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15/06/2023 | FRANCE | N°21/01659

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 15 juin 2023, 21/01659


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 JUIN 2023



N° RG 21/01659 - N° Portalis DBV3-V-B7F-URI2



AFFAIRE :



[O] [S]



C/



SELARL AXYME prise en la personne de Maître [X] [R], ès qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. CONNECTED WORLD SERVICES FRANCE

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Novembre 2016 par le Conseil de Pru

d'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 14/03619



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Savine BERNARD de la SELARL BERNARD - VIDECOQ



Me Pascal GASTEBOIS de l'ASSO...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 JUIN 2023

N° RG 21/01659 - N° Portalis DBV3-V-B7F-URI2

AFFAIRE :

[O] [S]

C/

SELARL AXYME prise en la personne de Maître [X] [R], ès qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. CONNECTED WORLD SERVICES FRANCE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : C

N° RG : 14/03619

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Savine BERNARD de la SELARL BERNARD - VIDECOQ

Me Pascal GASTEBOIS de l'ASSOCIATION HERTSLET WOLFER & HEINTZ

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES

Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUINZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 09 mars 2023, prorogé au 11 mai 2023, puis prorogé au 25 mai 2023, prorogé au 15 juin 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [O] [S]

née le 15 Août 1986 à [Localité 9] (07)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentant : Me Savine BERNARD de la SELARL BERNARD - VIDECOQ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire  K0138

APPELANTE

****************

SELARL AXYME prise en la personne de Maître [X] [R], ès qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. CONNECTED WORLD SERVICES FRANCE

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentant : Me Pascal GASTEBOIS de l'ASSOCIATION HERTSLET WOLFER & HEINTZ, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R188, substitué par Me Alexandre PICARD, avocat au barreau de PARIS

L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98, substitué par Me Jeanne-Marie DELAUNAY, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEES

****************

S.C.P. BTSG prise en la personne de Me [C] [J] ès qualité de mandataire liquidateur de la société THE NEW KASE

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Hubert MARTIN DE FREMONT de la SELAS SIMON ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0411

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

Greffier lors du prononcé : Madame Sophie RIVIERE

****************

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] [S] a été engagée par la société The Phone House à compter du 20 juillet 2010. Elle était en dernier lieu conseiller commercial expert, statut employé, niveau 3, échelon 2, coefficient 213 et percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 2 274,88 euros.

La convention collective nationale applicable est celle des commerces et services de l'audiovisuel, de l'électronique et de l'équipement ménager.

La société The New Kase, qui a repris, le 1er août 2013, le magasin de la société The Phone House au sein duquel la salariée était affectée, l'y a employée à compter de cette date.

La société The Phone House a changé en 2014 de dénomination sociale et est devenue la société Connected World Services France.

Contestant l'existence d'un transfert de plein droit de son contrat de travail de la société The Phone House à la société The New Kase, estimant avoir fait l'objet d'une rupture abusive de son contrat de travail par la société The Phone House le 1er août 2013, Mme [S] a saisi, le 12 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Nanterre.

Par jugement du 1er août 2014, le tribunal de commerce de Nanterre a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société The New Kase et désigné la Scp BTSG, mission conduite par Me [C] [J], ès qualités de mandataire judiciaire.

La relation de travail de Mme [S] avec la société The New Kase a été rompue d'un commun accord pour motif économique, dans le cadre d'un contrat de sécurisation professionnelle. A l'issue de leur relation de travail, le 22 juin 2015, la société The New Kase a versé à la salariée une indemnité de licenciement de 1 992,16 euros.

Par jugement du 25 juin 2015, le tribunal de commerce a arrêté le plan de continuation de la société The New Kase et désigné la Selarl AJRS, mission conduite par Me [L] [K], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan.

Par jugement du 30 novembre 2016, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- dit que l'article L 1224-1 du code du travail s'applique,

- débouté Mme [S] de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Connected World Services France,

- débouté Mme [S] de toutes ses demandes formées à l'encontre de la société The New Kase,

- débouté les parties défenderesses de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Mme [S] a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 11 janvier 2017.

La société Connected World Services France a décidé sa dissolution anticipée et sa liquidation amiable à compter du 25 août 2018.

Par jugement du 10 janvier 2019, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Connected World Services France et désigné la Selarl Axyme en la personne de Me [X] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de l'entreprise.

Par conclusions d'incident, l'AGS (CGEA d'Ile-de-France Ouest) a demandé au conseiller de la mise en état d'ordonner le sursis à statuer sur toutes les demandes formées par l'appelante dans l'attente de la décision de la cour de cassation sur les pourvois formés contre les arrêts de la cour d'appel de Versailles du 12 décembre 2018 se prononçant sur le transfert des contrats de travail de la société Connected World Services France à la société The New Kase en application de l'article L. 1224-1 du contrat de travail dans les litiges opposant d'autres salariés à la société Connected World Services France.

