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29/06/2023 | FRANCE | N°21/02785

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 29 juin 2023, 21/02785


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/02785 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UX4Z



AFFAIRE :



[E] [U]



C/



S.A.S PIRTEK HYDRAULIQUE SERVICE venant aux droits de la S.A.S.U. ALLO'FLEXS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY-PONTOISE
>N° Section : I

N° RG : F20/00263



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Emeline LEVASSEUR



Me Julien SEMERIA de la SELARL 9 JANVIER







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/02785 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UX4Z

AFFAIRE :

[E] [U]

C/

S.A.S PIRTEK HYDRAULIQUE SERVICE venant aux droits de la S.A.S.U. ALLO'FLEXS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY-PONTOISE

N° Section : I

N° RG : F20/00263

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Emeline LEVASSEUR

Me Julien SEMERIA de la SELARL 9 JANVIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [U]

né le 02 Juillet 1978 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Emeline LEVASSEUR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 252

APPELANT

****************

S.A.S PIRTEK HYDRAULIQUE SERVICE venant aux droits de la S.A.S.U. ALLO'FLEXS

N° SIRET : 421 455 650

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Julien SEMERIA de la SELARL 9 JANVIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 211

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

Par contrat de travail à durée indéterminée du 22 mai 2017, M. [U] a été engagé par la société Allo Flexs en qualité de technicien mobile.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale du caoutchouc, la société employait moins de 11 salariés au moment du licenciement de M. [U].

M. [U] a été placé en arrêt de travail 23 février 2018, suite à un accident survenu le même jour.

La société a déposé une plainte pénale contre M. [U] pour recels de biens provenant d'un vol.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 30 septembre 2019, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement s'étant déroulé le 11 octobre 2019 en présence du salarié.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 6 novembre 2019, la société Allo Flex a notifié à M. [U] son licenciement pour faute lourde, lui reprochant un vol de matériel appartenant à l'entreprise.

La société Allo Flexs a été absorbée par la société Pirtek hydraulique Service suivant projet de fusion du 18 février 2022, l'opération étant intervenue à compter du 31 mars 2022.

Par requête reçue au greffe le 2 septembre 2020, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise afin d'obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le versement de diverses sommes, notamment pour des faits de harcèlement moral.

Par jugement du 1er septembre 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise a :

- Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et non une faute lourde ;

- Condamné la S.A.S. Allo'Flexs à payer à Monsieur [E] [U] les sommes suivantes :

*6.766,02 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

*676,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

*2.043,90 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

*300 euros au titre de règlement tardif délibéré des congés payés,

*100 euros au titre de la perte du bénéfice de la mutuelle,

*1.500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rappelé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires ;

- Ordonné à la S.A.S. Allo'Flexs de remettre à Monsieur [E] [U] un bulletin de paie récapitulatif des sommes accordées, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi, conformes au présent jugement ;

- Rappelé l'exécution provisoire du présent jugement selon les dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de Monsieur [E] [U] étant fixée a la somme de 3.383,01 euros bruts ;

- Débouté la S.A.S. Allo'Flexs de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- Mis les dépens de l'instance a la charge de la S.A.S. Allo'Flexs.

Par déclaration au greffe du 24 septembre 2021, M. [U] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 6 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [U] demande à la cour de :

- Recevoir l'appel interjeté par Monsieur [E] [U] ;

Y faisant droit,

- Infirmer la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise en date du 1er septembre 2021 en ce qu'elle a :

- Dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- Débouté Monsieur [U] de ses demandes tendant à voir condamner la Société Allo Flexs à lui verser les sommes de :

*15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

*9000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

Et en ce qu'il a limité les dommages et intérêts accordés à Monsieur [U] aux sommes de :

*100 euros au titre de la perte du bénéfice de la mutuelle et du retard dans la remise du solde de tout compte;

*300 euros au titre du règlement tardif des congés payés

En ce qu'il a débouté Monsieur [U] de sa demande de capitalisation des intérêts.

