COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 71F
4e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 JUIN 2023
N° RG 21/02569 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UOQX
AFFAIRE :
S.A.S.U. GROUPE WAYNE
C/
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 3] À [Localité 7] pris en la personne de son syndic en exercice, actuellement la Société GESIP
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2021 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 17/07500
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Frédérique FARGUES,
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
S.A.S.U. GROUPE WAYNE
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représentant : Me Frédérique FARGUES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 138 et Me Jérôme CHAMARD de la SCP SCP d'Avocats BOUYEURE BAUDOUIN DAUMAS CHAMARD BENSAHEL GOME Z-REY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0056
APPELANTE
****************
SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 3] À [Localité 7] pris en la personne de son syndic en exercice, le cabinet GESIP, elle-même prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 et Me Sandrine MADANI de la SELARL TOUZERY MADANI BEUSQUART-VUILLEROT AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1694
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Mars 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président et Madame Marietta CHAUMET, Vice-Président placé, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président,
Madame Séverine ROMI, Conseiller,
Madame Marietta CHAUMET, Vice-Président placé,
Greffier, lors des débats : Madame Kalliopi CAPO-CHICHI,
****************
Par acte du 24 octobre 2016, Madame [X], a cédé à la société GROUPE WAYNE la pleine propriété des biens immobiliers qu'elle détenait dans un immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 7].
Par acte du 6 juillet 2017, la société GROUPE WAYNE a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] afin qu'il soit constaté que Mme [X], ainsi que la société requérante à sa suite, ont obtenu par prescription acquisitive la propriété des parties communes, à savoir le sol de la cour attenante au local commercial et d'obtenir l'annulation des résolutions n°20, tendant à permettre la création d'un nouveau lot de copropriété identifié sous le n°46, n°21 destinée à procéder à la modification de l'état descriptif de division résultant de la création du lot susvisé et n°22 portant sur la désignation d'un notaire aux fins de publication des actes, de l'assemblée générale du 30 mars 2017.
Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre, a :
-Constaté la propriété exclusive du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] sur la partie de la cour commune litigieuse, soit « Une partie du sol de la cour attenante un de ses cotés, de 5mètres 70 au mur sur cour du bâtiment en façade sur rue et sur un autre de ses cotés de six mètres environ au mur mitoyen avec l'immeuble [Adresse 5], le tout d'une superficie de trente-six mètres carrés environ. » ;
-Débouté la société GROUPE WAYNE de sa demande d'annulation des résolutions n°20, 21 et 22 de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 mars 2017 ;
-Condamné la société GROUPE WAYNE à démolir l'atelier attenant au lot n° 1 situé sur la cour partie commune ainsi qu'à procéder à la remise en état de celle-ci dans son état d'origine sous astreinte de 300 €par jour de retard à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement et ce pendant un délai de quatre mois, passé lequel il sera procédé à la liquidation du montant de l'astreinte ;
-Débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] de sa demande de dommages intérêts ;
-Condamné la société GROUPE WAYNE à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Rejeté toutes autres demandes ;
-Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
-Condamné la société GROUPE WAYNE aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile;
La société GROUPE WAYNE a interjeté appel suivant déclaration du 20 avril 2021, à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7] (92200). Il demande à la cour, par ses dernières conclusions signifiées le 30 novembre 2021, au visa des dispositions des articles 2219, 2227, 2241 et 2255 et suivants du code civil, la loi du 10 juillet 1965, du décret du 17 mars 1967, de :
-Dire et juger la société' GROUPE WAYNE recevable et bien fondée en son appel,
En conséquence, y faisant droit,
-Reformer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE le 22 mars 2021, sauf en ce qu'il a déboute' le syndicat des copropriétaires de sa demande de dommages intérêts,
Et, statuant a' nouveau,
-Juger que les conditions de l'usucapion sont réunies ;
-Juger qu'avant même l'acquisition du lot n°1 par la société GROUPE WAYNE, Mme [X] était devenue propriétaire par usucapion de la partie du sol de la cour attenante au lot n°1 et de l'atelier sur laquelle il a e'te' construit ;
-Juger en conséquence que la société' GROUPE WAYNE est propriétaire de la partie du sol de la cour attenante au lot n°1 de copropriété' et de l'atelier sur l'emprise de laquelle il a e'te' construit, a' savoir « partie de cour de 5 mètres 70 au mur sur cour du bâtiment en façade sur rue et sur un autre de ses cote's de 6 mètres environ au mur mitoyen avec l'immeuble [Adresse 4], le tout d'une superficie de trente-six mètres carre's environ ainsi que le terrain s'étend » ;
