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06/07/2023 | FRANCE | N°21/01401

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 06 juillet 2023, 21/01401


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 JUILLET 2023



N° RG 21/01401 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UP2A



AFFAIRE :



[L] [H]





C/



S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 18 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Chambre :

N° Section

: C

N° RG : 18/00218



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Philippe MERY de

la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE





Me Valérie BLOCH de

la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 JUILLET 2023

N° RG 21/01401 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UP2A

AFFAIRE :

[L] [H]

C/

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 18 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 18/00218

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Philippe MERY de

la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE

Me Valérie BLOCH de

la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [L] [H]

née le 21 Juillet 1974 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par : Me Philippe MERY de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, Plaidant/Constitué , avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035 -

APPELANTE

****************

S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES FRANCE

N° SIRET : 451 32 1 3 35

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par : Me Valérie BLOCH de la SELEURL VALERIE BLOCH - AVOCAT, Plaidant/Constitué avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1923

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [L] [H] a été engagée, par contrat à durée déterminée, à compter du 22 février 2000, en qualité d'équipière de vente, par la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés France, qui a une activité d'exploitation d'hypermarchés sur le territoire français, et qui relève de la convention collective des magasins de vente d'alimentation et d'approvisionnement général.

Mme [H] a été promue le 1er novembre 2001, en qualité d'assistante de vente, et a été ensuite engagée par contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2002.

En dernier lieu, Mme [H] exerçait depuis le 1er octobre 2007 en qualité de conseillère de vente.

Mme [H] s'est vu notifier deux avertissements, le premier en date du 4 août 2017, le second en date du 13 septembre 2017.

Par courrier du 26 octobre 2017, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 novembre suivant après lequel elle reçut une dispense d'activité, et fut licenciée par lettre datée du 13 novembre 2017, énonçant une faute grave.

Mme [H] a saisi, le 6 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Rambouillet aux fins de demander la nullité des deux avertissements, de contester son licenciement et de voir condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s'est opposée aux demandes de la requérante et sollicité sa condamnation au paiement de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 18 mars 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que la demande de Mme [H] est en partie recevable,

Requalifie le licenciement de Mme [H] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Carrefour Hypermarchés France à verser à Mme [H] les sommes suivantes :

- 4 803,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois),

- 10 128,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Carrefour Hypermarchés France à remettre à Mme [H] les documents sociaux et bulletins de paie conformes au jugement prononcé,

Déboute Mme [H] du surplus de ses demandes,

Déboute la société Carrefour Hypermarchés France de sa demande reconventionnelle,

Condamne la société Carrefour Hypermarchés France aux dépens.

La notification du jugement par le greffe a été retournée par pli avisé et non réclamé. Le 11 mai 2021, Mme [H] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 15 juillet 2021, Mme [H] demande à la cour de la déclarer recevable et fondée en son appel, y faisant droit, d'infirmer partiellement le jugement entrepris et de :

Dire et juger nul et de nul effet l'avertissement du 4 août 2017

Dire et juger nul et de nul effet l'avertissement du 13 septembre 2017.

Condamner la société Carrefour Hypermarchés France à lui payer la somme de 30 568,72 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse

Confirmer pour le surplus.

Condamner la société Carrefour Hypermarchés France à lui payer la somme 5 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Débouter la société Carrefour Hypermarchés France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner la société Carrefour Hypermarchés France en tous dépens.

Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 13 septembre 2021, la société Carrefour Hypermarchés France demande à la cour :

D'infirmer le jugement en ce qu'il :

A requalifié le licenciement de Mme [H] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

L'a condamnée à verser à Mme [H] les sommes suivantes :

- 4 803,66 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 10 128,91 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

L'a condamnée à remettre à Mme [H] les documents sociaux et bulletins de paie conformes à la décision prononcée,

L'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau, de :

Débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes,

La condamner à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 1er février 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 février 2023, laquelle a été reportée au 23 mai suivant.

MOTIFS

Sur les avertissements

La société Carrefour estime que la cour n'est pas saisie des prétentions afférentes du moment que la salariée entend voir dire et juger de nul effet ces avertissements, et n'expose que des moyens. A défaut, elle considère ces sanctions justifiées.

