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22/06/2023 | FRANCE | N°21/00880

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 22 juin 2023, 21/00880


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUIN 2023



N° RG 21/00880 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMI2



AFFAIRE :



[I] [D]



C/



S.A. SOLOCAL









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE - BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 19/00273



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Juliette MASCART



Me Caroline QUENET de l'AARPI C3C







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUIN 2023

N° RG 21/00880 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UMI2

AFFAIRE :

[I] [D]

C/

S.A. SOLOCAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Février 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE - BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 19/00273

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Juliette MASCART

Me Caroline QUENET de l'AARPI C3C

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 15 juin 2023, prorogé au 22 juin 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [I] [D]

née le 20 Mai 1980 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentant : Me Juliette MASCART, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1125 substituée par Me Julie DURAND, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A. SOLOCAL

N° SIRET : 444 212 955

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Caroline QUENET de l'AARPI C3C, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P138

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Greffier lors du prononcé : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

Par contrat de travail à durée indéterminée du 22 septembre 2003, Mme [D] a été engagée par la SA Solocal en qualité de télévendeur Prospects. La salariée a exercé en dernier lieu les fonctions de directrice de clientèle statut cadre.

La SA Solocal compte plus de 11 salariés et a comme activité la publicité et le marketing numérique.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de la publicité.

A compter du 11 octobre 2017, la salariée a été placée en arrêt maladie pour « dépression sévère dans un contexte professionnel difficile.»

Par une visite médicale du 5 mai 2020, la salariée a été déclarée définitivement inapte à son poste.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 26 juin 2020, Mme [D] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement s'étant déroulé le 15 juin 2020.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 20 juillet 2020, la SA Solocal a notifié à Mme [D] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par requête reçue au greffe le 6 mars 2019, Mme [D] avait saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire aux torts de son employeur, et de voir dire que cette rupture a produit les effets d'un licenciement nul, outre le versement de diverses sommes.

Par jugement du 18 février 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- Jugé que la demande de résiliation judiciaire n'est pas justifiée ;

- Jugé qu'il n'y a pas production effet d'un licenciement nul ni sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit qu'il y a lieu de rejeter en conséquence les demandes afférentes ;

- Dit qu'il n'y a donc pas de conséquences à tirer sur le licenciement prononcé pour inaptitude ;

- Condamné Solocal à payer 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelé que les sommes allouées en justice, quelles qu'elles soient, sont soumises au traitement social et fiscal résultant de la loi en vigueur; que les dispositions résultant de la loi de sécurité sociale, qui assujettissent les sommes allouées, y compris indemnitaires, à cotisations salariales et patronales, sont d'ordre public; et qu'il appartient, en conséquence, à chacune des parties de s'acquitter des cotisations pouvant lui incomber;

- Rappelé que l'Art. R 1454-28 du code du travail réserve l'exécution provisoire an paiement des sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'art R 1454-14 du même code;

- Reçu Solocal en sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et l'en déboute.

Par déclaration au greffe du 17 mars 2021, Mme [D] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 15 juin 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [D] demande à la cour de :

- Infirmer' le' jugement' intervenu' en' toutes' ses' dispositions' sauf' en' ce' qu'il' a' condamné' la' société Solocal à verser à Madame [I] [D] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- Juger que les manquements de la société Solocal justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [I] [D],

- Juger que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- Constater que le contrat a été rompu en cours d'instance prud'homale pour inaptitude et fixer à la date de notification de ce licenciement les effets de la résiliation judiciaire à ses torts,

Subsidiairement,

- Juger le licenciement pour inaptitude de Madame [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'inaptitude de la salariée ayant pour seule origine les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.

En tout état de cause et en conséquence,

- Condamner la SA Solocal à lui verser les sommes suivantes :

À titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse :

*A titre'principal,'à' titre' de' licenciement 'sans' cause' réelle' et' sérieuse, considérant l'inconventionalité de l'article L1235-3 : (18 mois) : 115 200 euros,

*A titre subsidiaire, en application de l'article L1235-3 (13 mois): 83 200 euros,

*A titre d'indemnité de préavis (3 mois) : 19 199,91 euros,

*A titre de congés payés y afférent : 1 920 euros,

*A titre' de' dommages' et' intérêts' pour' exécution' déloyale' du' contrat' de' travail (6' mois) :

38 400 euros ;

- Condamner la Société Solocal à verser à Madame [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3 000 euros ;

- Condamner la Société Solocal aux entiers dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 14 septembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SA Solocal demande à la cour de :

