La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/07/2023 | FRANCE | N°20/06240

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 04 juillet 2023, 20/06240


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section







ARRÊT N°







RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B





DU 04 JUILLET 2023







N° RG 20/06240

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGRH





AFFAIRE :



[O] [N],

[B] [P]

C/

[S] [M],

Association ATFPO







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2020 par le Tribunal de proximité de VERSAILL

ES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-18-0020



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Corinna KERFANT,









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Code nac : 63B

DU 04 JUILLET 2023

N° RG 20/06240

N° Portalis DBV3-V-B7E-UGRH

AFFAIRE :

[O] [N],

[B] [P]

C/

[S] [M],

Association ATFPO

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Avril 2020 par le Tribunal de proximité de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-18-0020

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Corinna KERFANT,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [O] [N]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 8]

Madame [B] [P]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentées par Me Corinna KERFANT, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 19

Me Valéry MONTOURCY, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C2000

APPELANTES

****************

Monsieur [S] [M]

assisté de son curateur

[Adresse 1]

[Localité 6]

Association ATFPO

en sa qualité de curateur de M. [S] [M]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Défaillants

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement du 10 octobre 2005, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Paris 14ème a placé M. [M] sous le régime de la curatelle renforcée et Mme [V] a été désignée en qualité de curatrice.

Par ordonnance du 11 octobre 2011, elle a été remplacée par Mme [N], une amie du protégé, Mme [P], cousine de celui-ci, étant désignée en qualité de subrogée curatrice.

Par ordonnance du 22 juillet 2015, ces dernières ont à leur tour été remplacées par M. [F], mandataire judiciaire à la protection des majeurs, lequel a été lui-même remplacé par l'ATFPO Paris Sud, par décision du 22 juin 2016.

Par assignation des 4 et 28 novembre 2019, M. [M], assisté de l'ATFPO, a fait assigner Mme [P] et Mme [N] devant le tribunal judiciaire de Versailles aux fins d'obtenir réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi en raison de graves irrégularités dans la gestion de la mesure de curatelle.

Par jugement contradictoire du 30 avril 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- Condamné Mme [N] à payer à M. [M], assisté de l'ATFPO, son curateur, la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné Mme [P] à. payer à M. [M], assisté de l'ATFPO, son curateur, la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné in solidum Mme [N] et Mme [P] à payer M. [M], assisté de l'ATFPO, son curateur, la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné in solidum Mme [N] [O] et Mme [P] [B] aux dépens.

Mme [N] et Mme [P] ont interjeté appel de ce jugement le 14 décembre 2020 à l'encontre de M. [M].

Par dernières conclusions notifiées le 12 mars 2021, elles demandent à la cour de :

- Les recevoir en leur appel, et les y déclarer bien fondées,

- Infirmer le jugement rendu le 30 avril 2020 par le tribunal judiciaire de Versailles en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau :

A titre principal :

- Débouter intégralement M. [M], assisté de son curateur l'ATFPO, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner M. [M] assisté de son curateur l'ATFPO à payer tant à Mme [N] qu'à Mme [P] une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [M], assisté de son curateur l'AFTPO aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

A titre subsidiaire :

- Dire que le préjudice prétendument allégué par M. [M] ne peut être que de principe ;

En conséquence,

- Fixer le montant de la réparation due par Mesdames [N] et [P] à M. [M], assisté de son curateur l'ATFPO, à la somme d'un euro de principe, en réparation de son entier préjudice ;

- Dire n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en ce compris l'article 700 de première instance ;

- Dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens, de première instance et d'appel.

Les appelantes ont fait signifier la déclaration d'appel à M. [M] et son curateur par actes respectifs des 17 et 22 février 2021.

Ces actes ont été remis à personne pour M. [M] et à personne habilitée pour l'ATFPO.

M. [M] et son curateur ont désigné M. Thierry Rouzies, avocat au barreau de Paris.

Par ordonnance du 4 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la nullité de cette désignation en raison du non respect des règles relatives à la postulation. Aucun autre avocat n'a été désigné pour le remplacer.

Compte tenu des modalités de signification de la déclaration d'appel, l'arrêt sera réputé être rendu contradictoirement.

Les appelantes ont par ailleurs fait signifier leurs conclusions aux intimés par actes du 23 mars 2021.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 23 mars 2023.

SUR CE, LA COUR,

Le tribunal a retenu que Mme [N] avait commis une faute en ne procédant pas à un établissement régulier des comptes de gestion et en manquant de rigueur dans la gestion des ressources et des dépenses de M. [M], contribuant ainsi à l'aggravation de ses difficultés financières.

S'agissant de Mme [P], il a retenu à son encontre un manquement aux obligations mises à sa charge en qualité de subrogée curatrice, à savoir le contrôle de la gestion de Mme [N].

Moyens des parties

Mmes [N] et [P] font valoir qu'elles ont accepté d'être désignées curatrice et subrogé curatrice bénévolement pour venir en aide à leur ami et cousin, que Mme [V], précédente curatrice ' n'en pouvait plus ' et que celle-ci ne leur a pas remis les comptes de gestion.

Elles affirment que M. [M] ne démontre pas avoir subi de préjudice en lien direct avec ce qu'il leur est reproché, à savoir l'absence de compte de gestion et une gestion insuffisamment rigoureuse.

