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22/06/2023 | FRANCE | N°22/01448

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2e chambre 1re section, 22 juin 2023, 22/01448


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 22G



2e chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 22/01448 -

N° Portalis DBV3-V-B7G- VBU7



AFFAIRE :



[S] [G]

C/

[B] [V] divorcée [G]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Janvier 2022 par le Juge aux affaires familiales de NANTERRE

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 19/10003

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Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 22/06/2023

à :



Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Marine DE RAUCOURT, avocat au barreau de VERSAILLES



TJ NANTERRE













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 22G

2e chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 22/01448 -

N° Portalis DBV3-V-B7G- VBU7

AFFAIRE :

[S] [G]

C/

[B] [V] divorcée [G]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 28 Janvier 2022 par le Juge aux affaires familiales de NANTERRE

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 19/10003

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 22/06/2023

à :

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Marine DE RAUCOURT, avocat au barreau de VERSAILLES

TJ NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [G]

né le 03 Mars 1965 à AMSTERDAM - PAYS BAS

de nationalité

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Norbert GOUTMANN de la SCP NORBERT GOUTMAN, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : PC 2

Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25699

APPELANT

****************

Madame [B] [V] divorcée [G]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Présente

Représentant : Me Johanna TAHAR de l'AARPI LE CARRÉ, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0154

Me Marine DE RAUCOURT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 207

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2023 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique SALVARY, Président,

Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller,

Madame Sophie MATHE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Elisa PRAT,

FAITS ET PROCEDURE

Mme [B] [V] et M. [S] [G] se sont mariés le 7 avril 2000 à [Localité 3] (92), sans contrat de mariage préalable. De cette union est issue [W], née le 20 août 2003, aujourd'hui majeure.

Par un jugement du 18 janvier 2010, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre a notamment :

- prononcé le divorce aux torts de l'époux,

-ordonné la liquidation du régime matrimonial, désigné un notaire et un juge,

-condamné M. [G] à payer à Mme [V] la somme de 1500 euros de dommages et intérêts,

-condamné M. [G] à payer à Mme [V] une prestation compensatoire de 30 000 euros,

-rejeté la demande d'attribution préférentielle de Mme [V].

Par un arrêt du 12 avril 2012, la cour d'appel de Versailles a infirmé partiellement le jugement et a :

-prononcé le divorce aux torts partagés des époux,

-condamné M. [G] à payer à Mme [V] une prestation compensatoire de 60 000 euros en

capital,

-infirmé le jugement quant à la désignation d'un notaire,

-dit n'y avoir lieu à attribution préférentielle du logement familial à Mme [V].

Par un jugement du 23 novembre 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre a ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision ayant existé entre M. [G] et Mme [V] et désigné Maître [L] [Y] pour y procéder.

Le 17 mai 2019, le notaire a dressé un procès-verbal de lecture du projet d'état liquidatif du régime matrimonial et un procès-verbal de difficultés.

Par un jugement du 28 janvier 2022, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre a notamment :

- rejeté la demande d'expertise formée par M. [G],

- rejeté la demande de M. [G] tendant à ce qu'il soit dit que le prêt familial a été soldé,

- rejeté la demande de M. [G] tendant à voir dire que le prêt souscrit auprès de la Banque Populaire a été remboursé par lui au-delà de 2012 et jusqu'en 2014,

- dit que c'était à juste titre que le notaire avait retenu que la quote-part locative représentait 50% des appels de charges et que l'indivision devait à Mme [V] la moitié des sommes payées par elle au titre des charges de copropriété,

- déclaré Mme [V] redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter du 18 septembre 2013 et ce jusqu'à la libération effective des lieux ou le partage,

- fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation à la somme de 2 682,60 euros,

- rejeté la demande de M. [G] tendant à se voir octroyer l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92),

- ordonné l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92), à Mme [V],

- homologué le projet d'état liquidatif élaboré par Maître [L] [Y] le 17 mai 2019 sauf à :

* modifier la période pendant laquelle les indemnités d'occupation sont dues par Mme [V] et recalculer la somme totale due à ce titre, en retenant une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2 682,60 euros, due à compter du 18 septembre 2013 et ce jusqu'à la libération effective des lieux ou le partage,

- rejeté l'ensemble des autres demandes des parties tendant à voir modifier les éléments figurant au projet d'état liquidatif annexé au procès-verbal de difficultés et de dires du 17 mai 2019,

- renvoyé les parties devant le notaire commis, Maître [L] [Y], pour que celui-ci établisse l'acte constatant le partage conformément aux points tranchés par la décision,

- condamné M. [G] à payer à Mme [V] la somme de 5 850 euros au titre des frais d'expertise et d'établissement du projet d'état liquidatif avancés par elle et dus par lui,

- condamné M. [G] à payer à Mme [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné M. [G] à payer à Mme [V] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de M. [G] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] aux entiers dépens.