Mme [H], qui rappelle ses anciennes promotions et ses évaluations flatteuses en dépit d'une ponctualité relative à laquelle son employeur s'était habitué, considère non justifiés les avertissements.

L'article 954 du code de procédure civile énonce que les conclusions exposent distinctement une discussion des prétentions et des moyens et un dispositif récapitulant les prétentions et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'occurrence, le dispositif des conclusions de Mme [H] contient l'incise suivante : " dire et juger nul et de nul effet l'avertissement du 4 août 2017 ", " dire et juger nul et de nul effet l'avertissement du 13 septembre 2017 ". C'est donc à tort que l'employeur prétend n'y voir aucune demande, étant clairement exprimé celle de voir annuler les sanctions des 4 août et 13 septembre 2017 ce dont il en résulterait nul effet, la formulation " dire et juger ", précisément querellée, n'épuisant pas la question de la prétention ou du moyen. La cour est ainsi valablement saisie de l'action en nullité.

L'article L.1333-1 du code du travail dit que " en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.

L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction.

Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. "

L'avertissement du 4 août 2017,

Mme [H] s'est vu reprocher dans la lettre d'avertissement les faits suivants : vue par l'agent de sécurité sortant de la surface de vente avec des sacs pleins de marchandises, le 1er juin 2017, elle fut interpellée par l'agent, se retourna, étala par terre en criant toute la marchandise, qui fut ensuite déposée, plus tard, sur le meuble du point sécurité sous les explications de la procédure à suivre, suite à quoi Mme [H], sans écouter, la reprit et partit " en furie " sans que l'agent n'ait pu rien contrôler.

Rappelant à raison la charge de la preuve incombant à l'employeur d'établir les éléments retenus pour prendre la sanction, la salariée nie les faits reprochés.

Cela étant, la société Carrefour ne produit aucune pièce sur les éléments retenus en sorte que succombant dans la charge de la preuve, il convient d'annuler la sanction, qui n'est pas justifiée en fait. Le jugement doit être infirmé dans son expression contraire.

L'avertissement du 13 septembre 2017.

Mme [H] s'est vu reprocher des faits de mauvaise gestion du stock, à l'occasion d'une commande de 550 poulets du 17 au 19 août 2017, dont partie fut jetée pour dépassement de la date limite de consommation, sans autre commande passée après l'échéance de la péremption des produits, suite à quoi, interpellée, elle répondait à ses supérieurs " vous n'avez qu'à me mettre un courrier ".

La salariée dément que la preuve soit rapportée des faits énoncés.

L'employeur n'apportant aucun élément sur les faits retenus, la sanction doit être considérée comme injustifiée, et elle sera par conséquence annulée. Le jugement, qui a inversé la charge de la preuve, doit être infirmé.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

" Vous ne respectez pas le règlement intérieur de l'entreprise et particulièrement vos horaires planifiés ne sont pas respectés, article 15 du règlement intérieur - Horaires - Entrées/Sorties. Vos retards répétés sur vos heures d'entrées dans l'entreprise, les pauses non respectées au cumul de chaque semaine, vos horaires hebdomadaires ne sont pas respectés ce qui génère de la modulation négative. Depuis le 20 février 2017, votre compteur de modulation est en négatif de 7 h, de 18h91 au 29 mai 2017, de 14h68 le 16 août 2017, de 6h80 au 6 novembre 2017. Votre manager a été obligé de modifier vos horaires pour tenter de rattraper ces heures négatives.

- Lundi 28 Août 2017 : Entrée 12h07 Sortie 20h44 - Heures planifiées : 12h-20h

- Jeudi 31 Août 2017 : Entrée 6h12 Sortie 14h10 - Heures planifiées : 6h-14h

- Vendredi 1er Septembre 2017 : Entrée 6h08 Sortie 14h10 - Heures planifiées : 6h-14h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 2h57 pour un temps de pause théorique de 2h30.

- Lundi 4 Septembre 2017 : Entrée 6h19 Sortie 14h03 - Heures planifiées : 6h-14h

- Mardi 5 Septembre 2017 : Entrée I4h09 Sortie 21h20 - Heures planifiées : 6h-13h

- Vendredi 8 Septembre 2017 : Entrée 8h13 Sortie 16h10 - Heures planifiées : 8h-16h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 3h00 pour un temps de pause théorique de 2h30.

