COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 08 JUIN 2023
N° RG 21/01056 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UNZO
AFFAIRE :
[J] [K]
C/
S.A. ALIAXIS SERVICES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu
le 16 Mars 2021 par le Conseil de Prud'hommes de POISSY
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F 19/00307
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Martine DUPUIS de
la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
Me Sébastien DUCAMP de la SELEURL Sébastien DUCAMP AVOCAT
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [J] [K]
né le 15 Août 1958 à [Localité 4] (BELGIQUE)
de nationalité Belge
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat constitué au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - - Représenté par : Me Alexandre PECQUEUR, Plaidant, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0268
APPELANT
****************
S.A. ALIAXIS SERVICES
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par : Me Sébastien DUCAMP de la SELEURL Sébastien DUCAMP AVOCAT, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R052 substitué par Me Héloïse DE LA CHENAIS avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Mme Florence SCHARRE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [K] a été engagé à compter du 1er juillet 1994 en qualité de Responsable Finance, par la société Eternit, selon contrat de travail à durée indéterminée, afin de travailler en Colombie au sein de la société Colombit. M. [K] a intégré le groupe Aliaxis en avril 2002 avec reprise de son ancienneté.
La relation de travail s'est poursuivie dans diverses filiales, dont la majorité à l'étranger, au gré de 10 détachements successifs, le dernier intervenant au profit de la société chilienne Vinilit en qualité de Responsable Finance, pour un détachement prévu du 1er juillet 2016 au 30 juin 2019.
Le 28 avril 2018, la société a mis fin au détachement de manière anticipée, le retour du salarié en France étant prévu pour le 23 juillet 2018 au plus tard.
Convoqué le 28 juillet 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 3 septembre suivant, M. [K] a été licencié par lettre datée du 13 septembre 2018 énonçant une cause réelle et sérieuse avec dispense d'exécuter le préavis.
Contestant son licenciement, M. [K] a saisi, le 6 mai 2019, le conseil de prud'hommes de Poissy aux fins d'entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Dans l'intervalle, M. [K] a reçu un courrier daté au 26 avril 2019 de la société Amundi, société d'épargne salariale et retraite, l'informant du versement des sommes de 18 296,59 euros et 2 927,46 euros, sur son compte.
Le 23 août 2019, M. [K] s'est rapproché de la société Aliaxis Services en indiquant ne pas avoir finalement reçu le versement de la somme de 2 927,46 euros au titre de l'abondement et en sollicitant la régularisation de la situation.
Le 26 septembre 2019, la société Aliaxis Services a répondu à M. [K] que le courrier d'information du versement d'un abondement au titre de l'intéressement lui avait été adressé 'par erreur' par la société Amundi.
M. [K] a saisi le 18 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Poissy aux fins d'entendre condamner la société au paiement des sommes de 2 927,46 euros au titre de l'abondement sur intéressement, 3 484,80 euros au titre des intérêts de retard sur la prime d'intéressement, 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 16 mars 2021, notifié le 19 mars 2021, le conseil a débouté M. [K] de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné à verser à la société Aliaxis Services la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris ceux afférents aux actes de procédure d'exécution éventuels.
Le 9 avril 2021, M. [K] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 2 novembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 28 novembre 2022, laquelle a été reportée au 4 avril 2023.
' Selon ses dernières conclusions notifiées le 6 juillet 2021, M. [K] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné à verser à la société la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamné aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels et statuant à nouveau, de :
Condamner la société à lui payer les sommes de :
- 2 927,46 euros au titre de l'abondement sur intéressement pour l'année 2018,
- 6 134,70 euros au titre des intérêts de retard.
Lui réserver la possibilité d'actualiser le montant des intérêts de retard en fonction de la date de tenue de l'audience de plaidoirie,
Condamner la société à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
Condamner la société, au titre de la première instance, à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société , au titre de la procédure d'appel, à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Mettre a la charge de la société les entiers frais et dépens de l'instance incluant le coût lié à une éventuelle procédure d'exécution forcée.
' Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 4 octobre 2021, la société Aliaxis Services demande à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la somme de 2 927,46 euros n'a pas la nature d'une prime d'intéressement mais est un abondement de l'entreprise et en ce qu'il a débouté M. [K] de ses demandes et l'a condamné à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant :
Condamner M. [K] au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel ;
A titre subsidiaire :
Ramener les demandes indemnitaires formulées par M. [K] à de plus justes proportions.
Y ajoutant :
Condamner M. [K] au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens au titre de la procédure d'appel ;
En tout état de cause :
Débouter M. [K] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
M. [K] a été licencié le 13 septembre 2018 et dispensé de son préavis d'une durée de 3 mois de sorte que le contrat de travail a pris fin le 13 décembre 2018.
