La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2023 | FRANCE | N°22/03398

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 27 juin 2023, 22/03398


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 59C



13e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 27 JUIN 2023



N° RG 22/03398

N° Portalis DBV3-V-B7G-VGR3



AFFAIRE :



S.A.S. GRENKE LOCATION



C/



S.A.S. INERGENCE

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2018F0055

7



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Mélina PEDROLETTI



Me Sophie RIVIERE-MARIETTE



TC NANTERRE





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 59C

13e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 27 JUIN 2023

N° RG 22/03398

N° Portalis DBV3-V-B7G-VGR3

AFFAIRE :

S.A.S. GRENKE LOCATION

C/

S.A.S. INERGENCE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Avril 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2018F00557

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Sophie RIVIERE-MARIETTE

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S. GRENKE LOCATION

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25769

Représentant : Me Aurélie JUNG, Plaidant, avocat au barreau de STRASBOURG

APPELANTE

****************

S.A.S. INERGENCE

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Sophie RIVIERE-MARIETTE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 275 - N° du dossier 22/2209

Représentant : Me Olivier BAULAC de la SCP CABINET BAULAC & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0207

S.E.L.A.S. ALLIANCE ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS R-PRINT, mission conduite par Me [V] [M]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Défaillante

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

Par contrat du 9 février 2015, la société BNP Paribas lease group (BNP) a donné en location financière à la société Inergence un photocopieur multifonctions de marque Sharp, modèle MX 2614, pour une durée de 63 mois, moyennant paiement d'un loyer trimestriel de 799 euros HT. Le matériel était fourni par la SASU JR Diffusion, devenue R Print.

Par courriel du 4 mai 2015, la société R Print a proposé à la société Inergence, 'avec l'aide de ses partenaires financiers', de réduire les échéances de son contrat de location à 600 euros par trimestre. Pour ce faire, la société R Print devait souscrire un nouveau contrat de location avec des échéances de 1 500 euros ramenées à 600 euros après paiement par la société R Print de la différence à hauteur de 900 euros durant deux années. La société R Print s'engageait également à régler les mensualités du premier contrat BNP durant deux années, et ainsi à régler d'avance une somme totale de 13 592 euros à la société Inergence (soit 6 392 euros en remboursement des échéances du contrat BNP, outre 7 200 euros d'avance au titre du nouveau contrat).

Au terme d'un document du 18 mai 2015 intitulé 'rachat de contrat', la société R Print s'est effectivement engagée à racheter à la société Inergence son contrat de location BNP pour un montant de 13 592 euros pour les deux premières années (montant incluant une avance sur le futur contrat). Elle promettait en outre de racheter les deux années suivantes.

Le 21 mai 2015, la société Inergence a signé un nouveau contrat de location avec la SAS Grenke Location (Grenke) portant sur un photocopieur Sharp MX 3640 pour une durée de 48 mois, moyennant un loyer trimestriel de 1 500 euros. Ce contrat a été signé le 2 juin 2015 par la société Grenke.

Le 18 juin 2015, la société Inergence a demandé à la société R Print le chèque correspondant au rachat du marché, indiquant que la première échéance du contrat Grenke avait été prélevée sur son compte bancaire.

Par courrier recommandé du 30 juillet 2015, la société Inergence a renouvelé sa demande de paiement auprès de la société R Print, indiquant en outre que le nouveau copieur n'avait pas été installé. Le 9 octobre 2015, la société Inergence a rappelé l'absence d'installation du nouveau matériel, et accepté un échelonnement du rachat de contrat.

Par courrier du 12 avril 2017, la société Inergence s'est étonnée, auprès de la société R Print, que l'échelonnement de rachat du contrat ne soit plus respecté, la mettant en demeure de régler le solde de la facture.

Par courrier recommandé du 9 juin 2017, la société Inergence a écrit à la société Grenke pour annuler le contrat de location, se prévalant du non-respect par le fournisseur R Print de ses obligations, à savoir d'une part le défaut d'installation du photocopieur, d'autre part l'absence de règlement de la totalité du 'rachat de contrat.'

A compter du mois de juillet 2017, la société Inergence a cessé de payer les loyers à la société Grenke. Le 12 juillet 2017, la société Grenke a fait opposition au prix de cession du fonds de commerce de la société Inergence pour un montant de 15 840 euros.

Le 17 novembre 2017, la société Grenke a prononcé la résiliation anticipée du contrat pour défaut de paiement des loyers.

