COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 35F
13e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 30 MAI 2023
N° RG 22/07114
N° Portalis DBV3-V-B7G-VRGJ
AFFAIRE :
[U] [B]
....
C/
[P] [S]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Septembre 2022 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 2021F01883
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Martine DUPUIS
Me Stéphanie GAUTIER
TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TRENTE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [U] [B]
Calcada do cascao, 27, 1
LISBONNE PORTUGAL
Monsieur [Z] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 7] ROYAUME-UNI
Monsieur [J] [E]
[Adresse 9]
[Localité 10] PORTUGAL
Société STAKIN OÜ
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 2269880
Représentant : Me Sacha BENICHOU de la SELEURL UPSIDE LAW, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0863
APPELANTS
****************
Monsieur [P] [S]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Stéphanie GAUTIER de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 38 - N° du dossier 230887
Représentant : Me Gérard PICOVSCHI de la SELASU AVOCATS PICOVSCHI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0228
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Avril 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport,et Madame Delphine BONNET, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
Monsieur Philippe VANDINGENEN, Président,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,
En décembre 2018, MM. [P] [S] et [U] [B] ont entrepris des discussions afin de créer une société dénommée 'Pos Bakerz' ayant pour activité le déploiement et la mise en 'uvre d'infrastructures serveurs pour le traitement et la sécurisation de transactions de chaînes de blocs de cryptomonnaie.
Ils ont débuté l'activité sociale, M. [S] effectuant notamment des missions ponctuelles de marketing et de business développement.
En février 2019, M. [J] [E], ressortissant portugais domicilié au Portugal et M. [Z] [Y], ressortissant français domicilié au Royaume-Uni, ont rejoint le projet.
Par mail du 4 avril 2019, M. [B] a partagé avec ses associés un projet de statuts de la société Pos Bakerz sous la forme d'une société à responsabilité limitée de droit britannique, ce projet étant ainsi dénommé ' Pos Bakerz articles for primate company limited by shares' ; ce document n'est pas signé.
En février 2020, il a été suggéré par M. [B] de constituer la société en Estonie, d'autres lieux d'immatriculation à l'étranger ayant été également évoqués entre les quatre partenaires.
Aucun accord n'a été trouvé sur la répartition du capital entre les participants au projet, étant précisé qu'initialement la répartition du capital avait été décidée entre M. [B] (55 %), M. [S] (30 %) et M. [Y] (15 %) et qu'y ont ensuite été intégrés M. [E] et une société de droit britannique, dénommée désormais la SAS The Family.
M. [S], par courrier recommandé de son conseil daté du 16 mars 2020 et posté le 24 mars suivant, a estimé avoir été révoqué de façon vexatoire, en violation du principe du contradictoire, de ses fonctions de directeur d'exploitation ('COO') de la société Pos Bakerz, qualifiée dans ce courrier de 'société créée de fait' soumise à la loi française ; son conseil a mis en demeure MM. [B] et [Y] d'accepter la proposition qu'il avait énoncée dans un précédent mail du 1er mars 2020 en les avisant qu'à défaut de réponse dans un délai de huit jours, il avait été mandaté pour engager la procédure judiciaire de dissolution de la société créée de fait Pos Bakerz.
Le 30 mars 2020, M. [Y] a immatriculé une société commerciale sous la dénomination 'Stakin Oü' au registre du commerce et des sociétés de Tallin en Estonie.
C'est dans ces conditions, après une tentative de négociation amiable avec M. [B], que M. [S], aux fins notamment de dissolution de la 'société de fait Pos Bakerz', a assigné le 11 août 2021, MM. [B], [E], [Y] ainsi que les sociétés Stakin Oü et The Family devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire du 13 septembre 2022, a :
- rejeté MM. [B], [Y], [E], la société The Family et la société de droit étranger Stakin Oü en leur exception de nullité ;
- dit MM. [B], [Y], [E], la société The Family et la société de droit étranger Stakin Oü recevables mais mal fondés en leur exception d'incompétence au profit des juridictions estoniennes, et s'est déclaré compétent ;
- sursis à statuer sur la mise hors de cause de la société The Family et de la société de droit étranger Stakin Oü jusqu'à l'évocation de l'affaire au fond ;
- retenu la cause et enjoint à toutes les parties de conclure à l'audience du 9 décembre 2022 ;
- dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens.
Par déclaration en date du 29 novembre 2022, MM. [B], [Y] et [E] ainsi que la société Stakin Oü ont interjeté appel partiel du jugement statuant sur la compétence en intimant M. [S].
Conformément à l'ordonnance du 5 décembre 2022, les appelants ont assigné à jour fixe M. [S] le 20 décembre 2022 pour l'audience du 27 mars 2023.
Dans leurs conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 29 novembre 2022, à l'appui de leur requête à jour fixe, MM. [B], [Y] et [E] ainsi que la société Stakin Oü demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes les dispositions dont ils ont relevé appel ;
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
- déclarer les juridictions françaises incompétentes pour connaître du présent litige en application des dispositions de l'article 24 du règlement Bruxelles I bis ;
- renvoyer M. [S] à mieux se pourvoir devant les juridictions compétentes de l'Estonie ;
En tout état de cause,
- condamner M. [S] à leur verser la somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [S], dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 mars 2023, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* dit MM. [B], [Y], [E], la société The Family et la société de droit étranger Stakin Oü mal fondés en leur exception d'incompétence au profit des juridictions estoniennes, et s'est déclaré compétent,
* sursis à statuer sur la mise hors de cause de la société The Family et de la société Stakin Oü jusqu'à l'évocation de l'affaire au fond ;
* retenu la cause et a enjoint à toutes les parties de conclure à l'audience du 9 décembre 2022;
Y ajoutant,
- renvoyer la cause et les parties devant le tribunal de commerce de Nanterre statuant au fond à la date de sa plus prochaine audience ;
- condamner solidairement MM. [B], [Y] et [E] à lui payer la somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement MM. [B], [Y] et [E] aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Il n'a pas été relevé appel de la disposition du jugement qui a rejeté l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par les appelants devant le tribunal ; le jugement est définitif de ce chef.
