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29/06/2023 | FRANCE | N°21/01846

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 29 juin 2023, 21/01846


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 29 JUIN 2023



N° RG 21/01846 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USEB



AFFAIRE :



[H] [J] [F]



C/



S.E.L.A.R.L. MJC2A









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 20/00067



Copie

s exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Frédéric SAME de la SCP SAMÉ AVOCATS



Me Pierre TONOUKOUIN de la SELARL CAUSIDICOR



Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI





le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 JUIN 2023

N° RG 21/01846 - N° Portalis DBV3-V-B7F-USEB

AFFAIRE :

[H] [J] [F]

C/

S.E.L.A.R.L. MJC2A

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : AD

N° RG : 20/00067

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Frédéric SAME de la SCP SAMÉ AVOCATS

Me Pierre TONOUKOUIN de la SELARL CAUSIDICOR

Expédition numérique délivrée à : PÔLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 13 avril 2023, prorogé au 15 juin 2023 puis au 29 juin 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [H] [J] [F]

née le 19 Octobre 1984 à [Localité 5] (2B)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Frédéric SAME de la SCP SAMÉ AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau d'ESSONNE

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. MJC2A

N° SIRET : 501 184 774

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Pierre TONOUKOUIN de la SELARL CAUSIDICOR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J133, susbstitué par Me Sophie GRISSONNANCHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [H] [F], qui avait été engagée, par contrat de travail à durée déterminée à effet du 8 janvier 2007 au 8 juillet 2007, par M. [R] [T] en qualité d'employée de bureau, a été engagée à compter du 7 janvier 2008 par la SCP Yves Coudray-[R] [T] mandataires judiciaires associés aux droits de laquelle est venue la SCP de mandataire judiciaire [R] [T]. Elle occupait en dernier lieu le poste d'assistante technique confirmée, statut employé, niveau T3 b, moyennant un salaire mensuel brut de 2 303,87 euros et le treizième mois conventionnel.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des administrateurs et des mandataires judiciaires.

Mme [F], qui souffre d'une affection chronique, a été en arrêt de travail pour maladie du 5 janvier 2017 au 3 mars 2017, le 24 avril 2017, du 8 au 9 juin 2017, du 22 au 23 juin 2017, du 17 au 18 juillet 2017, du 20 au 30 août 2017, du 11 au 27 septembre 2017, le 22 janvier 2018, du 22 février au 25 février 2018, le 30 mars 2018, du 11 juin au 13 juin 2018, puis de manière ininterrompue à compter du 19 juin 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 septembre 2018, la SCP [R] [T] a convoqué la salariée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 18 septembre 2018, puis par lettre adressée dans les mêmes formes le 8 octobre 2018, elle lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle.

La salariée a contesté toute insuffisance professionnelle par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 octobre 2018.

Contestant son licenciement, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil qui, par jugement du 12 décembre 2019, a renvoyé l'affaire devant le conseil de prud'hommes de Versailles en application de l'article 47 du code de procédure civile.

La SCP [R] [T] est devenue au 1er janvier 2020 la Selarl MJC2A.

Par jugement du 17 mai 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil des prud'hommes de Versailles a :    

- dit que le conseil, au regard de ses observations, décide que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Mme [F] est fondé ;

En conséquence,

- débouté Mme [F] de ses demandes ;

- débouté la Selarl MJC2A de sa demande reconventionnelle ;

- condamné Mme [F] aux éventuels dépens.

