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29/06/2023 | FRANCE | N°22/07444

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 29 juin 2023, 22/07444


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59B



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 22/07444 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VR75



AFFAIRE :



S.A.S.U. EJCB



C/

S.A.S. HEINEKEN ENTREPRISE









Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 28 Octobre 2022 par le Président du TC de Nanterre

N° RG : 2022R00535



Expéditions exécutoires

Expéditions


Copies

délivrées le : 29.06.2023

à :



Me Pierre-antoine CALS, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Kazim KAYA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59B

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 22/07444 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VR75

AFFAIRE :

S.A.S.U. EJCB

C/

S.A.S. HEINEKEN ENTREPRISE

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 28 Octobre 2022 par le Président du TC de Nanterre

N° RG : 2022R00535

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 29.06.2023

à :

Me Pierre-antoine CALS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Kazim KAYA, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S.U. EJCB

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 539 11 6 9 88

[Adresse 2]

[Localité 3] / France

Représentant : Me Pierre-antoine CALS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 719

Ayant pour avocat plaidant Me François HERMEND, du barreau d'Amiens

APPELANTE

****************

S.A.S. HEINEKEN ENTREPRISE

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 414 84 2 0 62

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Kazim KAYA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 - N° du dossier HEIN EJC

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marietta CHAUMET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,

EXPOSE DU LITIGE

La société EJCB exploitait un bar-restaurant situé [Adresse 2] à [Localité 3] (la Somme).

Elle a conclu, par acte sous signature privée du 19 juin 2017, un contrat de prêt avec la banque Crédit Industriel et Commercial Est portant sur une somme de 20 000 euros remboursable sur une période de 60 mois, avec des mensualités de 354,31 euros.

Pour garantir le remboursement de ce prêt, la société Heineken Entreprise a consenti un cautionnement. En parallèle, la société EJCB a consenti un nantissement sur son fonds de commerce.

Par acte sous seing privé du 20 juin 2017, la société EJCB a conclu, avec la société Heineken Entreprise, un contrat d'approvisionnement exclusif de bière en fûts. Le contrat, conclu pour une durée de 5 ans, portait sur une quantité annuelle moyenne de 120 hectolitres.

La banque CIC Est a fait appel au cautionnement de la société Heineken Entreprise qui a dû payer la somme de 3 188,31 euros.

Par lettre recommandée en date du 5 avril 2022, la société Heineken Entreprise a mis en demeure la société EJCB de respecter ses obligations au titre des 2 contrats.

Par acte d'huissier de justice délivré le 1er juin 2022, la société Heineken Entreprise a fait assigner en référé la société EJCB aux fins d'obtenir principalement sa condamnation provisionnelle à lui verser les sommes provisionnelles de 3 198, 32 euros au titre du cautionnement et de 30 146,40 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 au titre de l'indemnité de rupture.

Par ordonnance contradictoire rendue le 27 octobre 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre a :

- rejeté l'exception de nullité de l'assignation,

- rejeté l'exception d'incompétence territoriale,

- condamné la SASU EJCB à payer à titre provisionnel à la SAS Heineken Entreprise, au titre du prêt, la somme principale de 3 198,32 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,80 % à compter du 5 avril 2022, ainsi que, au titre de l'indemnité de rupture, la somme principale de 20 670 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022,

- dit que les intérêts courus pour une année entière seront capitalisés et produiront intérêts au même taux,

- condamné la SASU EJCB à payer à la SAS Heineken Entreprise la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

- condamné la SASU EJCB aux dépens,

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros dont TVA 6,78 euros.