Par conclusions d'incident, la société The New Kase, la Selarl Ajrs, mission conduite par Me [L] [K], ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, et la Scp BTSG, mission conduite par Me [C] [J], ès qualités de mandataire judiciaire, ont demandé à ce qu'il soit sursis à statuer sur toutes les demandes formées par l'appelante dans l'attente de la décision définitive à intervenir dans le cadre des 57 procédures similaires pendantes depuis le 5 mars 2019 devant la cour de cassation sous le numéro de pourvoi J1913102 et autres.

Par ordonnance d'incident du 5 juin 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné le sursis à statuer sur les demandes des parties jusqu'au prononcé des arrêts de la cour de cassation et ordonné le retrait de l'affaire du rôle.

La cour de cassation ayant statué le 3 mars 2021 dans les procédures similaires objets d'un pourvoi, l'affaire a été réinscrite au rôle le 2 juin 2021.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 9 février 2022. L'affaire a été plaidée le 8 mars 2022 et mise en délibéré au 28 septembre 2022, différé au 29 septembre 2022.

Par jugement du 19 avril 2022, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de continuation de la société The New Kase et sa liquidation judiciaire et désigné la Scp BTSG, mission conduite par Me [C] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société The New Kase.

La salariée a sollicité le 8 juillet 2022 la réouverture des débats aux fins de mise en cause de la Scp BTSG, prise en la personne de Me [C] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société The New Kase.

Par arrêt du 29 septembre 2022, la cour a, avant-dire droit, ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture, renvoyé la cause et les parties à l'audience du 10 janvier 2023 pour intervention volontaire ou intervention forcée de la Scp BTSG, prise en la personne de Me [C] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société The New Kase et dépôt de nouvelles conclusions des parties, et réservé les dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 12 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [S] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et :

1/ A titre principal, de :

- Juger qu'elle a fait l'objet d'un licenciement abusif à la date du 1er août 2013 par la société Connected World Services France (anciennement dénommée The Phone House)

En conséquence,

- Inscrire au passif de la société Connected World Services le montant des créances suivantes :

*4 549,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 454,97 euros à titre de congés payés sur préavis

* 910 euros à titre d'indemnité de licenciement prévue par la convention collective

* 13 649,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 6 824 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement

* 15 924 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect du congé de reclassement ou pour perte de chance de bénéficier du congé de reclassement

- Juger que ces créances seront garanties et payées par les AGS

- Ordonner au mandataire liquidateur de la société Connected World Services de remettre une attestation pôle emploi, un certificat de travail et les bulletins de paie afférents sous réserve de 100 euros par jour de retard et par document

- Inscrire ces condamnations au passif de la société Connected World Services,

2/ A titre subsidiaire, de :

- Condamner la Société The New Kase in solidum avec la société Connected World Services France (anciennement dénommée The Phone House), ou seule,

- Inscrire au passif de la société Connected World Services et de la société The New Kase ou de la seule société The New Kase, le montant des créances suivantes le montant des créances suivantes :

*4 549,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 454,97 euros à titre de congés payés sur préavis

* 910 euros à titre d'indemnité de licenciement prévue par la convention collective

* 13 649,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* 6 824 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement

* 15 924 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect du congé de reclassement ou pour perte de chance de bénéficier du congé de reclassement

- Juger que ces créances seront garanties et payées par les AGS

- Ordonner au mandataire liquidateur de la société Connected World Services de remettre une attestation pôle emploi, un certificat de travail et les bulletins de paie afférents sous réserve de 100 euros par jour de retard et par document

- Ordonner à la société The New Kase de remettre une attestation pôle emploi, un certificat de travail et les bulletins de paie afférents sous réserve de 100 euros par jour de retard et par document

3/En tout état de cause,

- Débouter les sociétés de leurs demandes reconventionnelles

- Condamner in solidum les sociétés The New Kase et Connected World Services au paiement de 1600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Inscrire ces condamnations au passif de la société Connected World Services et de la société The New Kase

4/ En tout état de cause, condamner les sociétés The New Kase et Connected World Services aux entiers dépens et aux intérêts légaux avec anatocisme.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 8 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [X] [R], en qualité de mandataire liquidateur de la société Connected World Services France demande à la cour :

¿ In limine litis de :

- Juger que les demandes de Mme [S] à son encontre au titre de la collusion frauduleuse sont formées pour la première fois en cause d'appel et qu'elles sont nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

- Juger que la demande de la société The New Kase à son encontre au titre de l'indemnité de licenciement est formée pour la première fois en cause d'appel et qu'elle est nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile,

En conséquence

- Déclarer irrecevables toutes les demandes formées par Mme [S] au titre de la collusion frauduleuse, y compris ses demandes au titre d'une condamnation solidaire,