Par une déclaration du 11 mars 2022, M. [G] a fait appel de cette décision en ce qu'elle :

- a rejeté sa demande d'expertise,

- a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit dit que le prêt familial a été soldé,

- a rejeté sa demande tendant à voir dire que le prêt souscrit auprès de la Banque Populaire a été remboursé par lui au-delà de 2012 et jusqu'en 2014,

- a dit que c'était à juste titre que le notaire avait retenu que la quote-part locative représentait 50% des appels de charges et que l'indivision devait à Mme [V] la moitié des sommes payées par elle au titre des charges de copropriété,

- a rejeté sa demande tendant à se voir octroyer l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92),

- a ordonné l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92), à Mme [V],

- a homologué le projet d'état liquidatif élaboré par Maître [L] [Y] le 17 mai 2019 sauf à modifier la période pendant laquelle les indemnités d'occupation sont dues par Mme [V] et recalculer la somme totale due à ce titre, en retenant une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2 682,60 euros, due à compter du 18 septembre 2013 et ce jusqu'à la libération effective des lieux ou le partage,

- a rejeté l'ensemble des autres demandes des parties tendant à voir modifier les éléments figurant au projet d'état liquidatif annexé au procès-verbal de difficultés et de dires du 17 mai 2019,

- a renvoyé les parties devant le notaire commis, Maître [L] [Y], pour que celui-ci établisse l'acte constatant le partage conformément aux points tranchés par la décision,

- l'a condamné à payer à Mme [V] la somme de 5 850 euros au titre des frais d'expertise et d'établissement du projet d'état liquidatif avancés par elle et dus par lui,

- l'a condamné à payer à Mme [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- l'a condamné à payer à Mme [V] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- a rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 28 octobre 2022, M. [G] demande à la cour de :

- DÉCLARER l'appel interjeté par Monsieur [G] recevable,

En conséquence,

- INFIRMER la décision rendue le 28 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'elle a :

* Rejeté la demande d'expertise formée par Monsieur [G],

* Rejeté la demande de Monsieur [G] tendant à ce qu'il soit dit que le prêt familial a été soldé,

* Rejeté la demande de Monsieur [G] tendant à dire que le prêt souscrit auprès de la Banque Populaire a été remboursé par lui au-delà de 2012 et jusqu'en 2014,

* Dit que c'est à juste titre que le notaire a retenu que la quote-part locative représentait 50% des appels de charge et que l'indivision devait à Madame [V] la moitié des sommes payées par elle au titre des charges de copropriété,

* Rejeté la demande de Monsieur [G] tendant à se voir octroyer l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92),

* Ordonné l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92) à Madame [V],

* Homologué le projet d'état liquidatif élaboré par Maître [Y] le 17 mai 2019 sauf à :

* Modifier la période pendant laquelle les indemnités d'occupation sont dues par Madame [V] et recalculer la somme totale due à ce titre, en retenant une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2.682,60 euros, due à compter du 18 septembre 2013 et ce jusqu'à la libération effective des lieux ou le partage,

* Condamné Monsieur [G] à payer à Madame [V] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts,

* Condamné Monsieur [G] à payer à Madame [V] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamné Monsieur [G] aux entiers dépens,

Et, statuant à nouveau :

- ORDONNER la désignation d'un expert judiciaire immobilier pour effectuer une nouvelle évaluation du bien sis [Adresse 1],

- JUGER que le prêt familial consenti par la famille de Madame [V] a été soldé il y a une dizaine d'années,

- JUGER que le prêt bancaire auprès de la Banque Populaire a été réglé par Monsieur [G] au- delà de l'année 2012 jusqu'en 2014,

- ACCORDER à Monsieur [G] l'attribution préférentielle du bien commun immobilier,

- FIXER l'indemnité d'occupation à la somme de 337.608 euros, soit 3.289 euros par mois conformément à l'évaluation expertale, à titre principal, et à titre subsidiaire pratiquer un abattement de 10% sur ce montant (art. 815-9 al. 2 et 262-1 du code civil),

