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29/06/2023 | FRANCE | N°22/07039

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14e chambre, 29 juin 2023, 22/07039


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 74A



14e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 22/07039 - N° Portalis

DBV3-V-B7G-VRAJ



AFFAIRE :



[V] [G] épouse [M]

...



C/

[C] et [X] [P]

...







Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Octobre 2022 par le Président du TJ de PONTOISE

N° RG : 22/00637



Expéditions exécutoires

E

xpéditions

Copies

délivrées le : 29.06.2023

à :



Me Christian BOUSSEREZ, avocat au barreau du VAL D'OISE,



Me Julien LALANNE, avocat au barreau du VAL D'OISE,



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 74A

14e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 22/07039 - N° Portalis

DBV3-V-B7G-VRAJ

AFFAIRE :

[V] [G] épouse [M]

...

C/

[C] et [X] [P]

...

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 14 Octobre 2022 par le Président du TJ de PONTOISE

N° RG : 22/00637

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 29.06.2023

à :

Me Christian BOUSSEREZ, avocat au barreau du VAL D'OISE,

Me Julien LALANNE, avocat au barreau du VAL D'OISE,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [V] [G] épouse [M]

née le 21 Juillet 1986 à [Localité 15] (Belgique)

de nationalité Belge

[Adresse 2]

[Localité 10]

Monsieur [H] [M]

né le 20 Octobre 1984 à [Localité 14]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentant : Me Christian BOUSSEREZ, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 89 - N° du dossier 220477

APPELANTS

****************

Monsieur [C] et [X] [P]

de nationalité française,

[Adresse 6]

[Localité 7]

Madame [X] [S] épouse [P]

de nationalité française,

[Adresse 6]

[Localité 7]

Monsieur [J] [U]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 9]

Madame [D] [E] épouse [U]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentant : Me Julien LALANNE de la SELARL VERPONT AVOCATS, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 142

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Mai 2023, Madame Marietta CHAUMET, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de président,

Madame Marina IGELMAN, Conseiller,

Madame Marietta CHAUMET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI

EXPOSE DU LITIGE

Par un acte authentique du 11 septembre 2020, M. [M] et Mme [G] épouse [M] ont acquis, auprès de la société Altimo Conseil, une maison édifiée sur un terrain situé [Adresse 2], (cadastré AE [Cadastre 3]) à [Localité 10] (Val d'Oise).

Les deux parcelles attenantes cadastrées AE [Cadastre 4] et AE [Cadastre 5] toutes les deux situées [Adresse 1] à [Localité 10] (Val-d'Oise) ont été vendues par la société Altimo Conseil respectivement à M. [U] et Mme [E] épouse [U] et à M. [P] et Mme [S] épouse [P].

Les trois actes authentiques portant sur les lots issus de la division prévoient des servitudes réciproques, notamment de passage en tréfonds de tous réseaux.

Les époux [U] et les époux [P] ont obtenu du maire de la commune de [Localité 10] des permis de construire portant pour chacun d'eux sur l'édification d'une maison individuelle.

Souhaitant procéder aux raccordements aux réseaux, les époux [U] et [P] ont formulé une demande écrite auprès de M. et Mme [M] afin de pouvoir exercer le droit de passage sur leur propriété.

Par acte d'huissier de justice délivré le 1er juillet 2022, M. et Mme [P] et M. et Mme [U] ont fait assigner en référé les époux [M] aux fins d'obtenir principalement l'interdiction de faire obstacle à l'exercice des servitudes conventionnelles de passage en tréfonds de tous réseaux sur la parcelle cadastrée section AE n° [Cadastre 3] au bénéfice des parcelles cadastrées section AE n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5] et l'autorisation de l'exercice effectif de ces servitudes.

Par ordonnance contradictoire rendue le 14 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Pontoise a :

- interdit à M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] de faire obstacle à l'exercice des servitudes conventionnelles de passage en tréfonds de tous réseaux sur la parcelle cadastrée section AE n°[Cadastre 3] au bénéfice des parcelles cadastrées section AE n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5], conformément aux actes authentiques qui les prévoient,

- condamné M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] à permettre l'exercice effectif des servitudes conventionnelles de passage en tréfonds de tous réseaux sur la parcelle cadastrées AE n°[Cadastre 3] au bénéfice des parcelles cadastrées AE n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois commençant à courir à compter de la signification de l'ordonnance,