Mme [F] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 12 juin 2021.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 12 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la salariée, demande à la cour de :

- dire que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la Selarl MJC2A venant aux droits de la SCP [R] [T] à lui verser :

* 2 495,85 euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 24 958,50 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3 000,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

-condamner la Selarl MJC2A aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 13 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la Selarl MJC2A demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [F] fondé et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant,

- condamner Mme [F] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse :

- dire que les indemnités pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumulent pas ;

- dire que l'indemnité de licenciement pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder trois mois de salaires.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le non-respect de la procédure de licenciement

A l'appui de sa contestation de la régularité de la procédure de licenciement, Mme [F] soutient qu'aucun des faits énoncés dans la lettre de licenciement n'ont été évoqués durant l'entretien. Elle produit, à l'appui de cette allégation, l'attestation suivante établie par Mme [E], qui l'a assistée lors de l'entretien préalable :

'Au cours de l'entretien, M. [T] n'a pas été en mesure de fournir des faits précis avec des dates justifiant une mesure de licenciement envers sa salariée.

M. [T] a refusé à plusieurs reprises de communiquer des explications précises.

M. [T] a uniquement indiqué un manque de suivi des dossiers traités par la salariée.

De ce fait, Mme [H] [F] n'a pas pu s'expliquer en l'absence de faits précis...

A la fin de l'entretien, M. [T] a indiqué que le motif préalable de licenciement était 'insuffisance professionnelle.'

Le manque de suivi des dossiers traités et plus généralement l'insuffisance professionnelle, qui constitue en elle-même un motif de licenciement matériellement vérifiable, expressément évoqués par l'employeur lors de l'entretien préalable permettait à la salariée de fournir ses explications sur le motif de licenciement envisagé, sans qu'il y ait lieu d'exiger de l'employeur qu'il précise chaque fait matériel qui la caractérise ainsi que sa date.

Si l'article L. 1232-3 du code du travail fait obligation à l'employeur d'indiquer au cours de l'entretien préalable au salarié dont il doit recueillir les explications le motif de la sanction envisagée, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction.

L'irrégularité de la procédure de licenciement n'est pas établie. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de ce chef, étant précisé au surplus que l'indemnité pour irrégularité de la procédure prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail ne s'applique, en tout état de cause, que lorsque le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement notifiée à Mme [F] est rédigée comme suit :

'... nous vous informons de notre décision de vous licencier pour insuffiance professionnelle notamment pour les motifs suivants :

En étudiant les différents dossiers dont vous vous êtes occupée nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre de tâches ont été délaissées, négligées ou traitées avec une légèreté confinant au désintérêt.

Ainsi des retards préjudiciables dans la saisie des créances antérieures ont été constatés en juillet 2018. Des retards dans la saisie des créances postérieures ont également été constatés à cette date ainsi que des retards dans le traitement du passif.

Il a également été constaté la non saisie des réponses au plan TM BAT reçues les 21 et 24 juillet 2017. Des certificats d'irrécouvrabilité n'ont pas été établis alors que les demandes ont été effectuées depuis les 4 et 5 mai et les 20 juillet et 3 août 2017.

Dans le dossier AILG du 13 mars 2017 et dans le dossier [O] du 26 juillet 2017, les courriers n'ont pas été traités.

Les non saisies régulières des dates de Bodacc.

Cette liste n'est pas exhaustive et nous nous réservons le droit de produire des éléments complémentaires démontrant votre insuffisance professionnelle au regard de ce qu'il est légitime d'attendre d'un salarié réunissant une ancienneté telle que la vôtre.

Le tout, malgré l'allégement de vos tâches et les conseils et entretiens réguliers que nous avons eus à ce sujet. Cette incapacité à assumer correctement vos fonctions est préjudiciable à l'égard des créanciers qui peuvent mettre juridiquement en cause la responsabilité de l'étude, mais également vis-à-vis du Tribunal qui pourrait sanctionner les dysfonctionnements en sa qualité de prescripteur de dossiers.

Lors de notre entretien du 18 septembre 2018 vous n'avez pas fourni d'éléments de nature à nous faire espérer un quelconque changement.

Aussi, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour insuffiance professionnelle.'

L'énoncé dans la lettre de licenciement d'insuffisance professionnelle constitue un motif matériellement vérifiable au sens de l'article L. 1232-6 du contrat de travail qui peut être précisé et discuté devant le juge du fond.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de manière satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Les faits invoqués par l'employeur doivent être objectifs, précis et matériellement vérifiables.