-Annuler les résolutions n°20, 21 et 22 votées lors de l'assemblée générale des copropriétaires réunie le 30 mars 2017 ;
-Juger que le modificatif a' l'état descriptif de division soumis a' l'approbation de l'assemblée générale, créant notamment un lot n°46 correspondant a' la partie de la cour objet d'un usucapion, est de nature a' régulariser la situation de fait et de droit de cette partie de l'immeuble sis [Adresse 3] a' [Localité 7] ;
-Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] [Localité 7] a' faire procéder a' la publication dudit modificatif a' l'état descriptif de division, emportant modification de la grille des tantièmes de copropriété' et de charges ;
-Assortir cette condamnation d'une astreinte de 300 € par jour de retard commençant a' courir 6 mois après le prononce' de l'arrêt a' intervenir ;
-Juger prescrite la demande en démolition de l'atelier et en remise en l'état antérieur de la cour formée par le syndicat des copropriétaires ;
-Rejeter la demande formée par le syndicat des copropriétaires de ce chef ;
-Juger également prescrite et a' tout le moins mal fondée la demande formée a' titre de dommages et intérêts ;
-Débouter en conséquence le syndicat des copropriétaires de la demande formée de ce chef ;
-Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] [Localité 7] a' payer a' la société' GROUPE WAYNE une somme de 15.000 Euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
-Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] [Localité 7] aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Frédérique FARGUES, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 7] (92200), demande à la cour, par ses dernières conclusions signifiées le 9 septembre 2021, au visa des dispositions des articles 3, 4, 14, 24 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, l'article 18 du décret du 17 mars 1967, l'article 547 et suivants du code civil, 1240 et suivants du code civil et 2257 et suivants du code civil, 9, 56, 696 et 700 du code de procédure civile, L 131-2 du code de procédure civile d'exécution, de :
-Dire et juger que le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] ' [Localité 7] est recevable et bien fonde' en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-Confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE en date du 22 mars 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté' la demande de dommages et intérêts du syndicat des copropriétaires ;
-Condamner la société GROUPE WAYNE, venant aux droits de Madame [Z], veuve [X], au paiement de la somme de 5.000,00 euros en réparation du préjudice de jouissance subi par le Syndicat des copropriétaires depuis près de 60 ans ;
-Condamner la société' GROUPE WAYNE a' payer au Syndicat des copropriétaires la somme de 5000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
-Condamner la société' GROUPE WAYNE aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 février 2023.
Par conclusions signifiées le 23 février 2023, l'appelante sollicite le rejet des conclusions récapitulatives de l'intimé du 13 février 2023.
L'incident a été joint au fond.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à la décision et aux conclusions susvisées pour plus ample exposé du litige.
SUR CE LA COUR
1- Sur la recevabilité des conclusions du 13 février 2023
Sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile, l'appelante sollicite le rejet des conclusions récapitulatives de l'intimé signifiées le 13 février 2023 à 17 h00, soit la veille de la date de clôture fixée au 14 février 2023, au motif qu'il n'est pas en mesure de débattre des nouveaux arguments y figurant en réponse à ses propres conclusions, signifiées le 30 novembre 2021.
Le syndicat des copropriétaires soutient que les conclusions litigieuses comportent peu de modifications.
Il fait valoir que ces conclusions n'étaient soumises à aucun calendrier intermédiaire entre la date de clôture et de plaidoiries et que par ailleurs, il ne s'est pas opposé à la demande de report de la date de clôture formée par l'appelante.
La cour retient ce qui suit.
Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile,' les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.'
L'article 16 du même code dispose que: 'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.'
En l'espèce, le syndicat des copropriétaires a signifié par RPVA à 17h00 la veille du jour de l'ordonnance de clôture, des conclusions récapitulatives comportant de nouveaux éléments d'argumentation pages 12, 19, 25 et 26, en réponse aux conclusions de l'appelante signifiées le 30 novembre 2021, antérieures de plus de 14 mois.
Le caractère tardif de la communication de ces écritures ayant empêché l'appelante de répliquer utilement, ces conclusions doivent être déclarées irrecevables sur le fondement des articles 15 et 16 du code de procédure civile précités.
2- Sur l'usucapion
L'appelante critique le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que les conditions d'usucapion de l'extension de la boutique sous forme d'un atelier sur la cour de la copropriété dans le prolongement du lot numéro 1, local commercial situé dans le bâtiment A de l'immeuble sus-visé, faisaient défaut.