- JUGER que les charges de copropriété sont intégralement à la charge de Madame [V], occupante des lieux depuis le 22 juillet 2008, conformément à la Jurisprudence afférente,

- CONDAMNER Madame [V] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- LA CONDAMNER aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina PEDROLETTI, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 12 octobre 2022, Mme [V] demande à la cour de :

- CONFIRMER le jugement rendu par le Juge aux affaires familiales de NANTERRE du 28 janvier 2022 en ce qu'il a :

* Rejeté la demande d'expertise formée par Monsieur [S] [G],

* Rejeté la demande de Monsieur [S] [G] tendant à ce qu'il soit dit que le prêt familial aurait été soldé,

* Rejeté la demande de Monsieur [S] [G] tendant à ce qu'il soit dit que le prêt souscrit auprès de la Banque Populaire a été remboursé par lui au-delà de 2012 et jusqu'en 2014,

* Rejeté la demande de Monsieur [S] [G] tendant à se voir octroyer l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92),

* Ordonné l'attribution préférentielle du bien immobilier situé [Adresse 1], à [Localité 3] (92), à Madame [B] [V],

* Condamné Monsieur [S] [G] à payer à Madame [B] [V] la somme de 5.850 euros au titre des frais d'expertise et d'établissement du projet d'état liquidatif avancés par elle et dus par lui,

* Condamné Monsieur [S] Monsieur [G] à payer à Madame [B] [V] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts afin d'indemniser son préjudice moral,

* Reconnu le principe de l'indemnisation de Madame [B] [V] par Monsieur [S] [G] de son préjudice financier,

* Condamné Monsieur [S] [G] à payer à Madame [B] [V] la somme 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* Rejeté la demande de Monsieur [S] [G] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

* Condamné Monsieur [S] [G] aux entiers dépens,

- INFIRMER le jugement rendu par le Juge aux affaires familiales de NANTERRE du 28 janvier 2022 en ce qu'il a :

* Dit que le c'est à juste titre que le Notaire a retenu que la quote-part locative représentait 50% des appels de charges et que l'indivision devait à Madame [B] [V] la moitié des sommes payées par elle au titre des charges de copropriété,

* Déclaré Madame [B] [V] redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter du 18 septembre 2013 et ce jusqu'à la libération effective des lieux ou le partage,

* Fixé le montant mensuel de l'indemnité d'occupation à la somme de 2.682,60 euros,

* Homologué le projet d'état liquidatif élaboré par Maître [Y] le 17 mai 2019, sauf à : modifier la période pendant laquelle les indemnités d'occupation sont dues par Madame [B] [V] et recalculer la somme totale due à ce titre, en retenant une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant de 2.682,60 euros, due à compter du 18 septembre 2013, et ce jusqu'à la libération effective des lieux ou le partage,

Et statuant de nouveau :

- HOMOLOGUER l'état liquidatif dressé par Maître [Y] le 17 mai 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l'indemnité d'occupation et l'abattement appliqué aux charges de copropriété,

- FIXER au titre des dépenses de l'indivision post communautaire l'intégralité des charges de copropriété, soit la somme de 45.569,94 € arrêtée au 28 juillet 2022 (à parfaire),

- CONSTATER que Monsieur [S] [G] a formulé sa demande au titre de l'indemnité d'occupation pour la première fois dans ses conclusions signifiées le 6 novembre 2020,

- DIRE ET JUGER que à titre principal la demande de Monsieur [S] [G] au titre de l'indemnité d'occupation est prescrite et à titre subsidiaire qu'il ne pourra la réclamer qu'au titre des 5 années précédant sa demande, et ce avec l'application d'un abattement de 30 %,

- CONDAMNER Monsieur [S] [G] à payer à Madame [B] [V] la somme de 372.500 euros à titre de dommages et intérêts pour son préjudice financier,

En tout état de cause :

- DÉBOUTER Monsieur [S] [G] de l'ensemble de ses demandes,

- CONDAMNER Monsieur [S] [G] au paiement de la somme de 14.000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 mars 2023.

Le 14 juin 2023, la cour a adressé la demande suivante aux parties :

Par son arrêt du 12 avril 2012 la cour d'appel de Versailles a « Dit n'y avoir lieu à attribution préférentielle du logement familial à Mme [V] ».

Cette décision a autorité de chose jugée au sens de l'article 480 du code de procédure civile.

La cour souhaite donc recevoir vos observations sur la recevabilité de la demande d'attribution préférentielle de Mme [V], concernant le même bien.