- Confirmer' le' jugement' rendu' par' le' conseil' des' prud'hommes' de' Boulogne Billancourt le 18 février 2021, sauf en ce qu'il a condamné la société Solocal en 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Constater l'absence de preuve de griefs précis et concordants, personnels à Madame [D];

- Juger que la société Solocal n'a commis aucun manquement à son encontre, a fortiori suffisamment graves pour justifier la résolution judiciaire du contrat de travail ;

En tout état de cause, débouter Madame [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- La condamner à payer à la Société Solocal la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 15 mars 2023.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail :

Mme [D] sollicite des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Elle fait valoir qu' en modifiant et en opacifiant le mode de calcul de la rémunération variable en 2014, la société a, dans les faits, sciemment augmenté les objectifs des commerciaux.

La société Solocal rappelle que Mme [D] a fait l'objet de plusieurs promotions successives,

L'article L1222-1 du code du travail, dispose que « le contrat de travail est exécuté de bonne foi ».

Mme [D] rappelle que les organisations syndicales, les représentants du personnel et les directeurs de clientèle ont critiqué à plusieurs reprises la complexification des règles de calcul et la fixation d'objectifs jugés difficiles à atteindre ou déraisonnables ou comportant des méthodes de calcul jugés trop complexes, se référant à une pétition signée par plusieurs directeurs de clientèle en 2016, à un tract d'organisations syndicales et aux dires de représentants du personnel lors d'une séance du comité d'entreprise en août 2018 et aux engagements de la direction de rééquilibrer les systèmes alors mis en place.

Elle admet toutefois que des réajustements de prime variable ont eu lieu en 2015 et en 2016 en fin d'exercice.

La société intimée justifie en effet que la demande des directeurs de clientèle a donné lieu en 2015 à la mise en 'uvre par la direction d'une mesure de réajustement ayant permis d'augmenter substantiellement le taux des primes variables versées, de sorte que pour un objectif atteint à 80% la prime était augmentée de 30%.

Elle justifie que, par suite, la rémunération moyenne des directeurs de clientèle pour 2015 s'est maintenue à un niveau équivalent (-1,6%) à la rémunération cible, perçue à objectifs atteints, que la rémunération moyenne de la fonction dépassait de 7.6% la rémunération cible à objectifs atteints en 2016 et que la rémunération moyenne de la fonction à un niveau équivalent (+1%) à la rémunération cible à objectifs atteints en 2017.

Elle justifie en outre que le taux moyen d'atteinte de l'objectif principal de croissance du chiffre d'affaires a été pour l'année 2015 de 83.50%, pour l'année 2016 de 104.50% et pour l'année 2017 de 108 % et 97.30 %, de sorte qu'à l'unique exception de 2015, les objectifs fixés ont été globalement atteints et dépassés, ce qui contredit le caractère inatteignable ou excessif invoqué.

Compte tenu de ces éléments, il n'est pas établi de manquement de la société Solocal à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Sur la rupture du contrat de travail :

Sur la résiliation judiciaire

Le contrat de travail peut être rompu à l'initiative du salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur ; il appartient au juge, saisi par le salarié d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail d'apprécier s'il établit à l'encontre de l'employeur des manquements suffisamment graves pour justifier cette mesure ; dans ce cas, la résiliation judiciaire du contrat de travail, prononcée aux torts de l'employeur, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; au contraire, la rupture du contrat de travail est imputable au salarié dès lors que les faits invoqués par ce dernier à l'appui de sa demande ne sont pas établis et qu'il a rompu le contrat de travail à son initiative sans justifier d'aucun manquement de l'employeur à ses obligations.

Mme [D] fait valoir que des manquements de la société Solocal justifient la résiliation judiciaire de son contrat de travail ; elle indique avoir subi une surcharge de travail pour tenter d'atteindre ses objectifs sans cesse croissants et ainsi de maintenir son salaire antérieur à la restructuration de l'entreprise en 2014, ce qui a entraîné une dégradation de son état de santé. Elle précise que lors de sa prise de poste en qualité de directeur de clientèle, elle avait pour principale mission la prospection de nouveaux clients, mais que l'entreprise ne lui a donné aucun moyen pour remplir ses objectifs, mis à part un « fichier prospect » déjà exploité depuis plusieurs années par ses prédécesseurs.