Se fondant sur les articles 2258, 2255, et 2261 du code civil, l'appelante fait valoir en premier lieu que le local litigieux a fait l'objet d'une possession paisible, publique,non-équivoque, non interrompue et à titre de propriétaire au regard, notamment, de son emplacement par rapport aux autres lots de copropriété, les photos aériennes qui démontrent sa présence continue et le contrat de bail distinct spécifique dont fait l'objet la surface de la cour sur laquelle il est érigé afin d'être incorporée au lot n°1 dont Mme [X] était alors propriétaire.
En deuxième lieu, l'appelante fait valoir que le délai de prescription de 30 ans est acquise depuis au plus tard le 8 avril 1998 compte tenu de la date à laquelle a été délivré le permis de construire et des images des photos aériennes datant de 1968.
Elle réfute par ailleurs l'argumentation du syndicat des copropriétaires selon laquelle a été accordé une simple tolérance d'usage sur la cour commune, au vu du délai d'utilisation de l'atelier en qualité de véritable partie privative et de l'importance de sa surface qui mesure plus de 36 mètres carrés.
Enfin, l'appelante soutient que c'est précisément au regard de l'annexion, qui découle de la possession du vendeur auteur de celle-ci, à savoir Mme [X], depuis plus de 50 ans, que l'acte de vente précise cette situation afin d'informer l'acquéreur qu'une partie de la chose vendue et incorporée au lot n°1 est construite sur la partie commune, sans que l'appelante, son propriétaire actuel, soit dans l'obligation de compléter la possession de l'auteur d'origine.
Le syndicat des copropriétaires, quant à lui, conteste la réunion des conditions de l'usucapion au profit de la société GROUPE WAYNE venant aux droits de Mme [X] et sollicite la confirmation du jugement entrepris.
Il soutient, plus particulièrement que l'appelante ne démontre pas que Mme [X] s'est comportée comme propriétaire de la parcelle litigieuse, la possession alléguée étant affectée des vices de clandestinité et d'équivocité, en ce qu'elle n'a jamais manifesté la volonté d'exercer publiquement son droit sur ce bien.
Il fait ainsi valoir que les démarches en vue d'obtention d'un permis de construire de l'extension n'ont pas été effectuées personnellement par Mme [X] mais sont l'oeuvre de sa locataire, la société VALET SERVICE, sans qu'aucun d'eux n'ait sollicité au préalable l'autorisation de la copropriété relative à cette construction, l'exploitation de son commerce relevant ainsi d'une simple tolérance de la part du syndicat des copropriétaires.
Le syndicat des copropriétaires se fonde par ailleurs sur les termes du contrat de vente portant sur les lots n°1, 38 et 39 conclu le 24 octobre 2016 entre Mme [X] et l'appelante, aux termes duquel il est précisé par le notaire l'existence d'une extension de la boutique sur la cour de la copropriété qui est une partie commune, sans autorisation administrative ni de la copropriété, faisant valoir que cette mention démontre le caractère équivoque de la possession évoquée.
La cour retient ce qui suit.
En vertu de l'article 2258 du code civil, la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi.
Aux termes de l'article 2255 du code civil,' la possession est la détention ou la jouissance d'une chose ou d'un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l'exerce en notre nom.'
Selon l'article 2272 du même code, 'le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans'.
L'article 2261 du code civil fixe les conditions d'usucapion, aux termes desquelles 'pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
En l'espèce, pour démontrer la réunion des conditions sus-visées, l'appelante verse aux débats les pièces suivantes:
- le constat d'huissier du 27 avril 2021 selon lequel l'atelier est entouré, notamment, de bâtiments principaux composant la copropriété dont les 24 fenêtres possèdent une vue directe sur l'atelier, et que le local poubelle situé dans la cour à quelques mètres de l'atelier offre également une vue sur celui-ci( pièce 11) ;
- le contrat du 18 mars 1960 donnant à bail à compter du 1er avril 1960 'une partie du sol de la cour attenante sur un de ses côtés, de 5 mètres 70 au mur sur cour du bâtiment en façade sur rue et sur un autre de ses côtés de 6 mètres environ au mur mitoyen avec l'immeuble [Adresse 2], le tout d'une superficie de 36 mètres carrés environ ainsi que le terrain s'étend, se poursuit et comporte sans aucune exception ni réserve, le preneur déclarant le parfaitement connaître' entre les consorts [K], propriétaires de l'époque, et la société VALET SERVICE, une mention expresse prévoyant la possibilité pour la société locataire de faire construire dans la cour de l'immeuble louée une annexe aux locaux commerciaux donné à bail par un contrat distinct conclu le 15 mars 1960(pièces 8 et 9);
- l'arrêté de permis de construire d'une pièce à usage de réserve délivré le 8 avril 1963 à la demande de M.[Y], gérant de la société VALET-PRESSING(pièce 6) ;
- une photographie aérienne du site obtenue auprès des services de l'Institut national de l'information géographique et forestière( IGN) datée du 1er septembre 1960 permettant de constater l'absence de l'atelier dans la cour ;
- une photographie IGN prise en 1968 sur laquelle figure l'atelier litigieux ;
- une photographie IGN prise en 2018 permettant de confirmer la présence de l'atelier dans la cour commune.
