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29/06/2023 | FRANCE | N°21/02252

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21e chambre, 29 juin 2023, 21/02252


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



21e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/02252 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUHM



AFFAIRE :



[X] [R]





C/

S.A.S. TALENTIA SOFTWARE...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 25 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE



N° Chambre :

N° Section : E

N° RG

: 19/01841



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





Me Michel COSMIDIS de

la SARL DESBARATS - COSMIDIS ASSOCIÉS





Me Sabine SAINT SANS de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES





le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/02252 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UUHM

AFFAIRE :

[X] [R]

C/

S.A.S. TALENTIA SOFTWARE...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 25 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 19/01841

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Michel COSMIDIS de

la SARL DESBARATS - COSMIDIS ASSOCIÉS

Me Sabine SAINT SANS de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [R]

né le 26 Mars 1963 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par : Me Michel COSMIDIS de la SARL DESBARATS - COSMIDIS ASSOCIÉS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 681

APPELANT

****************

S.A.S. TALENTIA SOFTWARE

N° SIRET : 347 806 663 00196

[Adresse 1]

[Localité 6]

S.A.S. TALENTIA SORTWARE FRANCE (venant aux droits de la société TALENTIA SOFTWARE

N° SIRET : 444 42 5 2 92

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par : Me Sabine SAINT SANS de la SCP DERRIENNIC & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0426 - substitué par Me CAILLOUX-MEURICE Laurent avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PITE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Mme Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] [R] a été engagé par contrat à durée déterminée, à compter du 3 janvier 2011, en qualité de chef de projet, statut cadre, puis en contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2011 en qualité de directeur de projet, statut cadre, par la société par actions simplifiée Lefebvre Software, aux droits de laquelle vient désormais la société par actions simplifiée Talentia Software, qui a pour activité l'édition, la maintenance et la commercialisation de prologiciels, et relève de la convention collective dite Syntec.

Convoqué le 15 novembre 2013 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 25 novembre suivant, M. [R] a été licencié par lettre datée du 28 novembre 2013 énonçant une cause réelle et sérieuse pour carences et manquements dans l'exécution de ses fonctions.

M. [R] a saisi, le 4 février 2015, le conseil de prud'hommes de Nanterre. L'affaire, radiée le 27 octobre 2017, a été réinscrite au rôle à la demande du requérant le 24 juillet 2019, lequel a sollicité de voir son licenciement juger dénué de cause réelle et sérieuse, et intervenu dans des conditions vexatoires, et de voir condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire, ce à quoi l'employeur s'opposait.

Par jugement rendu le 25 mai 2021, notifié le 23 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que les faits reprochés à M. [R] sont factuels et documentés ;

Dit que le licenciement pour motif personnel de M. [R] est justifié ;

Dit que la procédure de licenciement engagée est conforme au droit ;

Déboute M. [R] de toutes ses demandes ;

Déboute la société Talentia de ses demandes reconventionnelles ;

Condamne M. [R] aux éventuels dépens.

Le 9 juillet 2021, M. [R] a relevé appel de cette décision par voie électronique, en intimant la société Talentia Software et la société Talentia Software France venant aux droits de la première.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 1er octobre 2021, M. [R] demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son appel, et en conséquence de :

Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau,

Condamner la société Talentia Software à lui payer :

' Au titre du licenciement sans cause réelle : 93.600 euros

' Au titre des indemnités pour licenciement vexatoire : 5.000 euros

' Au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3.000 euros

' Intérêt légal

' Dépens

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 31 décembre 2021, la société Talentia Software France demande à la cour de la recevoir en ses conclusions et de :

A titre principal

Confirmer le jugement entrepris en toutes ces dispositions et, y ajoutant :

Condamner M. [R] à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [R] aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire,

Constater que M. [R] ne rapporte aucune preuve à l'appui d'un quelconque préjudice subi ;

Limiter en conséquence l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse allouée à la somme de 6 mois de salaire, soit 31.200 euros ;

Confirmer le jugement pour le surplus et, par suite :

Débouter M. [R] du surplus de ses demandes ;

A titre infiniment subsidiaire, sur les autres demandes de M. [R],

Constater que M. [R] ne rapporte aucune preuve à l'appui d'un quelconque préjudice subi ;

Limiter le montant des dommages-intérêts pour circonstances vexatoires à un euro symbolique;

Ramener le montant de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 à de plus justes proportions;

Condamner M. [R] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 19 avril 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 16 mai 2023.