Par ordonnance du 5 décembre 2017, le président du tribunal de commerce de Bordeaux, statuant en référé, a déclaré recevable l'opposition formée par la société Grenke sur le prix de cession du fonds de commerce de la société Inergence.

Par acte d'huissier du 19 mars 2018, la société Inergence a assigné la société R-Print devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir paiement des sommes correspondant au 'rachat de contrat'.

Par acte d'huissier du 25 avril 2018, la société Grenke a assigné la société Inergence devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins d'obtenir paiement de l'indemnité de résiliation du contrat, et la restitution du matériel.

Par ordonnance du 2 avril 2019, le juge de la mise en état du tribunal de Strasbourg a prononcé un sursis à statuer dans l'attente du jugement à intervenir devant le tribunal de commerce de Nanterre, estimant que l'instance introduite devant cette juridiction pouvait avoir une incidence sur celle en cours à Strasbourg.

Par acte du 18 juin 2019, la société Grenke est intervenue volontairement dans l'instance en cours au tribunal de Nanterre.

Par jugement du 18 février 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation judiciaire de la société R-Print, désignant la Selas Alliance, en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte d'huissier du 22 février 2021, la société Inergence a assigné la société Alliance, ès qualités, en intervention forcée devant le tribunal de Nanterre. Les deux affaires ont été jointes.

Par jugement contradictoire du 6 avril 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit que l'intervention volontaire de la société Grenke est irrecevable ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de la société Inergence à l'encontre de la société Grenke ;

- débouté la société Inergence de sa demande de paiement par la société Alliance, ès qualités, de la somme de 5 000 euros en réparation des préjudices subis pour non-respect des obligations contractuelles ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur l'exécution provisoire ;

- condamné la société Inergence aux dépens.

Par déclaration du 18 mai 2022, la société Grenke a interjeté appel partiel du jugement, uniquement en ce qu'il a déclaré irrecevable son intervention volontaire et dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles. La déclaration d'appel a été signifiée à la société Alliance, ès qualités, par acte remis à personne habilitée, le 4 juillet 2022, laquelle n'a pas constitué avocat.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 17 janvier 2023, puis signifiées à la société Alliance, ès qualités, par acte remis à personne habilitée, le 23 janvier 2023, la société Grenke demande à la cour de :

- dire l'appel bien fondé et recevable ;

En conséquence,

- infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable son intervention volontaire ;

- débouter la société Inergence de l'intégralité de ses demandes, y compris ses demandes reconventionnelles et son appel incident ;

Statuant à nouveau,

- déclarer sa demande d'intervention volontaire recevable et bien fondée ;

- déclarer sa demande recevable et bien fondée ;

- débouter la société Inergence de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Inergence à lui payer la somme principale de 13 593,69 euros, augmentée des intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 13 540,00 euros à compter du 17 novembre 2017, date de la dernière sommation extrajudiciaire ;

- ordonner la capitalisation des intérêts ;

- condamner la société Inergence à lui restituer à ses frais le matériel, à savoir le copieur, objet du contrat de location, sous astreinte comminatoire de 500 euros par jour de retard après la signification de l'arrêt à intervenir ;

- réserver à la cour le droit de liquider l'astreinte ;

- A défaut, condamner la société Inergence à lui payer la somme de 8 662,50 euros au titre de l'indemnité de non-restitution, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2017, date de la dernière mise en demeure extrajudiciaire jusqu'au complet paiement ;

A titre subsidiaire, en cas de résolution/caducité du contrat de location,

- condamner la société Inergence à lui payer les sommes suivantes :

* 25 200 euros correspondant au prix du matériel, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;

* 3 000 euros correspondant à la perte de marge escomptée ;

* 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal;

- condamner la société Inergence aux entiers frais et dépens de la procédure ;

A titre infiniment subsidiaire, en cas de résolution/caducité du contrat de location et si aucune faute n'est imputée à la société Inergence,

- condamner maître [V] [M], ès qualités, à lui rembourser le prix du matériel, soit la somme de 25 200 euros correspondant au prix du matériel, avec intérêts légaux à compter de la décision à intervenir ;

- condamner maître [V] [M], ès qualités, à lui payer la somme de 3 000 euros correspondant à la perte de marge escomptée ;

- condamner maître [V] [M], ès qualités, à lui payer une indemnité de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec intérêts au taux légal en sus ;

- fixer et admettre sa créance au passif de la société R-Print à hauteur de la somme totale de 31 700 euros au titre du contrat référencé n°083-21483 ;