- Déclarer irrecevable la demande formée par la société The New Kase à son encontre au titre de l'indemnité de licenciement ;

¿ Sur les demandes de Mme [S], de :

de toutes ses demandes formées à l'encontre de la Société Connected World Services ;

- Juger que l'article L 1224-1 du code du travail s'applique,

- Juger qu'il n'y a aucune fraude dans l'application de l'article L 1224-1 du code du travail,

- Débouter Mme [S] de toutes ses demandes, y compris ses demandes au titre d'une condamnation solidaire,

considère que l'article L 1224-1 du code du travail ne s'applique pas,

- Juger que la société Connected World Services ne peut être tenue pour responsable de la décision de Mme [S] de remettre en cause le changement d'employeur,

- Débouter Mme [S] de toutes ses demandes,

peut être tenue pour responsable de la décision de Mme [S] de remettre en cause le changement d'employeur,

- Juger que le licenciement ne peut avoir une nature économique,

- En conséquence,

- Débouter Mme [S] des demandes suivantes :

*6 824 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement a.22 PSE,

*15 924 euros à titre de dommages et intérêts pour privation du congé de reclassement,

- Juger que Mme [S] a été en lien contractuel avec la société The New Kase jusqu'à la rupture de son contrat de travail d'un commun accord avec celle-ci après adhésion au CSP intervenue le 29 juillet 2015,

- Juger que Mme [S] est toujours en lien contractuel avec la société The New Kase,

En conséquence,

- Débouter Mme [S] des demandes suivantes :

* 4 549,76 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*454,97 euros à titre de congés payés sur préavis

*910 euros à titre d'indemnité de licenciement

*13 649,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

subsidiairement, limiter le montant de la réparation allouée à six mois de salaires conformément aux dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, soit à la somme de 13 649 euros,

*6 824 euros à titre d'indemnité complémentaire de licenciement a.22 PSE, subsidiairement, juger que Mme [S] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice, en conséquence, réduire cette indemnité à un montant symbolique,

*15 924 euros à titre de dommages et intérêts pour privation du congé de reclassement, subsidiairement, juger que Mme [S] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice ou de la perte de chance de bénéficier du congé de reclassement, en conséquence, réduire cette indemnité à un montant symbolique,

- Débouter Mme [S] de toutes ses autres demandes,

¿ Sur la demande de la société The New Kase si par extraordinaire la cour de céans considère que l'article L 1224-1 du code du travail ne s'applique pas

¿A titre principal, de

- Juger que la société Connected World Services ne peut être tenue pour responsable de la décision de Mme [S] de remettre en cause le changement d'employeur,

- En conséquence, de débouter la société The New Kase de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement,

¿A titre subsidiaire, de

- Juger que la demande de la société The New Kase de condamnation de Maître [X] [R], Selarl Axyme, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Connected World Services, au remboursement du trop-perçu par Mme [S] au titre de son indemnité de licenciement est mal fondée,

- En conséquence, débouter la société The New Kase de sa demande au titre de l'indemnité de licenciement,

¿ En tout état de cause, de

- Débouter Mme [S] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [S] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner Mme [S] aux entiers dépens.

Par conclusions d'intervention volontaire remises au greffe et notifiées par Rpva le 2 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la Scp BTSG, mission conduite par Me [C] [J], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société The New Kase demande à la cour de :

Vu l'arrêt de la cour de céans du 29 septembre 2022,

- Constater son intervention volontaire ;

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 12 septembre 2018,

Vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 3 mars 2021,

- Mettre hors de cause la société The New Kase,

A titre subsidiaire

- Constater que le liquidateur de la société The New Kase reprend à son compte les conclusions signifiées par la société et son administrateur judiciaire le 7 février 2022,

- Débouter le salarié de toutes demandes dirigées contre la société The New Kase,

- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 29 décembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, l'association délégation Unedic AGS CGEA Ouest demande à la cour de :

A titre principal :

- Juger que le transfert d'une entité économique autonome entre la société CWS et la société The New Kase est intervenu à la date du 1er août 2013,

En conséquence,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [S] de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- Constater qu'un changement d'employeur est intervenu le 1er août 2013 par effet de la novation,

En conséquence:

- Débouter Mme [S] des demandes formées à titre principal contre la société CWS,

A titre très subsidiaire :

- Juger les demandes de condamnation in solidum infondées,

- Juger que la garantie de l'AGS est subsidiaire,

En conséquence,

-Débouter Mme [S] de ses demandes de condamnations in solidum formulées à l'encontre des sociétés CWS et The New Kase,

A titre infiniment subsidiaire :

- Réduire dans de plus justes proportions la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- Débouter Mme [S] de sa demande d'indemnité complémentaire de licenciement prévue par le PSE et, en tout état de cause, la déclarer inopposable à l'AGS,

- Débouter Mme [S] de sa demande d'indemnité de licenciement,

- A défaut, ordonner la compensation des sommes versées au titre de l'indemnité de licenciement au regard des avances effectuées par l'AGS sur cette demande,

- Débouter Mme [S] de sa demande de congé de reclassement ou au titre de la perte de chance, ou juger cette demande inopposable,

En tout état de cause :

- Mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure et de l'astreinte.

- Juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L 622-28 du code du commerce.

- Fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société.

- Dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail et dans la limite des plafonds légaux.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été ordonnée par ordonnance du 10 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes nouvelles

Les dispositions de l'article L. 1452-7 du code du travail, résultant du décret n°2008-244 du 7 mars 2008, selon lesquelles les demandes dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel, sont applicables au présent litige, les dispositions de l'article 8 du décret n° 2016-660 du 20 mai 2016 qui abrogent l'article L. 1452-7 du code du travail, n'étant applicables, conformément à l'article 45 du décret, qu'aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016 et l'instance ayant été en l'espèce introduite devant le conseil de prud'hommes en 2014, les demandes nouvelles sont recevables devant la cour d'appel.

Sur l'application de plein droit des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail

La société The Phone House, filiale de la société de droit anglais Carphone Warehouse Europe Limited, exerçait une activité de distribution et de négoce de services et d'équipements de téléphone et accessoirement d'intermédiation en assurances et de gestion de contrats d'assurances au travers d'un vaste réseau de magasins. Son activité était consacrée essentiellement au conseil en téléphonie, à la distribution de contrats d'abonnements téléphoniques de différents opérateurs et à la vente de téléphones portables, de tablettes et d'accessoires. Les contrats de fourniture qu'elle avait conclus avec plusieurs opérateurs téléphoniques pour distribuer des contrats d'abonnements téléphoniques ont toutefois été successivement résiliés, celui qui la liait à la société Bouygues ayant été résilié en avril 2012, celui qui la liait à la société SFR l'ayant été à effet au 31 juillet 2014 et celui qui la liait à la société Orange ayant été résilié le 24 janvier 2013 à effet au 31 décembre 2014.

Dans une lettre-circulaire du 30 avril 2013, elle a annoncé, d'une part, un projet de cessation définitive de ses activités de distribution, hormis l'activité d'assurance, et, d'autre part, la négociation d'un projet de cession de 85 magasins à la société The Kase.

Elle a constitué à cette fin le 3 mai 2013 une société filiale, la société Tel&Co World, dont elle était l'associée unique.

Elle a procédé à compter du 17 mai 2013 à l'information-consultation des institutions représentatives du personnel, d'une part, sur le projet de réorganisation visant à la cessation définitive de ses activités de distribution, le projet de licenciement collectif pour motif économique en résultant et le plan de sauvegarde de l'emploi à mettre en oeuvre et, d'autre part, sur le projet de cession d'un certain nombre de ses magasins à la société The Kase, qui exploitait alors quelques magasins spécialisés dans la création et la vente d'accessoires pour téléphones portables et tablettes.

Elle a conclu le 18 juillet 2013 un contrat de cession sous conditions suspensives de l'intégralité de ses actions de la société Tel&Co World à la société The Kase à effet au 1er août 2013.

Aux termes du traité d'apport partiel d'actif à la société Tel&Co World signé le 31 juillet 2013, la société The Phone House :

¿ a apporté à la société Tel&Co World concernant 114 magasins :

*les droits aux baux,

*les immobilisations financières correspondant aux dépôts de garantie de ces baux,

*les immobilisations corporelles correspondant aux agencements et mobiliers, installation de climatisation et matériels informatiques non loués,

*diverses créances ;

¿ a expressément exclu de cet apport :

*les stocks de produits en magasin laissés à la disposition du bénéficiaire au moyen d'un contrat-cadre de prestations de services prévoyant un dépôt de ces produits,

*la marque The Phone House pour laquelle le bénéficiaire se verra consentir une licence gratuite à titre d'enseigne pour les besoins de son activité,

*les logiciels et développements informatiques, dont l'usage sera consenti au bénéficiaire au moyen du contrat cadre de prestations,

*le matériel informatique loué par elle, laissé à la disposition du bénéficiaire au moyen dudit contrat de prestation de service,

*les créances clients au titre de son activité avant la date de l'apport,

*les contrats avec les opérateurs et la compagnie d'assurance dont les services seront commercialisés dans les magasins repris par Tel&Co World, ledit contrat de prestations de service permettant au bénéficiaire de réaliser ladite commercialisation,

*les contrats d'achat avec les fabricants de téléphones mobiles, tablettes, accessoires, etc.

Il a été stipulé au traité d'apport que le bénéficiaire Tel&Co World reprendra le personnel de l'apporteur strictement affecté à la branche d'activité et que 'conformément aux dispositions de l'article L. 1224-1, le Bénéficiaire sera, par le seul fait de la réalisation du présent apport, subrogé purement et simplement dans le bénéfice et la charge des contrats de travail des salariés transférés et des droits et obligations qui y sont attachés.'