MOTIFS

La lettre de licenciement est ainsi libellée :

« Comme nous vous l'avons précisé lors de cet entretien, cette mesure est liée à votre incapacité à exercer votre rôle de Directeur de projet, du fait de vos carences et manquements entraînant une large insuffisance professionnelle.

Votre mission en tant que Directeur de Projet consiste à piloter les projets qui vous sont confiés dans le respect de la méthodologie, des délais et des budgets et gérer le portefeuille de comptes qui vous est alloué. Or, nous ne pouvons que constater un certain nombre de manquements dans l'exécution de votre mission tant au niveau du pilotage de projet que de la gestion clients.

Ainsi, nous avons noté des faiblesses dans la conduite de vos projets qui se traduisent notamment par une méthodologie quasi inexistante, une non maîtrise de la planification du projet dans son ensemble et un manque de vision sur vos projets à moyen ou long terme lié à une gestion aléatoire de vos projets. Ces défaillances génèrent des conflits clients avant même le démarrage des projets.

A titre d'exemple, nous avons été obligés de vous retirer en octobre le compte Maison du Monde et de l'attribuer à un autre Directeur de projet, car vous n'avez pas su planifier les actions nécessaires à la mise en 'uvre de ce projet.

De plus, nous avons noté un manquement important dans la gestion de vos clients. Cela se traduit notamment par une insuffisance d'approches commerciales malgré un portefeuille de clients actifs et stratégiques, telles que des visites chez vos clients, des discussions autour de leurs besoins à court ou moyen terme.

Nous avons d'ailleurs relevé que ce manque de leadership ' qui est indispensable à la bonne exécution du métier de Directeur de projet ' génère également des problèmes, comme avec les clients Parcours et Maison du monde, ou encore par exemple Vinci que vous n'avez toujours pas visité depuis le mois de mai malgré les demandes de votre hiérarchie de gérer le problème de créances en attente.

Ainsi, malgré des objectifs précis et chiffrés, vous n'avez pas ou peu justifié de visites clients en dehors de vos projets alors que ces actions relèvent des missions essentielles d'un Directeur de projet.

Enfin, nous avons pu constater un attentisme et manque d'autonomie inacceptable tant dans la gestion des procédures internes que dans la gestion des comptes qui vous sont confiés. Vos managers sont en permanence obligés de vous relancer pour avoir des réponses, et invariablement vos réponses, lorsque vous répondez, mettent en cause d'autres intervenants.

Nous en tenons pour preuve les échanges d'emails mentionnés pendant l'entretien au sujet notamment des clients Demathieu et Bard, Vinci, concernant des litiges clients non traités. Vous n'avez pas su agir de manière proactive, ni su présenter de plan d'action malgré les demandes répétées de vos manager.

Lors de votre entretien d'évaluation tenu en août 2013, il avait déjà été mis en évidence des améliorations à apporter de votre part, en termes d'alertes préventives et de réactivité en termes de réponses à votre management ou au client. Malgré cela, aucune amélioration n'est apparue.

Ces manquements ont encore une fois été relevés le 3 octobre 2013, lors d'une revue complète de vos comptes avec votre manager, encore une fois sans résultat.

Nous en voulons pour preuve le dossier Parcours, pour lequel nous avons été obligé de vous relancer le 28 octobre pour une question posée depuis le 25 septembre, le dossier Altuglas avec un problème de recouvrement que vous deviez solutionner avec un plan d'action, Vinci dont le dernier recommandé reçu le 18 octobre 2013 est resté sans réponse de votre part.

Tous ces faits ne sont absolument pas compatibles avec le métier de Directeur de projet, avec ce que l'on serait en droit d'attendre d'un cadre de votre niveau et de votre expérience, nuisent gravement au bon fonctionnement de l'équipe, et font peser sur l'entreprise un risque financier et une dégradation de son image vis-à-vis des clients.

Nous avons pris bonne note des observations que vous avez formulées sur ces différents points au cours de votre entretien préalable. Malheureusement, celles-ci ne nous ont pas permis de modifier notre position. En conséquence, nous vous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour motif personnel du poste de Directeur de projet.

['] »

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par un motif réel et sérieux, et l'article L.1235-1 du même code impartit au juge d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs fondés sur des faits précis et matériellement vérifiables invoqués par l'employeur et de former sa conviction en regard des éléments produits par l'une et l'autre partie. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle, qui se caractérise par une mauvaise qualité du travail due à une incompétence professionnelle ou une inadaptation à l'emploi, constitue un motif réel et sérieux de licenciement si elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié.

