.

Le 24 novembre 2015, la société a mis en demeure M. [M] de lui restituer les copies de fichiers informatisés et l'ordinateur portable de la société, ce que le salarié a fait après une seconde mise en demeure.

Contestant son licenciement, M. [M] a saisi, le 10 février 2016, le conseil de prud'hommes de Nanterre.

Lors de l'audience du 4 septembre 2018 devant le bureau de jugement, le conseil de prud'hommes de Nanterre a ordonné le sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale intervenant suite à une plainte déposée par la société Keonys ayant trait aux faits reprochés à M. [M] dans le courrier de licenciement.

Suite à la notification de l'avis de classement sans suite pour insuffisance de preuves rendu par le procureur de la république de Nanterre, M. [M] a sollicité le rétablissement de son dossier auprès du conseil de Prud'hommes de Nanterre et a sollicité que son licenciement pour faute lourde soit jugé abusif et intervenu dans des conditions vexatoires et a demandé la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi l'employeur s'opposait.

Par jugement rendu le 10 mai 2021, notifié à M. [M] par lettre recommandée avec avis de réception revenue à l'expéditeur avec la mention d'un destinataire inconnu, le conseil a statué comme suit :

Dit que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave et non sur une faute lourde.

Dit que le licenciement de M. [M] s'est produit dans des circonstances vexatoires ;

Dit que le forfait jours de M. [M] ne saurait être remis en cause ;

Dit que la société Keonys ne s'est pas acquittée de ses obligations au regard de la rémunération variable de M. [M];

Condamne en conséquence la société Keonys à verser à M. [M] les sommes suivantes :

-7.734 euros à titre de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires de la rupture dont il a fait l'objet ;

-3.724,66 euros au titre du solde de rémunération variable ;

- 372,46 euros au titre des congés payés afférents au solde de rémunération variable.

Déboute les parties du surplus des demandes

Laisse les éventuels dépens à chacune des parties en ce qui les concerne

Le 9 juillet 2021, M. [M] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance du 5 avril 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté le moyen d'irrecevabilité de l'appel et s'est déclaré incompétent pour se prononcer sur la demande de la société Keonys tendant à voir dire l'appel de M. [M] dépourvu de tout effet dévolutif.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 9 mai 2023, M. [M] demande à la cour de :

Juger que l'effet dévolutif de l'appel a opéré

Confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'un rappel de salaire au titre de la rémunération variable lui était dû à hauteur de 3.724,66 euros, outre les congés payés.

Infirmer le jugement en ce qu'il a dit que son licenciement était fondé sur une faute grave

Juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement

Condamner la société Keonys à lui verser les sommes suivantes :

' Au titre de l'indemnité de licenciement : 1.933,50 euros

' Au titre de l'indemnité compensatrice de prévis : 23.202 euros

' Au titre des congés payés afférents au préavis : 2.320 euros

' Au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire : 1.712.63 euros

' Au titre des congés payés correspondant à la mise à pied à titre conservatoire : 171,26 euros

' Au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif : 46.404 euros

Infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux

Condamner la société Keonys à lui verser une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux

Infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande relative au rappel d'heures supplémentaires et au titre des congés payés afférents

Condamner la société Keonys à lui verser la somme de 38.712,07 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, et la somme de 3.871,21 euros au titre des congés payés afférents

Condamner la société Keonys à lui verser une somme de 6.000 euros au titre de l'article « 600 » du code de procédure civile

Condamner la société Keonys aux entiers dépens

Débouter la société Keonys de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions

Aux termes de ses conclusions remises au greffe le 4 mai 2023, la société Keonys demande à la cour de :

Juger que l'effet dévolutif n'a pas opéré, en conséquence, que la cour n'est pas saisie de l'appel formé par M. [M] du jugement rendu le 10 mai 2021 par le conseil de prud'hommes de Nanterre,

Au fond :

Au principal, infirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a :

Jugé le licenciement fondé sur une faute grave et non sur une faute lourde,

Condamné la société à verser à M. [M] les sommes suivantes :

o 7.734 euros à titre de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires de la rupture dont il a fait l'objet

o 3.724,66 euros au titre du solde de rémunération variable

o 372,46 euros au titre des congés payés afférents au solde de rémunération variable

Subsidiairement, confirmer le jugement prud'homal en ce qu'il a :

Requalifié le licenciement pour faute lourde de M. [M] par la société en licenciement pour faute grave,

Dit que le forfait jours de M. [M] ne saurait être remis en cause,

En conséquence, le débouter de toutes ses demandes subséquentes de rappel de salaire de mise à pied, d'indemnité de préavis, de congés payés sur préavis et de licenciement,

Le débouter de sa demande d'indemnisation pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, pour circonstances vexatoires ou remise tardive des documents de rupture.

