La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/06/2023 | FRANCE | N°21/02600

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 22 juin 2023, 21/02600


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83E



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 21/02600 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWOL



AFFAIRE :



[F] [X]



C/



S.A.S. HIPPOCRATE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : AD

N° RG : F 20/00214


r>Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Alma BASIC de la SELARL BASIC ROUSSEAU AVOCATS



Me Agnès BALLEREAU-BOYER de la SELAS CAPSTAN COTE D'AZUR







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VING...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 21/02600 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UWOL

AFFAIRE :

[F] [X]

C/

S.A.S. HIPPOCRATE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : AD

N° RG : F 20/00214

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Alma BASIC de la SELARL BASIC ROUSSEAU AVOCATS

Me Agnès BALLEREAU-BOYER de la SELAS CAPSTAN COTE D'AZUR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [F] [X]

née le 09 Octobre 1986 à [Localité 4] (ALGERIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Alma BASIC de la SELARL BASIC ROUSSEAU AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: G0462

APPELANTE

****************

S.A.S. HIPPOCRATE

N° SIRET : 452 066 541

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentant : Me Agnès BALLEREAU-BOYER de la SELAS CAPSTAN COTE D'AZUR, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 104, substitué à l'audience par Me Timothée HENRY, avocat au barreau de GRASSE, vestiaire : 104

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mai 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, en présence de M. LAKHTIB Nabil, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Madame [F] [X] a été engagée par la société par actions simplifiée Hippocrate par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 septembre 2013 en qualité d'agent de service hospitalier avant d'exercer les fonctions d'aide médico-psychologique puis d'aide-soignante, statut employé qualifié, coefficient 222, moyennant un salaire mensuel brut moyen de 2 144.66 euros.

Les relations contractuelles étaient soumises à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif.

Par courrier du 30 mai 2017, l'Union Locale du syndicat CGT a sollicité l'organisation des élections professionnelles des délégués du personnel, puis par courrier du 15 juin 2017, elle a notifié à la société intimée son intention de présenter Mme [X] comme candidate à ses élections mais la salariée n'a pas été élue en raison, selon elle, du manquement de son employeur à son obligation de neutralité.

Déplorant des conditions de travail dégradées, Mme [X] a été en arrêt maladie à compter du 19 octobre 2017 jusqu'au terme de son contrat qui a pris fin le 12 décembre 2017 suite à la conclusion d'une rupture conventionnelle signée le 31 octobre 2017, adressée à la DIRECCTE pour homologation.

Par un courriel du 15 décembre 2017, l'Union Locale CGT a alerté l'inspection du travail quant à la violation du statut protecteur de la salariée de sorte que par courrier du 19 décembre 2017, l'inspection du travail a notifié à la société que la rupture conventionnelle aurait due lui être soumise pour autorisation et homologation en raison de la candidature de Mme [X] aux dernières élections professionnelles d'octobre 2017 et de sa protection toujours en cours.

A la suite d'une plainte pénale déposée par Mme [X] le 7 novembre 2018 pour « rupture sans autorisation du contrat de travail d'un délégué du personnel », la société Hippocrate a fait l'objet d'un rappel à la loi le 24 juin 2019.

Par requête reçue au greffe le 10 février 2020, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir la nullité de la rupture conventionnelle et sa requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse outre le versement de diverses sommes.

Par jugement du 1er juin 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- Fixé la rémunération mensuelle moyenne brute à 2 144,66 euros

- Dit que la rupture conventionnelle signée entre Mme [F] [X] et la SAS Hippocrate est nulle ;

- Requalifié la rupture conventionnelle de Mme [F] [X] en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamné en conséquence la SAS Hippocrate à verser à Mme [F] [X] :

* 4 289,3 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 428,93 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 712,38 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

* 10 723,30 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Dit que ces condamnations sont assorties de l'exécution provisoire de droit avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

- Ordonné à la SAS Hippocrate la régularisation de la situation de Mme [F] [X] auprès des organismes sociaux dans un délai de deux mois à compter du prononcé du présent jugement ;

- Ordonné à la SAS Hippocrate de remettre à Mme [F] [X] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent jugement, sans astreinte ;

- Condamné Mme [F] [X] à rembourser la somme de 7 426 euros à la SAS Hippocrate au titre de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle du fait de sa nullité prononcée ;

- Débouté Mme [F] [X] du surplus de ses demandes ;

- Débouté la SAS Hippocrate du surplus de ses demandes ;

- Mis les entiers dépens à la charge de la SAS Hippocrate.

Mme [X] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 12 août 2021.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 14 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [X] demande à la cour de :

- De la déclarer recevable en cause d'appel et bien fondée en ses présentes écritures.

Y faisant droit,

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a :

* Fixé la rémunération mensuelle moyenne brute à 2.144, 66 euros ;

* Prononcé que la rupture conventionnelle signée entre elle et la SAS Hippocrate est nulle ;

* Requalifier la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse. 

- Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a condamné la SAS Hippocrate à lui payer les sommes suivantes :

* 4 289,32 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

* 428,93 euros au titre des congés payés afférents à l'indemnité compensatrice de préavis;

* 712,38 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

* 10 723 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Et de l'infirmer en ce qu'il a limité la condamnation à :

* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Et y statuant de nouveau :

- Sollicite l'annulation, l'infirmation ou la réformation en ce qu'elle a été déboutée des demandes suivantes :

* d'annuler l'avertissement notifié le 4 novembre 2016 ;

* de condamner la S.A.S Hippocrate à lui payer :

2 144,66 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la notification de l'avertissement ;

12 867,90 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

4 289,32 euros à titre de dommages-intérêts jour entrave aux élections professionnelles des délégués du personnel ;

Et y statuant de nouveau :

Il est demandé à la cour d'appel de Versailles de condamner la S.A.S Hippocrate au paiement des sommes suivantes :

* 2 144, 66 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la notification de l'avertissement ;

* 12 867,90 euros à titre de dommages-intérêts pour défaut d'exécution de bonne foi du contrat de travail ;

* 4 289, 32 euros à titre de dommages-intérêts pour entrave aux élections professionnelles des délégués du personnel ;

* 12 867, 96 euros à titre de dommages-intérêts au titre de la méconnaissance du statut protecteur égale à la rémunération qu'elle aurait perçue en sa qualité de candidate non élue aux élections professionnelles depuis la date de son éviction, et ce, jusqu'à la fin de la période de protection de son mandat (du 12 décembre 2017 au 12 juin 2018) ;

* 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Intérêts au taux légal et anatocisme ;

- Débouter la SAS Hippocrate de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 11 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SAS Hippocrate demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien-fondée en son appel incident ;

- Confirmer le jugement rendu le 1er juin 2021 entre les parties par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ses dispositions qui ont débouté Mme [X] du surplus de ses demandes,

- Infirmer le jugement rendu le 1er juin 2021 entre les parties par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ses dispositions qui :

* ont prononcé la nullité de la rupture conventionnelle,

* ont condamné la société concluante à verser des sommes à Mme [X],

* ont débouté la société concluante de sa demande de dommages et intérêts au visa de l'article L.1222-1 du code du travail ;

Statuant à nouveau,

- Déclarer que les demandes formulées par Mme [X] sont non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant ;

- Débouter Mme [X] de l'ensemble de ses demandes, 'ns et conclusions ;

A titre reconventionnel,

- Condamner Mme [X] à lui verser les sommes de :

* 4.200 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

* 7.426 euros à titre de remboursement de l'indemnité spécifique de rupture du fait de la nullité de la rupture conventionnelle si la cour la prononçait par voie de confirmation ;

En tout état de cause,

- Condamner Mme [X] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du CPC,

- Condamner Mme [X] aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELAS Capstan Cote D'azur, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 5 avril 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'exécution du contrat de travail 

Sur la demande d'annulation de l'avertissement notifié à Mme [X] le 4 novembre 2016

Mme [X] sollicite l'annulation de son avertissement notifié le 4 novembre 2016 à la suite d'un entretien préalable qui s'est tenu le 26 octobre 2016 et le versement de 2 144,66 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi.

L'avertissement est rédigé en ces termes :

« Dans la nuit du mardi 11 Octobre, vous étiez en poste de 21h00 à 7h00. Lors de votre passage dans la chambre de Madame [V] en milieu de nuit, la résidente vous a demandé de la changer au lit car elle était trop fatiguée pour se lever et aller jusqu'aux toilettes. Vous lui avez répondu que vous ne la changeriez pas au lit, qu'il fallait qu'elle se lève et qu'elle marche jusqu'aux WC, ce qui a fortement contrarié la résidente de 92 ans qui venait de rentrer de plusieurs jours d'hospitalisation. Vous avez reconnu les faits et vous avez également reconnu que la réponse que vous avez apporté à cette résidente est inappropriée et ne correspond à aucun moment à ce que l'on attend de vous et de votre travail sur la prise en charge des résidents la nuit. Je vous rappelle que le confort et le bien-être des 74 résidents que nous accueillons est au c'ur de nos préoccupations. Vous connaissez notre volonté de mettre en place les principes d'humanitude dans les soins, principes auxquels vous êtes formée, afin d'assurer aux résidents et aux familles l'excellence dans la prise en charge tout au long de la journée et de la nuit. Ce comportement est inadmissible et porte directement atteinte à l'image de la résidence. Je ne pourrai tolérer davantage un tel comportement et vous demande donc d'y remédier dans les plus brefs délais. Ceci constitue un fait fautif qui m'amène en conséquence à vous notifier le présent avertissement qui figurera dans votre dossier. »