Vous pouvez faire parvenir vos observations jusqu'au mardi 20 juin 2023 avant 14 heures.

La cour vous remercie pour votre diligence.

M. [G] a répondu dans le délai imparti.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures déposées.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d'expertise de l'immeuble indivis

Le juge aux affaires familiales a retenu que les parties sont convenues, devant le notaire investi d'une mission judiciaire de liquidation, d'avoir recours au service des expertises de la chambre des notaires pour évaluer leur bien indivis. Il a ajouté que le rapport avait été déposé le 17 octobre 2018 et que les critiques de M. [G] ne reposaient sur aucune preuve. Sa demande d'une nouvelle expertise a donc été rejetée.

En appel, M. [G] conteste l'évaluation du bien indivis en se fondant sur un document critique qu'il a établi lui-même. Il invoque des évaluations effectuées par ses soins via des sites Internet dont il a fourni lui-même les critères d'estimation. La cour ne peut pas fonder sa décision sur ces éléments établis par M. [G].

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'expertise.

Sur le prêt familial

Le juge aux affaires familiales a inscrit au passif de la communauté un prêt familial consenti par le père de Mme [V] pour un montant de 270 000 euros.

En appel, M. [G] soutient que ce prêt a été remboursé il y a une dizaine d'années de sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à cette inscription au passif de la communauté. Il ne cite aucune pièce à l'appui de son affirmation.

Mme [V] répond que devant le notaire liquidateur, M. [G] a déclaré ce prêt familial au passif de la communauté à liquider. Elle ajoute que son existence est justifiée par les pièces qu'elle produit et demande la confirmation du jugement.

Mme [V] produit le justificatif d'un prêt familial consenti aux époux le 2 septembre 2000 par M. [M], prévoyant un remboursement de 90 mensualités de 10 000 francs, soit un prêt d'un montant total de 900 000 francs. Le tableau de remboursements mentionne 27 échéances non remboursées.

La communauté doit encore rembourser la somme de 270 000 francs (41 161,23 euros), tel que l'indique le projet d'état liquidatif (page 5).

Le jugement est confirmé en ce qu'il a retenu que le prêt familial n'a pas été remboursé par la communauté.

Sur le prêt consenti par la Banque Populaire

Le juge aux affaires familiales a retenu que M. [G] ne produisait aucune preuve à l'appui de son affirmation selon laquelle il aurait remboursé une partie de cet emprunt bancaire. Il a donc rejeté sa contestation.

En appel, M. [G] exprime la même prétention et ne cite, ni ne produit, toujours aucune pièce à l'appui de l'affirmation selon laquelle il a remboursé cet emprunt entre 2012 et 2014.

Mme [V] sollicite à juste titre la confirmation du jugement sur ce point.

Sur l'indemnité d'occupation

L'article 815-9, alinéa 2, du code civil dispose :

L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

L'article 815-10, alinéa 2, du même code ajoute :

Les fruits et les revenus des biens indivis accroissent à l'indivision, à défaut de partage provisionnel ou de tout autre accord établissant la jouissance divise.

En l'espèce, le juge aux affaires familiales a retenu la prescription partielle des indemnités d'occupation dues par Mme [V] et a fixé leur montant à la somme de 2682,60 euros par mois, dues jusqu'au partage de l'indivision ou la libération effective des lieux.

M.[G] conteste l'application d'un abattement sur la valeur locative du bien et sollicite un montant de 3 289 euros par mois, subsidiairement il propose un abattement de 10 % et non de 15 %. Il admet que l'indemnité d'occupation est due depuis le mois de septembre 2013.

Mme [V] demande l'infirmation du jugement et soutient à titre principal que la demande d'indemnités d'occupation est prescrite. Subsidiairement, elle estime que cette indemnité n'est due que pour les cinq années précédant la demande du 6 novembre 2020 et qu'il convient d'appliquer un abattement de 30 %.

En l'espèce, l'ordonnance de non-conciliation du 22 juillet 2008 a prévu une occupation gratuite du domicile conjugal par Mme [V] pendant le cours de la procédure de divorce, au titre du devoir de secours entre époux. Cette occupation est devenue onéreuse à compter de l'arrêt prononçant le divorce le 12 avril 2012.

Mme [V] soutient à juste titre qu'il convient de retenir la date de signification de cet arrêt, elle ne fournit toutefois pas l'acte de signification.