Le débouter de toutes ses demandes de rappels de salaire pour heures supplémentaires, rémunération variable, indemnité pour non-respect de la durée du travail

Le débouter de sa demande d'article 700 du code de procédure civile.

Reconventionnellement, condamner M. [M] à la somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 10 mai 2023 à 9 heures, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 mai 2023.

La société Keonys a déposé ses dernières conclusions au greffe le 10 mai 2023 à 19h31.

MOTIFS

D'emblée, il convient d'écarter les dernières conclusions déposées tardivement par la société Keonys, après la clôture, qui sont irrecevables en application des articles 802 et 907 du code de procédure civile.

I ' sur l'effet dévolutif

La société Keonys plaide l'absence d'effet dévolutif faute pour la déclaration d'appel de mentionner précisément les chefs du jugement querellés auxquels se substituent les demandes de M. [M], ce que l'appelant dément.

L'article 562 du code de procédure civile énonce que « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. »

La déclaration d'appel est ainsi libellée : « appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre (') tendant à : la confirmation du jugement en ce qu'il a (') l'infirmation du jugement en ce qu'il a ' dit que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave ' débouté M. [M] de ses demandes suivantes : au titre de l'indemnité de licenciement : 1.933,50 euros, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis : 23.202 euros, au titre des congés payés afférents au préavis : 2.320 euros ' », l'appelant poursuivant la liste de ses demandes subséquentes, de dommages-intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat, de paiement de ses heures supplémentaires, et fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Cela étant, le jugement ayant débouté M. [M] du surplus de ses demandes, sa déclaration qui liste les prétentions ainsi rejetées, et critique le jugement entrepris en ce qu'il l'en a débouté et a dit que le licenciement était justifié par une faute grave, défère valablement à la cour la connaissance de ces chefs clairement exposés.

II ' sur l'exécution du contrat de travail

Sur la durée du travail

Sur la convention de forfait en jours

M. [M] relève n'y avoir jamais eu de suivi de sa charge de travail que ses fonctions n'empêchaient, et dont le temps, comme celui du repos, ne fut ni décompté ni contrôlé, en sorte qu'il fut, selon lui, soumis à une convention de forfait en jours sans contrepartie d'aucune protection. Il en conclut à son inopposabilité.

L'article 4 du contrat de travail stipule que le salarié « travaille selon le régime du forfait annuel de 216 jours de travail effectif plus 1 jour correspondant à la journée de solidarité, par année de référence complète, compte tenu de la nature de ses fonctions, des responsabilités exercées et de l'autonomie dont il dispose dans l'organisation de son emploi du temps ».

Il n'est pas querellé que l'accord du 28 juillet 1998 sur l'organisation du travail dans la métallurgie répond aux exigences légales de garantie du respect des durées raisonnables de travail et des repos.

Son article 14 prévoit que le forfait en jours s'accompagne d'un contrôle du nombre de jours travaillés, qu'afin de décompter le nombre de journées ou de demi-journées travaillées, ainsi que celui des journées ou demi-journées de repos prises, l'employeur est tenu d'établir un document de contrôle faisant apparaître le nombre et la date des journées ou demi-journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos en repos hebdomadaires, congés payés etc., ce document pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. Il stipule que le supérieur hiérarchique du salarié ayant conclu une convention de forfait défini en jours assure le suivi régulier de l'organisation du travail de l'intéressé et de sa charge de travail.

Plus généralement il est de principe que l'employeur doit contrôler le nombre de jours de travail du salarié soumis à un forfait en jours et ainsi assurer un suivi régulier de l'organisation et de l'amplitude de son travail et de sa charge.

Si la société Keonys objecte que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, et qu'étant directeur des ressources humaines, M. [M] ne mit jamais en place aucun contrôle ni suivi des conventions de forfait en jours et ne proposa pas de modifier la rédaction des contrats de travail, il n'en reste pas moins que l'employeur ayant seul le pouvoir de direction il lui appartenait de contrôler le temps de travail et de repos de son directeur des ressources humaines, et d'assurer un suivi de sa charge de travail, ce que l'intéressé ne pouvait, en toute hypothèse, pas faire pour lui-même et il ne saurait valablement lui reprocher de n'avoir pas attiré son attention sur son obligation, serait-elle issue de la législation sociale dont lui incombait la charge. Par ailleurs, l'adage invoqué n'empêche que la restitution suite à annulation d'un motif immoral, et ne saurait, en droit, régir la présente cause.

