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20/06/2023 | FRANCE | N°22/07051

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 20 juin 2023, 22/07051


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 26H





DU 20 JUIN 2023





N° RG 22/07051

N° Portalis DBV3-V-B7G-VRBH





AFFAIRE :



[B], [G], [A], [T] [E] divorcée [D]

C/

[Z], [M], [O] [H], veuve en première noce de M. [I] [E] et veuve en secondes noces de M. [X] [C]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 décembre 2016 par le Trib

unal de Grande Instance de ROUEN

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Gisela Ruth SUCHY,



-Me Claire RICARD,



- PARQUET





RÉPUBLIQUE FRANÇ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 26H

DU 20 JUIN 2023

N° RG 22/07051

N° Portalis DBV3-V-B7G-VRBH

AFFAIRE :

[B], [G], [A], [T] [E] divorcée [D]

C/

[Z], [M], [O] [H], veuve en première noce de M. [I] [E] et veuve en secondes noces de M. [X] [C]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 décembre 2016 par le Tribunal de Grande Instance de ROUEN

N° Chambre :

N° Section :

N° RG :

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Gisela Ruth SUCHY,

-Me Claire RICARD,

- PARQUET

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (CIV.1) du 18 mai 2022 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de ROUEN le 12 novembre 2020

Madame [B], [G], [A], [T] [E] divorcée [D]

née le 12 Novembre 1962 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Gisela Ruth SUCHY, avocat - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 682

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/010032 du 08/11/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Madame [Z], [M], [O] [H], veuve en première noce de M. [I] [E] et veuve en secondes noces de M. [X] [C]

née le 24 Janvier 1943 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2221826

Me Anne COURTOT substituant Me Damien DELAUNAY de la SELAS SAINT YVES AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0218

****************

LE PROCUREUR GENERAL

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

pris en la personne de Mme Corinne MOREAU, Avocat Général

PARTIE JOINTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 03 Avril 2023, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

*********************

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [E] est née le 12 novembre 1962 de la relation entre M. [I] [E] et Mme [V] [R].

Par un jugement du 17 juin 1981, le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé l'adoption simple de Mme [E] par Mme [H], seconde épouse de M. [I] [E], décédé.

Par acte d'huissier de justice du 2 septembre 2014, Mme [H] a fait assigner Mme [E] aux fins de révocation de son adoption.

Par un jugement rendu le 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Rouen a :

- Ecarté des débats les pièces n°21 à 29 communiquées par Mme [Z] [H] en application de l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

- Révoqué l'adoption simple de Mme [B] [E] par Mme [Z] [H] prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Rouen en date du 17 juin 1981,

- Rappelé que cette révocation fait cesser pour l'avenir tous les effets de l'adoption,

- Ordonné que le dispositif de la présente décision soit mentionné en marge de l'acte de naissance de l'adoptée ou de la transcription du jugement d'adoption, à la requête du Procureur de la République,

- Rejeté le surplus des demandes respectives des parties,

- Laissé à chacune des parties la charge de ses frais non répétibles et de ses dépens, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Par arrêt du 12 juillet 2018, la cour d'appel de Rouen a :

- Confirmé le jugement susvisé en tant qu'il a écarté des débats les pièces n°21 à 27 ainsi que la pièce n°29, la cour s'étant fondée sur la circonstance que toutes les pièces n°21 à 27 ainsi que la pièce n°29 constituaient des courriers d'avocat à avocat ne revêtant pas le caractère de «lettres officielles», et, par suite, étaient couverts par le secret professionnel,

- Infirmé le jugement en tant qu'il a écarté des débats la pièce n°28 consistant en un courrier adressé par Mme [H] à son avocat, Me [J], et ayant été produit en justice par Mme [H] elle-même, donc non couvert par le secret professionnel,

Au fond, Infirmé le jugement après avoir retenu que, s'il était incontestable qu'une « très importante mésentente» successorale s'était instaurée entre les parties, aucune des deux instances judiciaires les opposant n'était à l'initiative de l'adoptée et que celle-ci ne pouvait se voir imputer un comportement injurieux à l'égard de sa mère adoptive, aucun motif grave au sens de l'article 370 au sens du code civil ne pouvant dès lors être retenu,

- en conséquence Débouté Mme [H] de sa demande de révocation simple de l'adoption de Mme [B] [E].

Par arrêt du 19 septembre 2019, sur pourvoi formé par Mme [H], la Cour de cassation a:

- Cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé du 12 juillet 2018,

- Remis en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt,

- Renvoyé les parties devant la cour d'appel de Rouen autrement composée,

- Condamné Mme [E] aux dépens,

- Débouté Mme [E] de sa demande présentée à l'encontre de Mme [E] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [E] a saisi la cour d'appel de Rouen sur renvoi après cassation le 6 février 2020.