La société Solocal fait valoir en réplique qu'à compter de la mise en place de la nouvelle organisation commerciale le 1er juillet 2014 et jusqu'à la fin du mois de septembre 2017, la salariée ne s'est plainte ni de ses objectifs, pour partie dépassés, ni de ses conditions de travail, qu'elle a ensuite été promue et a pris progressivement la mesure de son poste, plus exigeant compte tenu de l'importance des clients confiés, sans se plaindre de réelle difficultés et recevant le soutien de sa hiérarchie qui reconnaissait ses efforts et ses réussites.

Mme [D] se réfère d'abord à ses propres dires contenus dans son écrit en date du 12 janvier 2018, où elle indiquait que': « Je n'arrivais plus à assurer une telle charge de travail et je n'avais plus aucune satisfaction dans mon métier. (...) ».

Elle produit aussi des attestations d'autres salariés, comme Mme [V] faisant état, lors de sa prise de poste en qualité de directrice de clientèle en 2015 d'une « charge de travail [qui] s'est avérée beaucoup plus importante que prévue» et qu' « elle [Mme [D]] ne s'est pas sentie soutenue par sa hiérarchie ».

Il est établi qu'en 2014 et jusqu'au 1er mai 2015, au poste de Conseiller Key account, Mme [D] a dépassé ses objectifs fixés.

Lors de son entretien d'évaluation, la salariée mentionnait que « Le plaisir est partagé... J'ai tout mis en 'uvre pour dépasser mes objectifs et mener à bien les missions confiées. Je vais maintenant découvrir un nouveau poste et espère réussir aussi bien que sur mon poste actuel. ».

Lors de son entretien professionnel du 4 février 2016, elle mentionnait que « cette année 2015 a été marquée par mon intégration chez Solocal Network avec une mission particulière la chasse de nouveaux clients Grands Comptes. J'ai dépensé beaucoup d'énergie pour un résultat qui n'a pas été à la hauteur de mon ambition. » ; elle poursuivait néanmoins en ajoutant que : « J'ai pris connaissance de mes nouveaux clients avec qui j'ai établi une relation de confiance et ce n'était pas évident car c'était des clients suivis par le même interlocuteur depuis de nombreuses années. J'ai beaucoup appris durant ces quelques mois sur l'environnement des clients grands comptes et j'ai pris beaucoup de plaisir en clientèle car les échanges sont très riches et je me rends compte que les clients sont à l'écoute de nos solutions. Il faut "semer pour récolter" et j'espère que cette année va me permettre d'en récolter les bénéfices. », sans se plaindre d'objectifs inatteignables ni de conditions de travail dégradées.

Lors de l'entretien professionnel du 29 septembre 2016, elle n'émettait aucun commentaire au sujet de la rubrique spécifique sur ses conditions de travail, sa charge, son temps de travail et l'équilibre vie professionnelle et personnelle.

Lors de son entretien professionnel du 26 septembre 2017, et sans avoir remis en cause ses objectifs, elle indiquait que « la charge de travail a été conséquente cette année et il a été très difficile pour moi d'assurer un suivi particulier chez mes clients comme j'aurais aimé le faire. (') Malgré de grosses difficultés j'ai réalisé quand même une belle affaire (') » ; dans ce même entretien son manager soulignait son implication : « [I] a toujours envie de progresser, elle choisit des formations en ce sens, elle continue aussi de se projeter dans une évolution allant vers le management à moyen terme, elle choisit également une formation l'aidant à s'y préparer davantage. [I] doit poursuivre sa progression dans son leadership qui, vis à vis de certains clients lui font peut-être défaut quand ses interlocuteurs n'en sont pas dépourvus ».

Dans ses écritures, Mme [D] attribue l'accroissement de sa charge de travail en 2016 et 2017 qu'elle invoque au fait d'avoir été contrainte de reprendre les portefeuilles clients de deux collègues occupés à leurs missions syndicales, M. [F] et M. [R].

La société Solocal précise toutefois que la salariée n'a reçu que certains de leurs clients et non l'intégralité de leur portefeuille et souligne le caractère progressif de cette reprise, ce que corrobore d'ailleurs l'attestation de M. [R] produite par l'appelante indiquant les évolutions intervenues successivement en 2015, 2016 puis 2017.

Elle relève que les listes de clients versées aux débats mentionnent un nombre de clients de 38 en 2016 et 56 en 2017, relevant en comparaison l'organisation de l'entreprise prévoyant qu'un Conseiller Key Account reçoit environ 90 clients.