- Mardi 12 Septembre 2017 : Entrée 13h55 Sortie 20h58 - Heures planifiées : 13h45-20h

- Jeudi 14 Septembre 2017 : Entrée 6h12 Sortie 14h12 - Heures planifiées : 6h-14h

- Vendredi 15 Septembre 2017 : Entrée 6h13 Sortie 14h01 - Heures planifiées : 6h-14h

- Samedi 16 Septembre 2017 : Entrée 6h07 Sortie 13h06 - Heures planifiées : 6h-13h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 2h38 pour un temps de pause théorique de 1h50.

- Lundi 18 Septembre 2017 : Entrée 13h09 Sortie 20h28 - Heures planifiées : 13h-20h

- Mercredi 20 Septembre 2017 : Entrée 5h15 Sortie 13h09 - Heures planifiées : 5h-13h

- Vendredi 22 Septembre 2017 : Entrée 6h12 Sortie 14h00 - Heures planifiées : 6h-14h

- Samedi 23 Septembre 2017 : Entrée 6h11 Sortie 14h23 - Heures planifiées : 6h-14h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 3h44 pour un temps de pause théorique de 2h30.

- Lundi 25 Septembre 2017 : Entrée 5h14 Sortie 13h39 - Heures planifiées : 5h-13h

- Mardi 26 Septembre 2017 : Entrée 6h09 Sortie 14h11 - Heures planifiées : 6h-14h

- Samedi 30 Septembre 2017 : Entrée 4h08 Sortie 13h07 - Heures planifiées : 5h-13h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 3h01 pour un temps de pause théorique de 2h30.

- Jeudi 5 octobre 2017 : Entrée 7h20 Sortie 15h19 - Heures planifiées : 7h-15h

- Samedi 7 octobre 2017 : Entrée 5h10 Sortie 13h04 - Heures planifiées : 5h-13h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 3h26 pour un temps de pause théorique de 2h30.

- Lundi 9 octobre 2017 : Entrée 4h12 Sortie 12h12 - Heures planifiées : 5h-13h

- Mardi 10 octobre 2017 : Entrée 13h09 Sortie 20h10 - Heures planifiées : 13h-20h

- Mercredi 11 octobre 2017 : Entrée 8h19 Sortie 15h58- Heures planifiées : 8h-16h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 3h35 pour un temps de pause théorique de 2h30.

- Lundi 16 octobre 2017 : Entrée 5h10 Sortie 14h09 - Heures planifiées : 5h-14h

- Samedi 21 octobre 2017 : Entrée 5h10 Sortie 14h06 - Heures planifiées : 5h-14h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 3h00 pour un temps de pause théorique de 2h30.

- Mercredi 25 octobre 2017 : Entrée 5h08 Sortie 13h06 - Heures planifiées : 5h-13h

- Samedi 28 octobre 2017 : Entrée 5h07 Sortie 14h07 - Heures planifiées : 5h-13h

Le temps de prise de pause sur cette semaine est de 2h50 pour un temps de pause théorique de 2h30.

Lors de notre entretien, vous avez reconnu les faits. Vous avez dit: " j'ai quand même récupéré des compteurs au global certaines semaines en restant parfois le soir plus tard ".

Nous vous avons rappelé votre entretien du vendredi 13 octobre 2017 avec votre manager métier, Mme [K] [E], concernant le non-respect de vos horaires et vos prises de pause trop importantes. Lorsque Mme [K] [E] vous demande de respecter vos horaires vous lui répondez : " Oui, je sais ". Lorsque Mme [K] [E] vous rappelle que vous avez un compteur de modulation négatif, que vous ne devez pas dépasser vos temps de pause, vous lui répondez : " c'est mon compteur et je n'ai pas l'intention de le rattraper puisqu'à la fin de l'année il sera clôturé, donc c'est pour l'entreprise ". Mme [K] [E] vous informe que vous recevrez un courrier recommandé suite à cet entretien. Vous lui demandez combien de courriers lui ont été envoyés car vous n'allez pas chercher vos recommandés.

Lors de notre entretien, vous avez reconnu les faits et vous nous avez dit : " J'ai dit ça sous la colère ". [D] que de tels propos sont non recevables.