Selon l'article L. 1333-1 du Code du travail, le juge apprécie si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction disciplinaire puis leur degré de gravité. L'employeur doit fournir au juge les éléments qu'il a retenus pour prendre la sanction et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction et peut ordonner, si besoin est, toutes les mesures d'instructions utiles. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Par courrier du 23 mars 2017, la salariée a reconnu avoir accompagné la résidente nonagénaire aux toilettes à l'aide de son déambulateur malgré sa demande d'être changée au lit puisque fatiguée mais Mme [X] a contesté cette sanction arguant :

- que la nuit des faits, elle avait été dans l'incapacité de changer la résidente en protection complète ou en pull ups en raison d'une rupture de stock de matériel, en conséquence, elle avait été contrainte de s'adapter en accompagnant la résidente aux toilettes malgré sa demande d'être changée au lit ;

- que la nonagénaire était rentrée depuis plusieurs jours d'hospitalisation sans qu'aucune consigne de conduite à tenir ne soit mentionnée sur la transmission de nuit ni aucun rapport sur son état de santé ne lui ait été communiqué ;

- que, quoi qu'il en soit, son « intention envers la résidente était la bonne soutenant que son rôle était de maintenir l'autonome des résidents et de les rassurer afin qu'ils passent une nuit paisible ».

La société Hippocrate fait valoir que Mme [X] ne conteste pas les faits mais cherche à les atténuer, que l'équipe médicale, dont fait partie les aides-soignants, est formée aux concept de « bientraitance » et aux thérapies non médicamenteuses, concepts basés sur des méthodes de communication verbales et non verbales entre le soignant et le soigné afin d'assurer le bien-être des personnes âgées tel qu'il ressort de la pièce 1 de la société intimée.

Il est établi que Mme [X] a suivi une formation d'aide médico psychologique d'une durée de 637 heures du 28 avril 2014 au 30 avril 2015, en conséquence, qu'elle avait acquis des compétences en la matière et qu'elle s'est engagée dès son contrat de travail initial en qualité d'agent de service hôtelier, à veiller au bien-être des résidents de même qu'à observer les règles de courtoisie dans ses relations avec ces derniers en application des articles 4 et 5 de son contrat de travail signé le 6 juin 2013.

Il ressort des avis de transmission de nuit produits, que :

- la nuit 21 septembre 2016, Mme [X] a refusé d'aider Mme [V] à mettre sa protection de nuit complète dont elle était dotée et cette dernière a été contrainte de s'en charger seule, ce qui a frustré la résidente qui est devenue ensuite, difficile à gérer ;

- Mme [G], infirmière, a mentionné le 22 septembre 2016, soit le lendemain, que la résidente nonagénaire avait des « douleurs dorsales persistantes malgré l'Ixprim » (pièce 63 de l'appelante) ;

- Mme [V] a été hospitalisée du 26 septembre au 5 octobre 2016 ;

- le 6 octobre 2016, soit le lendemain de son retour de l'hôpital, un fauteuil a été mis à sa disposition en raison de douleurs dorsales et cervicales persistantes, qu'elle ne dormait pas et répétait « oh, ça ne va pas mais pas du tout' », et qu'il lui était prescrit de l'« oxynorm 5mg si pic douloureux » ;

- que la résidente a cessé de se plaindre de douleurs le 22 novembre 2016 « arrêt de l oxynorm, aucune plainte douloureuse ces dernières 48h ».

En conséquence, il est matériellement établi que Mme [X] avait connaissance de l'état de santé dégradé de la résidente à la date des faits.

Concernant la rupture de stock, ou de l'insuffisance de matériel mentionnée dans les écritures de l'appelante, Mme [X] soutient qu'il s'agissait d'un problème récurrent et produit :

- des photographies sur lesquelles apparaissent des parties d'étagères pleines, d'autres vides et des cartons entreposés au sol (pièces 37, 37.1 et 37.2) qui ne permettent cependant pas d'établir la matérialité de cette allégation à la date des faits puisqu'elles ne sont pas datées, puis de déterminer quel éventuel matériel pourrait manquer ;

- l'attestation de Mme [K], collègue de Mme [X] de 2013 à 2016, et le courrier de l'union locale CGT du 30 mai 2017 adressé à la DIRECCTE Ile de France de Bagneux qui font état d'un manque de matériel, allégations non datées et imprécises qui ne permettent pas à nouveau, d'établir l'insuffisance de matériel durant la nuit du 11 octobre 2016 ;

- 26 avis de transmission de nuit qui s'échelonnent du 10 février au 10 octobre 2017 (pièces 38 à 38.2 et 40 à 62) qui ne font pas état de manque de protections complètes ou de pull ups pour la nuit ;

- l'avis de transmission de la nuit du 11 octobre 2016 sur lequel aucune mention de manque de matériel ne figure (pièce 60 de l'appelante).

Compte tenu de ces éléments, la rupture de stock de matériel ou son insuffisance durant la nuit du 11 octobre 2016 n'est pas établie.