Dès lors qu'il n'est pas contesté qu'aucun contrôle n'eut lieu du nombre de jours travaillés et de la charge de travail, la convention de forfait en jours est inopposable au salarié.

Sur les heures supplémentaires

M. [M] forme une demande de rappel pour la période allant des mois d'août à septembre 2014 puis d'avril à décembre 2015.

L'employeur conteste lui avoir jamais demandé d'effectuer des heures supplémentaires, et estime sans portée les mentions de son agenda professionnel.

L'article L.3171-4 du code du travail exprime qu'« en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. »

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Il résulte de l'inopposabilité de la convention de forfait en jours que M. [M] est soumis aux dispositions de l'article L.3121-10 ancien du code du travail.

Ici, durant les périodes fondant sa réclamation, M. [M] chiffre précisément la durée de son travail, en donnant le début et la fin, chaque jour sur son agenda qu'il joint et qui supporte la mention de ses activités, et précise ainsi le temps de dépassement de la durée légale de 35 heures chaque semaine, alors que l'employeur, qui se borne à critiquer ces documents, ne communique aucun élément probant de nature à établir les horaires effectivement accomplis par l'intéressé quand il lui appartient d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées en produisant ses propres éléments sur les horaires effectivement accomplis par le salarié.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Dès lors, au vu des éléments soumis aux débats par l'une et l'autre partie, il convient d'allouer à M . [M] 20.000 euros bruts, à ce titre, ainsi que 2.000 euros bruts pour les congés payés afférents, au paiement desquels la société Keonys sera condamnée. Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur la rémunération variable

M. [M] se prévaut des dispositions conventionnelles et du défaut de fixation par l'employeur d'objectifs lui donnant droit à la partie variable de sa rémunération du 20 août 2014 au 13 novembre 2015 qu'il a calculée prorata temporis sous déduction des sommes déjà reçues, ce à quoi la société Keonys lui oppose l'univocité de la clause l'évinçant durant la période d'essai échue le 20 février 2015, l'intéressé ayant été rempli de ses droits selon elle.

L'article 7 du contrat de travail stipule que l'intéressé bénéficie, à l'issue de sa période d'essai, d'une rémunération variable annuelle cible de 10.000 euros pour une année complète et une atteinte de ses objectifs, définis par sa hiérarchie dans un document écrit qui lui est remis, à 100%.

Il est acquis aux débats que M. [M] perçut de ce chef 9.575,34 euros.

Dès lors, il ne peut être fait droit à sa demande, le contrat, comme le relève l'employeur, ouvrant clairement et distinctement le droit à cette rémunération, cantonnée, au mieux à 10.000 euros par an, à l'issue de la période d'essai dont il n'est pas contesté qu'elle prit fin en février 2015.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

III - sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Le présent courrier fait suite à l'entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, en date du lundi 9 novembre à 10 heures, au cours duquel je vous ai exposé les faits fautifs relevés à votre encontre, à savoir :

Depuis le 20 août 2014, vous exercez les fonctions de directeur des Ressources Humaines au sein de Keonys sous contrat à durée indéterminée, statut cadre, niveau III A, coefficient 13 S.

A ce titre, vous avez principalement pour mission de :

- Définir la stratégie et la politique RH, et en assurer ta réalisation

- Accompagner les grandes Directions sur les problématiques RH,

- Définir et mettre en 'uvre la politique de recrutement,

- Prévenir et gérer les situations individuelles ou collectives problématiques,

- Superviser l'administration du personnel et la gestion de la paie,

Compte tenu de vos responsabilités et de votre positionnement hiérarchique au sein de la société Keonys, vous êtes membre du COMEX de la société et devez travailler en étroite collaboration et transparence tant avec moi-même qu'avec les différents membres du COMEX, les directeurs et managers dans vos domaines de compétence les concernant.

A plusieurs reprises ces derniers mois, notamment en septembre dernier, j'ai été amenée à vous faire part de mon insatisfaction sur la qualité de votre travail et sur les difficultés rencontrées par les autres directeurs pour collaborer sereinement et en bonne intelligence avec vous en raison de votre rétention d'information et votre manque de respect des procédures internes qui était préjudiciable au bon fonctionnement de l'entreprise.