A ce jour, le planning des congés payés de votre équipe pour 2018, ne peut être validé en l'état compte tenu du fait que vous ne vous êtes pas entretenue avec vos collègues de rayon.

Nous vous avons rappelé vos propos évoqués lors de la réunion collective du jeudi 19 octobre 2017 concernant la pause des congés payés 2018 pour votre rayon. Cette réunion, organisée par M. [Z] [U], responsable de secteur produits frais ct Mme [K] [E], manager métier charcuterie-traiteur, avait pour but de pallier aux différents problèmes d'organisation des congés payés 2018. Lors de cette réunion vous avez clairement dit devant vos collègues, Mme [V] [F] et Mme [B] [S], et vos supérieurs hiérarchiques : " Je ne changerai pas mes congés, et si vous les changez, je me mettrais en arrêt ".

Lors de notre entretien, vous nous avez dit : " Sous le coup de la colère, je ne m'en souviens pas ". [D] que ces nouveaux propos sont inacceptables.

Enfin, nous vous reprochons de ne jamais aller chercher vos courriers recommandés. Vous nous répondez que compte tenu des problèmes avec votre fils vous n'allez chercher aucun courrier recommandé. Pour autant, pour cet entretien du 6 novembre 2017, votre responsable de secteur produits frais, M. [Z] [U], a voulu vous faire émarger la convocation avec une remise en mains propres. Vous avez refusé de signer cette convocation.

Tous ces agissements, vos réactions et le non-respect de votre hiérarchie constituent des faits répétés. Le non-respect du règlement intérieur de 1'entreprise et en particulier les articles :

- article 10 - Dispositions Générales - paragraphes 2 et 3

- article 15 - Horaires - Entrées/Sorties

- article 16 - Retards et absences

Or, vous avez déjà été sanctionnée par deux avertissements.

Nous considérons que ces faits et votre comportement répété constituent une faute grave rendant impossible votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise.

Votre licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 13 novembre 2017, sans préavis ni indemnité de rupture, et vous cesserez donc à cette date, de faire partie des effectifs de notre société.

[...] "

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

La société Carrefour soutient les griefs énoncés dans la lettre de licenciement, de non-respect des horaires, d'un comportement inadapté sur la gestion des congés payés, d'un refus de chercher son courrier recommandé, qu'elle estime, après deux avertissements, constitutifs d'une faute grave dont elle administre, selon elle, la preuve.

A " titre subsidiaire ", elle considère que la salariée n'a pas interjeté appel du chef de jugement ayant requalifié le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse, en application de l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile.

Mme [H] fait valoir l'hétérogénéité des causes des avertissements au licenciement. Sur le non-respect des horaires, elle souligne manquer la preuve d'enregistrement des horaires par un système vérifiable et infalsifiable, et rappelle que ne peut être décompté du temps de pause le déplacement du rayon à la salle de pause, à l'opposé du magasin. Au rappel des termes de son appréciation du 20 février 2013 " j'ai toute confiance en [L] surtout si en parallèle elle règle sa montre sur l'horloge du magasin ", elle soutient la tolérance ancienne de l'employeur. Elle relève en plus qu'elle travailla plus que prévu. Elle nie enfin que le retrait ou non de son courrier recommandé concerne son activité professionnelle.

Sur le périmètre de l'appel

L'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile dit que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Cependant c'est à tort que la société Carrefour défend que le dispositif des conclusions de l'appelante aurait dû contenir la mention des chefs de jugement critiqués, ceux-ci devant figurer dans l'acte d'appel, et pouvant être repris, comme l'indique l'alinéa 2 du même article, dans les conclusions sans meilleures précisions. Or, dans son acte d'appel, l'intéressée a indiqué qu'il " porte sur les chefs de la décision suivants " requalifie le licenciement de Mme [L] [H] en licenciement sans cause réelle et sérieuse 'déboute Mme [L] [H] du surplus de ses demandes. "

Etant précisé que la salariée, au dispositif de ses conclusions, après avoir demandé l'infirmation partielle du jugement entrepris, poursuit la condamnation de l'employeur à lui payer des dommages-intérêts pour licenciement injustifié, et sollicite ensuite la confirmation pour le surplus, il convient de considérer que la cour est valablement saisie du principe du licenciement dont découle la condamnation réclamée, Mme [H] n'aurait-elle pas sollicité de le voir juger sans cause réelle et sérieuse dans son dispositif, comme le relève l'intimée.