La cause invoquée par l'employeur étant une insuffisance professionnelle ne relève pas de la faute disciplinaire. Les faits retenus ne sont donc pas susceptibles d'être atteints par la prescription de l'article L. 1332-4 du code du travail.

La Selarl MJC2A, qui invoque dans la lettre de licenciement la non saisie des réponses au plan TM BAT reçues les 21 et 24 juillet 2017, l'absence d'établissement de certificats d'irrécouvrabilité alors que les demandes avaient été effectuées depuis les 4 et 5 mai et les 20 juillet et 3 août 2017 et l'absence de traitement de courriers du 13 mars 2017 dans le dossier AILG et de courriers du 26 juillet 2017 dans le dossier [O], ne produit aucun élément venant corroborer ses allégations.

L'employeur, qui invoque également dans la lettre de licenciement, les non saisies régulières des dates de Bodacc, ne produit à l'appui de cette allégation qu'une attestation de Mme [A], collaboratrice, selon laquelle : 'On s'est aperçu que les dates de publication au Bodacc n'étaient plus enregistrées ce qui pouvait avoir des répercussions sur la vérification du passif'. Cette affirmation, à caractère général, qui n'est corroborée par aucun élément précis, ne permet pas cependant d'établir la réalité d'une carence imputable à Mme [F] dans l'exercice de ses fonctions.

A l'appui de l'insuffisance professionnelle imputée à Mme [F], la Selarl MJC2A produit également une attestation de Mme [G], collaboratrice, qui fait état de ce que, ayant été engagée par la Selarl MJC2A le 29 juillet 2018, elle a pris en charge d'août 2018 à mai 2019 le poste occupé par Mme [F] jusqu'à son arrêt maladie et a constaté la présence dans le bureau de celle-ci d'une centaine de bordereaux de recommandés non classés, dont certains datant de 2017, ainsi qu'une pile ancienne de courriers non classés, avoir découvert, en classant des déclarations de créances dans des dossiers, des déclarations mal classées, et lors de la vérification des passifs saisis par Mme [F], des déclarations mal enregistrées en ce qui concerne leur montant ou enregistrées dans le mauvais dossier. Les faits évoqués, non quantifiés, à l'exception des bordereaux de recommandés sur lesquels aucun défaut de classement n'a jamais été reproché à la salariée durant toute la durée de la relation contractuelle, ne sont toutefois pas suffisamment précis et circonstanciées pour permettre de considérer que Mme [F], dans l'exécution de ses tâches.

Elle produit :

- comme caractérisant selon elle des exemples de retard ou d'absence de saisie de créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective : trois courriers de déclaration de créances en date du 3 novembre 2017, du 26 décembre 2017 et du 17 janvier 2018 sur lesquels a été apposée par une personne indéterminée la mention manuscrite 'saisie en août 2018" :

*une déclaration de créance rectificative au passif de la société Santana (objet d'un jugement de du 4 janvier 2016 prononçant sa liquidation judiciaire), émanant des consorts [C] faisant suite à un arrêt du 15 septembre 2017 portant un cachet courrier reçu le 3 novembre 2017 et la mention 'vu [R][T] (pour [R] [T]) attendre l'arrêt de la cour d'appel', dont il n'est pas établi que l'absence de saisie soit imputable à la salariée ;

*une déclaration de créance au passif de la société DM Electricité Générale (objet d'un jugement d'ouverture de redressement judiciaire du 16 juin 2014, jugement arrêtant le plan de redressement du 6 juillet 2015, jugement du 30 octobre 2017 prononçant la résolution de son plan de redressement et sa liquidation judiciaire), émanant de la direction générale des finances publiques portant un cachet courrier reçu le 26 décembre 2017 ; que l'explication donnée par la salariée pour les besoins de la cause, dans ses conclusions dans le cadre du présent litige, selon laquelle cette déclaration n'avait pas à être enregistrée s'il s'agissait pas d'une créance antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, déjà enregistrée dans le cadre de cette précédente procédure, ne suffit pas à caractériser une insuffisance professionnelle ;