Il résulte de l'examen de ces éléments que s'il n'est pas possible de déterminer la date précise de construction de la réserve, il ne saurait être utilement contesté au regard des photographies de l'IGN, qu'au plus tard depuis 1968 cette construction est bien érigée sur la parcelle litigieuse de façon apparente et ininterrompue, cette date étant par ailleurs cohérente avec la date de délivrance du permis de construire.
En outre, il sera relevé que l'ancienneté ainsi établie n'est pas contestée par l'intimé ( page 26 de ses conclusions).
C'est à juste titre que l'appelante souligne par ailleurs, que le syndicat des copropriétaires ne démontre pas avoir revendiqué la restitution des parties communes sur lesquelles l'atelier a été édifié avant la procédure engagée le 6 juin 2017.
Cependant, s'il découle de ce qui précède que les conditions d'une possession trentenaire continue, non-interrompue, paisible et publique sont remplies en l'espèce, force est de constater que, comme le retient le premier juge, le permis de construire précité a été délivré sur la demande de M. [Y], gérant de la société locataire et non sur la demande de Madame [X], ce qui la prive d'une démonstration de sa volonté de se comporter en qualité de propriétaire de la parcelle litigieuse.
Il sera par ailleurs relevé que les baux ci-dessus mentionnés ayant été établis par les consorts [K], ne permet pas de présumer de l'intention de Mme [X] de revendiquer le titre de propriétaire de ladite parcelle, pas davantage que l'intégration et l'usage privatif continus de l'atelier érigé sur cette partie de la cour par le locataire des lieux.
En outre, l'acte de vente conclu entre Mme [X] et l'appelante portant exclusivement sur les lot n°1, 38 et 39 définis comme au rez-de-chaussée, une boutique, arrière boutique, cuisine et water-closets et deux caves situés au sous-sol stipule que:
'Il est ici précisé qu'à ce jour existe une extension de la boutique sur la cour de la copropriété qui est une partie commune. Le vendeur déclare sous sa responsabilité que cette construction a été édifiée en 1960. Cette construction a été édifiée sans aucune autorisation administrative ni aucune autorisation de la copropriété . L'acquéreur déclare être parfaitement informé de cette situation et prendre les biens en l'état.'
Ces termes doivent s'analyser comme une information portée à la connaissance de l'acquéreur de l'existence d'une extension sur une partie commune de la cour, effectuée sans autorisations requises, et ne démontrent en rien la volonté de Mme [X] de se prévaloir de la propriété de la parcelle de la cour concernée à laquelle, au contraire est donnée une dénomination de ' partie commune'.
La cour retient, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens, que l'appelante échoue à démontrer que les conditions de l'usucapion sont réunies conduisant à la confirmation du jugement entrepris, en ce qu'il a constaté la propriété exclusive du syndicat des copropriétaires sur la partie de la cour litigieuse.
3-Sur la nullité des résolutions n°20, 21 et 22 de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 mars 2017
L'appelante sollicite l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'annulation des résolutions de l'assemblée générale des copropriétaires du 30 mars 2017 relatives à la création d'un nouveau lot n°46, à l'approbation d'un nouvel état descriptif de division et à la désignation d'un notaire pour la publication des actes, au motif que la décision de rejet de ces résolutions procède d'un abus de majorité dès lors qu'elle est contraire aux règles de droit.
Le syndicat des copropriétaires réplique que le refus des copropriétaires est fondé exclusivement sur le souci de protéger l'intégrité des parties communes et l'intérêt général de la copropriété et demande la confirmation du jugement querellé de ce chef.
La cour retient que le sens de l'arrêt conduit au rejet de la demande d'annulation formée par l'appelante dès lors qu'il a été précédemment établi qu'il ne peut pas se prévaloir de l'acquisition de la propriété de la parcelle de la cour litigieuse par usucapion.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé de ce chef.