Sur la cause

Sur l'horaire

En l'occurrence, la société Carrefour, qui enregistre le temps de travail, justifie suffisamment des horaires prévus et effectifs de l'intéressée dont elle ne dispute pas utilement la fiabilité, et ainsi de leur écart quasi quotidien, étant précisé que s'il est avéré que Mme [H] travailla 188 minutes de plus qu'il n'était envisagé sur la période visée, il n'est pas contesté, comme le lui reproche la lettre de licenciement, que son compteur était régulièrement négatif et ainsi de près de 7 heures début novembre 2017, peu avant la rupture. Cela étant, sauf le 5 septembre 2017 où elle travailla l'après midi au lieu du matin, cet écart tient en quelques minutes. Or, il n'est pas contesté, comme l'accrédite son évaluation de 2013, que l'employeur tolérait de longue date son défaut de ponctualité. Si l'écrit de Mme [K], que l'appelante critique inutilement au motif, insuffisant, de sa non-conformité aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, du 13 octobre 2017 relate le rappel fait le jour-même à ses obligations de respecter l'horaire, il n'en reste pas moins que, sans aucune mise en garde antérieure, du moment que les avertissements, d'ailleurs annulés, portent d'autres griefs, elle fut convoquée dès le 26 octobre en vue d'une éventuelle sanction avec dispense d'activité le 6 novembre, alors que son comportement s'était amélioré puisque sur les 11 jours travaillés après le 14 octobre, elle fut moins en retard qu'à son habitude, ne l'ayant été qu'à 4 reprises, en sorte que le grief, s'il est réel, n'est pas sérieux au regard de la tolérance passée et de la précipitation nouvelle, d'autant qu'aucune désorganisation du rayon ou de l'entreprise n'est alléguée en regard.

Sur les congés

Si Mme [H] dément que la preuve soit rapportée des faits énoncés faute de conformité aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile de l'attestation de M. [Z], celle-ci est suffisante pour établir que l'intéressée énonça ne pas souhaiter s'accorder avec ses collègues sur les congés de l'année 2018, et devoir se mettre en arrêt s'ils étaient modifiés. Toutefois, ces seuls propos, non suivis d'aucun effet, ne sauraient être une cause sérieuse du licenciement.

Sur le retrait des lettres recommandées avec avis de réception

Ce grief, qui ne concerne pas le contrat de travail stricto sensu, ne peut valablement étayer sa rupture.

Sur le bien-fondé du licenciement

Il ne résulte pas des éléments versés aux débats et des motifs entrepris par l'employeur la cause suffisante du licenciement de Mme [H], que requiert la loi. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a évincé la faute grave et infirmé en ce qu'il a retenu un motif réel et sérieux.

Sur les conséquences

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à Mme [H] l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, l'indemnité conventionnelle de licenciement dont les montants ne sont pas disputés en cause d'appel.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, elle peut prétendre à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre 3 et 14 mois de son salaire moyen, au regard de son ancienneté parvenant à 17 années complètes, en raison de l'absence de motif réel et sérieux de la rupture initiée par l'employeur.

Compte tenu de son ancienneté et de l'évolution de sa situation professionnelle caractérisée par un nouvel emploi à temps complet en novembre 2018, il convient d'allouer à l'intéressée la somme de 18.000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice né de la perte injustifiée de son emploi.

Compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de la société, il sera fait application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés France à verser à Mme [L] [H] diverses sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'à lui remettre divers documents conformes au jugement ;

Le confirme à ces égards ;

Statuant sur les chefs infirmés ;

Annule les avertissements des 4 août et 13 septembre 2017 ;

Dit que le licenciement n'est pas fondé ;

Condamne la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés France à payer à Mme [L] [H] la somme de 18.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi ;

Ordonne le remboursement par la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés France aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit qu'une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes ;

Y ajoutant ;

Condamne la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés France à payer à Mme [L] [H] 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais engagés en 1ère instance et en cause d'appel ;

La condamne aux entiers dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01401
Date de la décision : 06/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-06;21.01401 ?
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