La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2023 | FRANCE | N°21/02125

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 08 juin 2023, 21/02125


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 08 JUIN 2023



N° RG 21/02125 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTP3



AFFAIRE :



[G] [V]





C/



S.A.S. ENGIE GLOBAL MARKETS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 18/02441

r>
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON - MEYER



Me Romain ZANNOU







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 08 JUIN 2023

N° RG 21/02125 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UTP3

AFFAIRE :

[G] [V]

C/

S.A.S. ENGIE GLOBAL MARKETS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Juin 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 18/02441

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON - MEYER

Me Romain ZANNOU

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Mademoiselle [G] [V]

née le 14 Février 1981 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON - MEYER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de BORDEAUX, vestiaire : 186

APPELANTE

****************

S.A.S. ENGIE GLOBAL MARKETS

N° SIRET : 437 982 937

[Adresse 1]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Romain ZANNOU, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0113, substitué par Me Nicolas SCHLESINGER, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

EXPOSE DU LITIGE

Mme [G] [V] a été engagée par la SAS GDF SUEZ Trading, devenue Engie Global Markets, par contrat à durée indéterminée à compter du 17 avril 2012, avec reprise d'ancienneté au 17 janvier 2012 en qualité de management assistant, statut employé puis elle a été promue à compter du 1er octobre 2012 assistante de direction au statut cadre, niveau H, Hays 18, moyennant un salaire de 3 232,69 euros bruts mensuels en fin de relations contractuelles pour un forfait jours de 209 jours travaillés par an.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la banque du 10 janvier 2000.

Par un premier avis du 12 septembre 2016, Mme [V] a été déclarée inapte à son poste par la médecine du travail, inaptitude confirmée par un second avis du 27 septembre 2016, sur lequel il était précisé qu'« à la suite de l'étude de poste réalisée le 16 septembre 2016, la salariée est inapte au poste d'assistante de direction et qu'elle pourrait être reclassée sur un poste similaire sur un site proche de son domicile ».

Par courrier du 24 novembre 2016, la société a informé Mme [V] que les différentes sociétés du groupe ne disposaient d'aucun poste disponible correspondant aux prescriptions du médecin du travail, en conséquence, de l'impossibilité de procéder à son reclassement au sein du groupe Engie.

Par courrier du 6 décembre 2016, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est déroulé le 14 décembre 2016 à la suite duquel, par courrier du 20 décembre 2016, elle a été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Par requête reçue au greffe le 25 septembre 2018, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de contester les motifs et la légitimité de son licenciement, outre la sollicitation de versement de diverses sommes.

Par jugement du 18 juin 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Nanterre a :

- Dit que Mme [V] est prescrite en son action de contestation de son licenciement ;

- Déclaré Mme [V] irrecevable en ses demandes liées à la contestation de son licenciement ;

- Débouté Mme [V] de ses autres demandes ;

- Débouté la société Engie Global Markets de sa demande reconventionnelle ;

- Dit que les dépens éventuels de l'instance seront à la charge de Mme [V] ;

Par déclaration au greffe du 1er juillet 2021, Mme [V] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 16 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [V] demande à la cour de :

- Réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 18 juin 2021 en toutes ses dispositions ;

- Dire recevables son action tendant à la contestation de son licenciement et les demandes s'y rapportant ;

- Dire que son licenciement du 20 décembre 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SAS Engie Global Markets à lui verser les sommes suivantes :

* 3 663,71 à titre de rappel de salaires du 28 octobre au 31 novembre 2016 ;

* 366,37 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents ;

* 10 506,24 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 1 050,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;

* 25 860 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouter la SAS Engie Global Markets de ses demandes ;

- Condamner la SAS Engie Global Markets aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 6 décembre 2021, auxquelles est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la SAS Engie Global Markets demande à la cour de :

In limine litis,

- Dire et juger que l'action en contestation du licenciement de Mme [V] est prescrite ;

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 18 juin 2021 en ce qu'il a jugé que les demandes de Mme [V] liées à la contestation de son licenciement sont irrecevables en raison de leur prescription ;

En tout état de cause,

- Dire et juger que le licenciement notifié en considération de l'inaptitude de Mme [V] et de l'impossibilité de procéder à son reclassement est justifié et légitime ;

- Débouter Madame [V] de ses demandes afférentes à la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 18 juin 2021 en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande de rappel de salaires pour la période du 28 octobre au 31 novembre 2016;

- Condamner Mme [V] à verser à la société Engie Global Markets à la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 1er mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de rappel de salaires pour la période du 28 octobre au 31 novembre 2016 et les congés payés afférents

Mme [V] sollicite le versement de la somme de 3 663,71 euros à titre de rappel de salaires pour la période du 28 octobre au 31 novembre 2016, outre 366,37 euros de congés payés afférents en application de l'article L. 1226-4 alinéa 1 du code du travail qui dispose que « lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».

C'est à raison que la salariée soutient que l'employeur était tenu de reprendre le versement de l'intégralité de son salaire à compter du 28 octobre 2016 à défaut de reclassement ou de licenciement, peu important qu'elle soit encore en arrêt pour maladie et perçoive des indemnités de la sécurité sociale ou de son organisme de prévoyance et c'est à tort que l'employeur affirme n'avoir appliqué aucune déduction sur la rémunération de Mme [V] sur la période litigieuse.

