La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°21/02790

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 29 juin 2023, 21/02790


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/02790 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UX6H



AFFAIRE :



S.A.R.L. MAHE PAYSAGE



C/



[G] [H]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : A

N° RG : F 20/00213



Co

pies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Mélina PEDROLETTI



Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/02790 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UX6H

AFFAIRE :

S.A.R.L. MAHE PAYSAGE

C/

[G] [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : A

N° RG : F 20/00213

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.R.L. MAHE PAYSAGE

N° SIRET : 530 195 072

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Sandra RENDA de la SCP MERY - RENDA - KARM - GENIQUE, Plaidant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000018

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

APPELANTE

****************

Monsieur [G] [H]

né le 06 Avril 2001 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Sandrine BEZARD-JOUANNEAU de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

Par d'un contrat d'apprentissage du 12 septembre 2016, M. [H] a été engagé par la société Mahé Paysage en qualité d'apprenti ouvrier paysagiste. Ce contrat a pris fin le 31 août 2019, et suite à un contrat à durée déterminée conclu le 2 septembre 2019 pour une durée de 4 mois, M. [H] a été engagé par un contrat de travail à durée indéterminée du 31 décembre 2019 par la société, en qualité d'ouvrier en espaces verts.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des paysagistes.

Par courrier du 17 avril 2020, M. [H] a présenté sa démission à la société Mahé Paysage.

Par requête reçue au greffe le 16 octobre 2020, M. [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Chartres aux fins d'obtenir la requalification de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et la requalification de sa démission en licenciement abusif. M. [H] a également sollicité le versement de diverses sommes à titre de rappel de salaire aux titres d'heures supplémentaires.

Par jugement du 14 septembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Chartes a :

En la forme :

- Reçu M. [H] en ses demandes.

- Reçu l'EURL Mahé Paysage en sa demande reconventionnelle.

Au fond :

- Dit que la rupture du contrat de travail intervenue le 17 avril 2020 constitue une démission,

- Condamné l'EURL Mahé Paysage à verser à M. [H] les sommes suivantes :

*4'058, 35 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la période de septembre 2019 à mars 2020,

*405,83 euros au titre des congés payés y afférents,

*9'236,52 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

*1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Ordonné à l'EURL Mahé Paysage de remettre à M. [H] un bulletin de salaire et de rectifier les documents de fin de relation de contrat qui sont impactés par le paiement de ses heures supplémentaires, l'ensemble de ces documents sous astreinte de 30 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la notification du présent jugement,

- Dit que le bureau de jugement se réserve le droit de liquider l'astreinte,

- Débouté M. [H] du surplus de ses demandes

- Débouté l'URL Mahé Paysage de sa demande reconventionnelle

- Condamné l'EURL Mahé Paysage aux entiers dépens qui comprendront les frais d'exécution éventuels.

Par déclaration au greffe du 24 septembre 2021 l'EURL Mahé Paysage a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 2 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, l'EURL Mahé Paysage demande à la cour de :

- Déclarer l'EURL Mahé Paysage recevable en son appel.

- Infirmer le jugement rendu le 14 septembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a condamné l'EURL Mahé Paysage à payer à Monsieur [H] les sommes suivantes :

*4.058,35 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la période de septembre 2019 à Mars 2020,

*405,83 euros au titre des congés payés y afférents,

*9.236,52 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

*1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Confirmer pour le surplus le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Chartres en ce qu'il a débouté Monsieur [H] de sa demande de requalification de démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la requalification de son CDD en CDI.

Y ajoutant :

- Condamner Monsieur [H] à payer à l'EURL Mahé Paysage la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Le condamner aux dépens, dont le montant sera recouvré par Maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 21 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [H] demande à la cour de :

- Déclarer mal fondée la société Mahé Paysage EURL en son appel.

- L'en débouter.

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Chartres en date du 14 septembre 2021 en ce qu'il a condamné à l'EURL Mahé Paysage à verser à Monsieur [G] [H] les sommes de :

*4.058,35 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la période de septembre 2019 à mars 2020,

*405,83 euros au titre des congés payes afférents,

*9.236,52 euros £1 titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

*1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

et a ordonné a l'EURL Mahé Paysage de remettre à Monsieur [G] [H] un bulletin de salaire et de rectifier les documents de 'n de contrat impactes par le paiement des heures supplémentaires, l'ensemble de ces documents devant être remis sous astreinte de 30 euros par jour de retard a compter d'un délai de quinze jours suivant la notification du jugement, et débouté l'EURL MAHE PAYSAGE de sa demande reconventionnelle.

- Déclarer recevable et bien-fondé Monsieur [G] [H] en son appel incident.