La société The Phone House (TPH) et sa société mère, la société Carephone Warehouse Europe Limited (CWEL), ont signé le 1er août 2013 un contrat cadre de prestations de service avec la société Tel&Co World applicable pendant une période intermédiaire définie par le contrat de cession d'actions comme commençant à la date d'effet de celui-ci, le 1er août 2013, pour se terminer à la date de fermeture des magasins en vue de leur rénovation par la société The Kase, pour les mettre au design de son nouveau concept et préparer son activité future, la vente de coques de téléphone personnalisées. Le calendrier des fermetures établi par la société Tel&Co World annexé au contrat de prestation de service prévoyait la fermeture d'une quinzaine de magasins par mois, les 15 premiers magasins devant être fermés pour travaux le 15 octobre 2013 et les 9 derniers le 1er mai 2014.

Ce contrat de prestation de service stipulait en son exposé introductif que la société Tel&Co World ne sera tenue d'aucun paiement ou décaissement au titre des charges d'exploitation et des charges exceptionnelles desdits magasins, ces paiements étant effectués directement par TPH ou CWEL pour le compte de Tel&Co World (comme par exemple pour les charges liées aux salaires ou aux loyers) ou tout d'abord pris en charge par TPH pour la totalité de son parc de magasins avant de donner lieu à refacturation de sa quote-part à Tel&Co World (comme par exemple pour les charges d'électricité, d'eau, ou autres contrats de fournitures). Il précisait qu'en payant directement pour le compte de Tel&Co World ou en refacturant à Tel&Co World, TPH fera apparaître une dette de compte-courant dans les comptes de Tel&Co World (la dette d'exploitation).

La cession d'actions a pris effet le 1er août 2013 et la société Tel&Co World a changé dès lors de dénomination sociale, devenant la société The New Kase.

La société The Phone House ayant décidé, dans le cadre du projet de réorganisation visant à la cessation définitive de ses activités de distribution, de procéder au licenciement collectif pour motif économique de 501 salariés, a arrêté, le 6 septembre 2013, un plan de sauvegarde de l'emploi.

Elle a changé de dénomination sociale courant 2014, devenant la société Connected World Services France, dite ci-après la société CWS France.

La mention dans le traité d'apport partiel d'actifs du transfert au bénéficiaire au 1er janvier 2013 des contrats de travail des salariés affectés aux magasins objets de l'apport est en elle-même inopposable aux salariés.

Il appartient à la cour de vérifier si les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail étaient réunies à la date du 1er août 2013.

Il résulte de l'article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 que les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise.

Constitue une entité économique autonome un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre. Le transfert d'une telle entité ne s'opère que si des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant.

L'activité de distribution et de vente de services et d'équipements de téléphone de la société The Phone House s'exerçait au travers de son réseau de magasins. Le traité d'apport partiel d'actifs conclu avec la société Tel&Co World relatif à 114 de ces magasins ne portait que sur les droits aux baux, les immobilisations financières correspondant aux dépôts de garantie de ces baux, les immobilisations corporelles correspondant aux agencements et mobiliers, installation de climatisation et matériels informatiques non loués, outre diverses créances, mais excluait expressément les éléments permettant à la société Tel&Co World, désormais dénommée la société The New Kase, de poursuivre l'activité qui y était antérieurement exercée par la société The Phone House, puisqu'il excluait notamment de l'apport les contrats avec les opérateurs et la compagnie d'assurance, les contrats d'achat avec les fabricants de téléphones mobiles, tablettes, accessoires, etc., les stocks de produits en magasin, la marque The Phone House, les logiciels et développements informatiques. Ces moyens significatifs et nécessaires à la poursuite de l'activité de l'entité, qui n'étaient pas transférés, étaient conservés par la société The Phone House.

Si un contrat de prestations de service a été conclu le 1er août 2013 par la société The Phone House avec la société Tel&Co World, devenue la société The New Kase, pour une période allant de la cession de ses actions à la fermeture des magasins pour rénovation en vue du démarrage de l'activité future de la société The New Kase, la conception et la vente d'accessoires de téléphonie personnalisés, ce contrat n'assurait pas cependant à celle-ci une réelle autonomie de gestion des magasins.

La société The Phone House conservait en effet l'exploitation à son profit de l'activité des magasins apportés à la société The New Kase jusqu'à leur fermeture pour rénovation et le contrat de prestations de service conclu pour la durée de cette période intermédiaire s'apparentait en fait à un mandat de gestion et d'administration.

La société The New Kase devait, durant cette période, respecter l'organisation mise en place par la société The Phone House et reverser à celle-ci le chiffre d'affaires réalisé.