Il ressort en effet des bulletins de paye produits que :

- la société a mis en place un mécanisme de subrogation des indemnités journalières de la sécurité sociale (IJSS) à compter de l'arrêt maladie qui a débuté le 13 septembre 2016 ;

- Les informations d'absence maladie ont été passées avec un mois de décalage en paye tenant compte des informations journalières mentionnées sur le bandeau de droite des bulletins ;

- Le bulletin de salaire d'octobre 2016 établit :

La prise en compte en paye de l'absence pour maladie de la salariée du 13 au 30 septembre 2016, soit 18 jours desquels sont déduits 3 jours de carence d'IJSS ;

La subrogation et le maintien de salaire correspondant aux informations journalières de septembre 2016 tel qu'il se déduit des mouvements « absence maladie » à déduire pour 1 939,61 euros, « Indem maladie TR1 » à ajouter pour le même montant, « IJSS maladie à 50% » à déduire pour 650,94 euros, « régul garanties conventionnelles » à déduite également pour 134,31 euros « IJSS maladie » en pied de bulletin pour 607,33 euros ;

- Le bulletin de salaire de novembre 2016 établit :

La prise en compte en paye, de l'absence pour maladie de la salariée du 1er au 31 octobre 2016 avec subrogation et maintien de salaire net tel qu'il se déduit des mouvements « absence maladie » à déduire pour 3 232,68 euros, « Indem maladie TR1 » à ajouter pour le même montant, « IJSS maladie à 50% » à déduire pour 1 345,28 euros, « régul garanties conventionnelles » à déduire également pour 277,60 euros, « IJSS maladie » en pied de bulletin pour 1 255,14 euros à ajouter et des indemnités de prévoyance à ajouter pour 447,62 et 763,79 euros dont il n'est pas précisé pour ces deux dernières sommes, à quelle période elles correspondent.

Que la reprise du versement de salaire intégral, nonobstant la perception d'indemnités par ailleurs, n'a pas été effectuée à compter du 28 octobre 2016 comme le soutient à tort la société Engie Global Markets de sorte que la cour condamne la société Engie Global Markets à verser à Mme [V] la somme de 416,80 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 28 au 31 octobre 2016 outre 41,68 euros de congés payés afférents, infirmant ainsi le jugement entrepris de ces chefs.

- Le bulletin de salaire de décembre 2016 établit à la rubrique « informations journalières » que la période du 1er novembre au 20 décembre 2016 a été considérée comme travaillée par la salariée matérialisant ainsi le versement intégral du salaire de Mme [V] quel que soit les indemnités reçues par ailleurs.

Sur la prescription de l'action en contestation du licenciement

L'article L. 1471-1 alinéa 1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, dispose que « toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ».

Dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, il dispose que l'action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

L'article 40-II de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 précise que cette disposition s'applique aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, soit le 23 septembre 2017, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Les parties s'accordent à faire courir le délai à compter du 20 décembre 2016, date de notification du licenciement de Mme [V] pour inaptitude.

La société Engie Global Markets affirme que le nouveau délai de prescription de 12 mois lui était applicable à compter du 23 septembre 2017 et qu'il arrivait à expiration le 23 septembre 2018.

Mme [V] soutient qu'il résulte de l'article 2241 du code civil et de l'article R. 1452-1 du code du travail ensemble, que la saisine du conseil de prud'hommes interrompt la prescription et qu'en application de l'article 668 du code de procédure civil, « la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition », laquelle s'entend conformément à l'article suivant de « celle qui figure que le cachet du bureau d'émission » puis elle démontre avoir saisi le conseil de prud'hommes le 24 septembre 2018 en produisant la preuve de dépôt postal de la requête introductive d'instance.

Elle fait valoir en outre, que son action n'est pas prescrite puisqu'en vertu de l'article 642 du code de procédure civile, « tout délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant », soit en l'espèce, le 24 septembre 2018, le 23 septembre 2018 étant un dimanche.

Or, les règles de computation des délais de prescription doivent être distinguées de celles régissant les délais de procédure de sorte que les dispositions de l'article 642 du code de procédure civile ne sont pas applicables aux délais de prescription.

Dès lors, en vertu de l'article 2229 du code civil, la prescription est acquise lorsque le dernier jour du terme est arrivé ; le jour pendant lequel se produit un événement d'où court un délai de prescription ne comptant pas dans ce délai, le délai de prescription qui a commencé à courir le 24 septembre 2017 expire le 23 septembre 2018 à minuit.

Ainsi, la demande de Mme [V] tendant à contester le bien-fondé de son licenciement est en conséquence irrecevable comme prescrite. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressée de ce chef et celui-ci déclaré irrecevable.

Les demandes subséquentes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents à la rupture d'un contrat de travail à durée indéterminée seront par suite rejetées et le jugement confirmé de ces chefs.

Sur les intérêts

Les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

La société Engie Global Markets qui succombe partiellement, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel. Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que les dépens éventuels de première instance seront à la charge de Mme [V].

Par ailleurs, il convient de condamner la société Engie Global Markets à payer à Mme [V], en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 2 500 euros pour les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre en date du 18 juin 2021 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la société Engie Global Markets à payer à Mme [G] [V] :

* 416,80 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période du 28 au 31 octobre 2016 ;

* 41,68 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

Dit que ces créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à la société Engie Global Markets de la lettre la convoquant devant le bureau de conciliation.

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Condamne la société Engie Global Markets à payer à Mme [G] [V] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Déboute la société Engie Global Markets de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Condamne la société Engie Global Markets aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 21/02125
Date de la décision : 08/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-08;21.02125 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award