Y faisant droit,

- Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Monsieur [G] [H] de sa demande de requalification du contrat de travail a durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ainsi que de sa demande de requalification de la démission en licenciement abusif ainsi que de ses demandes subséquentes

Statuant à nouveau,

- Déclarer bien-fondé Monsieur [G] [H] en sa demande de requalification du contrat de travail a durée déterminée en date du 2 septembre 2019 en contrat de travail a durée indéterminée,

En conséquence,

- Condamner l'EURL Mahé Paysage à verser à Monsieur [G] [H] une somme de 1539,42 euros à titre d'indemnité de requalification.

- Déclarer bien-fondé Monsieur [G] [H] en sa demande de requalification de la démission en date du l7 avril 2020 en licenciement abusif,

En conséquence,

- Condamner la société Mahé Paysage EURL à régler à Monsieur [G] [H] les sommes de :

*1.475,27 euros à titre d'indemnité de licenciement,

*3.078, 84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*307,88 euros au titre des congés payes afférents

*5.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- Condamner en outre à l'EURL Mahé Paysage à verser à Monsieur [G] [H] une somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens

- Débouter l'EURL Mahé Paysage de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner la société Mahé Paysage EURL aux entiers dépens.

'

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 avril 2023.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur la demande de requalification du contrat de travail

M. [H] sollicite la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en date du 2 septembre 2019 en contrat de travail a durée indéterminée et, par suite, une indemnité de requalification. Il conteste la réalité du motif figurant au contrat soit celui d'un accroissement temporaire d'activité, estimant avoir été engagé dans le cadre de tâches durables et permanentes de la société.

L'EURL Mahé Paysage fait valoir en réplique qu'elle a toujours respecté ses obligations contractuelles et que M. [H] n'apporte aucune preuve tendant à justifier que sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée est valable.

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

Aux termes de l'article L.1242-12 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par ce texte ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

Selon l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6, L.1242-7, L.1242-8-1, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13-1, L.1244-3-1 et L.1244-4-1 du même code.

En l'espèce, force est de constater que l'EURL Mahé Paysage n'apporte aucune justification de l'effectivité du motif d'un 'accroissement temporaire d'activité' mentionné dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée de M. [H].

Le fait que ce dernier - embauché par la société Mahé Paysage, en septembre 2016, d'abord en contrat d'apprentissage puis en contrat à durée déterminée conclu le 2 septembre 2019, renouvelé à compter du 1er novembre 2019, puis par un contrat de travail à durée indéterminée du 31 décembre 2019 - ait formé une demande d'heures supplémentaires, qui s'étend d'ailleurs pour partie sur la période de son contrat à durée indéterminée, ne suffit pas par elle-même, contrairement à ce qu'on retenu les premiers juges, à justifier d'un accroissement temporaire d'activité pendant le contrat de travail à durée déterminée, mais tend plutôt à corroborer les dires du salarié selon lesquelles son travail s'est inscrit dans le cadre de tâches durables et permanentes de la société.

Il est donc justifié de faire droit à la demande de requalifier le contrat de travail a durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

Aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Le droit à indemnité de requalification naît dès la conclusion du contrat de travail à durée déterminée en méconnaissance des exigences légales.

Il y a lieu de faire droit à la demande de voir condamner l'EURL Mahé Paysage à verser à M. [H] la somme de 1539,42 euros à titre d'indemnité de requalification.

Le jugement est infirmé sur ces points.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, M. [H] expose qu'il a effectué d'importantes heures supplémentaires demeurées impayées à compter de septembre 2019.

Il produit notamment :

- son contrat à durée déterminée conclu le 2 septembre 2019 mentionnant en son article 5 que «M. [G] [H] devra obligatoirement se soumettre à la mise en place d'heures supplémentaires, conformément à la loi. Le refus d'en exécuter constituerait une faute qui pourrait être sanctionnée», non modifié sur ce point dans ses contrats ultérieurs,

- ses bulletins de salaire sur la période de septembre 2019 à avril 2020,

- des échanges de SMS avec ses collègues, dont M. [W] qui mentionnait que «bah si on fait des heures supplémentaires (') tu sais très bien qu'on en fait»,

- de échanges de courriels et de SMS faisant notamment ressortir que l'employeur sollicitait ses 'heure[s] de janvier février et mars par mail pour régulariser',

- des décomptes d'heures mentionnant des heures supplémentaires,

- deux tableaux récapitulatifs d'heures supplémentaires, respectivement pour les périodes de septembre à décembre 2019 et de janvier à mars 2020.

Le salarié produit ainsi des éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies.

