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29/06/2023 | FRANCE | N°21/02442

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 29 juin 2023, 21/02442


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



21e chambre



ARRET N°



REPUTÉ

CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/02442 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UVL6



AFFAIRE :



[X] [M]





C/



S.E.L.A.R.L. JSA SELARL JSA es qualité de Liquidateur de la société BUILDING PARTNER CONCEPT

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 30 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hom

mes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 21/00016



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de

l'ASSOCIATION AVOCALYS



Me Nathalie CHEVALIER...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

REPUTÉ

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/02442 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UVL6

AFFAIRE :

[X] [M]

C/

S.E.L.A.R.L. JSA SELARL JSA es qualité de Liquidateur de la société BUILDING PARTNER CONCEPT

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 30 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 21/00016

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de

l'ASSOCIATION AVOCALYS

Me Nathalie CHEVALIER

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [M]

né le 07 Avril 1980 à [Localité 7] (SYRIE)

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - substitué par Me DUNOD Quentin avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.E.L.A.R.L. JSA SELARL JSA es qualité de Liquidateur de la société BUILDING PARTNER CONCEPT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par : Me Nathalie CHEVALIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 143 -

Société AGS PRIS EN LA PERSONNE DU CGEA D'[Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Non représentée

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [M] a été engagé, par contrat à durée indéterminée à compter du 14 mai 2018, en qualité d'architecte, par la société Building Partner Concept, qui avait pour secteur d'activité l'architecture et l'ingénierie (activités de contrôle et analyses techniques), employait moins de onze salariés et relevait de la convention collective bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils (SYNTEC) .

Le 17 septembre 2019, M. [M] a été victime d'un accident du travail agressé par un de ses collègues. Agression pour laquelle M. [M] a déposé le même jour une plainte pour ce fait.

M. [M] a été placé en arrêt de travail de travail, de façon continue, jusqu'en février 2020.

Le 12 février 2020, M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du tribunal de commerce de Versailles du 5 mars 2020, la société Building Partner Concept a été placée en liquidation judiciaire et la Selarl JSA, prise en la personne de Mme [K] a été désignée liquidateur judiciaire.

Sur réinscription après radiation le 27 janvier 2021, M. [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye afin de voir fixer sa créance dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Building Partner Concept, de voir juger que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement nul, de voir condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire outre l'opposabilité du jugement au liquidateur de la société, la Selarl JSA, et à l'AGS CGEA [Localité 3].

La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité que sa prise d'acte produise les effets d'une démission.

Par jugement rendu le 30 juin 2021, notifié le 3 juillet 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par M. [M] produit les effets d'une démission ;

Dit que le salaire horaire brut s'élève à 20,50 euros ;

Fixe la créance de M. [M] dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Building Partner Concept aux sommes de :

- 742 euros au titre des heures supplémentaires

- 394 euros au titre de la compensation pour dépassement du temps de trajet habituel

- 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que le présent jugement est opposable à l'AGS pris en la personne du CGEA D'[Localité 3] dans la limite de ses garanties prévues aux articles L.3253-8 et suivants et D.3253-5 du code du travail ;

Invite la Selarl JSA mandataire liquidateur de la société Building Partner Concept à diligenter les procédures tendant au paiement de ces sommes ;

Rappelle que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire arrête le cours des intérêts légaux ;

Déboute M. [M] de ses autres demandes ;

Dit que les dépens de l'instance seront supportés en tant que de besoin par la liquidation judiciaire de la société Building Partner Concept.

Le 26 juillet 2021, M. [M] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par exploit d'huissier, en date du 28 septembre 2021, M. [M] a signifié sa déclaration d'appel à l'AGS CGEA d'[Localité 3].

Par ordonnance rendue le 10 mai 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 22 mai 2023.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 4 avril 2022, M. [M] demande à la cour de :

Le recevoir en ses conclusions et fins et demandes qu'elles comportent,

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que la prise d'acte produit les effets d'une démission ;

Et statuant à nouveau :

Dire et juger que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat ;

Dire et juger en conséquence que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail doit produire les effets d'un licenciement nul ;

Ordonner par conséquent la fixation au passif de la liquidation judiciaire la société Building Partner Concept, dont le mandataire liquidateur est Maître [K], des sommes suivantes :

' 24 900 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

' 1 360 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

' 3 110 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 311 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférent ;

' 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonner la garantie de l'AGS CGEA [Localité 3] sur ces sommes, à l'exclusion de la créance relative à l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclarer ces créances opposables à l'AGS CGEA [Localité 3] et la condamner à verser le montant correspondant aux organes de la procédure chargés de la liquidation judiciaire

Déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS CGEA [Localité 3] ;

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes pour le surplus en ce qu'il a dit le jugement opposable à l'AGS CGEA, dit que le salaire horaire brut s'élève à 20,50 euros et fixé la créance de M. [M] au titre des heures supplémentaires à hauteur de 742 euros, au titre de la compensation pour dépassement du temps de trajet habituel à hauteur de 394 euros et au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 300 euros;

Débouter toutes parties de ses moyens et prétentions plus amples ou contraire au présent dispositif.

