COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 63B
DU 04 JUILLET 2023
N° RG 21/04574
N° Portalis DBV3-V-B7F-UUVY
AFFAIRE :
[L] [K]
C/
[L], [B] [M]
S.A. ALLIANZ IARD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Mars 2021 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/07810
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Leila VOLLE,
-la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [L] [K]
né le [Date naissance 3] 1966 à [Localité 9] (BELGIQUE)
de nationalité Belge
[Adresse 8]
[Localité 4] - BELGIQUE
représenté par Me Leila VOLLE, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 718 - N° du dossier [K]
APPELANT
****************
Maître [L], [B] [M]
né le [Date naissance 2] 1961 à [Localité 10]
de nationalité Française
Exerçant [Adresse 1]
[Localité 6]
S.A. ALLIANZ IARD
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 542 110 291
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentés par Me Michèle DE KERCKHOVE de la SELARL BVK AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.26 - N° du dossier 18467
Me Véronique VITSE-BOEUF de la SELARL ADEKWA, avocat - barreau de LILLE, vestiaire : 0235
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
Au mois d'avril 2008, M. [K], mis en examen dans le cadre d'une procédure d'instruction, a confié la défense de ses intérêts à M. [M] en sa qualité d'avocat.
Celui-ci a déposé une requête le 24 avril 2008 aux fins de restitution du véhicule Ford Mondeo de M. [K] placé sous séquestre, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du juge d'instruction rendue le 26 mai 2008.
En septembre 2014, M. [K], reprochant à son avocat d'avoir manqué à ses obligations dans le cadre de sa mission de conseil et d'assistance, a fait assigner la société de Courtage des barreaux et l'association d'avocats [M] et Squillaci devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence. La société Allianz est intervenue volontairement à la procédure en qualité d'assureur de M. [M].
Par jugement du 25 avril 2016, le tribunal a déclaré irrecevables tant l'action que les demandes présentées contre l'association d'avocats [M] et Squillaci et la société de Courtage des barreaux.
Par actes des 24 mars et 5 avril 2017, M. [K] a fait assigner M. [M] ainsi que la société Allianz en responsabilité professionnelle toujours devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence.
Par ordonnance du 27 octobre 2017, le juge de la mise en état a déclaré la juridiction saisie incompétente et a renvoyé l'affaire devant le tribunal de grande instance de Versailles.
Par jugement contradictoire rendu le 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :
- Dit que M. [M] a engagé sa responsabilité professionnelle en notifiant tardivement à M. [K], soit le 26 octobre 2011, l'ordonnance de restitution de son véhicule datée du 26 mai 2008,
- Condamné solidairement M. [M] et la S.A. Allianz IARD à payer à M. [K] la somme de 2.000 euros au titre de la perte de chance de pouvoir revendre son véhicule Ford Mondeo,
- Débouté M. [K] de toutes ses autres demandes,
- Condamné in solidum M. [M] et la S.A. Allianz IARD à payer à M. [K] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné solidairement M. [M] et la S.A. Allianz IARD aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
M. [K] a interjeté appel de ce jugement le 18 juillet 2021 à l'encontre de M. [M] et la société Allianz IARD.
Par dernières conclusions notifiées le 9 février 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, il demande à la cour de :
- Le recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;
Pour fruits ( sic) :
- Infirmer partiellement le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 16 mars 2021 ;
Et statuant à nouveau,
- Condamner solidairement M. [M] et la société Allianz IARD à lui régler :
- 8 000 euros au titre de son préjudice matériel ;
- 19 128,83 euros au titre de son préjudice financier se détaillant comme suit :
- 400 euros au titre des frais d'expertise du Cabinet WUST ;
- 10.000 euros au titre des honoraires réglés à Me [M] ;
- 1.400 euros au titre des honoraires réglés à Me [J] ;
- 33 000 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
- 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;
- 5 000 euros au titre de son préjudice pour la perte de chance ;
- Confirmer la décision entreprise pour le surplus.
Y ajoutant,
- Condamner solidairement M. [L] [M] et la SA Allianz IARD à lui régler la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la seule instance d'appel ;
- Condamner solidairement M. [L] [M] et la SA Allianz IARD aux entiers dépens de l'instance d'appel en sus de ceux de première instance ;
- Débouter M. [L] [M] et la SA Allianz IARD de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
Par dernières conclusions notifiées le 9 mars 2023, 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [M] et la société Allianz demandent à la cour de :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Dit que M. [M] a engagé sa responsabilité civile professionnelle en notifiant tardivement à M. [K], soit le 26 octobre 2011, l'ordonnance de restitution de son véhicule en date du 26 mai 2008 ;
- Condamné solidairement M. [M] et la société Allianz IARD à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de sa perte de chance de pouvoir revendre son véhicule Ford Mondeo ;
- Condamné in solidum M. [M] et la société Allianz IARD à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum M. [M] et la société Allianz IARD aux dépens.