*une déclaration au passif de la société Groupe GK France (objet d'un jugement du 8 janvier 2018 prononçant la résolution de son plan de redressement et sa liquidation judiciaire et d'une clôture pour insuffisance d'actifs le 6 janvier 2020), fondée sur un titre du 17 avril 2015 émanant de la trésorerie de [Localité 6] portant un cachet courrier reçu le 17 janvier 2018 dont le retard de saisie allégué n'est pas établi, la mention manuscrite 'saisie en août 2018" apposée par une personne indéterminée ne permettant pas d'en justifier ;

- comme caractérisant selon elle des exemples de retard de saisie de créances résultant de la poursuite de contrats postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, cinq courriers de demandes en paiement en date du 21 septembre 2016, du 5 octobre 2016, du 29 mars 2017, du 12 février 2018 et du 22 mai 2018 :

*une demande de provision, payable au 15 octobre 2016, à valoir sur les charges communes de la période d'octobre à décembre 2016, émanant de la société City Evry Immobilier, syndic de copropriété, relative à un immeuble appartenant à la société AM Ceram (objet d'un jugement de liquidation judiciaire du 10 décembre 2012), portant un cachet courrier reçu le 21 septembre 2016, dont aucun élément ne justifie d'un retard de saisie ;

*un avis d'imposition relatif à une taxe foncière à payer au plus tard le 17 octobre 2016 concernant Mme [P] portant un cachet courrier reçu le 5 octobre 2016, dont aucun élément ne justifie d'un retard de saisie imputable à la salariée, la mention manuscrite 'saisie en août 2018" apposée par une personne indéterminée ne permettant pas d'en justifier ;

*une demande de paiement de loyer commercial concernant la société Transpaq (objet d'un jugement de liquidation judiciaire du 6 mars 2017) portant un cachet courrier reçu le 29 mars 2017, dont aucun élément ne justifie d'un retard de saisie imputable à la salariée ;

*une demande de paiement de mensualité de crédit-bail concernant la société Tamm Expo (objet d'un jugement de liquidation judiciaire du 22 janvier 2018) portant un cachet courrier reçu le 12 février 2018 dont aucun élément ne justifie d'un retard de saisie imputable à la salariée ;

* une demande de paiement de loyer commercial concernant la société Espace Beauté Esthétique (objet d'un jugement de liquidation judiciaire du 19 février 2018) portant un cachet courrier reçu le 22 mai 2018 dont aucun élément ne justifie d'un retard de saisie ;

- comme correspondant selon elle à 5 exemples de retards de classement de déclarations de créances au passif constatés au mois de juillet 2018, sans produire toutefois aucun élément à l'appui de cette allégation :

*une demande d'admission définitive de créances de la direction générale des finances publiques (pôle recouvrement spécialisé d'Essonne) concernant la société FM Habitat (objet d'un jugement de liquidation judiciaire du 30 janvier 2017) portant un cachet courrier reçu le 26 janvier 2018, dont la cour constate qu'elle a cependant été enregistrée par Mme [F], ainsi que celle-ci l'allègue sans être utilement contredite ;

*une mise en demeure adressée par la direction générale des finances publiques concernant la taxe sur le chiffre d'affaires du mois de septembre 2017, mise en recouvrement le 30 novembre 2017, due par la société Sodaic Sécurité, en liquidation judiciaire, portant un cachet courrier reçu le 27 mars 2018, dont la salariée indique que Mme [A] a demandé de la classer au dossier ;

*la renonciation par la direction générale des finances publiques (pôle recouvrement spécialisé de Seine-Saint-Denis) à sa déclaration provisionnelle d'une créance de TVA à l'encontre de la société Les trois petits cochons (objet d'un jugement de redressement judiciaire du 6 mars 2017), portant un cachet courrier reçu le 30 mars 2018 ;