M. [S], son supérieur hiérarchique atteste enfin que « Mme [D] n'a pas eu 3 portefeuilles de comptes à traiter mais a eu petit à petit sur les deux années des comptes appartenant à Messieurs [R] et [F] pour composer son portefeuille de comptes équivalent à tous les directeurs de clientèle en activité commerciale à 100 % (50 comptes environ) ».

Il n'est pas établi d'évolution du portefeuille de Mme [D] qui ne soit pas en lien avec l'évolution des différentes responsabilités qu'elle a eues dans l'entreprise.

Mme [D] se réfère au à un mail du 22 février 2017 de M. [S], lui indiquant :

« J'ai conscience de t'avoir bougée un peu tout à l'heure, prend le comme de la bienveillance de ma part, j'ai besoin que tu sois au Top, tu en as les moyens mais notre travail, votre mission réclame et va réclamer de plus en plus de précisions et de réflexions pour faire « mouche » le plus de fois possible. (') il va falloir monter d'un cran encore dans la posture générale ».

Outre que les points d'amélioration ainsi relevés s'inscrivaient dans le cadre du pouvoir d'appréciation et de direction de sa hiérarchie, la société Solocal souligne justement que dans ce même mail M. [S] indiquait aussi que :

« Je suis très satisfait de ton enthousiasme général (')' . Je suis prêt à t'accompagner pour ça, à te donner tous les conseils qui seraient les miens, grandissons ensemble ! »

En 2016, son objectif s'est élevé à 1 067 573 euros ; les résultats validés pour cette année ont été atteints à 86,43 %.

S'agissant de l'année 2017, elle soutient avoir reçu un objectif porté à 1 474 560 euros en se référant à une liste de clients (portefeuille), en marge de laquelle ce chiffre est porté manuscritement, document qui ne mentionne par ailleurs pas d'éléments sur l'identité de son auteur ni du salarié concerné.

La société Solocal conteste toute force probante à ce document et produit la fiche de résultats validés pour la période annuelle 2017 mentionnant un objectif annuel de 952 440 euros et un taux de performance de 86,35 %, avec un nombre de jours de présence de 260 jours.

Compte tenu de ces éléments, il n'est pas établi que les objectifs fixés, qui n'avaient pas fait l'objet de contestations, étaient inatteignables ni que Mme [D] ait été soumise à cet égard à une pression anormale et excessive.

Mme [D] ajoute que le 11 octobre 2017 elle a été victime d'un malaise en voiture, suite à une conversation téléphonique avec son responsable hiérarchique.

Si M. [R], collègue et délégué syndical, atteste avoir entendu M. [S] évoquer son « inquiétude » pour [I] » et dire « qu'il allait appeler [I] » et que les autres témoignages produits par l'appelante confirment la fébrilité, bien compréhensible, de Mme [D] dans ce contexte, ces témoignages ne suffisent pas à établir un lien avec ses conditions de travail.

Il est rappelé que par lettre du 28 mars 2018, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Haute-Garonne a refusé d'admettre le caractère professionnel de l'accident de Mme [D].

Le pôle social du tribunal de grande instance de Toulouse, dans son jugement du 18 décembre 2019, n'a pas non plus reconnu le malaise en voiture du 11 octobre 2017 comme étant un accident du travail.

Le 2 avril 2020, Mme [D] a été déclarée « inapte à la fonction de directrice de clientèle grands comptes et réseaux ».

Le 5 mai 2020, le médecin du travail rendait un avis d'inaptitude étendu « à tous les postes chez SoLocal et notamment à la fonction de directrice de clientèle grands comptes et réseaux » avec « contre-indication au stress et aux relations clients ainsi qu'aux déplacements routiers » ; ces avis ne comportaient pas de mention relative à un lien avec les conditions de travail ou une origine professionnelle de l'inaptitude.

Les autres pièces médicales versées par l'appelante dans le cadre du présent litige si elles attestent bien de l'existence d'un syndrome dépressif dont souffre Mme [D] et de la nécessité de soins, pièces se rapportant à une période comprise entre octobre 2017 et janvier 2019, étant souligné que ni le médecin généraliste ni le médecin psychiatre n'étaient à même de constater la réalité des conditions de travail de la salariée, sont également insuffisantes à établir l'existence d'un lien entre son état de santé et ses conditions de travail.