Il appartient à M. [G] d'établir à quelle date il a exprimé la première demande d'indemnités d'occupation, par un acte valant interruption de prescription.

Le juge aux affaires familiales a retenu le jour de l'ouverture des opérations de liquidation du régime matrimonial le 13 septembre 2018. Cet acte est repris par le notaire commis dans le procès-verbal de lecture de l'état liquidatif du 17 mai 2019 (page 11).

Il est ainsi démontré que M. [G] a bien demandé pour la première fois une indemnité d'occupation à la charge de Mme [V] le 13 septembre 2018, de sorte qu'il convient de faire partir le cours de l'indemnité d'occupation cinq années avant, le 13 septembre 2013.

Le juge aux affaires familiales a exactement mis à la charge de Mme [V] cette indemnité à partir de cette date et jusqu'au jour du partage ou de la libération effective des lieux.

Les parties sont en désaccord sur le montant de l'indemnité. Le rapport d'expertise notarié a estimé la valeur locative à partir de septembre 2013 aux sommes suivantes :

-septembre 2013 : 3215 euros,

-septembre 2014 : 3238 euros,

-septembre 2015 : 3250 euros,

-septembre 2016 : 3249 euros,

-septembre 2017 : 3255 euros,

-septembre 2018 : 3289 euros.

M.[G], demandeur à ce titre, ne sollicite pas l'actualisation de cette indemnité et ne produit aucun élément relatif à l'évolution du marché immobilier.

Mme [V] ne produit aucune pièce relative à l'évolution de la valeur locative de sorte que la cour retient les chiffres du notaire commis.

Mme [V], qui occupe les lieux de façon précaire puisque sa demande d'attribution préférentielle a été rejetée dès l'arrêt du 12 avril 2012, est fondée à revendiquer un abattement de 20 % sur la valeur locative.

Il convient donc de mettre à la charge de Mme [V] les indemnités suivantes :

-à partir de septembre 2013 : 2572 euros par mois,

-à partir de septembre 2014 : 2590,40 euros par mois,

-à partir de septembre 2015 : 2600 euros par mois,

-à partir de septembre 2016 : 2599,20 euros par mois,

-à partir de septembre 2017 : 2604 euros par mois,

-à partir de septembre 2018 : 2631,20 euros par mois.

Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur les charges de copropriété

L'article 815-13, alinéa 1er, du code civil dispose :

Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

Il est de jurisprudence constante que les charges de copropriété, à l'exclusion de celles relatives à l'entretien courant et aux consommations de fluides (eau, chauffage collectif, qui incombent à l'occupant) incombent à l'indivision s'agissant de dépenses de conservation du bien indivis (Civ. 1re, 12 décembre 2007, Bull. I, n° 385, pourvoi n° 06-11877 ; 16 avril 2008, Bull. I, n° 122, pourvoi n° 07-12224 ; 22 novembre 2005, Bull. I, n° 426, pourvoi n° 02-19283).

En l'espèce, le juge aux affaires familiales a retenu la proposition du notaire liquidateur et appliqué aux charges de copropriété payées par Mme [V] un abattement de 50 %, la moitié de ces charges incombant à l'indivision et l'autre moitié relevant de dépenses de l'occupante.

Mme [V] conteste cette décision en appel et soutient qu'il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement sur les charges de copropriété qui incombent, dans leur totalité, à l'indivision.

M.[G] répond que ces charges incombent en totalité à Mme [V] qui occupe seule les lieux.

Mme [V] produit les relevés de charges dont la lecture révèle qu'elles contiennent des charges d'eau froide et de chauffage. Ces dépenses ne sont pas à la charge de l'indivision mais à celle de l'indivisaire occupant, en application du texte précité tel qu'interprété par la Cour de cassation.

Le juge aux affaires familiales a retenu une juste répartition entre les charges incombant à l'indivision et celles devant être payées par l'occupante. Le jugement est donc confirmé sur ce point.

Sur les demandes d'attribution préférentielle

Le juge aux affaires familiales a attribué à titre préférentiel l'ancien domicile conjugal à Mme [V] en relevant qu'elle y vivait depuis 2008.

En appel M. [G] sollicite cette attribution à son profit et Mme [V] demande la confirmation du jugement.

La cour relève toutefois que l'arrêt du 12 avril 2012 a, dans son dispositif, dit n'y avoir lieu à attribution préférentielle du logement de la famille à Mme [V] au motif qu'elle ne justifiait pas être en capacité de payer la soulte due à M. [G].