Par exploits d'huissier, en date du 4 novembre 2021 et du 27 avril 2022, M. [M] a signifié ses conclusions et ses pièces à l'AGS CGEA d'[Localité 3], qui n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 5 janvier 2022, la Selarl JSA ès qualités de liquidateur de la société Building Partner Concept, demande à la cour de :Infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a fixé les sommes de 742 euros brut au titre des heures supplémentaires, 394 euros au titre de la compensation pour dépassement des temps de trajet et 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Le confirmer pour le surplus,

En conséquence,

Dire et juger que la prise d'acte de rupture du 13 février 2020 produit les effets d'une démission,

Débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

Condamner M. [M] aux dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires.

M. [M] demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a été alloué la somme de 742 euros au titre des heures supplémentaires qu'il indique avoir accomplies de juin 2018 à septembre 2019 dont 7 heures accomplies dans les locaux de la société et 22 heures chez les clients de l'employeur.

Le mandataire liquidateur oppose que le salarié procède par voie d'allégations en affirmant qu'il aurait effectué 20 heures supplémentaires et en n'apportant aux débats aucune preuve.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d' heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant, la chambre sociale de la Cour de cassation précisant selon une jurisprudence constante que le juge prud'homal ne saurait faire peser la charge de la preuve que sur le seul salarié.

M. [M] verse aux débats les éléments suivants ;

- un tableau détaillé présentant les horaires qu'il indique avoir accomplis à date précise entre le 5 juin 2018 et le 10 septembre 2019 précisant les heures de prise et de fin de service ainsi qu'une pause méridienne d'une heure (pièces 11-1 et 11-2)

- les justificatifs de ses déplacements du 05 et 06 septembre 2019 au [Localité 9] et du 09 et 10 septembre 2019 à [Localité 8] (pièce n° 20).

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur qui assure le contrôle des heures de travail effectuées de répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le mandataire liquidateur qui se limite à contester la réalisation des heures supplémentaires ne produit aux débats aucun élément.

Au vu des éléments produits, c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a accueilli la demande de M. [M].

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

-Sur le dépassement de temps de trajet.

M. [M] affirme que son temps de trajet entre son domicile et les locaux de la société était de l'ordre de 50 minutes à 1h . Il allègue qu'il ressort du décompte des temps de trajet versés aux débats que le nombre total d'heures de dépassement de ce temps s'élève à 38 heures 30.

Le mandataire liquidateur soutient que le salarié ne produit aux débats aucune preuve de ses allégations et ne verse aucun élément justifiant sa demande.

L'article L.3121-4 du code du travail dispose que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif. 

Toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l'horaire de travail n'entraîne aucune perte de salaire.

Il n'est pas contesté que les trajets habituels du salarié étaient compris entre 50 minutes et une heure. Il ressort du tableau produit aux débats par le salarié pour la période du 5 juin 2018 ou 10 septembre 2019 que le salarié a effectué sur cette période 23 déplacements professionnels sur toute la France impliquant des dépassements de trajet à hauteur de 23h30.

Il résulte de ces éléments que la réclamation de M. [M] est justifiée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé la créance du salarié de ce chef à hauteur de 394 euros.

- Sur la rupture du contrat de travail.

Le salarié considère que son employeur a manqué à son obligation de sécurité. Il lui reproche d'une part, de n'avoir rien fait, et notamment de n'avoir diligenté aucune enquête et n'avoir pris aucune sanction contre l'auteur des faits, d'autre part, de n'avoir pris aucune disposition pour le protéger et pour éviter la répétition de l'agression.

Le mandataire liquidateur conteste tout manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité en opposant que l'altercation a eu lieu pendant la pause déjeuner, soit durant un temps pendant lequel les salariés n'étaient plus sous le lien de subordination de l'employeur.

Il affirme qu'il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir renoué le dialogue avec le salarié alors que le contrat de travail de ce dernier était suspendu en raison de son arrêt de travail. Il observe au surplus que le salarié ne verse aux débats aucun élément de nature à justifier qu'il se serait ouvert de son mal-être auprès de son employeur. Il oppose enfin que le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 13 février 2020 suite à une difficulté qui s'est déroulée le 17 septembre 2019.

