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27/06/2023 | FRANCE | N°22/00856

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 27 juin 2023, 22/00856


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Code nac : 2AZ





DU 27 JUIN 2023





N° RG 22/00856

N° Portalis DBV3-V-B7G-U76I





AFFAIRE :



Consorts [C]

C/

Consorts[B] [D]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/0411>


Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Erick MULAND DE LIK,



-PARQUET









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Code nac : 2AZ

DU 27 JUIN 2023

N° RG 22/00856

N° Portalis DBV3-V-B7G-U76I

AFFAIRE :

Consorts [C]

C/

Consorts[B] [D]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 19/0411

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Erick MULAND DE LIK,

-PARQUET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [G] [S] [C]

née le 26 Mai 1975 à [Localité 11] (BELGIQUE)

de nationalité Belge

[Adresse 4]

[Localité 3] (BELGIQUE)

Madame [T] [F] [C]-[I]

née le 27 Mai 1976 à [Localité 11] (BELGIQUE)

de nationalité Belge

[Adresse 1]

[Localité 5] - BELGIQUE

représentées par Me Erick MULAND DE LIK, avocat postulant - barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 91 - N° du dossier MEL04/22

Me Gaspard OKITADJONGA ANYIKOY, avocat - barreau de LILLE, vestiaire : 0443

APPELANTES

****************

Madame [P] [B] [D]

née le 02 Octobre 1982 à [Localité 8]

de nationalité Congolaise

et

Monsieur [Y] [B] [D]

né le 18 Octobre 2003 à [Localité 8]

de nationalité Congolaise

demeurant tous deux [Adresse 2]

[Localité 6]

Défaillants

INTIMÉS

****************

LE PROCUREUR GENERAL

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

pris en la personne de Mme Corinne MOREAU, Avocat Général

PARTIE JOINTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 03 Avril 2023, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

***********************

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Y] [B] [D] est né le 18 octobre 2003 en République démocratique du Congo de Mme [P] [B] [D]. Un jugement supplétif du tribunal de grande instance de Kinshasa du 27 octobre 2014 a suppléé à l'absence d'acte de naissance de l'enfant. Lors de cette action en justice, Mme [P] [B] [D] a déclaré que son enfant était le fils de [V], [Z] [C] [M].

Par acte introductif d'instance du 8 avril 2019, Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] ont assigné Mme [P] [B] [D] devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire) de Nanterre aux fins de voir, à titre principal, juger que la filiation de l'enfant envers M. [V] [C] [M], leur frère décédé, n'est pas établie, et qu'il ne portera pas son nom, et à titre subsidiaire, constater la non-conformité des actes d'état civil congolais tendant à établir la filiation de l'enfant envers le défunt.

Par un jugement contradictoire rendu le 23 novembre 2021 le tribunal judiciaire de Nanterre :

S'est déclaré compétent pour statuer sur l'action en contestation de la paternité de Mme [C] [G] à l'égard de l'enfant [B]-[D],

A déclaré irrecevable l'action de Mesdames [C] [G] et [C]-[I] [T] [F] en contestation de la paternité de Mme [C] [G] à l'égard de l'enfant. [Y] [B]-[D],

A condamné solidairement Mme [C] [G] et Mme [C]-[I] [T] [F] à verser à Me [X] la somme de 1150 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle,

A condamné solidairement Mme [C] [G] et Mme [C]-[I] [T] [F] à verser à Mme [P] [B] [D] la somme de 1850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

A condamné Mmes [C] [G] et [C]-[I] [T] [F] aux entiers dépens.

Mme [G] [S] [C] et Mme [C]-[I] [T] [F] ont interjeté appel de ce jugement le 13 février 2022 à l'encontre de M. et Mme [B] [D].

