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04/07/2023 | FRANCE | N°21/05940

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 04 juillet 2023, 21/05940


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°







CONTRADICTOIRE

Code nac : 63C





DU 04 JUILLET 2023





N° RG 21/05940

N°Portalis DBV3-V-B7F-UYDN





AFFAIRE :



[P] [J]

C/

S.A. SOCIÉTÉ FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :


N° Section :

N° RG : 19/11389



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Christophe DEBRAY,



-Me Olivier AMANN







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT T...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 63C

DU 04 JUILLET 2023

N° RG 21/05940

N°Portalis DBV3-V-B7F-UYDN

AFFAIRE :

[P] [J]

C/

S.A. SOCIÉTÉ FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Juillet 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/11389

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Christophe DEBRAY,

-Me Olivier AMANN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [J]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Me Christophe DEBRAY, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 21393

Me Clémence DE GASTINES substituant Me Bruno DE GASTINES de la SELARL BRUNO DE GASTINES et ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : A0605

APPELANT

****************

S.A. SOCIÉTÉ FIDUCIAIRE NATIONALE D'EXPERTISE COMPTABLE

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

N° SIRET : 552 108 722

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier AMANN, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 116 - N° du dossier 1321

Me Nicolas LEMIRE substituant Me Nathalie SIU BILLOT de la SELARL ARGUO AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R094

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Médecin généraliste, M. [P] [J] a créé, avec quatre de ses confrères, la SCI [5], dont l'établissement de la comptabilité a été confié à la société Fiducial Expertise (nom commercial de la société fiduciaire nationale d'expertise comptable- Fidexpertise), également en charge de sa comptabilité personnelle.

Par acte notarié du 11 février 2009, cette société a acquis un bien immobilier à [Localité 6] (Landes).

Ayant décidé de se retirer de la SCI, M. [J] a, le 14 mars 2018, demandé à l'expert-comptable de fixer la valeur de ses parts dans cette société, lui transmettant à cette occasion l'estimation de valeur de l'immeuble réalisée par un agent immobilier pour un montant compris entre 380 000 et 390 000 euros.

Par courriel du 6 avril 2018, la société Fiducial expertise a fixé la valeur des parts de la

SCI à 206 000 euros, la quote-part de M. [J] s'établissant ainsi à 41 200 euros.

Deux associés de la société ont acheté les parts de M. [J] au prix ainsi fixé par

l'expert-comptable.

Considérant que ce dernier avait commis une faute en faisant reposer son évaluation sur la valeur des capitaux propres figurant au bilan arrêté le 31 décembre 2017 plutôt que sur la valeur réelle de l'immeuble, M. [J] a, par acte introductif d'instance du 28 novembre 2019, fait assigner la société Fiducial Expertise devant le tribunal judiciaire de Nanterre aux fins d'obtenir réparation du préjudice qu'il estime avoir subi.

Par un jugement contradictoire rendu le 22 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre :

- S'est déclaré compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Fiducial expertise ;

- A déclaré irrecevables pour cause de forclusion les demandes formées par M. [P] [J] ;

- A condamné M. [P] [J] à payer à la société Fiducial expertise la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- A rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- A condamné M. [P] [J] aux dépens ;

- A dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.

M. [J] a interjeté appel de ce jugement le 28 septembre 2021 à l'encontre de la société Fiducial Expertise.

Par ses dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [J] demande à la cour, au fondement des articles 1240 nouveau du code civil, 789 du code de procédure civile, de :

- Le déclarer recevable et bien fondé en son appel,

- Le déclarer recevable en ses demandes,

- Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

- Déclarer la société Fiducial Expertise, fautive dans l'évaluation de la valeur de la part sociale de la SCI Médical Jeanbouebou.

- La condamner à l'indemniser de préjudice résultant de cette faute.

- Déclarer la société Fiducial Expertise mal fondée en l'ensemble de ses demandes et l'en

débouter,

- Condamner la société Fiducial Expertise à lui payer la somme de 34 000 euros outre les intérêts au taux légal à titre de dommages et intérêts,

- Condamner la société Fiducial Expertise à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 18 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société fiduciaire nationale d'expertise comptable-Fidexpertise demande à la cour, au fondement des articles articles 1131, 1231-1, 1240 et 1353 du code civil, de :

- Confirmer en toute ses dispositions le jugement prononcé le par le tribunal judiciaire

de Nanterre,

En tout état de cause,

- Juger l'action de M.[J] irrecevable car forclose,

- Débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes,

Y ajoutant,

- Condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700,

- Condamner M. [J] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 mars 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel,

Bien que M. [J] sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, force est de constater qu'il ne critique pas le jugement en ce qu'il se déclare compétent pour examiner la fin de non recevoir soulevée par son adversaire tirée de la forclusion de son action. Cette disposition est dès lors devenue irrévocable.

Les autres dispositions du jugement sont querellées par M. [J] et la société Fiducial Expertise sollicite quant à elle la confirmation du jugement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de M. [J] pour cause de forclusion.

Sur le fond

Il est constant que M. [J], qui consacre de longs développements à l'opposabilité, l'applicabilité, la validité de l'article 20 des conditions générales de la lettre de mission de l'expert comptable, la régularité de la procédure suivie par son adversaire, ne formule aucune demande sur ces différents points au dispositif de ses dernières conclusions. Il s'ensuit que n'étant saisie d'aucune demande de ces chefs, la cour ne saurait statuer sur l'opposabilité, ou la validité de cette clause. Au surplus, pour les raisons qui seront développées par la suite, ces griefs apparaissent infondés.

Il est tout aussi incontestable que M. [J] se fonde sur les dispositions de l'article 1240 du code civil pour engager la responsabilité de la société Fiducial Expertise.