L'employeur expose qu'elle n'a pas pour habitude de faire effectuer des heures supplémentaires à ses salariés et estime que M. [H] ne rapporte pas la preuve des heures supplémentaires alléguées.

L'employeur produit :

- des attestations de 4 salariés, en ce compris de M. [W] estimant avoir été «manipulé» par M. [H] ou indiquant ne pas «comprend[re]» la démarche de M. [H]

Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, il ressort de ces attestations que, en dépit des affirmations initiales de leurs auteurs, des heures supplémentaires étaient effectuées au sein de l'entreprise, ceux-ci évoquant le bénéfice dans ce cas de récupérations ou d'horaires décalés,

- des relevés d'horaires effectués par les collègues de travail de M. [H], et signés de ces salariés, ne faisant état qu'exceptionnellement d'un dépassement de 35 heures et ce dans une très faible proportion (1 heure ou 1 h 30 supplémentaires).

Au vu des éléments produits de part et d'autre, étant rappelé que M. [H] a produit des éléments préalables suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, tandis que l'employeur ne produit pas d'éléments précis sur les heures de travail relatives à la personne de M. [H] mais seulement sur celles d'autres salariés de l'entreprise, la cour retient que l'intimé a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées et confirme le jugement ayant fait droit à ses demandes en lui allouant les sommes de 4.058,35 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la période de septembre 2019 à mars 2020 et de 405,83 euros au titre des congés payés y afférents.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé, la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; une telle intention, qui ne peut se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie, n'est pas caractérisée en l'espèce.

Le jugement est infirmé en ce qu'il a alloué une indemnité forfaitaire égale au titre du travail dissimulé.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de la démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, M. [H] invoque un irrespect par l'employeur de son obligation essentielle de régler l'intégralité de la rémunération qui lui était due. Il précise avoir formé des réclamations concomitantes à la rupture, que son employeur n'a régularisé les primes de panier qui lui étaient dues que postérieurement à la rupture du contrat de travail et qu'il s'est refusé à opérer le règlement de ses heures supplémentaires.

L'EURL Mahé Paysage fait valoir en réplique que M. [H] a pris seul la décision de démissionner, qu'il ne fait état dans sa lettre de démission d'aucune demande ni reproche, manifestant une volonté claire et non équivoque de quitter l'entreprise ; elle conteste avoir manqué à ses obligations contractuelles et ajoute n'avoir pas joué de rôle incitant le salarié à démissionner.

Si, par courrier du 17 avril 2020, M. [H] a présenté sa démission à la société Mahé Paysage sans mentionner au sein même de ce courrier de reproche, il demeure que les échanges de courriels du 15 avril 2020 et de l'échange de SMS produit font ressortir que des réclamations de nature salariale étaient faites par M. [H] et que l'employeur sollicitait de sa part ses 'heure[s] de janvier février et mars par mail pour régulariser'; la comparaison des deux 'reçu pour solde de tout compte' produits aux débats, datés respectivement du 27 avril et du 17 juillet 2020, font ressortir que la somme de 1177,13 euros due à titre d'indemnités de paniers ne figure que sur le second solde, postérieur à la démission, et que ne figure sur aucun de ces soldes les heures supplémentaires réclamées et auxquelles il a été fait droit aux termes des motifs susvisés.

Dans ces conditions, la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture et ces manquements de l'employeur justifient qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En conséquence, le salarié est bien fondé à former des réclamations financières au titre de la rupture de son contrat de travail.

Le jugement sera aussi infirmé de ces chefs.

Sur les conséquences financières

A la date de son licenciement M. [H] avait une ancienneté de plus de 3 ans au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle au moins 11 salariés.

Il est bien fondé à solliciter les sommes suivantes :

- 1.475,27 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3.078, 84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 307,88 euros au titre des congés payes afférents.

En application de l'article L1235-3 du code du travail, il peut également prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il conteste tout d'abord à cet égard l'applicabilité du plafond d'indemnisation prévu à cet article dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte. Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

- la violation d'une liberté fondamentale;

- des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4;

- un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4;

- un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits;

- un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat;

- un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

Les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations prévues au deuxième alinéa de l'article L. 1235-3-1, le barème ainsi institué n'est pas applicable, permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi ; le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur est également assuré par l'application, d'office par le juge, des dispositions précitées de l'article L. 1235-4 du code du travail.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'OIT ;

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée ;

Par ailleurs, dans la partie I de la Charte sociale européenne, « les Parties reconnaissent comme objectif d'une politique qu'elles poursuivront par tous les moyens utiles, sur les plans national et international, la réalisation de conditions propres à assurer l'exercice effectif des droits et principes » ensuite énumérés, parmi lesquels figure le droit des travailleurs à une protection en cas de licenciement.