Je vous ai rappelé la nécessité d'améliorer votre collaboration :

- En dé'nissant une politique RH et de recrutement, cohérente avec la taille de l'entreprise et ses prévisions financières, ce qui implique la vérification et la mise à jour des procédures et de la documentation RH et Paye, manifestement non effectuées,

- En effectuant pleinement votre mission de conseil et d'information, particulièrement auprès de moi en m'alertant sur toute situation irrégulière ou anormale que vous constatez,

- En travaillant de façon plus étroite et plus transparente, tant avec moi qu'avec vos différents interlocuteurs au sein de la société,

- En participant pleinement aux réunions du COMEX qui doit être le lieu privilégié des échanges d'information entre les membres de la direction, particulièrement dans le cadre de prises de décisions importantes.

Or, vous n'avez pas tenu compte de mes observations et rappels.

Plus grave encore, j'ai été informée ces dernières semaines et jours de faits gravement, voire lourdement, fautifs de votre part.

Le 16 octobre 2015, un de nos managers de province a eu la surprise d'apprendre par une de ses collaboratrices que celle-ci avait reçu une augmentation de 40 % de son salaire fixe, sans que lui-même ni le directeur commercial n'en aient été préalablement informés.

Interrogé sur cette situation, vous avez commencé par répondre qu'il s'agissait d'une erreur, puis d'une régularisation par rapport au minima conventionnel cadre.

Ainsi, après avoir conclu un contrat sans vérifier la conformité de la rémunération proposée au minima conventionnel, vous prenez l'initiative de procéder à une augmentation substantielle de salaire, sans m'en référer, ni même m'en parler au préalable, et sans prévenir le directeur régional des ventes.

Outre que votre décision et vos réponses me décrédibilisent totalement auprès de la hiérarchie de l'intéressée, et décrédibilise cette hiérarchie à l'égard de la salariée en cause, elle fausse les prévisions de dépenses salariales du secteur.

Sur mon interrogation expresse, vous m'apprenez alors que vous avez également procédé à une série de régularisation de salaire, pour des montants élevés, puisque vous avez estimé que les rémunérations de plusieurs salaries n'étaient pas conformes soit au minima conventionnel cadre, soit à l'accord d'entreprise OTT du 25 juin 2009.

Là encore, vous avez pris l'initiative de procéder à ces régularisations salariales sans aucune concertation, ni même information préalable, avec :

- le COMEX et moi-même d'éventuelles difficultés concernant les rémunérations de plusieurs salariés, des risques encourus par la société et de l'impact financier élevé desdites régularisations,

- la hiérarchie des salariés concernés par votre décision.

Surtout, vous avez procédé à cette régularisation sans vérifier, pour les salariés rémunérés en fixe et variable, l'assiette de comparaison des salaires réels avec les minimas conventionnels ou le PFLSS.

En effet, il s'avère après vérification que vous n'avez pris en compte que les salaires fixes des intéressés hors variables, alors que la comparaison doit dans ce cas s'effectuer en tenant compte de tous les éléments permanents de rémunération.

Votre décision, prise de façon intempestive et sans concertation préalable, place la société dans une situation particulièrement difficile à l'égard des intéressés qui ont bénéficié d'augmentations indues et qui entrainent des surcouts salariaux non budgétés alors même que la société connait une situation financière particulièrement tendue.

J'apprends également que vous avez procédé au versement des variables de rémunérations de certains salariés depuis leur date d'embauche, sans tenir compte du contenu des clauses contractuelles qui prévoient, pour certains salariés dont vous-même, que le variable n'est pas alloué pour la période correspondant à la période d'essai.

Là encore, je suis amenée à constater que vous avez pris cette décision sans vous concerter avec le COMEX et moi-même, ni même nous informer préalablement de disparités contractuelles, au demeurant dues à votre propre impéritie s'agissant de contrats conclus et signés par vous.

Au vu de cette situation, je vous ai remis le 30 novembre 2015 une convocation à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave.

Le 3 novembre, vous m'avez informée de votre arrêt de travail pour maladie.

C'est alors qu'une salariée du service RH m'a informée ne plus trouver sur le réseau plusieurs documents des dossiers informatisés des salariés.

Après contrôle du système par la direction informatique, il s'avère que vous avez effectué :

- le 30 septembre 2015, une copie massive des dossiers RH et Paye de la société,

- le 30 octobre 2015, une destruction de plus de 2000 dossiers et fichiers RH et Paye, dont les plans de commissionnements sur objectifs, les contrats, les EAP etc.

- le 2 novembre 2015, de nouveau une copie massive des dossiers et fichiers RH et Paye de la société, soit plus de 30 000 fichiers, comportant des données confidentielles, notamment concernant la situation contractuelle et salariale des salariés de la société.

Ces agissements sont gravement fautifs en ce qu'ils mettent en péril le bon fonctionnement de l'entreprise ainsi privée d'une masse importante d'informations RH et Paye indispensables à la gestion du personnel.