- condamner maître [V] [M], ès qualités, aux entiers frais et dépens de la procédure dont le montant sera recouvré par maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Inergence, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 30 janvier 2023, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire, si l'intervention volontaire de la société Grenke était déclarée recevable,

- prononcer ' l'annulation et la résolution' du contrat de location financière de la société Grenke avec toutes les conséquences de l'anéantissement du contrat de location, déduction faite des sommes déjà versées dont elle ne réclame pas la restitution puisqu'il s'agissait des paiements effectués par la société R-Print ;

A titre encore plus subsidiaire,

- dire qu'il devra être tenu compte des sommes qu'elle a déjà versées au titre de la location financière ;

Dans tous les cas,

- dire n'y avoir lieu à restitution d'un matériel de reproduction qui n'a jamais été livré ;

- ordonner le déblocage de la somme de 15 480 euros ensuite de l'opposition formée par la société Grenke sur le prix de vente du fonds de commerce ;

- débouter la société Grenke de toutes ses demandes ;

- condamner la société Grenke à la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer recevable l'appel formé par la société Grenke.

1 - sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la société Grenke

Les premiers juges ont déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société Grenke au motif que cette dernière avait formulé des demandes identiques devant les tribunaux de Nanterre et Strasbourg, et qu'elle s'était désistée de son instance et de son action devant le tribunal de Strasbourg, de sorte qu'elle n'avait plus le droit d'agir, son intervention étant dès lors irrecevable devant le tribunal de Nanterre.

La société Grenke sollicite l'infirmation du jugement de ce chef, soutenant que les conditions de son intervention, à savoir un lien suffisant avec les prétentions de la société Inergence sont réunies dès lors que celle-ci sollicitait l'anéantissement du contrat de fourniture conclu avec la société R Print pour défaut d'exécution (défaut de livraison notamment), faisant valoir que le contrat de location risquait alors être remis en cause par la théorie de l'interdépendance des contrats. Elle ajoute que la recevabilité de son intervention n'est pas contestée par la société Inergence. Elle fait enfin valoir qu'elle ne s'est désistée, devant le tribunal de Strasbourg, que de son instance et non pas de son action, ce dernier ayant corrigé l'erreur matérielle portant sur ce point dans l'ordonnance de désistement.

La société Inergence indique ne pas discuter que la société Grenke soit 'fondée en son intervention volontaire', et ce au motif qu'il existe une relation tripartite entre un fournisseur, un acheteur et un locataire financier, ajoutant néanmoins, qu'au vu du désistement, la cour 'appréciera le mérite de l'appel'.

Il résulte des articles 325 et 329 du code de procédure civile que l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant. L'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

En l'espèce, les prétentions initiales de la société Inergence devant le tribunal de commerce de Nanterre visaient notamment à obtenir la condamnation de la société R Print, fournisseur du matériel, à lui payer diverses sommes, et notamment une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des obligations résultant du contrat de fourniture conclu entre elles.

Le contrat de fourniture étant concomittant au contrat de location financière, l'inexécution du premier pouvait avoir des conséquences sur le second, au regard de la théorie de l'interdépendance des contrats. Il est ainsi justifié d'un lien suffisant entre les prétentions initiales de la société Inergence et l'intervention volontaire de la société Grenke.

La société Grenke justifie en outre, par la production de l'ordonnance rectificative du juge de la mise en état du tribunal de Strasbourg, qu'elle ne s'est désistée que de son instance, de sorte qu'elle conservait son droit d'agir devant le tribunal de Nanterre ; elle doit donc être déclarée recevable en son intervention volontaire, le jugement étant infirmé de ce chef.

2 - sur les demandes formées par la société Grenke

La société Grenke sollicite, à titre principal, outre la restitution du matériel donné en location, la condamnation de la société Inergence à lui régler la somme de 13 593,69 euros au titre des loyers échus impayés et de l'indemnité de résiliation, faisant valoir que la société Inergence n'a pas respecté son obligation principale de payer les loyers, ajoutant qu'elle n'a pas restitué le matériel. Si la cour considérait que la société Inergence, comme elle le soutient, n'est pas en possession du matériel, elle sollicite le paiement d'une indemnité de non-restitution à hauteur de 8 662,50 euros. Elle ajoute que l'argumentaire soutenu par la société Inergence, quant à l'absence de livraison du matériel est 'voué à l'échec' dès lors que le bon de livraison a bien été signé par cette dernière, ce qui suffit à établir la réception du matériel en parfait état, étant au surplus observé que celle-ci s'est acquittée du loyer durant deux années. Elle rappelle avoir accepté, le 2 juin 2015 - après confirmation de la livraison du matériel signée le 1er juin 2015 - la demande de location signée par la société Inergence le 21 mai 2015, et soutient que le contrat de location est ainsi conclu à partir du 2 juin 2015, date de son acceptation. Elle conteste en outre le moyen soulevé par la société Inergence quant à l'interdépendance des contrats, soutenant qu'il n'existe qu'un unique contrat de location.