Mme [D] se réfère aux rapports d'enquêtes externes (cabinet Technologica, cabinet Arete) et courrier de l'inspection du travail et des organisations syndicales, faisant état de manière générale d'une charge de travail accrue pour la population commerciale et d'un collectif de travail dégradé ou d'un fort absentéisme au sein de l'entreprise ou encore d'une « dégradation des relations de travail » ; elle invoque ensuite une suppression de son poste et son exclusion des mesures d'accompagnement de la GPEC. Elle se réfère au courrier du 5 mars 2019 adressé par la société l'informant de la fermeture de l'agence de [Localité 7], dans le cadre d'une nouvelle réorganisation de l'entreprise, et de son rattachement à l'établissement d'[Localité 5] en banlieue de [Localité 4], qu'elle analyse en une modification substantielle unilatérale et définitive de son contrat de travail.

Comme le relève l'intimée, il doit être rappelé le contexte intervenu au cours de l'année 2018 de plan de réorganisation comprenant un plan de sauvegarde de l'emploi et prévoyant la fermeture de l'agence télévente de [Localité 7] dans lequel ces rapports s'inscrivaient et que Mme [D] a été pour sa part placée en arrêt de travail à compter du 11 octobre 2017 ; les rapports, courrier de l'inspection du travail et des organisations syndicales évoqués sont insuffisants à établir, au-delà de la dégradation du climat social, des manquements de l'entreprise ni un dommage vis-à-vis de Mme [D] considérée personnellement ; la société Solocal justifie au demeurant, comme elle l'a souligné dans son courrier en réponse du 7 septembre 2016 à l'inspecteur du travail, avoir entrepris des actions d'amélioration et de préventions, telles que des ateliers collaboratifs de résolution de problèmes, des formations à la gestion des situations à risque psychosocial ; il est avéré que la problématique soulevée n'était pas limitée au périmètre de la région ni du métier de Mme [D] ; l'entreprise produit notamment la présentation des actions sur la qualité de vie et la santé au travail lors du comité de coordination des CHSCT du 9 décembre 2014, le plan global d'accompagnement à la prévention des risques psycho-sociaux et de l'absentéisme et à l'amélioration de la qualité de vie au travail 2016/2017, ou encore les documents uniques de transcription des résultats de l'évaluation des risques en 2014 et 2015, en ce compris dans la région Sud-Ouest.

S'il est constant que l'établissement de [Localité 7] Balma a bien été bien fermé le 30 juin 2019 et que par courrier du 5 mars 2019 Mme [D], dont le contrat était suspendu depuis 12 mois, a été informée de la fermeture de cette « agence à laquelle vous étiez administrativement rattachée », la société souligne que le nouveau rattachement à [Localité 5], près de [Localité 4], était purement administratif, que des locaux restaient disponibles pour accueillir les commerciaux pour continuer de prospecter le même secteur, alors qu'il n'était pas mentionné que le secteur et le portefeuille confiés à la salariée soient modifiés ; il n'est ainsi pas établi de modification effective « substantielle unilatérale et définitive » comme allégué par la salariée.

Enfin, il n'était pas identifié de poste de directeur de clientèle qui soit visé dans le cadre de l'accord GPEC (accord collectif relatif à la gestion prévisionnelle des emplois) au sein de l'entreprise.

Il résulte de ces éléments que les manquements de l'employeur qu'invoque par Mme [D] ne sont pas établis.

En conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la demande de résiliation judiciaire n'est pas justifiée et a déboutée cette dernière de ses demandes y afférentes.

Sur le licenciement pour inaptitude

Mme [D] estime que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude a pour seule cause les manquements graves de l'employeur à son obligation de préservation de la santé de la salariée, précisant à ce titre avoir été placée en arrêt maladie le 11 octobre 2017 à la suite d'un appel téléphonique de son supérieur qui l'a anéantie, que l'annonce de son éviction prochaine de son poste a contribué à la faire basculer dans une profonde dépression et que son état de santé était déjà grandement fragilisé par la charge de travail croissante imposée par l'employeur depuis 2015 qui l'a conduite à l'épuisement professionnel.

Il se déduit cependant des motifs précédents l'absence de lien entre les symptômes de la salariée puis son inaptitude et ses conditions de travail et qu'il n'est pas caractérisé de manquement de la société Solocal à son obligation de sécurité vis-à-vis de Mme [D].

En conséquence, le jugement sera aussi confirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement n'est pas dénué de cause réelle et sérieuse et a rejeté en conséquence l'ensemble des demandes en lien avec la rupture du contrat de travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme [D].

Il convient, au regard des circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Laisse à la charge de chacune des parties les frais par elles exposés en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens,

Condamne Mme [I] [D] aux dépens d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/00880
Date de la décision : 22/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-22;21.00880 ?
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