Par conclusions notifiées le 28 mars 2022, Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] demandent à la cour, au fondement de l'article 311-14 du code civil, et du code de la famille congolais, spécialement en ses articles 601 à 648, de :

- Dire leur appel recevable et fondé,

Partant,

- Réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et, statuant par voie des dispositions nouvelles :

- Dire et juger que la filiation de l'enfant [D] [B] alias [Y] [B] [C] à l'égard de M. [V] [Z] [C] [M] n'est nullement établie,

- Condamner Mme [B] à verser aux s'urs [C] la somme de 4000 euros TTC, en raison de 2000 euros TTC chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux fins de pallier les frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers frais et dépens de deux instances.

Par actes d'huissier de justice signifiés à personne, Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] ont fait signifier à Mme [B] [D] leur déclaration d'appel le 8 mars 2022, ainsi que leurs conclusions le 29 avril 2022. Cette dernière n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu.

Conformément à l'article 473 du code de procédure civile, le présent arrêt sera réputé contradictoire.

Par un avis rendu le 20 mars 2023, le ministère public a considéré que :

Sur la forme, l'appel est recevable ;

Sur le fond, « en l'absence de toutes pièces fournies par l'appelant à l'appui de ses conclusions, bien que la communication de celles-ci ait été sollicitée le 31 mai 2022 et en l'absence de conclusions de l'intimé, le ministère public s'en rapporte à l'appréciation de la cour ».

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel

Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il s'est « déclaré compétent pour statuer sur l'action en contestation de la paternité de Mme [C] [G] à l'égard de l'enfant [B]-[D] ». Cette disposition est donc devenue irrévocable.

Il convient toutefois de la compléter en indiquant que l'action en contestation de paternité a été introduite non seulement par Mme [G] [S] [C] mais également par Mme [T] [F] [C]-[I], de sorte qu'il sera précisé que la cour est compétente « pour statuer sur l'action en contestation de la paternité de Mme [G] [S] [C] et de Mme [T] [F] [C]-[I] à l'égard de l'enfant [B]-[D] » (souligné par la cour).

Sur la loi applicable

L'article 311-14 du code civil dispose que la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant.

En l'espèce, il est constant que la mère de l'enfant est Mme [P] [B]-[D] et qu'elle est de nationalité congolaise, de sorte que c'est la loi de la République démocratique du Congo qui s'applique à l'action en contestation de paternité de l'enfant [Y] [B]-[D].

Sur la recevabilité de l'action en contestation de paternité

Le jugement a considéré que Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] n'étaient pas recevables à agir aux motifs qu'elles ne démontraient ni être les s'urs du présumé père ni le décès de ce dernier.

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement les ayant déclarées irrecevables à agir, Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] font valoir que leur action est recevable car elles sont les s'urs de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E] et que ce dernier est décédé à [Localité 8] le 19 février 2007. Pour prouver le fait qu'ils sont frères et s'urs consanguins et utérins, elles produisent diverses pièces d'état civil dont elles affirment que, provenant de l'état civil belge, Etat membre de l'Union européenne, ils sont dispensés de légalisation. Elles expliquent que leur père est décédé le 28 janvier 1983 et qu'ayant découvert l'existence d'[Y], elles ont proposé un test ADN à Mme [P] [B]-[D], que cette dernière a refusé. Elles précisent avoir été assignées en partage successorale devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles par cette dernière, venant en représentation de son fils, lequel a sursis à statuer par jugement du 27 septembre 2018 dans l'attente d'une décision sur l'action en contestation de paternité intentée devant le juge français.

Au fondement de l'article 31 du code de procédure civile français et des articles 610 et 642 du code de la famille congolais, qui prévoient qu'une action en contestation de paternité peut être exercé par les cohéritiers du présumé père défunt, elles soutiennent être recevables à agir. Elles ajoutent que jamais, devant le juge belge saisi de l'action en partage successoral, Mme [P] [B]-[D] n'a contesté le fait qu'elles étaient les s'urs de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E] et qu'elle n'a pas non plus contesté que ce dernier était décédé le 19 février 2007.