- condamné M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] à verser à M. [C] [P] et Mme [X] [S] épouse [P] d'une part, à M. [J] [U] et Mme [D] [E] épouse [U] d'autre part, une somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] aux entiers dépens de l'instance,

-débouté les parties des surplus de leurs demandes,

-rappelé que l'ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire en application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration reçue au greffe le 24 novembre 2022, M. et Mme [M] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 4 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [M] et Mme [G] épouse [M] demandent à la cour, au visa de l'article 544 du code civil, de :

'- infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Pontoise en date du 14 octobre 2022 et en ce qu'elle a :

- ordonné à M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] de faire obstacle(sic) à l'exercice des servitudes conventionnelles de passage en tréfonds de tous réseaux sur la parcelle cadastrée section AE n°[Cadastre 3] au bénéfice des parcelles cadastrées section AE n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5], conformément aux actes authentiques qui les prévoient,

- condamné M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] à permettre l'exercice effectif de servitudes conventionnelles de passage en tréfonds de tous réseaux sur la parcelle cadastrée AE n° [Cadastre 3] au bénéfice des parcelles cadastrées AE n° [Cadastre 4] et [Cadastre 5], et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois commençant à courir à compter de la signification de la présente ordonnance,

- condamné M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] in solidum à verser à M. [C] [P] et Mme [X] [S] épouse [P] d'une part, à M. [J] [U] et Mme [D] [E] épouse [U] d'autre part, une somme de 1 500 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] aux entiers dépens de la présente instance,

- débouté les parties des surplus de leurs demandes.

- dire n'y avoir lieu à interdire à M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] de faire obstacle à l'exercice des servitudes conventionnelles de passage entréfonds de tous réseaux sur la parcelle cadastrée section AE n°[Cadastre 3] au bénéfice des parcelles cadastrées section AE n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5], conformément aux actes authentiques qui les prévoient,

- dire que le refus par M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] d'autoriser la réalisation des travaux alors prévus par M. [C] [P], Mme [X] [S] épouse [P], M. [J] [B] [N] [U] et Mme [D] [A] [E] épouse [U] ne constituait pas un trouble manifestement illicite,

- dire que ce refus était dépourvu de mauvaise foi et qu'il ne justifie aucune condamnation de M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [C] [P], Mme [X] [S] épouse [P], Monsieur [J] [B] [N] [U] et Mme [D] [A] [E] épouse [U],

- condamner in solidum M. [C] [P], Mme [X] [S] épouse [P], M. [J] [B] [N] [U] et Mme [D] [A] [E] épouse [U] à verser à M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] une indemnité de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais taxables qu'ils ont exposés en première instance outre une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel,

- rejeter la demande des consorts [P]-[U] tendant à voir condamner les concluants à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner in solidum M. [C] [P], Mme [X] [S] épouse [P], M. [J] [B] [N] [U] et Mme [D] [A] [E] épouse [U] aux entiers dépens de première instance et d'appel.'

Dans leurs dernières conclusions déposées le 14 mars 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [P], Mme [S] épouse [P], M. [U] et Mme [E] épouse [U] demandent à la cour, au visa du code civil et du code de procédure civile, de :

'- débouter M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] de l'ensemble de leurs demandes ;

- confirmer l'ordonnance de référé entreprise ;

- condamner M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] à verser aux époux [P] et [U] une somme de 3 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter la demande formulée par M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] aux entiers dépens.'

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Les appelants sollicitent l'infirmation de l'ordonnance critiquée en ce qu'elle les a condamnés à permettre l'exercice effectif des servitudes conventionnelles de passage en tréfonds de tous réseaux sur leur parcelle au bénéfice des parcelles appartenant aux intimés.

Ils exposent en premier lieu que la convention de servitude qui leur est opposée stipule, notamment, que le propriétaire du fonds dominant est dans l'obligation de remettre le fonds servant dans son état primitif dès l'achèvement des travaux, l'utilisation du passage en tréfonds, ainsi que les opérations d'installation et d'entretien ne devant pas par ailleurs apporter de nuisances ni de moins-values au fond servant.

Ils affirment que contrairement aux dispositions contractuelles pré-citées, les travaux envisagés tels qu'ils résultent du devis de l'entreprise Innova BTP provoqueront des dommages graves à leur propriété.

Ils font valoir que la réalisation d'une tranchée à l'aide d'une pelle mécanique et non manuellement, entraînera des dégradations irréversibles de leur jardin, notamment le dépérissement d'un liquidambar âgé de plusieurs dizaines d'années, situé à proximité pour éviter la répétition du tracé de la servitude, dont les racines ont d'ores et déjà été abîmées par les travaux de décaissement sans précaution réalisés par les intimés.