Par un arrêt en date du 12 novembre 2020, la cour d'appel de Rouen a :

- Confirmé le jugement n°14/04493 en date du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal de grande instance de Rouen en tant qu'il a :

*écarté des débats et par suite rejeté les pièces n°22, 23, 24, 26, 27 et 29 produites par Mme [Z] [H] dans l'instance l'opposant à Mme [B] [E] divorcée [D],

*écarté des débats et par suite rejeté la pièce n°25 produite par Mme [Z] [H] dans l'instance l'opposant à Mme [B] [E] divorcée [D] et devenue la pièce n°30 devant la présente cour,

- Infirmé le jugement n°14/04493 du 13 décembre 2016 par lequel le tribunal de grande instance de Rouen a:

*écarté des débats et par suite rejeté les pièces n°21 et 28 produites par Mme [Z] [H] dans l'instance l'opposant à Mme [B] [E] divorcée [D],

*révoqué l'adoption simple de Mme [B] [E] par Mme [Z] [H] prononcée par le tribunal de grande instance de Rouen par jugement du 17 juin 1981,

*rappelé que cette révocation fait cesser pour l'avenir tous les effets de l'adoption,

*ordonné la transcription du jugement à la diligence du procureur de la République et la mention du dispositif du jugement en marge de l'acte de naissance de l'adoptée,

*laissé à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Statuant à nouveau :

- Dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter des débats et de rejeter les pièces n°21 et n°28 produites par Mme [Z] [H] devant le premier juge et devenues respectivement les pièces n°26 et 32 devant la présente cour,

- Débouté Mme [Z] [H] de sa demande tendant à la révocation de l'adoption simple par elle de Mme [B] [E] prononcée par le tribunal de grande instance de Rouen par jugement du 17 juin 1981,

- Constaté en conséquence que le jugement en date du 17 juin 1981 par lequel le tribunal de grande instance de Rouen a prononcé l'adoption simple de Mme [B] [E] par Mme [Z] [H], demeure sauf et continue de produire ses pleins et entiers effets,

- Rejeté toutes demandes des parties plus amples ou contraires au présent arrêt,

- Condamné Mme [Z] [H] aux entiers dépens de la présente instance d'appel ainsi qu'aux dépens dus au titre de l'instance devant le tribunal de grande instance de Rouen (jugement n°14/04493 en date du 13 décembre 2016),

Par un arrêt rendu le 18 mai 2022, la Cour de cassation a :

- Cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 novembre 2020 entre les parties, par la cour d'appel de Rouen,

- Remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles,

- Laissé à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel de Versailles,

- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes,

- Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé,

Mme [E] a saisi la cour d'appel de Versailles le 23 janvier 2023.

Par dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, Mme [E] demande à la cour de :

Vu l'article 370 du code civil

Vu l'article 699 et 700 du code de procédure civile

- Annuler le jugement déféré purement et simplement dans toutes ces dispositions,

- Débouter Mme [H] de l'ensemble de ses demandes,

- Condamner Mme [H] aux entiers dépense et à verser au conseil de Mme [E] la somme de 3 600 euros qui renonce alors à percevoir la partie contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle,

Par dernières conclusions notifiées le 14 mars 2023, Mme [H] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 368, 369 et 369-1 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1177-1 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence qui en découle,

Vu les pièces versées aux débats,

- La recevoir en ses demandes, fins et conclusions et la déclarer bien fondée,

- Rejeter toutes les demandes de Mme [B] [E] comme étant infondées,

- Infirmer le jugement du 13 décembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Rouen en ce qu'il a rejeté ses pièces 21 à 29, devenues 26 à 34, devenues 34 à 42,

Statuant à nouveau,

- La recevoir en toutes ses pièces,

- Confirmer le jugement du 13 décembre 2016 rendu par le tribunal de grande instance de Rouen en toutes ses autres dispositions et en conséquence,

- Révoquer l'adoption simple de Mme [B] [E] prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Rouen en date du 17 juin 1981,

- Rappeler que cette révocation fait cesser pour l'avenir tous les effets de l'adoption,

- Ordonner que le dispositif de la décision soit mentionné en marge de l'acte de naissance de l'adoptée ou de la transcription du jugement d'adoption, à la requête du procureur de la république, dans les quinze jours de la date à laquelle elle est passée en force de chose jugée,

- Condamner Mme [B] [E] aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de Me Claire Ricard, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par un avis rendu le 16 mars 2023, le Ministère public est d'avis de :

- Sur la forme, déclare recevable l'appel du 25 novembre 2022, sous réserve que la déclaration respecte un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt de la Cour de cassation,

- Sur le fond, de rejeter la demande de révocation de l'adoption simple.