D'autant que tout ou partie de dossiers individuels du personnel se trouvant dans votre bureau ont disparu depuis votre dernier jour de présence dans la société.

De plus, ces suppressions et copies massives de fichiers sont susceptibles de mettre en cause la responsabilité de la société é l'égard de salariés ou d'anciens salariés dont les dossiers ou fichiers ont été soient supprimés, soit copiés à notre insu et sans leur accord.

Ils dénotent clairement une intention pour le moins malveillante à l'encontre de la société et de nuire à ses intérêts.

Lors de l'entretien préalable, vous avez refusé toute explication sur les faits reprochés.

L'ensemble de ces faits, nous conduit à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute lourde, privatif de préavis et de toutes indemnités de préavis, de licenciement et de congés payés afférents à la dernière période de référence.

Votre licenciement prendra effet le 16 novembre 2015, date à laquelle vous cesserez de faire partie des effectifs de la société Keonys. Il vous sera adressé en fin de mois votre dernier bulletin de salaire, ainsi que vos reçus pour solde de tout compte, certificat de travail et attestations Pôle Emploi. Vous disposez d'un délai de deux ans à compter de la réception de la présente pour contester votre licenciement.

Nous vous informons également dénoncer la clause non-concurrence de votre contrat de travail.

Dès réception de la présente, vous voudrez bien prendre rendez-vous avec moi pour restituer les matériels de l'entreprise mis à votre disposition pour l'exercice de vos fonctions : ordinateur portable, téléphone portable, véhicule de fonction, badges et clés de la société.

Je vous mets en demeure de restituer, dès à présent ou au plus tard lors de ce rendez-vous, les fichiers et dossiers que vous avez copiés les 30 septembre et 2 novembre 2015, ainsi que les documents papier des dossiers individuels en votre possession et de nous assurer que vous ne les avez ni divulgués ni n'en avez conservé de copie.

Conformément à la loi, vous bénéficiez du maintien des garanties santé et prévoyance dans les conditions et la durée prévues par la loi et le contrat prévoyance de l'entreprise, étant précisé que le maintien de ces garanties n'est ouvert que pendant la durée de votre prise en charge par l'assurance chômage. Vous recevrez les informations relatives aux modalités de la portabilité de l'assureur de la société et devrez justifier auprès de lui de votre prise en charge par Pôle Emploi. »

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

La faute lourde suppose la démonstration d'une intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Sur la cause

La société Keonys soutient, dans les griefs exposés dans la lettre de licenciement, les augmentations indues en dépit des clauses conventionnelles et de la non-reconduction de sa délégation de pouvoir, sans prévenance ni accord, ainsi que la copie massive et la destruction de fichiers informatiques sur le réseau.

Sur les difficultés relationnelles

Si M. [M], qui rappelle l'éviction de l'équipe dirigeante à l'été 2015 après l'arrivée de la nouvelle présidente, fait valoir, sur la difficulté de sa collaboration, en plus de la carence probatoire de son contradicteur, les éloges reçus à la fin de sa période d'essai et lors de l'entretien annuel d'évaluation, il n'en reste pas moins que la société Keonys ne soutient pas précisément ce grief, énoncé dans la lettre en prémisse des autres, détaillés. Cela étant, l'employeur n'administre pas suffisamment la preuve de cette difficulté par l'imbroglio sur la rentrée scolaire de 2015, quoique M. [M], qui retranscrivit à cette occasion de manière hasardeuse les droits des collaborateurs, en fût à l'origine.

Sur l'augmentation impromptue de salaires de plusieurs collaborateurs

M. [M] se prévaut de la justesse de son analyse concertée avec sa hiérarchie, et à défaut, plaide le défaut de cause du licenciement disciplinaire fondé sur une insuffisance professionnelle, s'il devait y avoir eu une erreur d'interprétation. Il exprime la carence probatoire de son contradicteur.