Et, statuant à nouveau :

- Condamner la Société Pirtek Hydraulique Services SAS venant aux droits de la Société Allo Flexs à verser à Monsieur [U] les sommes de :

*15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

*9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

*2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte du bénéfice de la mutuelle et retard dans la délivrance du solde de tout compte ;

*800 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans le règlement du solde des congés payés;

*2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- La condamner en outre aux entiers dépens

- Confirmer le jugement pour le surplus

En conséquence,

- Débouter la société Pirtek Hydraulique Services SAS venant aux droits de la société ALLO' FLEXS de ses demandes au titre de son appel incident.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 17 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SAS Allo'Flex demande à la cour de :

- Réformer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pontoise le 1er' septembre 2021,

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que la faute commise par Monsieur [U] est constitutive d'une faute lourde et' qu'elle constitue en tout état de cause une cause réelle et sérieuse de licenciement,

En conséquence,

- Débouter purement et simplement Monsieur [E] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner Monsieur [E] [U] à restituer à la société Allo'flexs la somme totale de 8.742,91 euros qui lui a été versée le 20 septembre 2021 en exécution du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pontoise le 1er septembre 2021,

Condamner Monsieur [E] [U] à verser à la société Allo'flexs une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Monsieur [E] [U] aux entiers dépens de la présente instance.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 4 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, SAS Pirtek hydraulique France, intervenante volontaire, demande à la cour de :

- Donner acte à la société Pirtek Hydraulique Service de son intervention volontaire dans le cadre de la procédure d'appel interjetée par Monsieur [U] devant la cour d'appel de Versailles.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 avril 2023.

SUR CE,

A titre liminaire, il y a lieu de donner acte à la SAS Pirtek hydraulique France, qui a absorbé la société Allo'Flex, de son intervention volontaire dans le cadre de la procédure d'appel interjetée par M. [U] devant la cour d'appel de Versailles.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Selon l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Vu les articles L1152-1 et L1254-1 du code du travail,

Il résulte de ces textes que lorsque le salariée établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [U] fait valoir, au soutien de sa demande formée au titre du harcèlement moral, que la société Allo'Flexs a mis en place un système de surveillance et de reproche constants, a procédé par voie de sanctions et injonctions, lesquelles ont entraîné une dégradation des conditions de travail et à terme altéré la santé des salariés et compromis leur avenir professionnel.

Pour étayer ses affirmations, il se réfère et produit notamment une lettre que lui a adressé la société en date du 9 janvier 2018, une lettre de salariés à l'employeur du 7 mars 2018 et la réponse de l'employeur du 22 mars 2018, un courrier d'avertissement du 23 avril 2018, des lettres de l'employeur des 31 juillet, 17 août et 5 décembre 2018, outre au licenciement.

Si la société Allo'Flexs a émis, dans ces courriers, des critiques à l'encontre de M. [U], il demeure que les remarques qui lui étaient faites se sont inscrites dans le cadre du pouvoir de direction de l'employeur, sans être exprimées en des termes outrageants ni excessifs.

Comme le souligne l'intimée, le fait d'avoir versé à M. [U] des primes sur le chiffre d'affaires en octobre, novembre et décembre 2017 témoigne d'une volonté d'encourager le salarié plutôt que de le dénigrer.