Elle devait faire les meilleurs efforts pour faire respecter par ses salariés, avec l'aide et la coopération de la société The Phone House, les différentes procédures, notes, etc émises par cette dernière pour la bonne exécution du contrat.

Les conditions d'encaissement des ventes en magasin étaient celles fixées par la société The Phone House :

- la société The New Kase devait recevoir les paiements des clients conformément au manuel des opérations et en particulier appliquer la procédure caisse détaillée au manuel opératoire pratiqué par la société The Phone House ;

- agissant au nom et pour le compte de la société The Phone House, elle devait faire figurer TPH en en-tête sur les tickets de caisse.

La société The New Kase, à qui la société The Phone House donnait pouvoir pour effectuer en son nom et pour son compte les opérations de dépôts et remises sur son compte bancaire, devait déposer au moins deux fois par semaine les espèces et les chèques conformément aux procédures détaillées au manuel opératoire de la société The Phone House.

La société The Phone House supportait quant à elle l'ensemble des charges d'exploitation et des charges exceptionnelles de chaque magasin entrant dans le périmètre du traité d'apport, notamment les loyers et charges locatives, les charges afférentes aux salariés affectés à ces magasins ainsi que celles des salariés éventuellement mis à disposition (salaires, charges sociales, tickets restaurant, cotisations caisse de retraite et mutuelle et prévoyance, formation continue, transport et taxe d'apprentissage), outre les impôts, contributions et taxes se rapportant à cette période.

En l'absence de transfert à la date de la reprise des magasins, le 1er août 2013, de moyens significatifs et nécessaires à la poursuite de l'activité, il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome ayant conservé son identité et dont l'activité a été poursuivie ou reprise.

Les conditions d'application de l'article L. 1224-1 n'étant pas réunies, le contrat de travail de Mme [S] n'a pas été transféré de plein droit de la société CWS France à la société The New Kase.

Sur l'application volontaire des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail

Lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas réunies, le transfert du contrat de travail d'un salarié à un autre employeur constitue une novation qui ne peut s'opérer sans son accord exprès, lequel ne peut se déduire de la seule poursuite du contrat de travail sous une autre direction.

Si la novation n'est soumise à aucune formalité particulière, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'exiger la signature d'une convention tripartite ou la formalisation d'un accord écrit, l'intention de nover, qui ne se présume pas, doit être certaine. Elle doit résulter d'actes manifestant sans équivoque la volonté du salarié d'accepter le transfert de son contrat de travail à un nouvel employeur.

Il ne peut être tiré aucune conséquence du changement, sur les bulletins de paie de la salariée, de l'institution de complémentaire santé et de prévoyance, cette affiliation s'imposant à l'intéressée et étant au surplus nécessaire à la sauvegarde de ses droits.

Il ne peut être tiré non plus aucune conséquence de la reprise d'ancienneté décidée unilatéralement par le nouvel employeur.

Le seul fait que la salariée, constatant le changement de direction qui lui était imposé, ait accepté le contrat de sécurisation professionnelle proposé par la société The New Kase ne suffit pas à caractériser sa volonté d'accepter le transfert de son contrat de travail, ce qu'elle a explicitement exclu en saisissant auparavant le conseil de prud'hommes le 12 décembre 2014.

La volonté claire et non équivoque de Mme [S] d'accepter le transfert de son contrat de travail de la société CWS France à la société The New Kase n'étant pas démontrée en l'espèce, les seuls bulletins de salaire établis unilatéralement par cette dernière ne permettant pas d'en rapporter la preuve, le transfert litigieux ne pouvait être imposé par la société CWS France à la salariée.

Sur la rupture du contrat de travail par la société CWS France

En considérant à tort le contrat de travail de Mme [S] comme ayant été transféré à la société The New Kase, et en cessant par suite d'exécuter ses obligations contractuelles vis-à-vis de la salariée, la société CWS France a rompu abusivement le contrat de travail qui la liait à celle-ci.

Sur les demandes formées à l'encontre de la société CWS France

- sur l'indemnité de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le contrat de travail rompu par la société CWS France et le contrat de travail rompu d'un commun accord avec la société The New Kase constituant deux contrats de travail distincts, Mme [S] est bien fondée à prétendre à des créances d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse envers la société CWS France, nonobstant l'indemnité de licenciement perçue de la société The New Kase.

Il convient en conséquence de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société CWS France les créances suivantes :

- 4 549,76 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, laquelle n'est pas subordonnée à l'absence de nouvel emploi de la salariée, ainsi que la somme de 454,97 euros brut au titre des congés payés afférents ;

- 910 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, sans qu'il y ait lieu d'en déduire ou d'ordonner compensation avec l'indemnité de licenciement versée par la société The New Kase à la salariée (dont il n'est pas établi qu'elle ait été avancée par l'AGS), la reprise d'ancienneté décidée unilatéralement par le nouvel employeur ne pouvant priver la salariée de ses droits vis-à-vis de son ancien employeur.