Cependant, force est de constater que la faute reprochée à la société Fiducial Expertise consiste bien, selon l'appelant, à avoir commis les manquements suivants (page 20 des écritures de l'appelant, souligné par cette cour) 'le docteur [J] a demandé au cabinet Fiducial Expertise d'évaluer les parts sociales de la SCI et les siennes et a remis à cette occasion à l'expert-comptable, à sa demande, une expertise réalisée par un agent immobilier de la valeur de l'immeuble (pièces 12 et 13), mais l'expert-comptable n'en a pas tenu compte et ne s'en est pas expliqué malgré les demandes du docteur [J] (pièces 2, 3 et 4, 6 et 7).

Le cabinet d'expertise comptable qui a accepté d'expertiser la valeur des parts sociales de la SCI [5] et celles du docteur [J], engage nécessairement à ce titre sa responsabilité professionnelle.'

Il ressort incontestablement de ces développements que M. [J] admet qu'un lien contractuel l'unissait à la société Fiducial Expertise et qu'est reproché à cette société un manquement à ses obligations contractuelles.

De plus fort, il sera observé que M. [J] a signé un contrat avec la société Fiducial Expertise produit en pièce 16 par l'appelant qui stipulent les clauses suivantes :

1) sur la mission confiée par M. [J] à la société Fiducial Expertise :

* 'Il s'agit d'une mission de participation à l'établissement des documents comptables et financiers dont le contenu est défini par les numéros ci-dessous, faisant référence à l'annexe 'Définition des missions' qui fait partie intégrante du présent contrat : 103, 106, 110, 111, 3100, 3101, 3107' (à savoir 103 tenue complète de seuls journaux suivants banques, CCP, Caisse OG ; 106 établissement surveillances des états de rapprochements bancaires ; 110 tenue du registre des immobilisations et des amortissements ; établissement des documents comptables ; 3100 établissement examen déclaration annuelle des revenus professionnels ; 3101 déclaration IR et annexes ; 3107 établissement, examen et déclaration annuelle de la taxe professionnelle ; 405 Etablissement examen des déclarations sociales annuelles de l'exploitant) ;

* '(...) cette mission pourra, sur votre demande, être étendue à des interventions comptables complémentaires et à une assistance en matière fiscale, sociale, juridique, économique et financière ou de gestion'.

M. [J] admettant avoir sollicité la société Fiducial Expertise aux fins 'd'évaluer les parts sociales de la SCI et les siennes', il n'y a dès lors aucun doute sur l'existence d'un contrat liant les parties et le fait que l'action engagée contre la société Fiducial Expertise relève des dispositions de l'article 1103, devenu 1134, du code civil. Cette clause lui est donc opposable et s'applique à sa situation. C'est donc au regard de ces textes que la responsabilité de la société Fiducial Expertise sera examinée.

Le contrat, en page 3, précise encore que les relations contractuelles seront réglées sur le plan juridique tant par les termes de cette lettre (pièce 16 de l'appelant) que par les conditions générales de collaborations ci-jointes et M. [J] a apposé sa signature au bas de cette page précédée de la mention 'bon pour accord'.

Ces conditions générales figurent en page quatre et sous un point 20 qui énonce ce qui suit : 'Toute demande de dommages et intérêts ne pourra être produite que pendant une période de cinq ans commençant à courir le premier jour de l'exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Elle devra être introduite auprès du tribunal d'instance dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre'.

Il ne peut donc sérieusement soutenir ne pas avoir eu connaissance de cette clause qui figurait expressément dans le contrat qu'il signait.

Comme le relève très exactement le premier juge, la validité d'une clause instaurant un tel délai de forclusion de trois mois a été entérinée par la Cour de cassation (Com., 26 janvier 2016, pourvoi n° 14-23.285, Bull. 2016, IV, n° 12 ; 2e Civ., 14 octobre 1987, pourvoi n° 86-13.059, Bulletin 1987 II N° 195 ; Com., 15 octobre 2013, pourvoi n°12-21.704, Bull. 2013, IV, n° 151) spécialement en matière de responsabilité d'un expert comptable (Com., 30 mars 2016, pourvoi n° 14-24.874 ; Com., 16 décembre 2020, pourvoi n° 17-24.292).

S'agissant du point de départ du délai de forclusion, il revient au juge d'apprécier la date à laquelle le cocontractant pouvait utilement rechercher la responsabilité de l'expert-comptable, donc la date à laquelle le client a eu connaissance du dommage.

En l'espèce, il résulte des productions que dès le 25 juin 2019, le nouvel expert comptable de M. [J] écrivait à la société Fiducial Expertise pour remettre en cause l'évaluation des parts de la SCI et de celles de M. [J] (pièce 7 de M. [J]). Le 3 juillet suivant, M. [J] écrivait en outre à la société Fiducial Expertise en ces termes '(votre consoeur Mme [I]) a omis de tenir compte de la plus-value sur l'immeuble. Je subis donc un préjudice dont je vous demande réparation' (pièce 4 de l'appelant).

Il s'ensuit que dès le 25 juin 2019, en tout état de cause le 3 juillet 2019, M. [J] a eu connaissance du sinistre de sorte qu'il aurait dû introduire son action en justice avant le 25 septembre 2019, voire le 3 octobre 2019. En introduisant son action le 28 novembre 2019, M. [J] était forclos.

Le jugement sera dès lors confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

M. [J], partie perdante, supportera les dépens d'appel. Par voie de conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

L'équité commande d'allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. M. [J] sera condamné à verser cette somme à la société Fiducial Expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [J] aux dépens d'appel ;

REJETTE la demande de M. [J] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [J] à verser à la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable - Fidexpertise la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 21/05940
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;21.05940 ?
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