Sur la cause

La société Talentia soutient les griefs énoncés à la lettre de licenciement. Elle se prévaut des conflits générés par la mauvaise gestion des projets ayant obligé au retrait de comptes, de l'absence de visites des clients, du défaut d'autonomie du salarié obligeant à de vaines relances, et fait valoir qu'en dépit de ses alertes en août puis octobre 2013, il ne s'améliora pas.

M. [R], qui relève n'avoir eu le temps d'améliorer les points critiqués dans son entretien annuel d'évaluation avant son licenciement et n'avoir pas bénéficié de l'accompagnement alors envisagé, dément les griefs invoqués au soutien de son licenciement décidé bien en amont à l'occasion d'une modification de l'organisation. Il fait valoir la carence probatoire de son contradicteur sur ses manquements allégués dans l'exercice de son rôle de directeur de projet ou dans l'exécution de ses missions de pilotage de projet et de la gestion des clients que contredisent ses interlocuteurs. Il dénie tout attentisme que ne révèle pas la non-résolution de factures impayées et d'ailleurs non dues, faute d'efficacité du matériel installé.

Selon la fiche de poste, le directeur de projet est le garant de la méthodologie, des délais, du contrôle financier et de la relation avec le client, il est le responsable organisationnel ayant une vision globale de l'avancement des travaux. Lui sont allouées des missions opérationnelles (« cadrage du projet » « planification, affectation, suivi et contrôle des tâches »), financières (« impulse la facturation dans les délais » « participe aux actions de recouvrement »), commerciales (« visite clients et comptes rendus » « suivi et visite de clients stratégiques ou non ») et administratives.

sur la méthodologie

La société Talentia établit qu'à la mi-septembre, le compte Maisons du monde, qui était selon le client « dans l'ornière (') depuis trop longtemps » fut affecté à M. [R] pour cadrer des délais au soutien de la clôture de la migration de la comptabilité à l'échéance d'octobre, dans le contexte de nombreux chantiers à venir, que relancé le 30 septembre, il répondit n'avoir que très peu d'informations et devoir s'en occuper, suite à quoi le dossier lui fut retiré le jour même au vu des doléances du client.

Pour se défendre d'être sans méthode, M. [R] note que le compte Maisons du monde lui fut retiré dans les 10 jours de son attribution, ce que l'employeur conteste inutilement puisque cela ressort du document même, alors qu'il présentait une difficulté technique non résolue depuis 2 ans. Quoiqu'il ne démontre pas que le dossier était en souffrance depuis deux ans, il justifie par les correspondances des consultants de blocages résultant de la non-réalisation de l'ensemble des tests d'interface et du défaut d'information sur l'interface du contrôle des Iban et Bic, d'avoir contacté le client le 27 septembre, qui déclina sa proposition d'un rendez-vous et d'avoir pris contact avec les ingénieurs informaticiens chargés du dossier.

Outre que le reproche fait sur ce dossier, parlant du retard, ne dit rien de la méthode, l'employeur, qui ne soutient aucun autre élément précis à cet égard, n'établit pas la matérialité du grief d'un défaut de méthode et d'organisation.

sur les moyens

La société Talentia ne produit aucun élément sur le défaut de visites allégué, notamment des clients Parcours, Maisons du monde et Vinci, que M. [R] ne dénie pas précisément, en ajoutant que le compte Vinci lui fut retiré en juin puis réattribué en septembre 2013. Cela étant, disant, sans être contredit, effectuer une visite par semaine, il fait valoir sa charge importante de travail, avec un portefeuille de 243 clients, que ne dément pas l'employeur. La circonstance qu'il n'ait pas visité des clients avec lesquels il était en contact régulier, comme la société Vinci, qui lui affirmait quand le compte lui fut réattribué « magnifique nouvelle », ou la société Parcours, qui le remercia pour son suivi de qualité, ne peut être sérieusement retenue comme participant d'une insuffisance. Au surplus, son compte rendu hebdomadaire de la semaine du 3 octobre 2013, qu'il considère significatif de ses habitudes sans être querellé à cet égard, laisse voir des rendez-vous prévus avec les clients.

En tout état de cause, quand la lettre de licenciement s'en fait l'écho, aucun objectif précis ni chiffré n'est donné par personne.

sur l'attentisme

La société Talentia verse aux débats l'échange de mails avec M. [R] sur un courrier à compléter pour leur avocat dans le dossier Valorem, où elle dut le relancer le 19 février sur l'échange reçu la veille. Il ne s'en déduit aucune insuffisance.

Ses allégations d'un défaut de réponse ou de la nécessité d'une relance, concernant les dossiers Parcours, Vinci pour un courrier recommandé du 18 octobre 2013, ou Altuglas, ne sont pas démontrées par les éléments versés en la cause.