Cette décision a autorité de chose jugée au sens de l'article 480 du code de procédure civile de sorte que le juge aux affaires familiales ne pouvait pas remettre en cause cette décision et attribuer le bien immobilier indivis à Mme [V], comme le reconnaît M. [G] dans sa note en délibéré. Le jugement est donc infirmé sur ce point et cette prétention est jugée irrecevable comme contraire à l'autorité de chose jugée (article 122 du code de procédure civile).

M.[G] sollicite l'attribution préférentielle de l'immeuble indivis à son profit sans expliquer par quel moyen il envisage de payer la soulte qui sera mise à sa charge. Sa demande est donc rejetée.

Sur les dommages et intérêts

L'article 1240 du code civil dispose :

Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le juge aux affaires familiales a condamné M. [G] à indemniser le préjudice moral de Mme [V] résultant de tous les moyens procéduraux qu'il a mis en 'uvre pour empêcher le partage du régime matrimonial.

En appel M. [G] conteste cette décision, il souligne qu'il s'est présenté à tous les rendez-vous chez le notaire, que ses contestations sont fondées notamment quant à l'augmentation de la valeur du bien indivis. Il souligne qu'il a dû quitter le logement conjugal en juillet 2008 et qu'il assume depuis des frais de logement.

Mme [V] répond que cette condamnation est insuffisante dans la mesure où l'opposition développée par M. [G] au cours de la procédure lui cause un préjudice financier important. Elle souligne qu'il a varié de multiples fois quant à l'attribution du bien immobilier, tantôt l'acceptant, tantôt la refusant. Elle ajoute que la valeur du bien indivis a augmenté, de même que l'indemnité d'occupation mise à sa charge. Elle demande en conséquence la somme de 372 500 euros.

La cour relève toutefois que Mme [V] sait, depuis l'arrêt du 12 avril 2012, qu'elle n'a pas obtenu l'attribution préférentielle de l'immeuble indivis. Ainsi, elle avait la possibilité de faire cesser le cours de l'indemnité d'occupation en quittant les lieux, ce qui aurait permis la vente du bien. Le préjudice financier qu'elle invoque ne résulte donc pas du seul comportement de M. [G].

Il demeure que M. [G] conteste les travaux du notaire liquidateur depuis 2019 et forme un recours juridictionnel alors que ses contestations ne reposent sur aucune preuve. Il varie dans ses décisions, tantôt acceptant les demandes de Mme [V], tantôt les refusant, sans justification. Il est établi par les constatations du juge aux affaires familiales que M. [G] a fait inutilement perdurer la procédure judiciaire (demandes de renvois, conclusions tardives, non respect du calendrier de procédure) et a ainsi provoqué un préjudice moral chez Mme [V], établi par les témoignages de son entourage et d'une sophrologue.

M. [G] a ainsi commis une faute qui a causé un préjudice moral chez Mme [V].

Au regard toutefois des souffrances décrites (stress, anxiété, tristesse, lassitude), il convient de réduire le montant de l'indemnité à la somme de 8 000 euros. Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur les autres demandes

Les principales prétentions de M. [G] étant rejetées, il est condamné à payer à Mme [V] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour le même motif, il est condamné à payer les dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, dans la limite de sa saisine, par un arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

CONFIRME le jugement prononcé par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Nanterre le 28 janvier 2022, sauf au titre du montant de l'indemnité d'occupation mise à la charge de Mme [V], de l'attribution préférentielle de l'immeuble indivis à Mme [V], du montant des dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

FIXE l'indemnité d'occupation due par Mme [V] à l'indivision aux sommes suivantes :

-à partir de septembre 2013 : 2572 euros par mois,

-à partir de septembre 2014 : 2590,40 euros par mois,

-à partir de septembre 2015 : 2600 euros par mois,

-à partir de septembre 2016 : 2599,20 euros par mois,

-à partir de septembre 2017 : 2604 euros par mois,

-à partir de septembre 2018 : 2631,20 euros par mois,

DECLARE irrecevable la demande d'attribution préférentielle du bien immobilier indivis présentée par Mme [V],

CONDAMNE M. [G] à payer à Mme [V] la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral,

Y ajoutant,

REJETTE la demande d'attribution préférentielle de M. [G],

CONDAMNE M. [G] à payer à Mme [V] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [G] à payer les dépens de l'instance,

REJETTE les autres demande de M. [G].

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique SALVARY, Président et par Madame PRAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2e chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 22/01448
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;22.01448 ?
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