- Confirmer le jugement en ce que M. [K] a été débouté du surplus de ses demandes.
En conséquence,
Statuant à nouveau,
- Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions de M. [K], l'en débouter ;
Dans tous les cas,
- Ordonner la compensation entre sommes dues par M. [K] et les éventuelles condamnations qui seraient mises à la charge de M. [M] et la société Allianz IARD ;
- Le condamner à verser à la société Allianz IARD ainsi qu'à M. [M] la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance ;
- Le condamner à verser à la société Allianz IARD ainsi qu'à M. [M] la somme de 2 500 euros au titre de l'instance d'appel ;
- Le condamner aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 9 mars 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
M. [K] fait appel du jugement sur le quantum des dommages et intérêts qui lui ont été alloués en première instance.
Il ne conteste pas en revanche le rejet par le tribunal de sa demande tendant à voir constater la faute de son avocat pour défaut de conseil ne lui ayant pas permis de faire appel d'un jugement correctionnel rendu à son encontre par le tribunal correctionnel de Colmar le 23 août 2011.
Par ailleurs, la cour observe que M. [K] souligne que la clôture de la procédure a été ordonnée moins de trois mois après la notification des conclusions des intimés, lesquelles, nonobstant un intitulé contraire, comportaient un appel incident.
Toutefois, si M. [K] dresse le constat de ce que le délai pour répondre aux intimés a été réduit, il n'en tire aucune conclusion et en tout cas il ne présente dans le dispositif de ses conclusions aucune prétention au sens de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.
Sur la faute reprochée à M. [M]
C'est par des motifs exacts et circonstanciés que les premiers juges, constatant que l'ordonnance avait été transmise trois ans après avoir été rendue, ont estimé que M. [M] n'avait pas fait preuve de diligence suffisante et commis une faute dans l'exercice de sa mission.
Outre le fait que M. [M] ne démontre aucunement que M. [K] aurait été informé par la gendarmerie de ce qu'il pouvait récupérer son véhicule, il n'en demeure pas moins qu'il devait lui transmettre l'ordonnance de restitution et qu'il ne justifie qu'aucun motif pour ne pas l'avoir fait.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les préjudices et le lien de causalité
Le dossier de plaidoiries de M. [K] n'ayant pas été déposé en première instance, le tribunal a alloué la somme de 2 000 euros au titre de la perte de chance de pouvoir revendre son véhicule et rejeté les autres demandes faute d'éléments probants.
Sur la perte de chance de pouvoir revendre le véhicule
Le tribunal a retenu que le véhicule de M. [K] devait être évalué à la somme de 6 000 euros et la perte de chance à 1/3 de cette valeur et lui a alloué la somme de 2 000 euros.
M. [K] conteste cette évaluation et fonde ses prétentions sur l'évaluation réalisée par le cabinet d'expertise Wust, soit 8 000 euros, en novembre 2007.
Néanmoins, il convient de se placer en mai 2008, date à laquelle l'ordonnance de restitution du véhicule a été rendue, M. [M] n'étant pas comptable du temps écoulé entre sa confiscation et la date à laquelle il aurait pu le récupérer.
A cette date, la valeur était de 7 360 euros.
La perte ce chance a été justement évaluée par le tribunal à 1/3 de la valeur du véhicule, puisque M. [K] ne démontre pas qu'il l'aurait nécessairement revendu et qu'il aurait tout aussi bien pu décider de le conserver ;
Enfin, lorsqu'il a récupéré son véhicule, sa valeur d'épave était de 500 euros.
L'indemnité qui lui revient s'élève donc à 1953 euros ([1/3 x 7360] - 500), arrondie à 2 000 euros.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur le préjudice matériel
M. [K] ne justifie pas autrement que par des allégations qu'il aurait pu ré-investir le prix de vente de son véhicule et réaliser une plus value.
La demande au titre du préjudice matériel apparaît donc sans aucun fondement et sera rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le coût de l'expertise du cabinet Wutz
M. [K] étant tenu de faire évaluer par un professionnel son véhicule pour pouvoir solliciter une indemnisation, il est fondé à obtenir le remboursement de l'expertise soit la somme de 400 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef et M. [M] sera condamné au paiement de cette somme, sous la garantie de son assureur.