La lettre adressée à l'employeur datée du 7 mars 2018 émane de nombreux salariés sans être réservée à la situation spécifique de M. [U] ; elle énumère de façon générale une liste de comportements critiques formulés à l'égard de l'employeur, sans fournir toutefois d'exemple ou de circonstances précises s'y rapportant ; le fait que l'employeur, dans sa réponse écrite, conteste ces reproches, ne suffit pas à établir la matérialité de faits précis et concordants ; il est relevé que la réponse de l'employeur du 22 mars 2018, à l'inverse du courrier des salariés, est quant à elle précise et motivée, au regard de circonstances objectives ; par exemple, l'employeur souligne que les observations faites par mail aux salariés s'inscrivaient dans le contexte de l'ouverture de 2 établissements et d'une nouvelle organisation, d'un audit et encore du développement sous forme de franchise, tous éléments qui nécessitaient des orientations dans ses modes de fonctionnement, de la traçabilité dans ses actions et le traitement des anomalies et le rappel des process dont le respect était une exigence pour le développement de l'entreprise, il explicite les références facturées en lien avec la facturation des fournisseurs, ou encore sa demande aux responsables d'exploitation de ne pas communiquer en cours de mois le chiffre d'affaires des techniciens mobiles en raison de l'existence d'avoirs ou du manque de bons de commandes clients reportables au mois suivant, etc.

S'agissant du courrier d'avertissement du 23 avril 2018 notifié au regard de l'état dégradé du véhicule de fonction de M. [U], des photographies sont produites en ce sens aux débats et les lettres de l'employeur des 31 juillet, 17 août et 5 décembre 2018 ont été adressées au motif de ne pas avoir retourné dans les délais demandés le téléphone portable, son chargeur, et la carte bancaire de la société, dont le salarié n'avait plus l'usage.

La cour observe que M. [U] ne conteste pas ces retards ni ne sollicite l'annulation d'aucun des avertissements notifiés.

Il n'est pas non plus établi que les faits allégués par le salarié aient pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ni d'altérer sa santé physique ou mentale.

Ainsi, en l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. La demande relative au harcèlement sera par conséquent rejetée.

Le jugement est confirmé à cet égard.

Sur le licenciement

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate.

La faute lourde est celle qui est commise par le salarié avec l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise.

La charge de la preuve de la faute grave comme de la faute lourde incombe à l'employeur qui l'invoque.

En l'espèce, M. [U] s'est vu notifier son licenciement au motif d'une faute lourde.

Il soulève la prescription des faits fautifs reprochés, en faisant valoir que la procédure de licenciement n'a été engagée que 6 mois après la « découverte » des faits invoqués par l'employeur et que le seul dépôt d'une plainte et l'existence d'une enquête préliminaire n'est pas de nature à interrompre la prescription. Il soutient au surplus que les faits ne sont pas établis dans leur matérialité et conteste toute intention de nuire, soulignant notamment les doutes exprimés en confrontation par le dirigeant de l'entreprise et le classement sans suite de la plainte pénale.

La société intimée conteste la prescription des faits et soutient que la faute lourde est établie, faisant valoir en réplique que le contrat de travail étant suspendu suite à l'accident du travail du salarié, elle a attendu pour diligenter la procédure de licenciement et qu'en tout état de cause les démarches qu'elle a entreprises sur le plan pénal ont nécessairement interrompu la prescription. Elle fait aussi valoir que certaines photos montrent l'existence d'étiquettes portant des références de pièces de petits matériels écrites à la main du président de l'entreprise et que M. [U] n'est pas en mesure de justifier de l'origine des pièces litigieuses.

L'article L .1332-4 du code du travail dispose que : « Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. »

Selon l'article L.1226-7 du code du travail, le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident du trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie.

Aux termes de l'article L.1226-9 du même code, au cours de la période de suspension, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

En l'espèce, la société Allo'Flex avait connaissance des faits fautifs qu'elle reproche à M. [U] au mois de mars 2019, ainsi qu'il ressort en particulier du compte-rendu d'entretien préalable et de la plainte qu'elle a déposé le 20 mars 2019 auprès du commissariat de police de [Localité 5].

L'ouverture d'une enquête préliminaire, qui n'a pas pour effet de mettre en mouvement l'action publique, n'est toutefois pas un acte interruptif du délai prévu à l'article L. 1332-4 du code du travail.

La société Allo'Flex n'a engagé la procédure de licenciement que par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 30 septembre 2019 convoquant M. [U] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Cette procédure était mise en 'uvre en invoquant une faute lourde à son encontre et la maladie et l'accident du travail du salarié n'entraînait pas non plus l'interruption ni la suspension du délai d'engagement des poursuites.