Il est acquis aux débats que le 16 octobre 2015, M. [N], directeur des ventes de la région ouest et sud-ouest s'enquit auprès de M. [M], pour savoir s'il s'agissait d'une erreur, de l'augmentation de 40% de la rémunération de l'une de ses collaboratrices dont la période d'essai venait de se finir, n'en étant pas avisé, ni elle non plus. Par mails du même jour, le salarié suggéra d'abord une erreur (« it must be a mistake that should be checked more precisely »), puis prétendit que « sa rémunération n'était pas conforme à l'accord temps de travail de Keonys qui précise que les cadres embauchés doivent être a minima au niveau du plafond de la sécurité sociale d'où la revalorisation importante cette année. »

S'il est vrai qu'il bénéficiait d'une « délégation de pouvoirs » depuis le 1er septembre 2014 de Mme [W], directrice générale de la société présidant la société Keonys, en matière de ressources humaines et notamment pour conclure les contrats ou en modifier la rémunération, que le licenciement de cette dernière ne rendit pas caduque comme le prétend l'employeur dans la mesure où elle n'était pas passée in personam mais au nom de l'entité qui demeure et qu'elle précise être valable pour la durée des fonctions salariées de M. [M] au sein de la société sauf révocation anticipée, il n'en reste pas moins que cette délégation ainsi libellée « procéder à la promotion des salariés, la fixation ou à la modification des rémunérations ou des avantages divers consentis aux salariés, via notamment la signature des courriers d'augmentation, dans les limites fixées par le budget de la société » était limitée par l'impossibilité d'un dépassement budgétaire.

Cela étant, il ne prévint personne de ces revalorisations, qui concernèrent au final « 20 salariés » selon la note d'information de l'employeur à la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 11 décembre 2015, parfois sur plusieurs années, vu le courrier préparatoire du 21 décembre 2015, ces revalorisations étant présentées comme nécessaires à la conformité des rémunérations à l'accord sur le temps de travail ou aux minima conventionnels non respectés. Or, elles provoquèrent au sein de l'entreprise un émoi certain, dans la mesure où la direction administrative et financière prévint l'employeur de ne pas pouvoir supporter cette charge supplémentaire évaluée à 100.000 euros, vu sa correspondance du 19 novembre 2015 et où les représentants du personnel tirèrent avantage de ces modifications, vu le compte-rendu du comité d'entreprise ayant dû être convoqué en urgence, qui fait état, de la part des élus, de la dégradation du climat social, des « risques prud'homaux » et de l'usage créé par les modifications pour ce qui concerne l'accord sur le temps de travail.

Or, l'employeur plaide à juste titre la nécessité d'intégrer dans la rémunération réelle servant de base comparative avec le minimum conventionnel tous ses éléments permanents et obligatoires et la note d'information de l'employeur au comité d'entreprise, qui considéra l'erreur ainsi faite, et dont témoigne la directrice administrative et financière dans sa correspondance du 19 novembre 2015, prévint de la remise en cause de ces augmentations.

De même, il n'est pas contesté que M. [M] revalorisa la rémunération de salariés bénéficiant d'un forfait en jours qui n'était pas au moins égale au plafond annuel de la sécurité sociale, la note d'information relevant justement qu'il avait ainsi transformé le critère d'ouverture du droit à forfait en une garantie de rémunération au cas de l'attribution de ce forfait.

Ensuite, le salarié ne dispute pas avoir recalculé la rémunération variable, dont la sienne, depuis l'origine de la période d'essai, et non son issue, dont témoigne, pour ce qui le concerne, la retenue faite dans son solde de tout compte. Comme il a été dit, son interprétation d'un contrat clair n'était pas fondée.

Le rapport fait par sa remplaçante du 1er octobre 2016 expose que 15 collaborateurs, dont lui-même, se sont vus ainsi attribuer une augmentation de salaire ou de prime erronée, d'un montant total de 81.917 euros par an, de ces motifs.

Si M. [M] parle de directives anciennes au regard des errements de classification ayant donné lieu à plusieurs contentieux et plaintes devant l'inspection du travail, dont la nouvelle présidente était informée, selon lui, sans contrordre, en se prévalant du mail du 26 août 2014 de Mme [R], occupée à l'intérim de la direction des ressources humaines avant son embauche, ce dernier ne concerne que la régularisation liée à l'évolution des indices, ou du mail du 28 avril précédent de Mme [W] à cette dernière, afférent au respect de la convention collective de la métallurgie sur les changements de positionnement et de coefficient des ingénieurs et cadres, celui-ci ne contient que son objet et n'apporte la preuve d'aucun contenu qui s'identifierait aux régularisations ensuite faites en septembre 2015 par l'intéressé. Au reste, le salarié argua à l'occasion de son mail du 26 octobre 2015, sur interrogation, y avoir partiellement procédé après l'extension de l'accord national de la convention de la métallurgie en juillet 2015. Aucun ordre en ce sens n'est donc justifié.

