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04/07/2023 | FRANCE | N°23/00249

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 04 juillet 2023, 23/00249


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 23B





DU 04 JUILLET 2023





N° RG 23/00249

N° Portalis DBV3-V-B7H-VT4C





AFFAIRE :



[G] [Y],

[M] [F]

C/

Monsieur le PROCUREUR GENERAL





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2022 par le Président de chambre de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section : r>
N° RG : 22/00345



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Pauline HUMBERT,



- PARQUET





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Ver...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 23B

DU 04 JUILLET 2023

N° RG 23/00249

N° Portalis DBV3-V-B7H-VT4C

AFFAIRE :

[G] [Y],

[M] [F]

C/

Monsieur le PROCUREUR GENERAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2022 par le Président de chambre de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 22/00345

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Pauline HUMBERT,

- PARQUET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 27 juin 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [Y], sous la curatelle renforcée de Mme [N], du service des personnes protégées de [Localité 4]

né le 06 Janvier 1991 à [Localité 3] ([Localité 3])

de nationalité Française

CH [6], service des personnes protégées

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [M] [F]

née le 02 Avril 1977 à [Localité 5] (MAROC)

de nationalité Marocaine

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentés par Me Pauline HUMBERT, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 151

APPELANTS

****************

Monsieur le PROCUREUR GENERAL

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

pris en la personne de Mme Corinne MOREAU, Avocat Général

INTIMÉ

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 03 Avril 2023, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller et Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [F] et M. [Y] ont déposé un dossier de mariage auprès de la mairie de la commune de [Localité 3] (Eure et Loir).

L'officier d'Etat civil de cette commune a saisi le procureur de la République du tribunal judiciaire de Chartres, soupçonnant le couple de ne pas réunir les conditions requises pour consentir à mariage.

M. [Y] a été placé sous curatelle renforcée par décision du 19 décembre 2019.

Par acte du 29 juillet 2021, signifié par voie d'huissier de justice le 2 août 2021, le procureur de la République de Chartres a décidé de s'opposer à la célébration du mariage mettant en exergue un écart d'âge important entre les futurs époux, l'addiction et la vulnérabilité connues de M. [Y] et l'absence de communauté de vie.

Par acte délivré le 3 février 2022, Mme [F] et M. [Y] ont assigné le procureur de la République de Chartres aux fins de mainlevée de l'opposition à mariage. Au soutien de leurs prétentions, ils indiquent s'être fréquentés avant de vivre en couple depuis le 20 mars 2021. Se déclarant de confession musulmane, ils exposent qu'il est important pour eux d'officialiser leur relation par le mariage. Ils assurent être animés par une intention matrimoniale sincère ne poursuivant aucun autre dessein que de s'unir légalement.

Par un jugement rendu le 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Chartres a :

- Débouté Mme [M] [F] et M. [G] [Y] de leur demande de mainlevée de l'opposition formée à leur mariage par le Procureur de la République le 29 juillet 2021,

- Dit que chacune des parties conservera ses propres dépens,

- Débouté les parties des demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- Dit que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire.

M. [Y] et Mme [F] ont interjeté appel de ce jugement le 11 janvier 2023 à l'encontre de M. Le procureur de la République.

Par conclusions notifiées le 16 janvier 2023, M. [Y] et Mme [F] demandent à la cour de :

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu 24 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Chartres :

Et statuant à nouveau :

- Juger que l'intention matrimoniale de Mme [F] et M. [Y] est caractérisée,

- Prononcer la mainlevée de l'opposition à mariage du Procureur de la République en date du 29 juillet 2021,

- Juger que chaque partie conservera à sa charge ses dépens.

Le procureur de la République a rendu son avis le 31 janvier 2023. Il s'interroge sur la recevabilité de l'appel soulevé au regard du délai, sur l'information du curateur conformément à l'article 460 du code civil, et sur l'application de l'article 178 du code civil selon lequel la cour a dix jours pour statuer. Il demande, à titre subsidiaire, la confirmation du jugement.

SUR CE, LA COUR,

Sur l'irrecevabilité de l'appel de Mme [F]

L'article 538 du code de procédure civile dispose que le délai de recours par une voie ordinaire et d'un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse.

Le dépôt d'une demande d'aide juridictionnelle, avant la fin du délai d'appel, est interruptif de prescription, jusqu'à ce qu'il soit statué sur la demande.