Quel que soit le tempérament de la résidente décrit comme autoritaire lorsqu'elle a exigée le 18 septembre 2016, d'aller à l'hôpital passer une radio compte tenu de sa douleur sans attendre le passage du médecin le lendemain ou la difficulté de prise en charge de son incontinence urinaire la nuit en raison de ses demandes changeantes de protection nocturne constatées les 5 février et 13 mai 2017 notamment, ou encore son insatisfaction quant aux soins prodigués relatée le 10 octobre 2017, ces mentions inscrites dans les avis de transmissions ou le dossier de la résidente à des dates antérieures ou postérieures de plusieurs semaines ou mois par rapport aux faits litigieux de la nuit du 11 octobre 2016, ne peuvent justifier utilement les faits reprochés à Mme [X].

Mme [X] ne peut également valablement s'en dédouaner en invoquant l'attestation de Mme [I], psychologue clinicienne qui mentionne, entre autres et sans qu'aucun lien de cause à effet ne puisse être établi, que la salariée présente « un état de dépression et de fragilité » et que « son employeur par ses agissements, a développé en elle, un état de peur et d'angoisse ».

En conséquence, la cour estime que Mme [X] avait suffisamment d'informations médicales en sa possession pour accéder à la demande de la résidente nonagénaire et la changer au lit, la rupture de stock de matériel n'étant pas établie.

Il s'ensuit que l'avertissement notifié à Mme [X] est justifié, que la société Hippocrate n'a pas abusé de son pouvoir disciplinaire. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par la société Hippocrate

En application de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

L'appelante critique le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas rendu sa décision de ce chef sur les articles 1104 du code civil, L. 1222-1 et L. 4121-1 du code du travail ensemble, visés.

L'article L. 4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, mesures qui doivent comprendre des actions de prévention, d'information et de formation, et la mise en place d'une organisation adaptée.

Mme [X] sur laquelle repose la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat par l'employeur, sollicite la somme de 12 867,90 euros à titre de dommages-intérêts et fait valoir qu'elle avait à charge 74 résidents répartis sur 3 étages dont une unité protégée de 10 résidents puis elle affirme qu'elle a travaillé dans des conditions de travail délétères en raison d'une surcharge de travail, d'un manque de personnel et de moyens, qu'elle a alerté la direction à ce sujet sans qu'aucune enquête ne soit diligentée, qu'elle a subi des pressions en vue de la signature d'une rupture conventionnelle et que son état de santé s'en est consécutivement dégradé, caractérisant ainsi, une exécution déloyale du contrat de travail par son employeur.

Le nombre de résidents et d'étages est établi par un état daté du 1er juin 2017 et un second du 28 août de la même année, de même que l'existence d'une unité protégée de 13 résidents selon une synthèse de statistiques du 5 mai 2017 produite et relative aux états pathologiques, aux niveaux de soins nécessaires et à la distribution des profils de soins des 13 personnes considérées.

Sur les allégations de conditions de travail délétères, le manque de personnel et de moyens

La salariée fait valoir qu'elle a commencé par dénoncer une organisation de travail en journée qui était « source de fatigue importante aggravée par un manque de personnel la contraignant à travailler vite et par un roulement de planning qui ne lui permettait pas de récupérer alors qu'elle avait une journée de travail coupée ou en alternance », or les plannings versés aux débats sur la période d'octobre 2013 à fin août 2015, permettent de constater qu'entre chaque cycle de travail de deux ou trois jours (en horaires de journée ou de matinée), à part quelques exceptions, la salariée bénéficiait de deux à trois jours de repos consécutifs lui permettant de se reposer, ce qui dès lors, ne peut caractériser un manquement de son employeur à son obligation de santé et de sécurité. La salariée ne démontrant pas un manque de personnel sur cette période compte tenu des tâches listées à réaliser, l'exécution déloyale du contrat de travail par la société, ne peut être retenue sur ce fondement et cette période.

Les plannings de travail de nuit produits, couvrant la période du 31 août 2015 à fin 2017, font état d'un cycle de travail de nuit régulier entrecoupé de jours de repos comme suit : 2 jours de travail de nuit, 3 jours de repos, 2 jours de travail de nuit, 2 jours de repos, 3 jours de travail de nuit, 3 jours de repos. Ce rythme ne permet pas de justifier l'allégation de conditions de travail délétères.

Mme [X] soutient en outre avoir travaillé selon un planning de 21h à 7h avec en théorie, une pause d'une heure qu'elle ne pouvait prendre dans sa globalité dans les faits, sans toutefois le justifier.

La société ne dément pas qu'elle ait 'uvré seule en qualité d'aide-soignante durant le travail de nuit mais il est constant qu'elle travaillait en binôme avec un agent de service hospitalier dont elle devait vérifier la présence en début de service, qu'elle devait prendre sa pause de nuit en alternance avec cette personne et que certains résidents, sur consigne, étaient à prendre en charge ensemble tel qu'il ressort du programme d'organisation journalière de 21h à 7h produit et non contesté.