N'étant pas plus établi que la direction ait été informée du projet de modification de la rémunération de plusieurs collaborateurs d'une amplitude certaine et y aurait consenti, puisque d'une part les mails des 18 et 23 février 2015 échangés entre la présidente et le salarié auxquels il se réfère ne font état que de la revalorisation du contrat de travail « d'[F] » selon « le taux d'augmentation de la masse salariale de la société décidé chaque année depuis la date de suspension de son contrat » qui est sans rapport avec les augmentations faites à l'automne, d'autre part la circonstance de réunions hebdomadaires entre ces protagonistes ou lors du « COMEX » n'en disent rien, et que le dépassement budgétaire dont témoigne valablement la direction administrative et financière obligeait à cet assentiment, il s'en déduit que M. [M] commit une faute, qui ne s'identifie pas à une insuffisance professionnelle, à la mesure de son opacité relevée par l'employeur et de son émancipation des règles gouvernant ses fonctions, dont il ne pouvait pas ignorer l'impact dans la communauté de travail et sur les finances de l'entreprise, alors que ses rehaussements étaient hasardeux, ainsi qu'en témoigne notamment le rapport de Mme [U], sa remplaçante.

Sur la copie et la destruction des fichiers

a) la copie

M. [M], qui relève l'échec de la plainte pénale de l'entreprise portant matériellement sur ces faits alors considérés non établis, plaide en premier lieu n'avoir pas manqué à la charte informatique ou au règlement intérieur pour avoir copié les fichiers sur l'ordinateur professionnel mis à sa disposition par l'employeur, ensuite restitué, ce dont il n'était empêché par nulle règle de droit.

Il est acquis aux débats que l'employeur déposa plainte à l'encontre du salarié pour ces faits auprès du ministère public le 20 octobre 2016. Cependant, le classement sans suite faute de preuve suffisante de la matérialité des faits ensuite advenu, dont se prévaut M. [M], ne revêt aucune autorité.

Si la société Keonys estime que la copie par le salarié de la totalité des fichiers au nombre dépassant 30.000, faite les 30 septembre et 2 novembre 2015 comportant des informations privées et confidentielles excédait les besoins de sa défense, il ne se déduit d'aucune norme qu'il ait été empêché de copier sur le disque dur de l'ordinateur mis à sa disposition par l'employeur les fichiers professionnels consultables sur le réseau, peu important qu'il y procéda tardivement et sans utilité puisqu'il quitta, sans conteste, son poste le 3 novembre 2015 après restitution de son véhicule et avoir rangé son bureau, et ce, bien qu'il s'engageât à respecter cette confidentialité par écrit du 25 août 2014 et à ne conserver aucune copie. En effet, la consultation des disques durs de l'ordinateur restitué, après restauration, accrédita le fait de la copie sans rien dire du transfert des données ou de leur conservation sur un autre support, le service informatique précisant qu'aucune traçabilité n'était ensuite possible, et ce grief n'est au reste pas précisément énoncé.

b) l'effacement

M. [M] critique le rapport interne du service informatique, méconnaissant l'impossibilité d'une preuve à soi-même, qu'aucun élément objectif n'étaye et qui ne démontre pas l'imputabilité des suppressions de données auxquelles chaque collaborateur du service pouvait accéder, et a fortiori leur caractère volontaire. Il relève l'insuffisance des constats d'huissier, le dernier ne portant d'ailleurs que sur les fichiers du disque dur de son ordinateur professionnel et non sur ceux placés sur le réseau.

La charte informatique signée par l'intéressé le 25 août 2014 accrédite l'attribution d'un compte à chaque collaborateur verrouillé par un mot de passe personnel.

La société Keonys établit avoir été alertée le 3 novembre 2015 par l'une de ses collaboratrices, Mme [J] de la disparition sur le serveur RH de fichiers afférant aux congés payés et concernant 3 salariés.

La preuve étant libre, le salarié en critique inutilement l'administration par le rapport d'alerte du service informatique de la société, doublé de constats d'huissier.

Ce rapport établit à partir de la consultation de l'outil d'audit et de vérification de la conformité permettant le décompte des évènements et des types d'accès liés aux utilisateurs, que 2.184 fichiers sur le serveur « partage RH » étaient « removed » (traduction libre : supprimés) le 30 octobre 2015, sous le nom de M. [M].

Par ailleurs, l'huissier a constaté le 8 janvier 2016 lors de la restitution de l'ordinateur mis à disposition du salarié que de nombreux fichiers avaient été effacés le 30 octobre 2015, de son disque dur, l'employeur relevant justement, au soutien de sa thèse, la coïncidence des actions faites sur l'ordinateur et sur le réseau.