Par déclaration reçue au greffe le 12 décembre 2022, la société EJCB a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a :

-rejeté l'exception de nullité de l'assignation,

-rejeté l'exception d'incompétence territoriale,

-liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 40,66 euros dont TVA 6,78 euros.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 janvier 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société EJCB demande à la cour, au visa des articles 1218, 1231-5 et 1171 du code civil, de l'article L. 442-1 du code de commerce et des articles 16, 873, 698 et 700 du code de procédure civile, de :

'- dire et juger la société EJCB recevable et bien fondée ;

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- condamné la sasu EJCB à payer à titre provisionnel à la sas Heineken Entreprise, au titre du prêt, la somme principale de 3 198,32 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,80 % à compter du 5 avril 2022, ainsi que, au titre de l'indemnité de rupture, la somme principale de 20 670 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;

- dit que les intérêts courus pour une année entière seront capitalisés et produiront intérêts au même taux ;

- condamné la sasu EJCB à payer la sas Heineken Entreprise la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que I 'exécution provisoire est de droit ;

- condamné la sasu EJCB aux dépens ;

statuant de nouveau :

- rejeter toutes les demandes formées par la société Heineken Entreprise;

- condamner la société Heineken Entreprise à verser à la société EJCB la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.'

Dans ses dernières conclusions déposées le 19 février 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Heineken Entreprise demande à la cour, au visa de l'article 873 du code de procédure civile et des articles 1346, 2288 (ancien) et 2305 (ancien), du code civil, de :

'- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- débouter la société EJCB de l'intégralité de ses fins, demandes et conclusions ;

- condamner la société EJCB au paiement d'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société EJCB aux entiers frais et dépens y inclus tous les frais de recouvrement.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de provision

La société EJCB expose, sur le cautionnement, que son obligation à paiement est sérieusement contestable dès lors que la société Heineken n'a pas précisé le fondement de son action, personnelle ou subrogatoire.

Elle affirme ensuite n'avoir jamais reçu de courrier l'informant de l'existence d'impayés.

Sur la provision réclamée au titre du contrat d'approvisionnement exclusif, l'appelante invoque également l'existence de contestations sérieuses, contestant en premier lieu n'avoir pas respecté les clauses du contrat aux termes desquelles elle s'était engagée à s'approvisionner auprès de la société Heineken à hauteur de 120 hectolitres par an.

La société EJCB rappelle que la période contractuelle correspond pour partie à des périodes de confinement pendant lesquelles les débits de boisson ne pouvaient pas recevoir du public, ce qui constitue pour elle un cas de force majeure et en déduit que la somme qui lui est réclamée à ce titre est donc intégralement contestable.

Elle expose qu'il existe une contestation quant à l'interprétation de la clause pénale contractuelle et que la demande sur ce fondement était d'autant moins régulière qu'aucune rupture anticipée du contrat n'a été prononcée.

L'appelante invoque ensuite le caractère manifestement excessif de la clause pénale, faisant valoir d'une part que la société Heineken est mal fondée à réclamer une indemnité majorée de la TVA, ce qui reviendrait à un enrichissement sans cause, et d'autre part que l'intimée ne justifie pas de sa perte de marge.

Arguant du caractère abusif de la clause d'approvisionnement exclusif, la société EJCB expose qu'il est établi en premier lieu sur le fondement tant de l'article L. 442-1 du code de commerce puisque, selon elle, la différence entre le coût de l'exclusivité et le montant cautionné est sans commune mesure et que le cautionnement donné par la société Heineken n'était pas la seule garantie offerte à la banque.

Elle soutient en second lieu que cette clause est également abusive au titre de l'article 1171 du code civil, un déséquilibre significatif existant entre les engagements des parties.

Affirmant avoir indiqué dans son assignation qu'elle était subrogée dans les droits de la banquier CIC Est au titre du prêt du 19 juin 2017, la société Heineken expose en réponse que le fondement de son action, à savoir la subrogation légale, était clairement précisé et qu'aucune contestation sérieuse ne peut être invoquée à ce titre.

Sur le contrat d'approvisionnement exclusif, l'intimée fait d'abord valoir que la société EJCB n'a débité entre juin 2017 et juin 2022 que 205 hectolitres de bière, inférieur au montant prévu par le contrat.

Elle indique que la force majeure a été retenue par le premier juge, qui a déduit du volume contractuellement dû le volume équivalent à 7 mois de fermeture, et conclut que le surplus de sa créance est incontestable.