En l'espèce, le jugement du 24 juin 2022 a été notifié au conseil des parties le 4 juillet 2022. La cour ne dispose pas de l'acte de signification du jugement aux parties.

M. [Y] a déposé une demande d'aide juridictionnelle le 2 août 2022, avant que le délai d'appel d'un mois ayant débuté le 4 juillet 2022 soit expiré. Cette demande a interrompu la prescription pour agir. Il a obtenu l'aide juridictionnelle totale le 16 décembre 2022, date à compter de laquelle un nouveau délai d'appel d'un mois a débuté. Il a interjeté appel le 11 janvier 2023.

Son appel, interjeté dans le délai d'un mois, est recevable.

En revanche, Mme [F] n'a déposé aucune demande d'aide juridictionnelle et a attendu le 11 janvier 2023 pour interjeter appel, alors que le jugement a été notifié à son conseil le 4 juillet 2022. Son appel est donc irrecevable.

Sur les limites de l'appel

Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.

Sur le délai prévu à l'article 178 du code civil

L'article 178 du code civil dispose qu'en matière d'opposition à mariage, s'il y a appel, il y sera statué dans les dix jours et, si le jugement dont appel a donné mainlevée de l'opposition, la cour devra statuer même d'office.

A titre liminaire, la cour constate que le ministère public se borne à soulever l'absence de respect du délai prévu à l'article 178 du code civil sans en tirer aucune conséquence ni former aucune demande subséquente, de sorte que la cour n'est pas saisie d'une demande sur ce point.

La cour rappelle surabondamment que ce délai n'est pas prescrit à peine de nullité, qu'il n'est qu'en faveur de la partie demanderesse en mainlevée et que l'opposant n'est pas fondé à se prévaloir de son inobservation.

Sur l'article 460 du code civil

L'article 460 du code civil dispose que la personne chargée de la mesure de protection est préalablement informée du projet de mariage du majeur qu'il assiste ou représente.

L'absence d'autorisation préalable du curateur au mariage du majeur en curatelle ne correspond pas à un défaut de consentement, au sens de l'article 146 du code civil, mais à un défaut d'autorisation, au sens de l'article 182 du même code, sanctionné par la nullité relative et de nature à être couvert par l'approbation du curateur.

En l'espèce, la cour constate à nouveau que le ministère public se borne à « s'interroger » sur l'absence de respect de l'article 460 du code civil sans en tirer aucune conséquence ni former aucune demande subséquente, de sorte que la cour n'est pas saisie d'une demande sur ce point.

Surabondamment, elle constate M. [Y] ne justifie pas de l'information donnée à son curateur de son projet de mariage.

Sur la demande de mainlevée de l'opposition à mariage

Moyens des appelants

M. [Y] demande l'infirmation du jugement et la mainlevée de l'opposition à son mariage avec Mme [F].

Il expose qu'ils se sont fréquentés quelques temps avant de s'installer ensemble le 20 mars 2021 à [Localité 3]. Il explique qu'il a été interné en psychiatrie au centre hospitalier [6] de [Localité 4], mais qu'il pourra reprendre sa vie de couple dès l'hospitalisation levée. Il fait valoir que ni l'écart d'âge ni le fait que Mme [F] soit en situation irrégulière ne constituent un critère d'opposition à mariage. Les appelants soutiennent s'aimer, désirer vivre ensemble et avoir des projets en commun. M. [Y] ajoute que ses s'urs sont d'accord avec cette union et qu'étant musulmans, lui et Mme [F] ont à c'ur de vouloir officialiser leur union. Il fait valoir que les éléments révélés par l'enquête de police ne sont pas de nature à démontrer une absence d'intention matrimoniale.

Appréciation de la cour

L'article 175-2 du code civil, dans sa version applicable au litige, dispose que lorsqu'il existe des indices sérieux laissant présumer, le cas échéant au vu de l'audition prévue par l'article 63, que le mariage envisagé est susceptible d'être annulé au titre de l'article 146 ou de l'article 180 (défaut de consentement), l'officier de l'état civil peut saisir sans délai le procureur de la République. Il en informe les intéressés.

Le procureur de la République est tenu, dans les quinze jours de sa saisine, soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder. Il fait connaître sa décision motivée à l'officier de l'état civil, aux intéressés.