*une mise en demeure adressée par la direction générale des finances publiques (pôle recouvrement spécialisé d'Essonne) concernant la TVA de la société PEJ Services pour le mois de janvier 2018, mise en recouvrement le 30 mars 2018, portant un cachet courrier reçu le 2 mai 2018 ; que la salariée fait toutefois observer que cette créance est née postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que la société faisait l'objet d'un plan de continuation ;

*la notification par le greffe du tribunal de commerce de Paris de l'admission d'une créance au profit de la société AB Lift, dont Me [T] est le liquidateur, portant un cachet courrier reçu le 9 avril 2018, dont la cour constate qu'il n'est pas établi qu'il appartenait à Mme [F] et non à Mme [A] de la classer ;

- comme constituant selon elle un exemple d'erreur de saisie d'un créancier : une notification de créance postérieure de l'Urssaf concernant la Sarl Le Belleville portant un cachet courrier reçu le 13 octobre 2017, sur laquelle est apposée la mention manuscrite 'créance de l'Urssaf enregistrée sous Pôle de recouvrement spécialisé' ; que la cour constate cependant qu'aucun élément objectif ne permet d'établir la réalité de l'erreur d'enregistrement alléguée, que la salariée conteste ;

- comme constituant selon elle un exemple de défaut d'enregistrement de créance : un mail du 20 décembre 2018 sur lequel il a été inscrit à la main 'erreur saisie...défaut d'enregistrement 1 créance' concernant le règlement de créances de loyers et charges impayés nées pendant la période d'observation de la société Goelia Morbihan indiquant que si 60 créances ont été réglées pour un montant de 35 881,98 euros, il manque le règlement d'une créance d'un montant de 241,02 euros'; que la cour constate cependant que ce défaut d'enregistrement, à le supposer imputable à la salariée, qui le conteste, n'a été porté à la connaissance de l'employeur que le 20 décembre 2018, de sorte qu'il ne peut être retenu comme caractérisant l'insuffisance professionnelle telle qu'appréciée par l'employeur à la date du licenciement, le 8 octobre 2018.

Il résulte en outre des bulletins de paie produits que Mme [F] a été fréquemment absente, et qu'elle n'a notamment été présente qu'environ 70 jours à l'étude au cours des six premiers mois de l'année 2018 pour avoir été absente :

- pour RTT ou congés payés les 2, 7, 8, 13, 14, 20, 21 et 27 septembre 2016, 5, 11, 12, 24, 25, 26 octobre 2016 et pour maladie le 19 octobre 2016 ;

- pour RTT ou congés payés les 3, 9, 14, 16, 22, 24, 25, 30 novembre 2016 ;

- pour RTT ou congés payés ou événement familial les 7, 8, 12, 14, 19, 21 et du 26 au 28 décembre 2016 ;

- pour jour férié, RTT ou congés payés du 1er au 4 janvier 2017 ;

- pour maladie du 5 janvier 2017 au 5 mars 2017 (dont une hospitalisation du 31 janvier au 8 février 2017), puis pour RTT ou congés le 8 mars 2017, le 15 mars 2017, les 22-23 mars 2017, le 27 mars 2017, le 29 mars 2017 ;

- pour jour férié, RTT ou congés le 3 avril 2017, les 5 et 6 avril 2017, le 12 avril, le 17 avril, les 19-20 avril 2017, pour maladie le 24 avril 2017, pour RTT ou congés le 27 avril 2017 ;

- pour jour férié, RTT ou congés le 1er mai, le 3 mai, du 8 au 10 mai, les 16-17 mai, les 24-25 mai, les 30-31 mai ;