Selon l'article 24 de cette même Charte, « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s'engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l'entreprise, de l'établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ;

A cette fin les Parties s'engagent à assurer qu'un travailleur qui estime avoir fait l'objet d'une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. » ;

L'annexe de la Charte sociale européenne précise qu'il « est entendu que l'indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales. » ;

L'article 24 précité figure dans la partie II de la Charte sociale européenne qui indique que « les Parties s'engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes » qu'elle contient ;

Dans la Partie III de la Charte, il est indiqué que « chacune des Parties s'engage :

a) à considérer la partie I de la présente Charte comme une déclaration déterminant les objectifs dont elle poursuivra par tous les moyens utiles la réalisation, conformément aux dispositions du paragraphe introductif de ladite partie ;

b) à se considérer comme liée par six au moins des neuf articles suivants de la partie II de la Charte : articles 1, 5, 6, 7, 12, 13, 16, 19 et 20 ;

c) à se considérer comme liée par un nombre supplémentaire d'articles ou de paragraphes numérotés de la partie II de la Charte, qu'elle choisira, pourvu que le nombre total des articles et des paragraphes numérotés qui la lient ne soit pas inférieur à seize articles ou à soixante-trois paragraphes numérotés.»

Il résulte de la loi n° 99-174 du 10 mars 1999, autorisant l'approbation de la Charte sociale européenne, et du décret n° 2000-110 du 4 février 2000 que la France a choisi d'être liée par l'ensemble des articles de la Charte sociale européenne ;

L'article I de la partie V de la Charte sociale européenne, consacrée à la « Mise en oeuvre des engagements souscrits » prévoit que « les dispositions pertinentes des articles 1 à 31 de la partie II de la présente Charte sont mises en oeuvre par :

a) la législation ou la réglementation ;

b) des conventions conclues entre employeurs ou organisations d'employeurs et organisations de travailleurs ;

c) une combinaison de ces deux méthodes ;

d) d'autres moyens appropriés. »

Enfin, l'annexe de la Charte sociale européenne mentionne à la Partie III : « Il est entendu que la Charte contient des engagements juridiques de caractère international dont l'application est soumise au seul contrôle visé par la partie IV » qui prévoit un système de rapports périodiques et de réclamations collectives ;

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers ;

Il résulte des dispositions précitées de la Charte sociale européenne que les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs, poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application selon les modalités rappelées aux paragraphes 13 et 17 du présent arrêt et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique rappelé au paragraphe 18 ;

Les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant donc pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, et la décision du Comité européen des droits sociaux publiée le 26 septembre 2022, qui considère que le barème d'indemnités pour licenciement abusif est contraire à cet article 24, ne produisant aucun effet contraignant, il convient d'allouer en conséquence au salarié une indemnité fixée à une somme comprise entre les montants minimaux et maximaux déterminés par ce texte ;

L'article L. 1235-3 du code du travail issu de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 prévoit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et si la réintégration n'est pas demandée et acceptée, une indemnisation à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau produit, soit pour une ancienneté telle que celle de M. [H], une indemnité minimale de 3 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 4 mois de salaire brut.

Tenant compte notamment de l'âge, de l'ancienneté du salarié et des circonstances de son éviction, étant observé que M. [H] a retrouvé un emploi d'ouvrier paysagiste en contrat à durée indéterminée dès le 28 mai 2020, il convient de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité totale de 5 000 euros à ce titre.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'enjoindre à l'EURL Mahé Paysage de remettre à M. [H], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, l'attestation pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et le certificat de travail rectifiés.

Le prononcé d'une astreinte ne s'avère pas nécessaire, le jugement étant infirmé sur ce dernier point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de l'EURL Mahé Paysage.

La demande formée par M. [H] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 500 euros. L'EURL Mahé Paysage sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant sur le tout pour une meilleure compréhension du litige,

Requalifie le contrat de travail a durée déterminée de M. [G] [H] au sein de l'EURL Mahé Paysage en contrat de travail à durée indéterminée,

Dit que sa démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne l'EURL Mahé Paysage à payer à M. [G] [H] les sommes suivantes :

- 1539,42 euros à titre d'indemnité de requalification du contrat de travail,

- 4.058,35 euros à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires pour la période de septembre 2019 à mars 2020 et de 405,83 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1.475,27 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 3.078, 84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 307,88 euros au titre des congés payes afférents,

- 5 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d'appel,

Ordonne à l'EURL Mahé Paysage de remettre à M. [H], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, l'attestation pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et le certificat de travail rectifiés,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne l'EURL Mahé Paysage aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02790
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.02790 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award