Les appelants ajoutent que selon l'avis d'un paysagiste, l'arbre risquerait fort de mourir en raison de la création des tranchées, le coût de son remplacement étant estimé à un montant de

10 920 euros, arguant par ailleurs que si la convention de servitude prévoit que la végétation présente au moment des travaux ne sera pas replantée, sa destruction pure et simple ou l'impossibilité de la replanter ne doivent pas pour autant être autorisées.

Ils font par ailleurs valoir que le passage de l'engin mécanique dégradera inévitablement l'allée en pavés située dans leur jardin, ainsi que l'abri à bois et le mur de clôture de leur propriété situés sur le tracé des canalisations.

Estimant que les travaux prévus entraîneront une moins-value du fonds servant en violation des clauses de la servitude, les époux [M] reprochent aux intimés de ne pas justifier de la manière dont la propriété sera remise en état, le devis produit ne comportant aucune description des travaux, telle que la largeur et la profondeur de la tranchée, les modalités de leur réalisation sous le mur de clôture à proximité immédiate des installations électriques du pavillon des époux [M], ni aucun engagement de remise en état.

Les appelants entendent en deuxième lieu démontrer qu'il est possible de procéder au raccordement aux réseaux d'eau potable sur la canalisation publique située allée des Lozières, faisant valoir que c'est l'option présentée dans le permis de construire initial.

Ils ajoutent que les intimés ont sollicité et obtenu des permis modificatifs délivrés les 21 février et 16 août 2022 par la mairie de [Localité 10] relatifs aux conditions de raccordement de leurs pavillons au réseau d'eau potable, mentionnant que celui-ci se fera sur [Localité 12] par l'utilisation de la servitude de passage.

S'agissant des réseaux de télécoms, les appelants soulignent que les intimés n'invoquent aucune impossibilité de raccordement par [Localité 11], ni la nécessité de réaliser une tranchée afin de les enterrer, ces travaux pouvant, selon eux, être réalisés sans utilisation d'une pelleteuse ou du moins avec un engin plus respectueux de leur propriété.

Les époux [M] reprochent ainsi au premier juge d'avoir retenu l'existence d'un trouble manifestement illicite considérant que le refus de permettre l'exercice de la servitude sur leur propriété était illégitime et injustifié, alors que c'est la réalisation des travaux envisagés sans aucune condition en violation de l'article 544 du code civil qui constitue un tel trouble à leur encontre.

Les intimés sollicitent la confirmation de l'ordonnance entreprise, soutenant l'existence d'un trouble manifestement illicite tenant à la méconnaissance manifeste par les appelants de l'acte de servitude qui grève leur fonds, ainsi qu'à leur décision de s'opposer à son exercice effectif.

Ils exposent qu'en application des dispositions des articles 686, 697 et 701 du code civil, les époux [M] ont interdiction d'empêcher ou de gêner l'exercice de la servitude.

Faisant valoir que la servitude prévue dans l'acte authentique ne constitue qu'une option à retenir dans l'hypothèse où aucune autre solution ne serait possible, ils affirment être fondés à pouvoir en bénéficier sans conditions.

Ils soutiennent encore que contrairement aux allégations des appelants, il n'existe pas d'alternative aux travaux envisagés au regard de l'absence d'extension des réseaux publics situés [Localité 11] et de l'impossibilité qui en découle pour eux de procéder par de simples branchements individuels.

Ils ajoutent que c'est en connaissance de cause que les époux [M] ont fait l'acquisition d'un lot bâti issu d'une opération de division, ne pouvant pas ignorer l'existence de projets de construction et la présence de réseaux en tréfonds.

Ils font enfin valoir que les appelants sont tenus aux conditions de l'acte de servitude stipulant que les travaux seront exécutés aux frais du propriétaire du fonds dominant selon les règles de l'art et que le fonds sera remis dans son état, sans que la circonstance purement hypothétique, selon eux, de la survenance de dégradations puisse faire obstacle à l'exercice de leur droit de servitude.

Sur ce,

A titre liminaire, la cour rappelle que conformément à l'article 954, alinéas 2 et 3 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées dans le dispositif des conclusions et n'examine les moyens que s'ils sont invoqués dans la discussion de celles-ci, à l'exclusion des 'dire et juger' et des 'constater'  qui ne constituent pas des prétentions, mais des moyens au soutien de celles-ci.