Sur les honoraires de Me [J]
M. [K] sollicite le remboursement des honoraires versés à M. [J] qui l'a assisté ' dans le cadre de ses démarches auprès de la SCB '.
Il ne fournit cependant aucun justificatif de ces honoraires.
La demande ne peut donc qu'être rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les honoraires de M. [M]
En dépit de la faute retenue à son encontre, M. [M] a assisté M. [K] au cours de la procédure d'instruction et de jugement devant le tribunal correctionnel de Colmar.
Son rôle ne s'est donc pas limité à solliciter la restitution du véhicule saisi.
En outre, s'agissant de la contestation des honoraires, c'est de façon pertinente que les intimés soulignent que ce contentieux aurait dû être porté devant le bâtonnier.
La demande sera dès lors rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le préjudice de jouissance
M. [K] sollicite une somme de 33 000 euros au titre de la privation de jouissance de son véhicule.
Il ne fait aucunement état de ce qu'il aurait été contraint de louer ou acquérir un autre véhicule le temps de l'immobilisation du véhicule.
Le tribunal a en outre à juste titre souligné que M. [K] était gérant d'un garage automobile et qu'il ne justifiait ni même n'explicitait l'usage qu'il avait de ce véhicule.
Il sera ajouté qu'il est contradictoire de solliciter une indemnisation au titre d'une perte de chance de vendre le véhicule et de revendiquer un préjudice de jouissance.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande, ce que la cour confirme.
Sur le préjudice moral
Pas plus qu'en première instance, M. [K] ne démontre la réalité du préjudice qu'il invoque.
C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande. Le jugement sera dès lors confirmé de ce chef.
Sur les demandes reconventionnelles
M. [M] demande reconventionnellement à la cour de prononcer la compensation entre les sommes qui lui restent dues par M. [K] avec les indemnités qui pourraient lui être allouées, ce à quoi M. [K] objecte que cette demande est nouvelle en cause d'appel.
Selon l'article 64 du code de procédure civile, 'Constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.'
Aux termes de l'article 70 du même code, 'Les demandes reconventionnelles [...] ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.'
Enfin l'article 567 du code de procédure civile dispose que 'Les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.'
La demande reconventionnelle se définit comme celle par laquelle le défendeur originaire c'est-à-dire le défendeur à la demande initiale - prétend obtenir un avantage autre que le rejet de la prétention adverse. Cette demande ne peut être formée que par le défendeur originaire contre le demandeur originaire.
La recevabilité de telles demandes en cause d'appel est uniquement subordonnée à la condition posée par l'article 70 du code de procédure civile, à savoir qu'elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant, et non aux conditions édictées par les articles 564 et suivants du même code (voir par exemple 3e Civ., 17 septembre 2013, pourvoi n° 12-19.004).
Tel est bien le cas en espèce, les intimés sollicitant que des sommes qui leur ont été allouées dans cette même affaire au cours des procédures antérieures puissent être compensées avec les indemnités allouées par cette cour.
Il est établi que M. [K] a été condamné à verser à la société Allianz la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première procédure initiée en vain contre l'association d'avocats [M] et Squillaci (jugement du 25 avril 2016) et celle de 1 000 euros au titre de l'ordonnance du 27 octobre 2017. Il a également été condamné à verser à M. [M] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de cette même ordonnance du 27 octobre 2017.
Le montant des dépens est prouvé à hauteur de la somme de 342,23 euros.
Ces sommes constituent une créance liquide, exigible et connexe.
Il sera donc fait droit à la demande de compensation.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
M. [K] n'obtient que très partiellement gain de cause en appel et les intimés obtiennent le bénéfice de leur demande reconventionnelle.
Dans ces conditions, il y a lieu de dire que chaque partie conservera la charge de ses dépens et de rejeter les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté M. [K] de sa demande au titre des frais d'expertise,
Le CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE M. [M] à payer à M. [K] la somme de 400 euros au titre des frais d'expertise du cabinet Wutz,
CONDAMNE la société Allianz à garantir M. [M],
DIT que chaque partie conservera à sa charge les dépens exposés en appel,
REJETTE les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE la compensation entre ces indemnités et les indemnités et frais irrépétibles alloués aux intimés par le jugement du 25 avril 2016 et l'ordonnance du 27 octobre 2017.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,