En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité dont il doit assurer l'effectivité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention, tels que éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production (...).

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a mis en place toutes les mesures de protection et prévention nécessaires, conformément à ses obligations, surtout lorsqu'il a connaissance des risques encourus par le salarié.

Il est constant que M. [M] a subi une agression volontaire de la part d'un de ses collègues sur son lieu de travail et en a informé son employeur le jour même, le 17 septembre 2019 et qu'il a été placé en arrêt de travail de façon continue jusqu'au mois de février 2020.

Le salarié établit suite à son agression avoir déposé plainte au commissariat de police de [Localité 10] contre M. [H] pour violences volontaires le 17 septembre 2019.

Il est également établi que M. [H] a fait l'objet d'un rappel à la loi par officier de police judiciaire pour des faits de violences volontaires à l'encontre de M. [M] le 23 janvier 2020.

Nonobstant le fait que l'agression du salarié se soit déroulée pendant la pause déjeuner, le comportement fautif de M. [H] à l'égard d'un de ses collègues, sur le lieu de travail, se rattachant ainsi à la vie professionnelle des deux collaborateurs, imposait à l'employeur de satisfaire à son obligation de sécurité vis-à-vis de M. [M] afin de lui garantir que de tels agissements ne se reproduisent pas au besoin en diligentant une enquête.

Même si le salarié a tenté par trois fois d'appeler Mme [V] au mois de janvier 2020, ce dernier ne justifie effectivement pas de demande formelle à son employeur s'agissant des conditions de sa reprise, une telle démarche de sa part ne constitue pas un préalable à l'exécution par la société de son obligation de sécurité.

Obligation de sécurité qui imposait en l'espèce à l'employeur d'entreprendre toute action de prévention et de gestion des conflits au sein de son établissement dès qu'il a été informé le 17 septembre 2019 de l'altercation ayant eu lieu entre ses deux salariés.

Faute pour l'employeur de justifier qu'il a pris toutes les mesures d'organisation permettant d'éviter toute nouvelle confrontation entre les deux salariés, mesures propres à assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de son salarié, conformément aux prescriptions des article L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le manquement de l'employeur à son obligation est caractérisé.

Le salarié soutient que le manquement de l'employeur tel qu'évoqué ci-dessus justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur. Il fait valoir que sa prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement nul, invoquant que la prise d'acte est intervenue alors qu'il était en arrêt de travail pour accident du travail.

Le mandataire liquidateur oppose que le manquement invoqué au soutien de la prise d'acte est ancien et que le salarié n'a rien fait pendant cinq mois.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.

Alors que le salarié a été en arrêt de travail dès son agression et de façon continue jusqu'à sa prise d'acte, le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ci-avant caractérisée est suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1226-13 du code du travail et le salarié ayant notifié sa décision de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur à une date où le contrat de travail était suspendu pour accident de travail, la prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres manquements invoqués au soutien de cette prise d'acte.

Sur les conséquences financières de la rupture du contrat de travail.

Lorsque le salarié dont le licenciement est nul ne demande pas sa réintégration dans son poste, il a droit d'une part aux indemnités de rupture et d'autre part à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à six mois de salaire.

Le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire avec les congés payés afférents dès lors que la rupture n'a pas été précédée d'un préavis.

Il est en conséquence bien fondé en ses demandes de paiement de la somme de 3 110 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 311 euros au titre des congés payés afférents.

Selon l'article R. 1234-2 du code du travail, l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté. M. [M] qui avait 1 an et 9 mois d'ancienneté, et percevait un salaire mensuel brut moyen de 3 110 euros, est bien fondé, dans les limites de sa demande, au paiement de la somme de 1 360,62 euros.

A la date du licenciement, M. [M] percevait une rémunération mensuelle brute de 3 110 euros. Il était âgé de 40 ans et bénéficiait au sein de l'entreprise d'une ancienneté de 1 an et 9 mois. Il justifie avoir été indemnisé par Pôle emploi au titre de l'aide au retour à l'emploi.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer une somme de 20 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Saint-Germain-en-Laye en date du 30 juin 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [M] produisait les effets d'une démission et en ce qu'il a débouté M. [M] de ses autres demandes.

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par M. [M] produit les effets d'un licenciement nul,

Fixe les créances de M. [M] au passif de la liquidation judiciaire de la société Building Partner Concept aux sommes suivantes :

- 3 110 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 311 euros bruts au titre des congés payés afférents.

- 1360,62 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 20 000 euros au titre du licenciement nul,

Y ajoutant,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Building Partner Concept la créance de M . [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros.

Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02442
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.02442 ?
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