La société Inergence conclut au débouté des demandes formées par la société Grenke et à 'l'annulation ou la résolution du contrat de location financière avec toutes les conséquences de l'anéantissement du contrat'. Elle soutient ne jamais avoir été livrée du copieur, ce dont elle s'est plainte à de nombreuses reprises auprès de la société R Print, et pour la première fois le 30 juillet 2015, ce que celle-ci a reconnu, ajoutant que le procès-verbal de livraison n'a pas été communiqué. Elle fait valoir que, si elle a réglé les loyers à la société Grenke, c'était uniquement en contrepartie des règlements partiels effectués par la société R Print en paiement du 'rachat de contrat', rappelant avoir cessé le paiement des loyers lorsque la société R Print a elle-même cessé ses règlements. Elle soutient qu'en omettant de s'assurer que le matériel avait été livré et réceptionné, la société Grenke a manqué à ses obligations. Elle affirme enfin qu'il existe bien deux contrats interdépendants, l'un de vente, l'autre de financement, ajoutant que le contrat de financement ne peut continuer de s'exécuter si la livraison n'a pas été réalisée, affirmant que 'l'anéantissement du contrat principal doit entraîner la caducité de l'autre contrat'.

Il convient de répondre en premier lieu à la demande reconventionnelle de résolution du contrat de location financière, avant de statuer sur la demande principale de la société Grenke.

* sur la demande reconventionnelle de la société Inergence en annulation ou résolution du contrat de location financière

Si la société Inergence se fonde, dans les motifs de ses conclusions, sur la théorie de l'interdépendance des contrats concommittants incluant une location financière, pour soutenir que l'anéantissement d'un

contrat doit entraîner la caducité de l'autre, force est toutefois de constater qu'au terme du dispositif de ses conclusions - qui seul saisit la cour - elle ne sollicite que 'l'annulation ou la résolution du contrat de location financière', sans former aucune demande au sujet du contrat de fourniture, ni solliciter la caducité, par voie de conséquence, du contrat de location financière. Faute de demande de résolution d'un premier contrat, pouvant entraîner la caducité d'un second, il n'y a pas lieu de rechercher si les contrats sont ou non interdépendants.

La seule prétention dont la cour est ainsi saisie est celle de 'l'annulation et/ou la résolution' du contrat de location financière. Le seul moyen soutenu à l'appui de cette prétention étant celui de l'inexécution des obligations de la société Grenke, la sanction ne peut être que la résolution et non l'annulation du contrat.

Il résulte de l'article 1184 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

Ainsi que le fait observer la société Grenke, le contrat de location financière ne lui confère qu'un rôle financier, ses obligations se limitant à se porter acquéreur du matériel auprès du fournisseur (société R Print), à en payer le prix, puis à le donner en location à la société Inergence. Dès lors que la livraison est réalisée par le fournisseur directement entre les mains du locataire, c'est ce dernier qui en atteste sous sa responsabilité, le rôle de la société Grenke se limitant à constater la signature du bon de livraison qui déclenche le paiement au fournisseur.

Contrairement à ce que soutient la société Inergence, le bon de livraison signé par ses soins le 1er juin 2015, portant son tampon, est bien produit par la société Grenke en pièce numéro 2. Ce document est également signé par le fournisseur. La signature des parties est immédiatement précédée de la mention suivante : 'important (en gras dans le texte): le prix d'achat du/des produit(s) est versé au fournisseur sur présentation de la confirmation de livraison. Si le locataire ne procède pas à la vérification du bon fonctionnement du produit/ou signe la présente sans avoir réceptionné l'intégralité du/des produit(s) ou sans avoir vérifié sa conformité (...), il ne pourra exercer aucun recours contre le bailleur et lui devra réparation de son préjudice.'

Au regard de cet avertissement, la société Inergence était pleinement informée qu'elle ne pouvait signer le bon de livraison sans avoir réceptionné le matériel et vérifié son bon fonctionnement, de sorte qu'elle ne peut sérieusement prétendre qu'elle n'a pas été livrée du copieur commandé.