Il sera par ailleurs relevé que c'est manifestement par erreur que les appelants sollicitent dans le dispositif de leur conclusions l'infirmation de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a:' ordonné à M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] de faire obstacle à l'exercice des servitudes conventionnelles de passage en tréfonds de tous réseaux sur la parcelle cadastrée section AE n°[Cadastre 3] au bénéfice des parcelles cadastrées section AE n°[Cadastre 4] et [Cadastre 5], conformément aux actes authentiques qui les prévoient', alors qu'il est indiqué dans le dispositif de l'ordonnance sus-visée qu'il est interdit aux appelants de faire obstacle à l'exercice de ces servitudes.

Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le trouble manifestement illicite est caractérisé par 'toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit'. Il appartient à la partie qui s'en prévaut d'en faire la démonstration avec l'évidence requise devant le juge des référés.

Selon l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.

En vertu de l'article 686 du code civil, il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public. L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après.

Aux termes des articles 697 et 701 du même code, le bénéficiaire de la servitude a le droit de faire tous les ouvrages pour en user et le propriétaire du fonds débiteur ne peut rien faire qui tende à en diminuer l'usage ou à le rendre plus incommode.

En vertu des dispositions de l'article 1103, 'les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits'.

L'acte authentique du 11 septembre 2020 par lequel les époux [M] ont acquis une maison d'habitation individuelle située sur la parcelle AE n°[Cadastre 3], versé aux débats, prévoit l'existence d'un droit de passage perpétuel en tréfonds de toutes canalisations permettant le raccordement aux réseaux divers, notamment l'eau potable et le réseau télécom, des fonds dominants au titre de la servitude réelle au bénéfice des parcelles AE n° [Cadastre 4] et AE n°[Cadastre 5], dont sont propriétaires M. [U] et Mme [E] épouse [U] et à M. [P] et Mme [S] épouse [P].

De même, les actes authentiques datés du 5 mars 2021 produits aux débats portant sur l'acquisition des parcelles par les intimés prévoient dans les mêmes termes des servitudes à leur profit.

L'existence des servitudes conventionnelles n'est pas contestée par les parties.

Les contrats sus-visés comportent une clause similaire intitulée ' Modalités d'exercice de la servitude' selon laquelle, ' Le droit de passage profitera aux propriétaires successifs du fonds dominant, à leur famille, ayant droit et préposés, pour leur besoins personnels et le cas échéant pour le besoin de leurs activités. Ce droit de passage s'exercera exclusivement sur une bande de terrain d'environ 35 mètres carrés figurant en hachurés orange au plan intitulé PLAN DES TRAVAUX, ci-annexé ' pour les actes des époux [M] et des époux [U] et 'Ce droit de passage s'exercera exclusivement sur une bande de terrain d'environ 52 mètres carrés figurant au quadrillage violet au plan ci-joint', s'agissant de l'acte des époux [P].

La clause précise par ailleurs: 'Le propriétaire du fonds dominant fera exécuter les travaux nécessaires ( d'installation, réinstallation, entretien...) à ses frais exclusifs par les services compétents selon les règles de l'art, et remettre le fonds servant dans son état primitif dès leur achèvement. Toutefois, la végétation présente au moment des travaux ne sera pas replantée. Le propriétaire du fonds dominant assurera l'entretien de ces gaines et canalisation par les seuls services compétents à ses frais exclusifs ainsi que leur remise en état si nécessaire. L'utilisation de ce passage en tréfonds et les travaux tant d'installation que d'entretien ne devront pas apporter de nuisances ni de moins-values au fonds servant'.

Il résulte de ces dispositions que les travaux entrepris ne doivent pas être sources de nuisances ou de moins-values pour le fond servant, celui-ci devant être remis en état après leur réalisation par le propriétaire du fonds dominant, à l'exception de la végétation.

Les pièces versées aux débats par les appelants, notamment le constat d'huissier du 1er juillet 2022, le mail du 18 juillet 2022 de M. [Y], paysagiste, le devis n°202122321 du 7 septembre 2022 relatif au remplacement du liquidambar et le plan des servitudes, permettent de constater que les travaux envisagés présentent un risque sérieux de dégrader de façon importante et durable le fonds de M. et Mme [M], notamment concernant la végétation présente sur leur terrain, alors qu'en outre, la convention des parties ne prévoient pas de remise en état concernant la végétation, laquelle comporte pourtant une importante valeur au cas d'espèce, ce qui est de nature à entraîner une moins-value de leur propriété.