Il s'en infère suffisamment de ces éléments la preuve de la matérialité des faits reprochés d'effacement des données du serveur.

c) la gravité

M. [M] estime n'y avoir aucune preuve de l'intention de nuire, ni, en raison notamment du traitement externalisé de la paie, du préjudice qu'aurait subi la société Keonys, que cette dernière déduit de la chronologie des faits, savoir une copie des fichiers lors de la négociation de la rupture, suivie d'une destruction massive notamment de dossiers contentieux, quand le salarié comprit sa qualification disciplinaire.

Ici, l'employeur justifie par le rapport de son service informatique de la charge, calculée à raison de 7 jours entiers, de la restauration des données supprimées.

Cela étant, les pièces apportées aux débats ne justifient pas suffisamment l'intention de nuire de l'intéressé, en méconnaissance du contenu disparu, non étayé, qui aurait pu en être, plus précisément, l'indicateur.

Sur la destruction des dossiers sous format papier

Ce grief, qui n'est au reste pas établi comme le relève le salarié, n'est pas soutenu non plus.

Sur le bien-fondé du licenciement et sa qualification

Il suit de l'ensemble de ces éléments le bien-fondé du licenciement, dont les griefs objectifs, pour partie, matériellement établis, revêtent une gravité certaine dont la mesure s'apprécie au regard des responsabilités du salarié, partie du « COMEX », et de sa proximité avec la direction, et qui conduisirent, au final, à un désordre certain. Le jugement sera confirmé sur la qualification de la faute et en ce qu'il a rejeté les prétentions financières de M. [M].

Sur les conditions

M. [M] fait valoir le caractère infamant de la faute reprochée, la dépression qui s'ensuivit dans le contexte d'un défaut de portabilité de la mutuelle, enfin, sa convocation devant les services de police suite à la plainte déposée par son ancien employeur.

La société Keonys nie tout acte vexatoire que ne révèle pas son souhait premier d'une voie amiable, puis contentieuse sans mise à pied, qu'elle ne prononça qu'après que M. [M] quitta son bureau rangé et délaissa sa voiture de fonction.

L'article 1147 du code civil, dans sa version applicable à la cause, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le créancier doit alors établir le manquement, le dommage et leur lien.

Cela étant, il ne peut être reproché à faute à l'employeur d'avoir déposé plainte contre le salarié, dont la faute délictuelle est admise.

Ainsi M. [M] n'établit pas le manquement, qui ne pourrait résulter du défaut de portabilité de sa mutuelle, que la lettre de licenciement lui concédait cependant. Le jugement sera infirmé dans son expression contraire et la demande rejetée.

Sur la remise des documents de fin de contrat

M. [M] fait valoir la tardiveté de la remise de l'attestation pour le Pôle emploi, dont la société Keonys ferait aveu, également, du paiement de ses congés payés, de la portabilité de la prévoyance, malgré ses relances, alors que, licencié sans indemnité, il dut recourir à l'emprunt. Il réclame 5.000 euros de dommages-intérêts, en réparation de son dommage.

La société Keonys nie toute intention.

Il est acquis aux débats que l'attestation pour le Pôle emploi fut adressée à M. [M] le 8 janvier 2016 après relances de sa part. Cependant, l'appelant ne justifie pas de son dommage par les prêts familiaux ou amicaux qui lui furent concédés à raison de 3.900 euros en décembre 2015, aucun intérêt conventionnel, notamment, n'étant exprimé.

Il n'est pas contesté que l'indemnité compensatrice de congés payés ne fut réglée que le 13 juin 2016, après injonction. Mais, sans dommage autrement établi, l'intérêt moratoire ne court qu'au taux légal selon l'article 1153 du code civil, dans sa version applicable à la cause.

Si enfin la société Keonys ne justifie pas de sa libération sur la portabilité de la mutuelle, M . [M] ne précise pas plus son dommage, si bien que manque l'une des conditions de la responsabilité.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les prétentions de l'appelant à cet égard.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Constate l'effet dévolutif de l'appel ;

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a requalifié le licenciement fondé sur une faute grave, et rejeté les demandes d'indemnisation de M. [D] [M] au titre de son licenciement et pour remise tardive de documents et sommes d'argent ;

Le confirme sous ces égards ;

Statuant de nouveau sur les chefs infirmés ;

Déboute M. [D] [M] de ses prétentions de dommages-intérêts en réparation des circonstances du licenciement, en paiement du complément de rémunération variable ;

Dit la convention de forfait en jours inopposable à M. [D] [M] ;

Condamne la société par actions simplifiée Keonys à payer à M. [D] [M] 20.000 euros bruts en paiement de ses heures supplémentaires, et 2.000 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

Y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Laisse les dépens qu'elles ont engagées à la charge des parties.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été prélablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02257
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.02257 ?
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