Par lettre du 26 avril 2019 la société Amundi, société d'épargne salariale et retraite, l'a informé du versement de l'intéressement distribué par l'entreprise pour l'exercice du 1er janvier au 31 décembre 2018, à savoir :
intéressement
abondement
épargne salariale
18 296,59 €
2 927,46 €
portant ses avoirs au 26 avril 2019 à la somme de 264 012,25 euros.
Se prévalant de cette correspondance et du plan d'intéressement de 2017, lequel ne conditionne pas le droit à l'intéressement à une condition de présence dans l'entreprise, M. [K] sollicite le paiement de la somme de 2 927,46 euros qu'il n'a finalement pas perçue.
La société objecte que c'est par erreur que la société Amundi a mentionné le versement sur son compte d'épargne salariale d'un 'abondement' au titre de l'année 2018 dès lors que celui-ci était soumis par le règlement du plan d'épargne d'entreprise (ci-après PEE), auquel le plan d'intéressement renvoie, à une condition de présence au jour de son versement.
Le règlement du PEE du 1er janvier 1996 communiqué par l'employeur, dont aucun élément ne permet d'accréditer la thèse selon laquelle il ne serait pas celui applicable en 2018, détermine les modalités d'alimentation du plan d'épargne par le biais de versements facultatifs de tout ou partie de la prime d'intéressement, de versements volontaires des salariés et prévoit effectivement en son article 3 que 'le versement de l'abondement de l'entreprise est subordonné à la présence du salarié dans les effectifs à la date du versement'.
Peu importe qu'il ne s'agisse pas d'un accord d'entreprise. L'abondement litigieux relevant d'un engagement unilatéral de la société, celle-ci est fondée à se prévaloir des règles qu'elle a instituée concernant sa participation au dit PEE.
Il ressort de l'article 8 de l'accord d'intéressement de 2017 que 'les sommes affectées au PEE peuvent bénéficier de l'abondement de l'entreprise si ce dernier est prévu', confirmant ainsi la distinction qu'il convient d'opérer entre les règles applicables à l'intéressement, d'une part, lequel n'est effectivement pas soumis à une condition de présence, et celles relatives à l'abondement de l'entreprise, que l'employeur a pu légitimement conditionner, dans le règlement du dit plan d'épargne d'entreprise, à la présence du bénéficiaire dans les effectifs de l'entreprise au jour de son versement.
Établi antérieurement à la réforme de 2001, ce PEE n'était pas conditionné à l'obligation de dépôt auprès d'une juridiction ou d'une administration ainsi que le plaide l'appelant. Alors qu'il était prévu sa tacite reconduction par période de 5 années, M. [K] ne saurait reprocher à l'employeur de ne pas justifier qu'il n'aurait pas été remplacé dans l'intervalle, preuve négative impossible à justifier.
Les stipulations de son contrat de travail, dont se prévaut l'appelant, distinguent encore 'l'intéressement' de 'l'abondement au plan d'épargne d'entreprise'.
Il s'ensuit qu'une distinction est opérée par le plan d'épargne d'entreprise selon la cause du versement. En l'espèce, la somme de 18 296,59 euros relative à l'intéressement 2018 et déterminée par l'accord d'intéressement 2017 dont se prévaut le salarié a effectivement été versée sur le plan, cet intéressement n'étant effectivement pas soumis à une condition de présence, à l'inverse de 'l'abondement', lequel ne relève pas de l'intéressement de sorte que la jurisprudence invoquée par le salarié selon laquelle 'il n'est pas possible de subordonner l'intéressement à une condition de présence effective ou continue du salarié' est inapplicable (Cass. Soc. 21 octobre 2003 n° 0121353).
Il convient de relever que les stipulations du plan d'intéressement, que le salarié reproduit dans ses conclusions, ne portent que sur 'l'intéressement' déterminé conformément aux dispositions des articles L. 3312-1 et suivants du code du travail et en aucune façon sur 'l'abondement' que l'employeur consent à verser sur le plan d'épargne d'entreprise.
Il n'est pas discuté qu'au jour où le versement de l'abondement pour l'année 2018 pouvait être envisagé, c'est à dire au terme de l'année civile, le délai congé de 3 mois suivant le prononcé du licenciement était expiré et le contrat de travail définitivement rompu.
Force est de relever que la société Aliaxis Services justifie donc qu'en application des dispositions du règlement du plan d'épargne d'entreprise, lesquelles sont parfaitement opposables au salarié, ce dernier ne remplissait pas la condition de présence exigée, en sorte qu'il ne pouvait prétendre à l'abondement et que ce n'est que par suite d'une simple erreur, laquelle n'est pas créatrice de droit, que la société Amundi l'en a informé par lettre du 26 avril 2019.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef, ainsi que de ses demandes subséquentes au titre des intérêts moratoires et en dommages-intérêts pour résistance abusive.
L'équité commande d'indemniser la société Aliaxis Services des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne M. [K] à verser à la société Aliaxis Services la somme de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Le condamne aux dépens d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,