Mme [X] soutient également qu'à compter d'octobre 2016, elle s'est plainte auprès de Mme [O], qu'elle n'était plus en mesure de fournir des soins d'hygiène adaptée en raison d'un manque de protection lié à une rupture de matériel connue de la direction qui avait été informée dans le cadre des transmissions, or, aucun avis de transmission produit ne permet de matérialiser cette allégation.

Seuls sont produits un avis de transmission sur lequel la salariée a mentionné que « les DDM (détecteur de mouvements) devraient être mis à des résidents qui ne se lèvent pas et non à M. [R], M. [Z] et Mme [T] sachant que la prise en charge est difficile avec 1 AS pour 74 résidents, il aurait été plus judicieux de leur prévoir un médaillon pour prévenir en cas de chute » puis l'avis de transmission de la nuit du 1er août 2017 sur lequel Mme [X] sollicite « la mise à disposition de draps pour la nuit car aucun dans les étages ».

Ces deux seuls avis constatant un dysfonctionnement ponctuel ne permettent pas d'établir le caractère récurrent allégué d'un manque de matériel, ce que vient conforter le courrier de l'appelante du 3 juillet 2017 dans lequel elle écrit qu'« une bonne prise en charge des résidents commence certes par des moyens matériels, mais surtout par des moyens humains et des moyens humaines nous n'en disposons pas » matérialisant ainsi sa dotation en matériel.

Mme [X] produit une attestation de Mme [U] [K], aide-soignante qui a travaillé avec elle de 2013 et 2016 et qui souligne pareillement des conditions de travail peu acceptables : « un manque de protections pour les résidents, un manque de personnel et d'estime pour les salariés peu ou pas remplacés, une surcharge de travail, des primes en fonction de la tête du salarié sans oublier les ruptures conventionnelles abusives ». Ce seul témoignage, général et imprécis, ne permet cependant pas de caractériser les griefs relatés.

Dès lors, le manque de moyens humains n'est pas démontré par l'appelante d'autant que par ailleurs, elle fait état de recrutements puisqu'elle reproche en parallèle à la société par courrier du 3 juillet 2017, la nécessité de « s'adapter aux nouvelles aides-soignantes, la plupart du temps non diplômées et non expérimentées, ce qui ajoute une contrainte supplémentaire pour une bonne prise en charge du résident ».

La société Hippocrate soutient que l'effectif est déterminé par une convention tripartite entre l'Agence régionale de santé et le département, qu'il est le même pour le personnel de nuit depuis 2005 et qu'en outre, l'appelante « n'a jamais alerté la direction de la moindre difficulté rencontrée avant le courrier de contestation d'avertissement adressé 5 mois après sa notification, qu'elle a toujours été rémunérée pour l'intégralité des heures faites, ce que la salariée ne conteste pas, et dans des conditions qui n'ont jamais appelé l'Union Locale CGT, ni l'Inspecteur du travail, ni le médecin du travail à émettre la moindre observation à ce titre ».

Or, Mme [X] verse aux débats un courrier d'alerte de l'Union Locale CGT du 30 mai 2017 adressé à la DIRECCTE Ile de France faisant état de conditions de travail dégradées et de témoignages « de violence dans le management des équipes exercée par les cadres et la direction » sans qu'il soit démontré d'une part, que la société en ait été informée impliquant la mise en place nécessaire d'une enquête, d'autre part, que l'inspecteur du travail puis le médecin du travail s'en soient saisi.

Et enfin, Mme [X] dénonce le vécu de nombreuses situations de stress telles que la perte d'autonomie des résidents, la gestion des fins de vie, une prise en charge des résidents présentant des maladies neurodégénératives ou des démences parfois difficiles à gérer ou qui usent des sonnettes en raison d'angoisses inhérentes à leur situation de vie, ce qui cependant ne sauraient caractériser une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur puisque ces situations, nonobstant le ressenti de Mme [X], sont inhérentes à sa profession d'aide soignante en maison de retraite médicalisée.

Sur l'affirmation de la salariée quant aux pressions qu'elle aurait subies pour l'obliger à signer sa rupture conventionnelle

Mme [X] soutient qu'à la suite de la contestation de son avertissement, elle a été convoquée par la société le 26 avril 2017 en vue de négocier son départ au moyen d'une rupture conventionnelle, puis que lorsqu'elle a dénoncé ses conditions de travail par courrier du 3 juillet 2017, cette proposition lui a été réitérée par courrier du 17 juillet 2017. Elle affirme qu'à chacune de ses alertes, elle a subi des pressions psychologiques de plus en plus pressantes (convocation à des entretiens informels, reproches, isolements, culpabilisation).