- pour jour férié le 5 juin, pour RTT le 7 juin, pour maladie du 8 au 9 juin 2017, pour RTT ou congés payés le 14 juin, le 16 juin, le 21 juin, pour maladie du 22 au 23 juin 2017, pour congés payés les 26 juin, 28 juin et 30 juin 2017 ;

- pour RTT ou congés payés les 5 et 12 juillet 2017, pour maladie du 17 au 18 juillet 2017, pour RTT ou congés payés le 19 juillet, le 24 juillet et le 26 juillet 2017 ;

- pour RTT les 2 août, 9 août, 16 août, 19-20 août 2017, pour maladie du 20 au 30 août 2017;

- pour RTT ou congés payés du 31 août au 10 septembre 2017, pour maladie du 11 au 27 septembre 2017 ;

- pour RTT ou congés payés le 4 octobre, les 10-11 octobre 2017, les 17-18 octobre 2017, les 24-25 octobre 2017, le 30 octobre 2017 ;

- pour RTT ou congés payés les 8, 10, 15, 22, 28-29 novembre 2017 ;

- pour RTT ou congés payés les 13, 18, 20, 22, 26'27 décembre 2017 ;

- pour jour férié, RTT ou congés payés les 1-2-3, 8, 10, 12, 17, 19 janvier 2018, pour maladie le 22 janvier 2018, pour RTT ou congés payés les 24,29 et 31 janvier 2018 ;

- pour RTT ou congés payés ou événement familial les 7-8 février 2018, les 14, 16, 20-21 février 2018, pour maladie du 22 au 25 février 2018, pour RTT le 28 février 2018 ;

- pour RTT ou congés payés les 7, 14, 21, 26, 28 mars 2018 et pour maladie le 30 mars 2018 ;

- pour jour férié, RTT ou congés payés les 2, 4, 6, 9, 11, 18, 20, 25, 27 avril 2018 ;

- pour jours fériés, RTT ou congés payés les 1er, 2, 8, 9, 10, 16, 18, 21, 23, 30 mai 2018 ;

- pour RTT les 1er et 6 juin, pour maladie du 11 juin au 13 juin 2018, puis de manière ininterrompue à compter du 19 juin 2018.

Ni l'attestation de Mme [B], assistante, faisant état du temps consacré par Mme [F] à passer des communications téléphoniques personnelles, de pauses effectuées 3 à 4 fois par matinée et après-midi pour sortir fumer, ni celle de Mme [A], collaboratrice, selon laquelle 'lorsque Mme [F] était présente à l'étude, elle n'était pas concentrée sur son travail car elle était régulièrement au téléphone pour régler ses problèmes personnels' ne sont pas suffisamment précises pour établir que la salariée ne se consacrait pas pleinement à l'exécution de ses tâches.

La cour constate qu'avant l'engagement de la procédure de licenciement, le 10 septembre 2018, durant plus de dix ans, aucun rappel à l'ordre n'a d'ailleurs été adressé à la salariée, ni aucun recadrage effectué concernant l'accomplissement de ses tâches et que l'intéressée a été promue assistante technique confirmée T3 b, classification qui correspond, selon la convention collective, à celui d'un employé effectuant des travaux techniques sur dossiers avec initiative professionnelle et compétences techniques spécifiques, tandis que relève de la classification assistant technique T3 a, +l'employé effectuant des travaux techniques sur dossiers sous contrôle régulier avec des compétences techniques générales.

Il n'est pas établi que Mme [F] ait bénéficié d'autre allégement de ses tâches que celle résultant de la décision prise en 2017 par Me [T] selon laquelle les déclarations de créance des dossiers impécunieux ne seraient plus saisies.

L'attestation de Mme [B] selon laquelle les tâches relatives à l'accueil et au standard étaient assurées par toutes les assistantes à tour de rôle est démentie par les attestations de Mme [S] et de Mme [I], assistantes, selon lesquelles Mme [F] a été chargée, en plus de ses tâches de responsable au 'service passif', d'ouvrir la porte et d'accueillir les visiteurs, d'assurer l'après-midi le standard téléphonique et de répondre aux clients dans des domaines qui n'étaient pas le sien et d'assurer les tâches annexes au standard, qui démontre que les tâches de Mme [F] ont été alourdies.