SUR CE, LA COUR,

Sur la recevabilité la saisine

Mme [H] ne discute pas la recevabilité de la saisine.

Pour la bonne forme, il sera observé que Mme [E] a déposé une demande d'aide juridictionnelle moins de deux mois après l'arrêt de la Cour de cassation, qu'elle a reçu une décision favorable le 4 octobre 2022 et qu'elle a déposé une déclaration de saisine le 25 novembre 2022.

Sa déclaration de saisine est donc recevable.

Sur les limites de la saisine

Dans son arrêt du 18 mai 2022, la Cour de cassation a annulé l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen en toutes ses dispositions et remis les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt.

Par arrêt du 19 septembre 2019, la Cour de cassation avait cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Rouen le 12 juillet 2018.

Il en résulte que les parties se trouvent dans l'état où elles se trouvaient après le jugement rendu le 13 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Rouen.

Les deux prétentions tranchées par le tribunal sont les suivantes :

- la recevabilité des pièces 34 à 42 (anciennement numérotées 21 à 29 devant le tribunal) ;

- la révocation de l'adoption simple de Mme [E] par Mme [H].

Sur la recevabilité des pièces n°39 à 42 (anciennement n° 21 à 29)

Devant le tribunal, Mme [E] avait sollicité, et obtenu, que les pièces n°21 à 29 déposées par Mme [H] soient écartées des débats au motif que ces pièces constituaient des correspondances couvertes par le secret professionnel au sens de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ( correspondances entre avocats ou entre un avocat et son client).

Dans ses conclusions devant la présente cour, Mme [E] poursuit l'annulation du jugement déféré purement et simplement en toutes ses dispositions, ce qui comprend nécessairement la disposition du jugement ayant écarté des débats les pièces n° 21 à 29 (aujourd'hui 39 à 42).

Dans le corps de ses conclusions, Mme [E] ne demande pas que ces pièces soient écartées et en tout état de cause ne présente aucun moyen de fait ou de droit au soutien du rejet de ces pièces, contrairement à ce qu'elle avait demandé en première instance.

De son côté, Mme [H] demande à la cour d'annuler le jugement en ce qu'il a écarté les pièces n°21 à 29 ( aujourd'hui 39 à 42) et de la recevoir en toutes ses pièces.

Il résulte de ce qui précède que la cour n'est pas saisie d'une demande tendant à ce que les pièces n°39 à 42 ( anciennement 21 à 29) soient écartées des débats.

Elle est en revanche saisie d'une demande tendant à ce qu'elles soient déclarées recevables.

Dès lors, le jugement sera nécessairement infirmé en ce qu'il a écarté des débats les pièces n° 21 à 29.

Sur la révocation de l'adoption

Pour prononcer la révocation de l'adoption simple de Mme [E] par Mme [H], le tribunal a considéré que la virulence du conflit patrimonial relatif à la succession de [I] [E], au cours duquel Mme [E] s'est livrée à des actes injurieux à l'égard de Mme [H], avait irrémédiablement altéré le lien familial, ce qui constitue des motifs graves au sens de l'article 370-1 du code civil.

Moyens des parties

Mme [E] soutient que son comportement à l'égard de Mme [E], fut-il contrariant pour celle-ci, est parfaitement normal, en soulignant qu'une mésentente lors du règlement d'une succession peut survenir dans toutes les familles et qu'il ne peut pas lui être reproché d'avoir témoigné contre sa mère adoptive à l'occasion des procédures engagées contre elle par sa soeur.

Mme [H] conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la révocation de l'adoption simple, compte tenu de la mésentente profonde et irréversible entre elle et Mme [E], des accusations outrageantes et ingrates de la part de celle-ci à son égard et du chantage financier exercé à son encontre.

Appréciation de la cour

En application de l'article 370 du code civil, ' S'il est justifié de motifs graves, l'adoption peut être révoquée, à la demande de l'adoptant ou de l'adopté, ou, lorsque ce dernier est mineur, à celle du ministère public '.

Si, à la différence de l'adoption plénière, l'adoption simple, institution qui crée un véritable lien de filiation et que le législateur a voulu le plus proche possible du lien biologique auquel on ne peut pas renoncer, peut être révoquée, elle ne peut l'être que dans des circonstances exceptionnelles. La loi pose l'exigence de 'motifs graves'. Cette notion n'a cependant pas été définie par le législateur. La Cour de cassation a estimé que par 'motifs graves' il fallait entendre 'un comportement gravement répréhensible de la part de l'adopté à l'égard de l'adoptant' (1re Civ., 10 mai 2006, pourvoi n° 04-16.557). Elle a en outre précisé que la preuve de ces motifs graves résidait dans une cause survenue postérieurement au jugement d'adoption (1re Civ., 13 mai 2020, pourvoi n° 19-13.419).