Il ressort des courriers des 20 avril 2017, 17 juillet 2017, 4, 20 et 25 octobre 2017, adressés par la société Hippocrate à Mme [X] que :

* à la suite du courrier du 23 mars 2017 dans lequel elle exprimait les difficultés rencontrées, son employeur lui a rappelé que les besoins en effectifs étaient déterminés par l'ARS et le département en fonction du nombre de résidents et de leur degré de dépendance, qu'il lui a proposé de passer en équipe de jour dans la mesure où des postes supplémentaires d'aides-soignantes et d'infirmières de jour ont été créés à l'occasion de la signature de la deuxième convention tripartite avec ces autorités en 2013, contrairement à l'effectif de nuit, inchangé depuis 2005 à nombre de résidents et degré de dépendance équivalents, ce qu'elle a refusé, ou d'envisager une rupture conventionnelle ;

* que la société lui a demandé le 17 juillet 2017, d'envisager sérieusement l'une des deux solutions compte tenu des termes de son courrier du 3 juillet 2017 à la lecture desquels la société s'est posée la question de la capacité de Mme [X] à assumer ses fonctions au poste de nuit ;

* que la salariée a été convoqué à un entretien préalable à sanction par courrier du 4 octobre 2017 au sujet duquel aucune des parties n'évoque les griefs retenus à l'encontre de la salariée lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 13 octobre 2017 ;

* qu'elle a été convoqué le 20 octobre 2017 en vue d'échanger sur une éventuelle rupture conventionnelle de son contrat de travail, puis le 31 octobre 2017, pour la signature de ladite rupture conventionnelle.

La salariée n'apporte aucun élément venant matérialiser les pressions dont elle se prétend victime, par conséquent, il n'est pas établi qu'elle a été contrainte de signer la rupture conventionnelle conclue le 31 octobre 2017 de même que l'exécution déloyale du contrat de travail par la société sur ce fondement.

Sur la dégradation de l'état de santé de la salariée

En application de l'article L. 4121-1 du code du travail, Mme [X] fait valoir que l'obligation de sécurité impose à l'employeur différentes démarches concrètes visant à assurer la prévention du risque et notamment l'identification des risques et les mesures pour y faire face, retranscrits dans le document unique d'évaluation des risques (DUER) qui doit être mis à jour régulièrement conformément aux articles R.4121-1 et R. 4121-2 du code du travail et qu'en outre, ce document doit être tenu à disposition des travailleurs tel que le prévoit notamment l'article R. 4121-4 du même code.

L'appelante soutient que la SAS Hippocrate qui avait l'obligation de prévenir les risques psychosociaux, ce qui comprend la protection des salariés contre le harcèlement et le stress au travail, n'avait pas de DUER récent et qu'elle a tout fait pour altérer sa santé.

Elle soutient à l'appui de cette dernière affirmation que son employeur l'a entravé dans sa prise de congés et produit cinq demandes de congés dont trois ont été refusées. Or, ces demandes formulées moins de 15 jours, un mois ou un mois et demi avant la date envisagée de départ en congés pouvaient légitimement être refusées par la société car l'organisation des congés payés lui incombe et constitue une de ses prérogatives dans le cadre de son pouvoir de direction. Dès lors, l'entrave alléguée à la prise de congés payées n'est pas démontrée.

Il est établi par :

- le courrier du 20 avril 2017 de la société intimée à l'appelante, que les difficultés professionnelles exprimées par Mme [X] ont retenu son attention, qu'elle lui a proposé une rencontre le 26 avril 2017 à 14h ou à une autre date à sa convenance, afin d'en discuter et que dans l'intervalle, elle avait demandé à la psychologue de la contacter pour échanger avec elle sans que la salariée n'y donne suite, ce que Mme [X] ne conteste pas ;

- le contrat de travail de Mme [X] du 6 septembre 2013, que les horaires de travail étaient ceux en vigueur au sein de son service, qu'elle ne pouvait effectuer des heures supplémentaires qu'à la demande expresse et formalisée de la direction et qu'en conséquence, Mme [X] a réalisé 29,92 heures supplémentaires en 2013, 195 en 2014, 69,25 en 2015, 148,50 en 2016 dont elle ne s'est pas plainte avant son courrier de mars 2017 et qu'ensuite, elle n'a réalisé que 3 heures supplémentaires en 2017 tel qu'il ressort des bulletins de salaire produits.

Force est de constater, au vu des pièces versées aux débats par Mme [X] (pièces 16, 24, 27, 28, 31 à 35) que celle-ci a été en arrêt maladie les 16 et 17 juin 2017 puis du 19 octobre au 12 décembre 2017 pour « cervicalgie » dans un premier temps puis pour « cervicalgie et syndrome anxiolitique » le 27 octobre 2017 et « syndrome anxiodépressif » le 24 novembre 2017 tel qu'il ressort des avis d'arrêts de travail transmis, et qu'elle a été suivie par Mme [I], psychologue clinicienne à compter du 24 octobre 2017, ce que cette praticienne atteste le 12 décembre 2017.