L'échange de courriel entre la société Allo'Flex et le tribunal de grande instance de Pontoise, était au demeurant postérieur à la convocation à entretien préalable du 30 septembre 2019 puisque daté du 13 décembre 2019 et se rapportait au suivi de la plainte déposée devant les services de police, n'a pu davantage interrompre la prescription de deux mois applicable.

Il s'ensuit que M. [U] invoque à juste titre la prescription des faits.

En tout état de cause, il ressort de la confrontation devant les services enquêteurs que le gérant a fait part de ses doutes sur l'origine des pièces, qu'il n'est pas démontré que les flexibles contenus dans les pochettes sont ceux que la société Allo'Flex a commandés et que de fait la plainte pénale déposée par l'entreprise à l'encontre de M. [U] a fait l'objet d'un classement sans suite le 9 février 2012 au motif d'une « infraction insuffisamment caractérisée ».

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

A la date de son licenciement M. [U] avait une ancienneté de plus de deux ans au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle moins de 11 salariés.

Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [U] les sommes de :

- 6.766,02 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 676,60 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

- 2.043,90 euros nets au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.

En application de l'article L1235-3 du code du travail, il peut également prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-3 du code du travail issu de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 publiée le 23 septembre 2017 prévoit, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et si la réintégration n'est pas demandée et acceptée, une indemnisation à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau produit, soit pour une ancienneté telle que celle de M. [U], une indemnité minimale de 0,5 mois de salaire brut et une indemnité maximale de 3,5 mois de salaire brut.

Au-delà de cette indemnisation minimale, et tenant compte notamment de l'âge, de l'ancienneté du salarié et des circonstances de son éviction, étant observé que M. [U] justifie de son inscription et indemnisation (ARE) auprès de Pôle emploi et d'une attestation d'entrée en formation en 2021, il convient de condamner l'employeur au paiement d'une indemnité totale de 8 000 euros à ce titre.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'enjoindre à la société Pirtek hydraulique service, venant aux droits de la société Allo Flexs, de remettre à M. [U], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, un bulletin de paie récapitulatif des sommes accordées, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés. Le jugement est confirmé de ce chef.

M. [U] a reçu les fonds issus de son solde de tout compte le 18 décembre 2019.

La faute lourde invoquée par l'employeur dans le cadre du licenciement a eu pour conséquence l'éviction de M. [U] de sa couverture mutuelle, ce qui a rendu plus difficile sa prise en charge médicale.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser à M. [U] la somme de 100 euros au titre de la perte du bénéfice de la mutuelle.

S'agissant du règlement du solde de congés payés, si ce solde n'a été versé qu'à la fin du mois d'avril 2020 alors qu'il ressort de la lettre de l'employeur du 14 octobre 2019 que le décompte des congés restant dus était connu à cette date, il demeure qu'il n'est pas établi de mauvaise foi de l'employeur à cet égard, au-delà de la simple «'erreur'» qu'il avait déjà expliquée au salarié dans son courrier 23 septembre 2019, et que M. [U] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct à ce titre. Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à lui verser la somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts en lien avec ce retard.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.

S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées.

Le jugement est confirmé à cet égard.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la société Pirtek hydraulique service.

La demande formée par M. [U] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros. La société Allo'Flex sera déboutée de sa demande formée de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Donne acte à la SAS Pirtek hydraulique France de son intervention volontaire dans le cadre de la procédure d'appel interjetée par M. [U] devant la cour d'appel de Versailles,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a dit que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts au titre du règlement tardif délibéré des congés payés,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [E] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS Pirtek hydraulique service, venant aux droits de la SAS Allo Flexs, à payer à M. [E] [U] les sommes suivantes :

- 8 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure en cause d'appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS Pirtek hydraulique service aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02785
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.02785 ?
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