4- Sur l'action en démolition
L'appelante soutient que la demande de démolition de l'atelier formée par le syndicat des copropriétaires est prescrite sur le fondement des articles 2219 et 2227 du code civil, le départ du délai de la prescription étant fixé à la date de la construction de l'atelier, effectuée de façon apparente et à la vue de toute la copropriété.
A l'appui de sa demande de démolition de l'atelier, l'intimé développe une argumentation fondée sur les disposition des articles 551 et 553 du code civil, tendant à établir la construction par un tiers d'un ensemble immobilier sur le fonds appartenant à autrui, et sur la mauvaise foi alléguée du constructeur et du commanditaire des travaux qui justifient la démolition sollicitée.
Il soutient que son action est recevable pour avoir été introduite dans le délai trentenaire s'agissant d'une demande visant au rétablissement d'une partie commune dans son état antérieur, le point de départ du délai de prescription étant fixé au 6 juillet 2017, date de l'assignation délivrée par l'appelante aux fins de reconnaître sa qualité de propriétaire sur cette parcelle, la date de construction de l'atelier étant par ailleurs incertaine.
La cour retient ce qui suit.
Selon l'article 2227 du code civil, le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il n'est pas contesté que l'action du syndicat des copropriétaires visant à faire démolir une extension irrégulière édifiée sur une partie commune est une action réelle immobilière soumise à la prescription trentenaire.
En vertu de l'article précité, le point de départ de cette action court à compter du jour où son auteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
En l'espèce, comme retenu ci-dessus, il ressort des pièces examinées que l'atelier a été construit sur la partie commune de la cour de la copropriété au plus tard en 1968.
L'édification d'un tel atelier si elle a été faite sans autorisation préalable de la copropriété, s'est matérialisée suite à des travaux effectués dans la cour qui n'ont pas pu passer inaperçus aux yeux des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires.
Ainsi, le syndicat des copropriétaires n'a pas pu ignorer l'existence de cette extension depuis la date de sa construction, comme il avait forcément connaissance de la circonstance qu'elle prenait sol sur une partie de la cour lui appartenant.
S'il est constant que l'extension litigieuse effectuée sans qu'il soit justifié d'une usucapion ni d'une autorisation du syndicat des copropriétaires porte atteinte aux parties communes, justifiant l'engagement d'une action en démolition et la remise des lieux en l'état, afin de rétablir les droits de la copropriété sur cette partie commune, l'appropriation contestée de la parcelle de la cour a eu lieu au moment de la construction de ladite extension et non pas au moment où l'appelante en a revendiqué la propriété par prescription acquisitive.
Il découle de ce qui précède que le point de départ de la prescription trentenaire est fixé au plus tard à l'année 1968 et qu'il y a eu de constater que cette action est prescrite depuis 1998.
Le jugement déféré sera en conséquence infirmé de ce chef.
5-Sur la demande de dommages et intérêts
L'appelante soutient que la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat des copropriétaires est prescrite et en tout état de cause mal fondée.
Le syndicat des copropriétaires réplique qu'il a subi un préjudice de jouissance manifeste depuis près de 60 ans et sollicite l'infirmation du jugement critiqué en ce qu'il a rejeté sa demande à ce titre.
La cour retient que la demande du syndicat des copropriétaires ne peut qu'être rejetée dès lors que celui-ne démontre pas l'existence du préjudice de jouissance allégué, le terme ' manifeste' ne pouvant pas à lui seul constituer la démonstration requise, s'agissant de surcroît d'une situation qu'il a laissée perdurer pendant des décennies.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
6-Sur les demandes accessoires
Le premier juge ayant fait une exacte appréciation de la charge des dépens et d'indemnité de procédure, le jugement entrepris sers confirmé en ses dispositions.
Principale partie perdante, la société GROUPE WAYNE devra supporter les dépens d'appel et l'équité commande à la condamner comme suit en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevables comme tardives les conclusions récapitulatives du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] signifiées le 13 février 2023;
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a accueilli l'action en démolition du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Rejette la demande du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] de démolition de l'atelier attenant au lot n°1 situé sur la partie commune de la cour de la copropriété et de la remise en état de celle-ci dans son état d'origine;
Condamne la société GROUPE WAYNE aux dépens d'appel;
Condamne la société GROUPE WAYNE à payer une indemnité de procédure de 2.500 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 7] et rejette toute autre demande.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Agnès BODARD-HERMANT, Président, et par Madame Kalliopi CAPO-CHICHI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,