Elle conteste que la clause pénale doive être interprétée et indique que, le premier juge n'ayant pas appliqué la TVA sur la provision accordée, ce débat n'a plus lieu d'être.

La société Heineken soutient que la clause pénale fixant l'indemnité due à 20% du chiffre d'affaires manquant n'est pas excessive dès lors que cela correspond à sa perte de marge et conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée.

Sur ce,

Aux termes de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier.

Ce texte impose donc au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision, celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d'appliquer les clauses claires du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n'en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

En vertu de l'article L. 110-3 du code de commerce, la preuve en matière commerciale peut se faire par tous moyens.

sur la demande au titre du cautionnement

La société Heineken verse aux débats :

- le contrat de prêt établi entre la banque CIC Est, la société EJCB et elle-même le 19 juin 2017 aux termes duquel la banque prêtait à la société EJCB une somme de 20 000 euros remboursable en 60 mois, l'intimée se portant caution solidaire de l'emprunteur et le fonds de commerce de la société EJCB étant affecté à titre de nantissement ;

- la quittance subrogative établie par la banque CIC Est le 20 mars 2022 exposant avoir reçu de la société Heineken la somme de 3 188, 31 euros au titre de 6 échéances impayées et du capital restant dû pour le contrat de prêt susmentionné, subrogeant la société Heineken dans ses droits ;

- la mise en demeure adressée à la société EJCB le 5 avril 2022, assortie d'un décompte, lui réclamant le paiement de la somme de 3 198, 32 euros au titre du prêt (comprenant 9, 51 euros au titre des intérêts) ;

- l'assignation délivrée le 1er juin 2022 dans laquelle elle exposait 'la banque CIC Est a fait appel au cautionnement de la brasserie demanderesse qui a dû payer la somme de 3 188, 31 euros et s'est trouvée subrogée dans les droits de la banque selon quittance subrogative datée du 20/03/2022".

Ces éléments suffisent à démontrer avec l'évidence requise l'existence d'une dette de la société EJCB à l'égard de la société Heineken au titre de la mise en oeuvre du cautionnement prévu par le prêt du 19 juin, le fondement de l'action engagée par l'intimée était parfaitement clair et l'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle a condamné la société EJCB à verser une provision de 3 198,32 euros augmentée des intérêts au taux contractuel de 6,80 % à compter du 5 avril 2022.

sur la demande au titre de l'indemnité de rupture

La convention conclue entre la société EJCB et la société Heineken le 20 juin 2017 indiquait notamment que le client s'engageait à s'approvisionner exclusivement en bière en fûts auprès d'Heineken à hauteur de 120 hectolitres par an pendant 5 années, soit 600 hectolitres au total.

L'article 2.11 précisait : 'le non-respect total ou partiel, volontaire ou involontaire, par le client, de l'une ou l'autre de ses obligations, entraînera de plein droit, sans formalité, outre le remboursement immédiat ou le paiement immédiat de toutes sommes restant dues, ou encore le paiement immédiat de toutes sommes correspondant au montant des avantages dont le client a bénéficié pour son exploitation, le paiement immédiat, à titre d'indemnité de rupture unilatérale de la présente convention, d'une somme égale à 20% du prix des bières manquantes d'après les quantités fixées aux conditions particulières et la durée du contrat restant à courir sur la base de la dernière facturation.'

Cette clause ne nécessite aucune interprétation particulière puisqu'il s'agit pour le brasseur d'obtenir le paiement d'une indemnité correspondant à 20% du prix des bières manquantes et qu'en l'espèce, le contrat ayant duré 5 ans, il faut comparer entre le volume prévu au contrat et les livraisons effectivement sollicitées par la société EJCB.

Aux termes de l'article 1218 du code civil,'il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Si l'empêchement est temporaire, l'exécution de l'obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l'empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1".