Force est en outre de constater que sa première réclamation, adressée au seul fournisseur R Print, n'est intervenue que deux mois plus tard, le 31 juillet 2015, étant enfin observé que la société Inergence a réglé les loyers à la société Grenke durant deux années, jusqu'en juin 2017, ce qui ne pourrait se comprendre si elle n'avait pas effectivement réceptionné le matériel.

La société Inergence n'est en outre pas fondée à soutenir que la société R Print a reconnu le défaut de livraison, le courriel de cette dernière du 3 août 2015 ne mentionnant que des excuses par rapport au retard sur les conditions convenues à propos du rachat.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est justifié d'aucun manquement de la société Grenke à ses obligations, étant notamment précisé qu'elle n'a réglé le fournisseur qu'après réception du bon de livraison signé par la société Inergence.

La demande en résolution du contrat de location financière ne peut donc qu'être rejetée.

* sur les demandes de la société Grenke

La société Grenke indique qu'au regard de l'arrêt du paiement des loyers par la société Inergence à compter de juillet 2017, elle était fondée à prononcer la résiliation du contrat au 17 novembre 2017. Elle sollicite dès lors le paiement des loyers échus impayés et de l'indemnité de résiliation, outre la majoration prévue au contrat et les frais de recouvrement, à hauteur de la somme globale de 13 593,69 euros, outre intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 17 novembre 2017 sur la somme de 13 540 euros.

La société Inergence demande, au dispositif de ses conclusions, de 'dire qu'il devra être tenu compte des sommes déjà versées au titre de la location financière', sans toutefois expliciter cette demande dans les motifs de ses conclusions.

Il résulte de l'article 11 du contrat de location Grenke que : 'en cas de résiliation anticipée dans les conditions définies à l'article précédent (...), le locataire restera tenu de payer au bailleur, en compensation du préjudice subi, les loyers échus, les intérêts de retard de paiement éventuels restant dus et les loyers à échoir jusqu'au terme initialement prévu du contrat pour la période contractuelle en cours, majorés de 10% à titre de sanction.'

Au regard de la résiliation anticipée du contrat, la société Grenke, qui a exécuté ses propres obligations,est en droit de faire application de l'article 11 précité. Sa demande en paiement à hauteur de 13 593,69 euros porte sur les échéances échues impayées et l'indemnité de résiliation, outre une pénalité et des frais de recouvrement, le quantum de cette demande n'étant pas sérieusement discuté.

La société Inergence est donc condamnée à payer à la société Grenke la somme de 13 593,69 euros (dont 40 euros de frais forfaitaires de recouvrement conformément à l'article D.441-5 du code de commerce), outre intérêts au taux légal majoré de 5 points (conformément à l'article 4.3 du contrat) sur la somme de 13 500 euros (hors intérêts et frais de recouvrement) à compter du 17 novembre 2017. Il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts.

S'agissant de la restitution du matériel, il convient de l'ordonner dès lors que le défaut de livraison n'est pas démontré, et ce sous astreinte dans les conditions fixées ci-après, étant précisé que la cour ne se réserve pas la liquidation éventuelle de l'astreinte.

La demande formée par la société Inergence, aux fins d'ordonner le déblocage de la somme de 15 480 euros suite à l'opposition formée par la société Grenke sur le prix de vente de son fonds de commerce, outre qu'elle ne repose sur aucun moyen invoqué dans la discussion, est infondée au regard de la condamnation prononcée à hauteur de la somme de 13 593,69 euros outre intérêts, cette condamnation devant s'imputer, à proportion, sur la somme bloquée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, dans les limites de sa saisine,

Déclare recevable l'appel interjeté par la société Grenke location,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 6 avril 2022 en ce qu'il a dit irrecevable l'intervention volontaire de la société Grenke location,

Et statuant à nouveau,

Déclare recevable l'intervention volontaire de la société Grenke location,

Condamne la société Inergence à payer à la société Grenke location la somme de 13 593,69 euros, outre intérêts au taux légal majoré de 5 points sur la somme de 13 500 euros à compter du 17 novembre 2017, avec capitalisation des intérêts,

Condamne la société Inergence à restituer à la société Grenke location le photocopieur de marque Sharp, modèle MX 3640 et ses accessoires, objet du contrat de location du 2 juin 2015, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois commençant à courir 15 jours après la signification du présent arrêt,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Inergence à payer à la société Grenke location la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Inergence aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par les avocats qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 22/03398
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;22.03398 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award