Les intimés soutiennent qu'en application de la clause conventionnelle précitée, il est prévu que la propriété de M. et Mme [M] soit remise en état après la réalisation des travaux litigieux.

Si les échanges de courriers entre les parties entre le 4 janvier et le 24 juin 2022 produits aux débats font état des demandes de mise en oeuvre de la servitude conventionnelle, ils démontrent également que les intimés se sont abstenus de fournir un descriptif détaillé des travaux envisagés et des modalités de remise en état de la propriété des appelants, se contenant d'indiquer que ' le terrain sera protégé durant les travaux et remis en état comme stipulé dans l'acte notarial' et de communiquer un devis sommaire de la société Innova BTP daté du 18 mai 2022, soit plus de 4 mois après la première demande de la mise en oeuvre de la servitude.

Or, comme soulevé à juste titre par les époux [M], le devis ci-dessus mentionné porte sur l'installation du chantier et les raccordements et ne prévoit aucune opération de remise en état de leur terrain, ce qui aurait permis de s'assurer du respect allégué des dispositions contractuelles des modalités de la mise en oeuvre des servitudes.

Les appelants font par ailleurs valoir qu'il existe une solution de raccordement aux réseaux alternative à la mise en oeuvre de la servitude.

Les trois plans des travaux mentionnés dans la clause précitée relative aux modalités d'exercice de la servitude annexés aux actes notariés versés aux débats prévoient deux solutions de raccordement à l'eau potable et des télécoms des lots à bâtir:

Solution n°1: Le raccordement de chaque lot à bâtir aux réseaux d'eau potable et des télécoms se fera par l'[Localité 11] dans le cas où des travaux seraient autorisés.

Solution n°2: si les travaux de raccordement de l'eau potable et des télécoms sur [Localité 11] ne sont pas possibles, le raccordement de chaque lot à bâtir se fera par la [Localité 13].

De même, le permis de construire initialement délivré aux époux [U] le 15 février 2021 par la mairie de [Localité 10] reprend la solution n°1 du plan des travaux en ces termes: ' Le projet pourra être alimenté en eau potable à partir de la canalisation DN60 située [Localité 11]. Une extension du réseau d'eau potable d'environ 60 ml, aux frais du demandeur est à prévoir'et précise en outre, qu'un ajustement des installations pourrait être nécessaire en fonction de nouveaux besoins après un rendez-vous avec les services compétents et vérification des capacités du réseau.

Il résulte de ces pièces qu'une solution alternative au passage par la propriété des appelants est d'une part techniquement possible ayant été envisagée dans le premier permis de construire, sans que les intimés démontrent que les services compétents s'y seraient opposés, et d'autre part que cette possibilité a été prévue en tant que première solution par les plans des travaux faisant partie de l'ensemble contractuel.

Dans ces conditions, il n'est pas possible de constater avec l'évidence requise en matière de référé que le refus des époux [M] d'autoriser l'accès à leur terrain constitue un trouble manifestement illicite auquel il conviendrait de mettre fin.

Il sera en conséquence dit, par voie d'infirmation, n'y avoir lieu à référé sur les demandes relatives à l'exercice des servitudes de passage formées par M. et Mme [P] et M. et Mme [U].

Sur les demandes accessoires :

Les appelants étant accueillis en leurs recours, l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Parties perdantes, M. et Mme [P] et M. et Mme [U] ne sauraient prétendre à l'allocation de frais irrépétibles et doivent supporter in solidum les dépens de première instance et d'appel.

Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. et Mme [M] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Les intimés seront en conséquence condamnés in solidum à leur verser une somme globale de 1 500 euros en première instance et une somme globale de 2 000 euros en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance du 14 octobre 2022 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes relatives à l'exercice des servitudes conventionnelles formées par M.[C] [P], Mme [X] [S] épouse [P], M. [J] [U] et Mme [D] [E] épouse [U] ;

Condamne in solidum M. [C] [P], Mme [X] [S] épouse [P], M. [J] [U] et Mme [D] [E] épouse [U] à verser à M. [H] [M] et Mme [V] [G] épouse [M] une somme de globale de 1 500 euros en première instance et une somme globale de 2 000 euros en appel sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne in solidum M. [C] [P], Mme [X] [S] épouse [P], M. [J] [U] et Mme [D] [E] épouse [U] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier lors du délibéré, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 14e chambre
Numéro d'arrêt : 22/07039
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;22.07039 ?
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