L'attestation du 12 décembre 2017 précitée relate que la salariée « a fait l'objet de menace et de pression dans le but de la faire signer une rupture conventionnelle, qu'elle a également subi une mesure d'isolement ayant pour conséquence l'impossibilité de rentrer en contact avec ses collègues » et que « cette situation lui a provoquée un état de dépression et de fragilité, son employeur par ses agissements a développé en elle, un état de peur et d'angoisse ». La cour observe d'une part, qu'aucun élément produit ne permet d'établir la menace, la pression et l'isolement évoqués dans ce document, d'autre part, que la praticienne ne fait que relater les dires et le ressenti de Mme [X] à propos de son travail et des conditions dans lesquelles elle l'exerce.

Alors que l'appelante affirme également que son médecin traitant l'a orienté vers un psychiatre « constatant qu'elle souffrait d'une situation de travail difficile et conflictuelle » et que son état psychologique détérioré a été constaté par le médecin du travail le 20 novembre 2017, elle ne produit aucun élément venant matérialiser ces allégations.

Il s'en déduit que l'exécution déloyale du contrat de travail par la société Hippocrate sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité, obligation de moyen renforcée, n'est pas établie.

Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour entrave à la candidature de Mme [X] aux élections professionnelles des délégués du personnel

Mme [X] sollicite la condamnation de la société Hippocrate à lui verser la somme de 4 289,32 euros à titre de dommages et intérêts pour entrave à sa candidature lors des élections professionnelles des délégués du personnel de 2017 sur le fondement de l'article 1240 du code civil qui dispose que « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Il est constant que le dernier scrutin avant les faits litigieux a eu lieu le 22 juillet 2013, que l'Union locale CGT du Plessis Robinson a sollicité l'organisation d'élections professionnelles au sein de la société Hippocrate par courrier du 30 mai 2017, qu'elle a fait part de son intention de présenter Mme [X] comme candidate CGT par courrier du 15 juin ce qu'elle a confirmé le 10 juillet 2017 et qu'enfin, à l'issue du premier tour des élections professionnelles qui a eu lieu le 5 octobre 2017, Mme [X] n'a pas été élue tel qu'il ressort du procès-verbal produit.

Mme [X] fait valoir que dès l'annonce de sa candidature, la société a commencé à entraver le processus électoral, d'abord par l'organisation des élections lors de la période estivale où l'effectif était réduit, puis par l'organisation d'un vote par correspondance irrégulier, et enfin, par sa mise à l'écart.

La salariée appelante produit :

- un courrier du 28 juin 2017 de l'Union locale CGT du Plessis Robinson qui manifeste son désaccord sur l'organisation d'élections en pleine période de congés d'été puisqu'il a été prévu le premier tour des élections le 20 juillet 2017 et le second tour, le 4 août 2017. Or, conformément à l'article L. 2324-5 du code du travail dans sa version en vigueur au moment des faits, « lorsque, en l'absence de comité d'entreprise, l'employeur est invité à organiser des élections à la demande d'un salarié ou d'une organisation syndicale, il engage la procédure définie à l'article L. 2324-4 dans le mois suivant la réception de cette demande », il ne peut dès lors, lui être reproché valablement d'avoir souhaité respecter ces dispositions et celles de l'article L. 2324-3 du code du travail ensemble, quant à l'engagement rapide du processus électoral dans la mesure où le scrutin précédant avait eu lieu le 22 juillet 2013. Force est de constater que la société a consenti à différer le premier tour des élections puisqu'il a eu lieu le 5 octobre 2017.

Ce même courrier conteste également l'organisation du vote par correspondance sans l'éventualité d'une boîte postale dédiée et qu'à défaut de mise en place de ce dispositif postal, le syndicat saisirait le tribunal compétent, ce à quoi la société a remédié puisque ce grief n'a plus été évoqué par la suite.

- un courrier du 7 juillet 2017 de l'Union locale CGT du Plessis Robinson qui relate les dires de Mme [X], à savoir, une mise à l'écart, une impossibilité de mener sa propagande électorale du fait de reproches systématiques et d'intimidations dès qu'elle communiquait avec ses collègues, sans que ces faits allégués soient corroborés par des témoignages de sorte que leur matérialité n'est pas établie et enfin, une inobservation du devoir de neutralité par certains membres de la direction en monnayant le vote des salariés pour que Mme [X] ne soit pas élue.

Mme [X] produit l'attestation de Mme [W] qui relate les actes reprochés de manière partiellement indirecte en évoquant qu'avant le vote, Melle [L] est venue lui dire « qu'elle aurait droit à la prime si elle votait contre Melle [F] (CGT), qu'elle lui a forcé la main comme à d'autres collègues qui ont même voté dans son bureau, que cette personne a organisé des réunions pour leur dire que si elles votaient contre Melle [F] (CGT), elles auraient droit aux congés demandés ». Ce seul témoignage qui est imprécis et n'est corroboré par aucun autre élément ne permet pas de caractériser l'entrave aux élections professionnelles.