Mme [S], assistante, cadre niveau 1 à l'étude à compter de mars 1999, atteste :

- avoir pu constater que Mme [F], responsable du 'service passif' avait une bonne maîtrise des tâches qui lui était attribuées, notamment à chaque fois qu'elle a eu besoin de la consulter pour lire un état hypothécaire compliqué et faire ressortir les derniers créanciers inscrits et la validité des inscriptions ;

- n'avoir jamais entendu Me [T] se plaindre du travail de Mme [F], le voyant seulement impatient, puis excédé par ses absences, notamment pour maladie lors de son hospitalisation en janvier 2017 ;

- avoir vu plusieurs fois Mme [F] à son retour à l'étude, travailler pendant son heure de repas pour dégrossir les piles qui s'accumulaient et rattraper le retard de classement ;

- avoir entendu Mme [B], assistante au 'service actif' et Mme [A], collaboratrice, dénigrer Mme [F], disant que ses absences étaient plutôt relatives à des problèmes personnels qu'à des problèmes de santé, qu'elle passait la plupart de son temps en communications téléphoniques personnelles et que de ce fait elle prenait du retard dans son travail et dans le classement qu'elle laissait s'accumuler.

Si Mme [G], qui indique avoir pris en charge d'août 2018 à mai 2019 le poste occupé par Mme [F] avant son arrêt maladie, affirme que ce poste était agréable et peu chronophage et ne l'occupait pas à temps plein, ce qui lui a permis d'assurer entièrement la procédure de vérification du passif dans de nombreux dossiers, celle-ci n'était pas dans la même situation que Mme [F] puisqu'elle avait la qualification de collaboratrice, était beaucoup plus présente que cette dernière dans l'entreprise et n'était pas confrontée, comme celle-ci, à des problèmes de santé.

Si Mme [B], assistante, fait état de la nervosité de Mme [F] due à des problèmes personnels, de son agressivité vis-à-vis du public qui se présentait à l'étude, elle ne relate aucun fait précis et circonstancié permettant d'accréditer cette affirmation.

Il ressort de ce qui précède qu'au regard de la charge de travail de la salariée, de ses absences pour maladie, de l'absence d'éléments suffisants permettant d'établir avec certitude l'ampleur des retards et erreurs qui lui sont imputés, l'insuffisance professionnelle de Mme [F] n'est pas établie. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de dire le licenciement de la salariée dépourvu de cause réelle et sérieuse

En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, Mme [F], qui comptait dix années complètes d'ancienneté à la date de son licenciement, peut prétendre à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de trois mois de salaire brut et le montant maximal de dix mois de salaire brut. Il convient en conséquence, infirmant le jugement entrepris, de condamner la Selarl MJC2A à payer à Mme [F] la somme de 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à Pôle emploi

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la Selarl MJC2A à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a versées le cas échéant à Mme [F] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence d'un mois d'indemnités.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La Selarl MJC2A, qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros pour les frais irrépétibles que celle-ci a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Versailles en date du 17 mai 2021, sauf en ce qu'il a débouté Mme [H] [F] de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et en ce qu'il a débouté la Selarl MJC2A de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit le licenciement de Mme [H] [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la Selarl MJC2A à payer à Mme [H] [F] la somme de 23 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Ordonne le remboursement par la Selarl MJC2A à Pôle emploi, partie au litige par l'effet de la loi, des indemnités de chômage qu'il a versées à Mme [F] à compter du jour de son licenciement, et ce à concurrence d'un mois d'indemnités ;

Condamne la Selarl MJC2A à payer à Mme [H] [F] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

Déboute la Selarl MJC2A de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la Selarl MJC2A aux dépens de première instance et d'appel. 

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01846
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.01846 ?
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