Au moment de la rupture de son contrat de travail, Mme [S] avait au moins deux années d'ancienneté et la société CWS France employait habituellement au moins onze salariés. En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, l'intéressée peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement.

Mme [S] ne justifiant par ailleurs d'aucun préjudice supplémentaire, il convient de lui allouer en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de perte de son emploi au sein de la société CWS France, la somme de 13 649,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- sur le bénéfice des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi de la société CWS France

La rupture du contrat de travail par la société CWS France pour un motif non inhérent à la personne de la salariée s'analyse en une rupture pour motif économique.

Par le transfert irrégulier du contrat de travail de sr, la société CWS France a éludé les droits et garanties dont l'intéressée aurait bénéficié en cas de licenciement pour motif économique.

La salariée dont le poste au sein de la société CWS France était supprimé, est bien fondée à prétendre aux mesures prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi, que celle-ci, qui employait au moins cinquante salariés, a été tenue d'établir et de mettre en oeuvre, s'agissant d'un licenciement collectif pour motif économique concernant au moins dix salariés dans une même période de 30 jours, ce plan devant s'appliquer à tous les salariés appartenant aux catégories professionnelles concernées par la rupture pour motif économique de leur contrat de travail à l'initiative de l'employeur.

Mme [S] est en conséquence bien fondée à prétendre à l'indemnité complémentaire de licenciement prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi arrêté le 6 septembre 2013 mis en oeuvre par la société CWS France.

Le plan de sauvegarde de l'emploi arrêté par la société CWS France le 6 septembre 2013 a prévu que l'employeur versera au salarié, outre l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, une indemnité complémentaire brute calculée selon les modalités suivantes :

-1 mois de salaire brut par année d'ancienneté avec un minimum de 4 000 euros brut jusqu'à 4 ans d'ancienneté ;

-1,2 mois de salaire brut par année d'ancienneté au-delà de 4 ans jusqu'à 8 ans d'ancienneté ;

-1 mois de salaire brut au-delà de 8 ans d'ancienneté.

Le salaire de référence pris en compte pour le calcul de cette indemnité est la moyenne de la rémunération brute des 12 derniers mois de salaire (fixe et variable et hors primes exceptionnelles et avantages en nature).

Il convient en conséquence d'allouer à Mme [S] la somme de 6 824 euros brut à titre d'indemnité complémentaire de licenciement.

Mme [S] sollicite en outre l'allocation de dommages-intérêts pour non-respect du congé de reclassement ou pour perte de chance de bénéficier du congé de reclassement.

Le plan de sauvegarde de l'emploi, qui rappelle que tout salarié licencié économiquement dans une entreprise comptant au moins 1000 salariés (et s'il existe dans l'UE au moins 2 établissements de plus de 150 salariés) a la faculté de bénéficier d'un congé de reclassement pendant son préavis, prévoit que l'employeur proposera aux salariés dont le licenciement ne pourrait pas être évité de bénéficier d'un congé de reclassement.

Il précise :

*que le congé de reclassement a pour objectif de faciliter le reclassement externe par :

- un entretien individuel d'évaluation et d'orientation qui permet de déterminer un projet professionnel de reclassement ainsi que les moyens de mise en 'uvre concrets de ce projet ;

- l'accompagnement dans la définition d'un projet professionnel de reclassement ;

- l'accès aux prestations de l'antenne de reclassement pour les démarches de recherche d'emploi ;

*que le congé de reclassement sera d'une durée de 12 mois, en ce inclus le préavis, et que, dans l'hypothèse où le salarié retrouverait un emploi avant le terme initial du congé de reclassement, la prise d'effet du nouveau contrat de travail fixerait alors le terme du congé de reclassement ;

*que la rémunération du salarié est assurée par l'employeur pendant toute la durée du congé de reclassement, que pour la période excédant la durée du préavis le salarié perçoit une allocation dont le montant est légalement égal à 70% de sa rémunération mensuelle brute moyenne des douze derniers mois précédant la notification du licenciement et que ce pourcentage est porté à 72 ou 75% lorsque le salarié remplit un ou plusieurs critères de fragilités énoncés par le plan.

La salariée qui, sans avoir exprimé son accord au changement d'employeur, a toutefois immédiatement occupé un emploi lui procurant un revenu égal ou supérieur à l'allocation de congé de reclassement n'établit pas avoir subi du fait de l'absence de proposition de congé de reclassement un préjudice autre que celui résultant de la perte de chance de bénéficier des mesures destinées à faciliter un reclassement externe librement consenti. Il convient de lui allouer en réparation de ce préjudice la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts.

Sur la remise des documents sociaux

Il convient d'ordonner à Me [X] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Connected World Services France de remettre à Mme [S] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt. Il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte.