Appréciation de la cour

L'article 610 du code de la famille congolais dispose que :

« L'action en contestation de paternité peut être intentée par :

1. Celui auquel la loi attribue la paternité d'un enfant ;

2. L'enfant majeur ;

3. La mère de l'enfant ;

4. Les cohéritiers de l'enfant ou ceux qu'il exclut d'une succession, lorsque celui auquel la loi attribue la paternité est mort » (souligné par la cour).

L'article 634 du code de la famille congolais précise que « Lorsque la filiation paternelle est prouvée par acte de l'état civil alors qu'elle n'est pas fondée sur la présomption légale du mariage, celui dont le nom est indiqué dans l'acte peut contester être le père de l'enfant lorsqu'il n'a pas été partie à l'acte ».

Selon l'article 642 du même code, l'action qui appartenait à une personne quant à la filiation peut être exercée par ses héritiers.

Lorsque le lien de filiation entre un père et son fils a été établi par « affiliation » (c'est-à-dire par déclaration de paternité hors mariage), l'article 627 précise que l'affiliation peut être contestée par toute personne intéressée ainsi que par le ministère public, s'il est prouvé que celui auquel la paternité a été attribuée n'est pas le géniteur de l'enfant.

Par ailleurs, les actes d'état civil émanant de la Belgique sont dispensés de légalisation, pour être valables en France, conformément à la convention des communautés européennes du 25 mai 1987.

Les actes d'état civil émanant de la République démocratique du Congé doivent faire l'objet d'une légalisation.

En l'espèce, les actes de naissance des appelantes (pièces 2 et 3), la composition de ménage (pièce 11) et le certificat de résidence (pièce 12) produits par les appelantes émanent des autorités belges et sont, par conséquent, dispensés de légalisation.

Il en ressort que Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] sont nées respectivement le 26 mai 1975 à [Localité 11] (Belgique) et le 27 mai 1976 à [Localité 11] (Belgique) de [U] [H]-[A] née le 1er novembre 1951 à [Localité 9] (Zaïre, ou Congo belge, devenu République démocratique du Congo) et de [C]-[I] né le 10 mai 1944 à [Localité 7] (Zaïre). Elles sont donc s'urs consanguines et utérines.

La « composition du ménage » émanant des autorités belges indique qu'au 24 septembre 1979, vivait également au foyer M. [C] [M], né le 21 mai 1972 à [Localité 8].

Le nom « [C] [M] [V] [Z] » apparaît également comme le nom du père sur les trois actes de naissances de l'enfant [Y] [B]-[D], non légalisés et émanant de différentes communes en République démocratique du Congo (pièces 6, 7 et 8). L'un de ces actes de naissances précise que le père est « [C] [N] [E] de nationalité congolaise né à [Localité 8] le 21 mai 1972 » (pièce 7). Ces actes ont été produits par la mère dans le cadre de la procédure belge.

Il s'ensuit que M. [C] [M] et [C] [M] « [E] » est bien la même personne, et que ce dernier a vécu enfant, dans le même foyer que les deux s'urs.

Le certificat de résidence historique, émanant des autorités belges, permet d'établir que la famille a vécu en Belgique entre 1975 et 1979. A l'audience, le conseil des appelantes a précisé qu'au décès de leurs parents, elles ont vécu chez une tante en Belgique tandis que leur frère est resté vivre en République démocratique du Congo.

Les appelantes produisent également une attestation de décès émanant du centre de santé de [Localité 8], faisant état du décès le 19 février 2007, à l'âge de 35 ans, de « [C]-[E] » des suites de maladie (pièce 4). Cette pièce n'est pas un acte d'état civil et n'est pas légalisée. Il constitue toutefois un indice notoire en faveur du décès de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E].