En l'espèce, il ressort des nombreuses pièces communiquées par Mme [H] que les rapports entre elle et sa fille adoptive sont effectivement particulièrement conflictuels depuis près de 40 ans, notamment depuis le décès de [I] [E] en 1980 dont le règlement de la succession a donné lieu à un litige financier virulent.

Ainsi, Mme [B] [E] exerce depuis des années sur Mme [H] un chantage affectif et financier, allant jusqu'à monnayer son accord à la révocation de l'adoption.

Dans un courrier du 6 février 1992, Mme [B] [E] a en effet demandé à sa mère adoptive de l'aider à acquérir un bien immobilier : ' Si tu veux m'aider, nous annulons l'adoption ensemble '.

Mais surtout c'est à juste titre que le tribunal a estimé que les témoignages de Mme [E] au cours des différentes procédures engagées contre Mme [H] par la première fille de [I] [E] ou par M. [D], ex-époux de Mme [B] [E], revêtaient pour partie un caractère injurieux de par la gravité des accusations portées, alors pourtant qu'aucune de ces procédures pénales et civiles n'a abouti à une condamnation de Mme [H].

Ainsi, entendue le 25 octobre 1985 dans le cadre d'une procédure pénale initiée par la première fille de [I] [E], Mme [B] [E] a ' certifié sur l'honneur que Mme [E] ( ...) m'a affirmé qu'elle avait dissimulé les actions au porteur de la S.A.I.M'.

Entendue de nouveau le 30 avril 1987, elle a réitéré ce propos, ajoutant ' Je peux témoigner que 2 ou 3 jours avant le décès de mon père, Mme [E] a emporté des bibelots, de l'argenterie, des livres qui ont été amenés chez sa mère, à l'époque j'habitais encore à la maison après elle m'a mise à la porte ... En outre, peu après la mort de mon père Mme [E] a passé tout le week-end à fouiller la maison avec Maître [C], du moins c'est ce que m'a dit Mme [E] [la soeur de [B] [E]]'

Elle a ensuite écrit au juge d'instruction le 15 novembre 1985 réitérant notamment les propos relatifs à la dissimulation des actions au porteur.

Cette procédure engagée sur un dépôt de plainte avec constitution de partie civile par la soeur de Mme [B] [E] n'a donné lieu à aucune poursuite.

Ces accusations, par leur gravité, constituent un acte diffamatoire à l'encontre de Mme [H].

Par la suite, en 2010, Mme [B] [E] va se joindre à M. [D], son ex-époux, dans la procédure engagée contre Mme [H] en contestation de la liquidation de la succession.

Elle écrit dans ses conclusions ' Mme [H] a profité de sa qualité de mère, de la situation financière précaire et fragile de Mme [B] [E] pour lui faire signer un protocole d'accord aux termes duquel celle-ci renonce à toute action au sujet de la renonciation à la succession de son père '.

Dans ses conclusions en appel, elle écrit ' Il est manifeste que Mme [B] [E] a été spoliée par Mme [Z] [H] ...'

Dans son arrêt du 30 septembre 2015, la cour d'appel a jugé que la procédure, engagée 30 ans après le décès de [I] [E], était prescrite.

Il est ainsi établi qu'il n'y a plus depuis de longues années la moindre relation affective entre adoptante et adoptée, de sorte que le lien familial est définitivement altéré.

Une telle altération constitue les motifs graves exigés par l'article 370 du code de procédure civile précité exigé pour que la révocation de l'adoption simple puisse être prononcée.

Contrairement à ce que soutient Mme [E], il n'est pas nécessaire de caractériser la faute de l'adopté pour faire droit à la demande de révocation émanant de l'adoptant.

En tout état de cause, il est patent que la dégradation des relations entre Mme [E] et Mme [H] va bien au-delà de la simple mésentente qui, comme le souligne Mme [E], peut effectivement survenir dans toutes les familles notamment à l'occasion d'une succession.

Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu'il a révoqué l'adoption simple de Mme [B] [E] par Mme [Z] [H].

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Mme [E], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant dans les limites de la saisine,

INFIRME le jugement en ce qu'il écarté des débats les pièces n°21 à 29 communiquées par Mme [H] en application de l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971,

Le CONFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau et ajoutant,

DÉCLARE recevables l'ensemble des pièces produites par Mme [H],

CONDAMNE Mme [E] aux dépens de la procédure d'appel, qui pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 22/07051
Date de la décision : 20/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-20;22.07051 ?
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