Sur les intérêts

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 10 janvier 2019, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société CWS France, a arrêté le cours des intérêts légaux.

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société CWS France de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au 9 janvier 2019 et il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil applicable au litige à compter de la date de la demande qui en a été faite en justice jusqu'au 9 janvier 2019.

Les créances indemnitaires allouées par le présent arrêt, postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, ne produisent pas intérêts.

Sur la garantie de l'AGS

Les articles L. 3253-20 et L. 3253-21 du code du travail excluent pour le salarié le droit d'agir directement contre les institutions de garantie et lui permettent seulement de demander que les créances litigieuses soient inscrites sur le relevé dressé par le mandataire judiciaire afin d'entraîner l'obligation pour lesdites institutions de verser, selon la procédure légale, les sommes litigieuses entre les mains de celui-ci.

Les dommages-intérêts dus au salarié à raison de l'inexécution par l'employeur d'une obligation découlant du contrat de travail sont garantis par l'AGS dans les conditions prévues à l'article L. 3253-8 du code du travail.

Une indemnité supra-légale de licenciement constitue une somme concourant à l'indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail au sens de l'article L. 3253-13 du code du travail, qui, lorsqu'elle n'entre pas dans le champ d'application de ce texte, est couverte par l'AGS. Le plan de sauvegarde de l'emploi arrêté par la société Connected World Services France le 6 septembre 2013 prévoyant le versement d'une indemnité complémentaire de licenciement ne résultant pas d'un accord collectif conclu et déposé ou d'une décision unilatérale de l'employeur notifiée moins de dix-huit mois avant la date du jugement de liquidation judiciaire de la société CWS France, le 10 janvier 2019, la garantie de l'AGS est due.

La garantie de l'AGS s'étend aux sommes prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi pour favoriser le reclassement des salariés ainsi qu'aux dommages-intérêts réparant l'inexécution d'un engagement tendant à ces reclassements. Elle couvre donc les dommages-intérêts alloués pour perte de chance de bénéficier des mesures destinées à faciliter un reclassement externe librement consenti.

Ne constituent pas en revanche des sommes dues en exécution du contrat de travail et ne bénéficient donc pas de la garantie de l'AGS :

- les sommes dues en application de l'article 700 du code de procédure civile, nées d'une procédure judiciaire ;

- la somme due à un salarié en vertu d'une astreinte prononcée par une décision de justice.

Le présent arrêt sera opposable à l'AGS (CGEA d'Ile-de-France Ouest) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail.

Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

Sur les prétentions subsidiaires à l'encontre de la société The New Kase

La cour faisant droit à la demande principale de Mme [S] dirigée exclusivement contre la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [X] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CWS France, il n'y a pas lieu de statuer sur les prétentions subsidiaires de la salariée à l'encontre de la société The New Kase.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la Selarl Axyme, prise en la personne de Me [X] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société CWS France, qui succombe.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 30 novembre 2016 en ses dispositions ayant débouté Mme [O] [S] de ses demandes à l'encontre de la société Connected World Services France, et statuant à nouveau et y ajoutant :

Dit que le contrat de travail liant Mme [O] [S] à la société The Phone House, ultérieurement dénommée la société Connected World Services France, n'a pas été transféré de plein droit à la société The New Kase ;

Dit que la rupture du contrat de travail liant Mme [O] [S] à la société The Phone House, ultérieurement dénommée la société Connected World Services France, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Fixe la créance de Mme [O] [S] au passif de la liquidation judiciaire de la société Connected World Services France comme suit :

*4 549,76 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

*454,97 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 910 euros brut à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 13 649,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 6 824 euros brut au titre de l'indemnité complémentaire de licenciement prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi,

*2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier des mesures afférentes au congé de reclassement destinées à favoriser le reclassement ;

Dit n'y avoir lieu d'ordonner la déduction ou la compensation de la somme due par la société Connected World Services France ci-dessus allouée à Mme [O] [S] au titre de l'indemnité de licenciement et la somme versée par la société The New Kase à Mme [S] à titre d'indemnité de licenciement ;

Dit que les créances salariales ainsi que les sommes allouées à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement et d'indemnité complémentaire de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Connected World Services France de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au 9 janvier 2019 ;

Ordonne la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien devenu l'article L. 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en a été faite en justice jusqu'au 9 janvier 2019 ;

Dit que les autres créances indemnitaires ne produisent pas intérêts ;

Ordonne à Me [X] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Connected World Services France, de remettre à Mme [O] [S] un bulletin de paie récapitulatif, une attestation pôle emploi et un certificat de travail conformes au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte ;

Dit le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA d'Ile-de-France Ouest) dans la limite des dispositions des articles L. 3253-6 et suivants et D 3253-5 du code du travail ;

Dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;

Rejette les demandes des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de Me [X] [R], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Connected World Services France.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/01659
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.01659 ?
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