Il résulte enfin de l'acte d'hérédité du notaire belge (pièce 22-1) et du jugement du tribunal de première instance francophone de Bruxelles (pièce 23-5) que M. [Y] [B]-[D] est appelé, aux côtés des appelantes, comme héritier du père de ces dernières (qui serait donc le grand-père présumé de l'enfant), [C]-[I] né le 10 mai 1944 à [Localité 7] (Zaïre) et mort à [Localité 8] le 28 janvier 1983. Sa qualité d'héritier lui est transmise par son père décédé identifié comme : « Monsieur [C] [M] [E], né à [Localité 8] le 21 mai 1972, célibataire, domicilié à [Localité 8] et décédé à [Localité 8] le 19 février 2007 ». La qualité de co-héritières de chacune des s'urs n'est nullement contestée par la mère, Mme [P] [B]-[D], venant en représentation de son fils alors mineur, et est au contraire revendiquée par elle puisqu'elle a elle-même assigné les deux s'urs, en partage de succession au profit de son fils, suite à la découverte d'un compte en Suisse appartenant au grand-père décédé.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] sont bien les s'urs de M. [C] [M] [V] [Z], dit [E], lequel est décédé de façon certaine (et probablement le 19 février 2007 à [Localité 8]).

Elles sont donc cohéritières de M. [Y] [B]-[D].

Dès lors, en application des articles 610 et 642 du code de la famille congolais, Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] sont recevables à agir en contestation de paternité de leur frère décédé.

Sur le fond

Moyens des parties

Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] demandent, au fondement des articles 634 et 614 du code de la famille congolais, que la filiation de M. [Y] [B]-[D] à l'égard de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E] n'est pas établie.

Elles font valoir que l'enfant [Y] [B]-[D] est né le 18 octobre 2003 et que, contrairement aux dispositions de la loi congolaise, il n'a jamais fait l'objet d'un acte de reconnaissance de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E] entre sa naissance et le 19 février 2007, date du décès de ce dernier.

Elles ajoutent que devant le juge belge, Mme [P] [B]-[D] aurait reconnu avoir obtenu les actes d'état civil de son fils par procuration, de son initiative, postérieurement au décès de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E]. Elles soutiennent qu'aucune action en recherche de paternité n'a été entreprise en République démocratique du Congo.

Appréciation de la cour

L'article 614 du code de la famille congolais dispose que :

« Tout enfant né hors mariage doit faire l'objet d'une affiliation dans les 12 mois qui suivent sa naissance.

Passé ce délai, l'affiliation ne pourra se faire que moyennant paiement d'une amende allant de 1000 à 5000 zaïres.

Si le père refuse d'affilier son enfant né hors mariage et lorsque l'action en recherche de paternité est déclarée fondée, le jugement vaut affiliation et mention en est faite dans l'acte de naissance de l'enfant.

Dans ce cas, le père sera puni d'une peine de servitude pénale de 10 à 30 jours et d'une amende de 5000 à 10 000 zaïres ou de l'une de ces peines seulement » (pièce 10-3).

Selon l'article 616 du même code, l'affiliation doit intervenir même si le père est mineur. Dans ce cas, il agit seul. Si le père meurt ou n'est pas en mesure de manifester sa volonté, un ascendant ou un autre membre de la famille doit agir en son nom.

L'article 627 précise que l'affiliation peut être contestée par toute personne intéressée ainsi que par le ministère public, s'il est prouvé que celui auquel la paternité a été attribuée n'est pas le géniteur de l'enfant.

En l'espèce, il est constant que jamais M. [V] [Z] [C] [M], dit [E] n'a reconnu l'enfant entre sa naissance en 2003 et le 19 février 2007, date du décès de ce dernier.