Concernant les dossiers Vinci et Demathieu & Bard, M. [R] justifie de l'envoi de correspondances après avoir été prévenu chaque fois en février 2013 d'une demande de recouvrement de factures impayées du client, le 6 septembre 2013, après relance. Le grief d'un manque de réactivité dans ces deux dossiers est matériellement établi, encore que leur ancienneté témoigne de difficultés pérennes liées à leur contestation et que leur défaut de recouvrement, auquel il devait seulement participer, ne procède d'aucun manquement démontré qui lui soit imputable. M. [R] justifie avoir mené à bien le recouvrement d'autres factures.

sur les alertes

Le compte-rendu de l'entretien annuel d'évaluation de 2012 portant en réalité sur la période de février à juin 2013, en raison de la nouvelle réorganisation, tenu le 4 juillet 2013 et signé par le salarié le 2 septembre suivant, si bien que sa critique d'une modification unilatérale de l'employeur est sans portée, parle de la nécessité pour l'intéressé de voir améliorer sa gestion du rendre-compte vis-à-vis de l'ensemble des acteurs concernés, « l'industrialisation de ces processus [devant] maintenant permettre de dédier le temps nécessaire à la réalisation des campagnes et des actions vis-à-vis du parc », et cet objectif lui étant dévolu pour le semestre suivant « avec le soutien et l'accompagnement du management du pôle projet. »

Comme le relève M. [R], cet accompagnement n'est pas justifié.

Le principe et la teneur d'une seconde alerte faite le 3 octobre 2013, selon l'employeur, n'est pas non plus établie.

Au demeurant, le seul entretien versé aux débats ne témoigne d'aucune insuffisance mais d'un axe d'amélioration à saisir dans le contexte de la très récente réorganisation.

sur le bien-fondé du licenciement

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [R], justifiant par ailleurs des regrets exprimés à son départ par ses clients et de leur satisfaction de la qualité de son travail dont l'importance quantitative n'est pas déniée par l'employeur, ne fut prévenu qu'à la marge d'une amélioration attendue de lui, début septembre 2013, dans le contexte d'une réorganisation du service, que la procédure de licenciement fut engagée dès le 15 novembre suivant sans le bénéfice d'aucun accompagnement en dépit d'assertions contraires, et que cette rupture fut prononcée partiellement d'autres motifs, peu démontrés, et pour le surplus, véniels. Au demeurant, la nuisance apportée à l'entreprise dont elle se prévaut, en termes financiers et d'image, ou de bon fonctionnement des équipes n'est pas soutenue et la preuve n'en est pas rapportée.

Dans ce contexte, il convient de considérer que la rupture n'est pas fondée d'une cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé dans son expression contraire, tant sur le principe que pour ses conséquences.

Sur les conséquences

En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, compte tenu de l'ancienneté de l'intéressé, de son évolution de carrière marquée par un nouvel emploi, des conséquences psychologiques de la rupture dans ces conditions retracées par le certificat médical du 7 mai 2015 la disant vécue comme traumatique par l'opprobre des griefs, que l'employeur querelle inutilement, M. [R] sera justement indemnisé par l'allocation de 50.000 euros de dommages-intérêts, au paiement desquels la société Talentia Software France sera condamnée, et qui seront augmentés des intérêts au taux légal dès la présente décision.

Par ailleurs, l'employeur sera condamné à rembourser au Pôle emploi les indemnités visées à l'article L.1235-5 du code du travail dans sa version applicable au litige.

Sur les conditions

M. [R] expose avoir dû quitter ses fonctions avant même la tenue de l'entretien préalable, à l'instar d'un salarié mis à pied.

En application de l'article 1147 du code civil, dans sa version applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Cela étant, l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, ne commet aucune faute à dispenser son salarié de son activité, en maintenant sa rémunération.

Faute d'allégations d'autres circonstances vexatoires, la demande en responsabilité ne saurait pas prospérer, et elle sera rejetée par confirmation du jugement.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. [X] [R] en indemnisation des conditions vexatoires de la rupture;

Statuant de nouveau sur des chefs ainsi infirmés ;

Dit le licenciement sans motif réel et sérieux ;

Condamne la société par actions simplifiée Talentia Software France venant aux droits de la société Talentia Software à payer à M. [X] [R] :

50.000 euros de dommages-intérêts en réparation de la perte injustifiée de son emploi, augmentés des intérêts au taux légal dès la présente décision ;

3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne au remboursement des indemnités de chômage prévues à l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 22 septembre 2017 ;

La condamne aux entiers dépens.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 21e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02252
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.02252 ?
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