Appréciation de la cour

En application de l'article 421 du code civil, ' Tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d'une faute quelconque qu'ils commettent dans l'exercice de leur fonction. Toutefois, sauf cas de curatelle renforcée, le curateur et le subrogé curateur n'engagent leur responsabilité, du fait des actes accomplis avec leur assistance, qu'en cas de dol ou de faute lourde '.

Par ailleurs, en application des articles 510 et 511 du même code, dans leur version antérieure applicable à l'espèce, le tuteur établit chaque année un compte de sa gestion auquel sont annexées toutes les pièces justificatives utiles et le subrogé tuteur vérifie ce compte.

Ces articles sont applicables à la curatelle renforcée.

Il est constant qu'entre 2011 et 2015, Mme [N] n'a pas adressé les comptes de gestion au juge des tutelles et Mme [P] ne lui a adressé aucun rappel. Ceux-ci n'ont été établis qu'en décembre 2015, après que leur mission a pris fin.

Il s'agit incontestablement d'une faute, peu important que les intéressées n'aient été nommées dans leurs fonctions qu'à titre bénévole, dès lors qu'elles n'ont pas été déchargées de l'obligation d'établir les comptes par le juge des tutelles.

Le fait que Mme [V] n'ait pas remis les comptes précédents ne les dispensait pas et ne les empêchait nullement de procéder à leur établissement.

L'absence d'établissement des comptes est en soi une faute de nature à engager les responsabilités de la curatrice et de la subrogée curatrice, si tant est que cette faute soit en lien direct avec un préjudice avéré, ce qui sera examiné ci-après.

S'agissant de l'absence de rigueur dans la gestion de la mesure, telle que retenue par le premier juge, il convient d'apprécier cette faute in concreto, en tenant compte du fait que les appelantes ne sont pas des professionnelles, qu'elles ont agit bénévolement et au mieux des intérêts de M. [M] compte tenu de la personnalité de ce dernier.

Les pièces versées au dossier démontrent que Mme [P] s'est notamment battue avec succès pour éviter que M. [M] soit expulsé de son logement, alors que les impayés de loyers remontaient à l'époque de la gestion exercée par Mme [V].

Les attestations versées relatent par ailleurs l'aide humaine, voire financière, de Mme [N] à l'égard de M. [M] durant des années.

Ceci étant, il ressort des énonciations du jugement que le versement de l'Allocation Personnalisée Autonomie (APA) a été suspendu pendant 15 mois, durant les années 2013/2014.

Les raisons pour lesquelles l'APA a été suspendue ne sont pas établies avec certitude, de telle sorte qu'il n'est pas démontré que cette suspension soit imputable à Mme [N].

De plus, devant la cour, Mme [N] verse la copie d'échanges de mails entre elle et Mme [E], employée de l'organisme versant l'APA, datant de l'automne 2014,démontrant qu'elle s'employait au rétablissement du versement de l'allocation.

Par ailleurs, d'autres événements ont fragilisé le budget de M. [M]. Ainsi, il est versé la copie d'un courrier faisant état de ce que suite à une erreur du service gestionnaire, et non de Mme [N], des tickets CESU n'ont pas été reçus par M. [M], ce qui a également contribué à réduire ses ressources et fragiliser son budget.

Par ailleurs, il appartient à M. [M] de calculer et de justifier du préjudice qu'il a effectivement subi, tel le montant de l'APA non versé et non rattrapé, les intérêts éventuellement dus sur des factures payées avec retard, ou encore des agios facturés par la banque.

Or, la cour ne dispose d'aucun de ces éléments, ni de par les énonciations du jugement qui a alloué des dommage et intérêts forfaitairement, ni de par les éléments versés en appel, M. [M] n'étant pas représenté.

Il s'ensuit que le préjudice matériel de M. [M], en lien avec la faute de Mme [N] n'est pas établi et ne peut donner lieu à aucune indemnisation.

En revanche, il peut être tenu compte de l'aspect moral du préjudice subi, étant observé qu'en première instance M. [M] sollicitait la condamnation de Mme [G] au paiement d'une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts et de Mme [P] à celle de 2 000 euros, sans plus de détails.

Compte tenu des fautes retenues, Mme [N] sera condamnée à payer à M. [M] une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts et Mme [P] une somme de 300 euros.

Le jugement, qui a alloué les sommes respectives de 3 000 et 1 500 euros, sera infirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

En revanche, il apparaît équitable de laisser à la charge de chaque partie les dépens exposés en appel et de rejeter la demande formée par les appelantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition ;

INFIRME le jugement en ce qu'il a :

- Condamné Mme [N] à payer à M. [M], assisté de l'ATFPO, son curateur, la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,

- Condamné Mme [P] à payer à M. [M], assisté de l'ATFPO, son curateur, la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE Mme [N] à payer à M. [M], assisté de l'ATFPO, son curateur, la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts,

CONDAMNE Mme [P] à. payer à M. [M], assisté de l'ATFPO, son curateur, la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts,

DIT que chaque partie conserve à sa charges les dépens exposés en cause d'appel,

REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 20/06240
Date de la décision : 04/07/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-07-04;20.06240 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award