Ainsi que l'a retenu le premier juge, c'est à juste titre que la société EJCB invoque la force majeure s'agissant des périodes de crise sanitaire durant lesquelles, son établissement ne pouvant accueillir de public, elle ne pouvait pas vendre de bière ni donc respecter ses obligations contractuelles.

Si, le contrat ayant couru du 20 juin 2017 au 20 juin 2022, cet argument ne constitue à l'évidence pas une contestation sérieuse de l'intégralité de la somme réclamée, il convient de dire que, au regard de la durée des confinements mais aussi des mesures sanitaires ayant limité l'accueil du public, ces perturbations ont présenté les caractéristiques de la force majeure pour la société EJCB durant une année, soit 20% de la durée du contrat.

Concernant l'argumentation relative au caractère abusif de la clause pénale prévue au contrat il sera relevé qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du juge des référés, ni dans ceux de la cour à sa suite, de juger du caractère abusif ou pas d'une clause, ce moyen ne pouvant être examiné que sur le fait de savoir s'il constitue une contestation suffisamment sérieuse à la demande d'octroi d'une provision par le créancier.

L'article L. 442-6 du code de commerce alors applicable (étant précisé que c'est par erreur que la société EJCB invoque l'article L.442-1) dispose qu'' Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (...) De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.'

Ce texte permettrait, si les conditions étaient remplies et si l'existence d'un préjudice était démontrée, à la société EJCB d'engager la responsabilité de la société Heineken, mais il n'est pas de nature à dispenser l'appelante de verser les sommes prévues au contrat. Cette action en responsabilité, de nature à engendrer une compensation entre les sommes réclamées par l'intimée et les dommages et intérêts auxquels prétendrait l'appelante, étant en l'état hypothétique, il y a lieu de considérer que la contestation à ce titre n'est pas sérieuse.

Aux termes de l'article 1171 du code civil, dans sa version applicable en l'espèce,'dans un contrat d'adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation'.

En l'espèce, la convention conclue entre les parties prévoyait des obligations réciproques dès lors que la société Heineken s'est portée caution du prêt souscrit par la société EJCB en contrepartie de la clause de fourniture exclusive, même si l'appelante avait également souscrit un nantissement de son fonds de commerce en garantie du prêt.

L'argument tenant à la disproportion entre le montant du prêt cautionné (20 000 euros) et le montant des boissons que la société EJCB s'engageait à acheter (190 000 euros) est sans portée dès lors qu'il s'agissait pour la société Heineken de permettre à la société EJCB de bénéficier d'un emprunt, sans en retirer de bénéfice, tandis que l'achat de bières était nécessaire à l'activité de l'appelante.

Il convient en conséquence de dire que n'est pas sérieuse la contestation relative à l'existence d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Le caractère manifestement excessif de la clause pénale n'est pas démontré par la société EJCB, la société Heineken faisant valoir à juste titre que la somme de 20% par hectolitre non vendu correspond à sa marge.

Le nombre d'hectolitres livrés à la société EJCB (205 hl) et, partant, celui de marchandises non vendues en contravention avec le contrat (395 hl), est justifié par les pièces produites par l'intimée sauf à la limiter à 275 hl pour tenir compte de la force majeure ainsi qu'indiqué précédemment.

En conséquence, la provision réclamée par la société Heineken n'est pas sérieusement contestable dans la limite de 20% x 318 HT x 275 = 17 490 euros. La société EJCB sera condamnée à verser cette somme à l'intimée et l'ordonnance querellée sera infirmée sur ce montant.

Sur les demandes accessoires

L'ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Partie essentiellement perdante, la société EJCB ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doit supporter les dépens d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Heineken la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. L'appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance querellée sauf sur le montant de la provision allouée au titre de l'indemnité de rupture,

Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne la société EJCB à payer à titre provisionnel à la société Heineken Entreprise, au titre de l'indemnité de rupture la somme de 17 490 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2022 ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société EJCB à payer à la société Heineken Entreprise la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société EJCB aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseiller faisant fonction de président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 22/07444
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.07444 ?
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