Le jugement du tribunal de grande instance de Kinshasa du 27 octobre 2014 résulte d'une requête déposée par Mme [P] [B] [D] sur le fondement de l'article 106 du code de la famille congolais, lequel dispose, en son alinéa 1, que « le défaut d'acte de l'état civil peut être suppléé par jugement rendu par le tribunal de grande instance sur simple requête présentée au tribunal du lieu où l'acte aurait dû être dressé ». Ce jugement a donc été rendu pour pallier à un défaut d'acte d'état civil, un défaut d'acte de naissance en l'espèce, mais n'est en aucun cas un jugement portant sur la filiation et visant à établir ou reconnaître une filiation paternelle. Dans ses motifs, le jugement évoque les dires de la mère selon lesquels au moment de la naissance, elle et M. [V] [Z] [C] [M] résidaient à la même adresse dans la commune de [Localité 10] et selon lesquels la naissance n'a pas été déclarée devant l'officier d'état civil compétent. Dans son dispositif, il « déclare recevable et fondée l'action ; dit que [D] [B] [Y] de sexe masculin est né à [Localité 8] le 18 octobre 2003 ; ordonne à l'officier d'état civil de la commune de [Localité 10] de lui délivrer un acte de naissance valable » (pièce 9-3). Par conséquent, ce jugement n'a pas pour objet la filiation de l'enfant et ne saurait suffire à établir une filiation paternelle.

Les trois actes de naissance de l'enfant [Y] [B] [D] ne sont pas légalisés et sont postérieurs au décès pour être datés du 25 juillet 2007, 2014 et 5 décembre 2015. Il s'agit d'actes dressés par l'officier d'état civil de différentes communes congolaises sur déclaration d'un tiers (s'agissant des actes de 2007 et 2014) et selon « les documents en ma possession » (s'agissant de l'acte de 2015). Le fait qu'il existe un acte dressé le 25 juillet 2007 est surprenant car le jugement du tribunal de Kinshasa de 2014 énonce qu'aucun acte de naissance de l'enfant n'a été dressé auparavant.

Mme [P] [B]-[D], pourtant dûment citée à personne devant cette cour, n'a pas constitué avocat pour s'en expliquer. La cour ne dispose d'aucun élément (photographies, lettres d'un père à son fils, participation aux frais d'entretien et d'éducation ') qui permettrait d'établir un lien d'attachement entre [V] [Z] [C] [M] de son vivant et M. [Y] [B]-[D].

Dès lors, la filiation paternelle de M. [Y] [B]-[D] ne repose que sur les dires de la mère, postérieurement au décès du présumé père et n'est établie par aucun autre élément de preuve.

Il en résulte que la paternité alléguée de M. [Y] [B]-[D] à l'égard de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E], n'est pas établie.

Il sera donc déclaré que la paternité de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E] à l'égard de M. [Y] [B]-[D] n'est pas établie.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les frais irrépétibles et les dépens.

Parties perdantes, Mme [P] [B]-[D] et M. [Y] [B]-[D] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Mme [P] [B]-[D] et M. [Y] [B]-[D] seront en outre condamnés in solidum à verser à chacune des appelantes 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition,

PRÉCISE que la cour est compétente pour statuer sur l'action en contestation de la paternité de Mme [G] [S] [C] et de Mme [C]-[I] [T] [F] à l'égard de l'enfant [Y] [B]-[D] ;

Dans les limites de sa saisine,

INFIRME le jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE recevable l'action en contestation de paternité intentée par Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] concernant la paternité présumée de M. [V] [Z] [C] [M] à l'égard de M. [Y] [B]-[D] ;

DÉCLARE que la paternité de M. [V] [Z] [C] [M], dit [E] à l'égard de M. [Y] [B]-[D] n'est pas établie ;

CONDAMNE Mme [P] [B]-[D] et M. [Y] [B]-[D] in solidum aux dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE Mme [P] [B]-[D] et M. [Y] [B]-[D] in solidum à verser à Mme [G] [S] [C] et Mme [T] [F] [C]-[I] 1000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Sixtine DU CREST, conseiller, pour la présidente empêchée, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 22/00856
Date de la décision : 27/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-27;22.00856 ?
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