La durée du sursis décidé par le procureur de la République ne peut excéder un mois renouvelable une fois par décision spécialement motivée.

A l'expiration du sursis, le procureur de la République fait connaître par une décision motivée à l'officier de l'état civil s'il laisse procéder au mariage ou s'il s'oppose à sa célébration.

L'un ou l'autre des futurs époux, même mineur, peut contester la décision de sursis ou son renouvellement devant le président du tribunal judiciaire, qui statue dans les dix jours. La décision du président du tribunal judiciaire peut être déférée à la cour d'appel qui statue dans le même délai.

Il incombe au ministère public de démontrer l'absence de volonté matrimoniale.

En l'espèce, pour débouter M. [Y] et Mme [F] de leur demande de mainlevée, le jugement a repris les éléments issus de l'enquête diligentée par le procureur de la République du tribunal judiciaire de Chartres, qui démontrent, selon lui, une absence d'intention matrimoniale, et dont il résulte que :

- le 9 juillet 2021, lors du premier déplacement des enquêteurs au domicile de M. [Y], Mme [F] était absente, son nom ne figurait pas sur la boîte aux lettres et le voisinage n'était pas en mesure de l'identifier comme partageant la vie de M. [Y] ;

- le même jour, Mme [W] [I], pourtant notoirement investie dans la prise en charge de son frère, n'était pas en mesure d'indiquer aux enquêteurs où se trouvait Mme [F] dont elle ne disposait pas des coordonnées téléphoniques et qu'elle n'était pas capable de joindre le jour même ;

- les investigations ayant permis d'établir que M. [Y] était hospitalisé en psychiatrie à cette date, les enquêteurs ont noté que les informations détenues par l'hôpital ne faisaient aucune mention de Mme [F], pourtant sensée être sa concubine, sa s'ur étant désignée comme personne à prévenir en cas de nécessité et M. [Y] n'ayant reçu aucune visite durant son hospitalisation ;

- le 17 juillet 2021, pourtant prévenus par la s'ur de M. [Y] de ce que Mme [F] serait de nouveau présente, les policiers se transportaient à plusieurs reprises au domicile, y compris en soirée, et il s'avérait que personne ne s'y trouvait et que le courrier n'avait pas été ramassé depuis plusieurs jours ;

- après dépôt d'un avis de passage, une visite deux jours plus tard permettait de trouver au domicile Mme [F] qui avait dormi seule dans l'appartement ;

-les auditions des parties réalisées individuellement puis conjointement ont mis en évidence des divergences manifestes concernant leurs relations intimes, l'élaboration de peu de projets communs et l'absence de réflexion commune sur le souhait exprimé de M. [Y] d'avoir des enfants avec sa future épouse alors que cette dernière était alors âgée de 44 ans, cette situation n'ayant pas été discutée au sein du couple.

Le jugement précise en outre que Mme [F] a 14 ans de plus de M. [Y] et qu'elle est ressortissante marocaine en situation irrégulière sur le territoire français.

Les premiers juges ont donc déduit de l'ensemble de ces éléments une absence d'intention matrimoniale réelle et ont débouté les parties de leur demande de mainlevée.

A hauteur d'appel, la cour note qu'alors que M. [Y] et Mme [F] affirment dans leurs conclusions vivre ensemble depuis le mois de mars 2021, leur adresse est différente sur la déclaration d'appel du 11 janvier 2023 et M. [Y], sous curatelle renforcée, est toujours hospitalisée au centre hospitalier [6].

Les appelants n'apportent aucun élément de nature à renverser la preuve d'absence d'intention matrimoniale apportée par le ministère public :

- les photographies d'eux s'embrassant ne sont pas datées et ne sauraient suffire à établir une relation amoureuse sincère et à renverser la preuve apportée par le ministère public ;

- les deux attestations produites, rédigées sur feuille volante sans aucun justificatif d'identité, ne sont pas probantes.

Il s'ensuit qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [M] [F] et M. [G] [Y] de leur demande de mainlevée de l'opposition formée à leur mariage par le procureur de la République le 29 juillet 2021.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

Parties perdantes, M. [Y] et Mme [F] seront condamnés in solidum aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

DÉCLARE l'appel interjeté par Mme [F] irrecevable ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [Y] et Mme [F], in solidum, aux dépens d'appel ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Sixtine DU CREST, conseiller pour la présidente empêchée, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 23/00249
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;23.00249 ?
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