Et enfin, l'avis de classement à victime et le rappel à la loi dont se prévaut la société Hippocrate pour justifier sa bonne foi n'est pas utilement produit concernant cette demande, de même que le rappel de son mécanisme par l'appelante puisqu'il concerne uniquement le non-respect des règles relatives au licenciement des délégués du personnel, en l'espèce d'attendre la durée légale de la rupture conventionnelle de Mme [X] tel qu'il résulte du « rappel à la loi » du 24 juin 2019 produit par la société.

En conséquence de ce qui précède, la cour confirme le jugement entrepris de ce chef en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande.

Sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle du 31 octobre 2017 et sa requalification en licenciement nul

Il résulte des dispositions des articles L. 2411-7 et L.1237-15 du code du travail, que le candidat au premier ou au deuxième tour aux fonctions de délégué du personnel acquiert le statut de salarié protégé pour une durée de six mois à compter de l'envoi à l'employeur des listes de candidatures et que, durant sa période de protection, la rupture conventionnelle doit être autorisée par l'inspecteur du travail. Le bénéfice de la protection s'apprécie à la date de signature de la rupture conventionnelle.

L'article L1235-3-1 sanctionne par la nullité la rupture non autorisée du salarié protégé.

Il est constant que l'Union locale CGT du Plessis Robinson a présenté la candidature de Mme [X] aux élections professionnelles par courrier du 10 juillet 2017, qu'elle bénéficiait en conséquence, du statut de salariée protégée jusqu'au 10 janvier 2018 alors que la rupture conventionnelle, conclue le 31 octobre 2017 a été soumise à homologation de la DIRECCTE de sorte que la procédure spécifique qui était attachée au statut protecteur n'a pas été respectée.

Il ressort du courrier de la société Hippocrate adressé à Mme [X] le 21 décembre 2017 qu'elle a demandé à la salariée de réintégrer son poste dès le 27 décembre 2017 à défaut d'obtenir son accord pour une rétractation de la rupture conventionnelle signée et la conclusion d'une nouvelle répondant à la procédure spécifique requise, lettre à laquelle, la salariée n'a pas donné suite.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour retient que la rupture conventionnelle conclue en violation des dispositions d'ordre public de l'article L.1237-15 du code du travail, est nulle, ce moyen produisant à lui seul sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner l'allégation d'un contexte harcelant, les effets d'un licenciement nul.

Le candidat aux élections professionnelles des délégués du personnel a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection. Dès lors, la salariée dont la candidature a été relayée par son organisation syndicale par courrier du 10 juillet 2017, a droit à une indemnité correspondant à la rémunération qu'elle aurait perçue du 12 décembre 2017, date de son éviction, jusqu'au 10 janvier 2018.

Les parties s'accordant sur le montant de la rémunération mensuelle moyenne brute de 2 144,66 euros de Mme [X], la cour condamne l'employeur au paiement des sommes suivantes :

- 2 073,17 euros à titre d''indemnité pour violation de son statut protecteur,

- 4 289,32 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 428,93 euros bruts au titre des congés payés afférents,

- 712,38 euros d'indemnité légale de licenciement.

En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi 2016-1088 du 8 août 2016, la salariée peut prétendre en outre, au paiement d'une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

La cour condamne en conséquence la société Hippocrate à verser à Mme [X] la somme de 10 723,30 euros qu'elle revendique à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes reconventionnelles

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la déloyauté de Mme [X]

La société Hippocrate sollicite une indemnisation d'un montant de 4 200 euros car elle estime avoir été trompée par le Syndicat qui a annoncé la candidature de Mme [X], négocié l'accord préélectoral, fait valoir les droits de la salariée à cette occasion puis qui a attendu que la rupture du contrat de travail de la salariée soit effective pour en contester sa régularité générant des suites judiciaires caractérisées par un rappel à la loi alors que la rupture était, selon elle, homologuée.

En application de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

La cour constate que les griefs reprochés sont effectués à l'encontre du syndicat et non à celui de Mme [X] de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef et la société, déboutée.

Sur la demande de remboursement de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle

Compte tenu de la nullité de la rupture conventionnelle conclue entre les parties, c'est à bon droit que la société sollicite le remboursement par la salariée, de l'indemnité spécifique de rupture du contrat de travail d'un montant net de 7 426 euros. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Les créances salariales et l'indemnité de licenciement dues à la salariée sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation. Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au prononcé du jugement.

Les autres créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision qui les a ordonnées.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Hippocrate qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Hippocrate à payer à Mme [X] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de condamner la société Hippocrate à payer à Mme [X], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 1er juin 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ses dispositions relatives au point de départ des intérêts, et y ajoutant :

Condamne la SAS Hippocrate à payer à Mme [F] [X] la somme de 2073,17 euros au titre de la violation du statut protecteur ;

Dit que les sommes à caractère salarial et l'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et que les autres créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter de la décision les ayant prononcées ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamne la SAS Hippocrate à payer à Mme [X] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Hippocrate de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Hippocrate aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02600
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;21.02600 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award