Les appelants, après avoir décrit les pourparlers en vue de la création d'une société de droit étranger et fait état du choix final de l'Estonie comme pays d'immatriculation de la société en formation, critiquent le jugement dont ils estiment qu'il a faussement caractérisé l'existence d'une société de fait entre les parties et faussement appliqué les règles régissant la détermination de la compétence juridictionnelle internationale pour retenir la compétence des juridictions françaises sur la base du critère du lieu du domicile du défendeur.
Ils contestent en premier lieu l'existence d'une société créée de fait entre les parties. Après avoir évoqué, en droit, ce qui distingue une société en formation d'une société créée de fait et d'une société en participation, ils font valoir qu'en l'espèce les parties ont eu incontestablement l'intention de s'associer, qu'elles ont d'abord envisagé d'immatriculer leur société au Royaume-Uni en établissant un projet de statuts à cet effet, qu'elles ont subséquemment envisagé la possibilité d'immatriculer leur société en Estonie, à Gibraltar ou aux Etats-Unis mais que leur décision finale a été de l'immatriculer en Estonie sous la dénomination Stakin Oü, observant que M. [S] s'est lui-même associé à ce choix puisqu'il a réclamé 10 % du capital de cette société estonienne. Ils estiment par conséquent que ces circonstances caractérisent l'existence d'une société en formation ayant fait l'objet d'une immatriculation postérieure, ce qui est incompatible avec la qualification juridique d'une société de fait. Il reprochent aux premiers juges d'avoir dénaturé les faits en caractérisant une société créée de fait distincte de la société immatriculée entre les parties, la circonstance pour M. [S] de s'être retiré du projet de société ne pouvant en aucun cas remettre en cause l'existence d'une société en formation.
En deuxième lieu, pour conclure à l'incompétence des juridictions françaises, ils exposent que le demandeur ayant saisi le tribunal, d'après son acte introductif d'instance, d'une demande tendant à la dissolution d'une société commerciale les juridictions compétentes pour en connaître sont exclusivement les juridictions de l'Etat dans lequel cette société a son siège aux termes de l'article 24 de la section 6 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dit règlement Bruxelles I bis ; ils précisent que le privilège de juridiction instauré par l'article 14 du code civil au bénéfice des demandeurs de nationalité française ne saurait être opposé aux personnes relevant de la compétence exclusive d'une juridiction en application de l'article 24 précité et que les compétences spéciales alternatives édictées par le même règlement, comme celles de son article 8 §, ne sauraient davantage être opposées aux personnes relevant de la compétence impérative de cet article 24.
Les appelants estiment que le fait que M. [S] ait fondé la compétence des tribunaux français sur le critère de la localisation du domicile des défendeurs constitue l'aveu judiciaire qu'il considère que le siège de la société dont il demande la dissolution n'est pas situé en France car sinon, s'il avait considéré que sa demande de dissolution concernait une société créée de fait de droit français, il aurait fondé sa demande sur les dispositions de l'article 24. Ajoutant qu'en tout état de cause, aucune société créée de fait ne peut être caractérisée distinctement de la société en formation ayant été immatriculée en Estonie, ils prétendent que ce sont exclusivement les juridictions estoniennes qui sont compétentes.
Subsidiairement, ils font valoir que la cour, si elle considérait que l'article 8-1 du règlement Bruxelles I bis devait s'appliquer, ne pourrait néanmoins que conclure à l'incompétence des juridictions françaises, aucun des défendeurs n'ayant eu son domicile en France à l'époque des faits.
Après avoir également rappelé les éléments du dossier en soulignant que M. [B], associé fondateur, a tenté de faire disparaître l'existence même de la société créée de fait 'afin de le flouer complètement' et qu'une 'translation' de l'activité exercée et du fonds de commerce créé par Pos Bakerz vers la société Stakin Oü ainsi que l'appropriation des gains et bénéfices réalisés par la société Pos Bakerz ont déjà débuté, M. [S] conclut en premier lieu à l'existence d'une société créée de fait dont il demande la dissolution.
M. [S] qui énumère les trois conditions qui doivent être réunies pour caractériser un contrat de société, à savoir la constitution d'un apport, le partage des bénéfices et des économies et l'affectio societatis, soutient d'une part que les pièces du dossier, en particulier les mails échangés, illustrent en l'espèce la réunion de ces trois conditions et que les juges du fond ont parfaitement caractérisé l'existence d'une société créée de fait ou d'une société en participation sans les attributs de la personnalité morale faisant échapper le litige à la compétence de l'article 24 du règlement, soulignant que la demande de dissolution ne porte pas sur la société commerciale immatriculée Stakin Oü mais sur la société Pos Bakerz comme l'ont relevé les premiers juges qui ont jugé que la première était une société différente de la seconde. Ils observent que les appelants tentent vainement d'invoquer des pourparlers en vue de la création d'une société de droit étranger, le projet de statuts communiqué n'étant pas probant dès lors qu'il n'est pas signé et ne comporte pas le nom des associés ce qui confirme que les partenaires entendaient démarrer leur activité sous une forme libre dans le cadre d'une société en participation dénuée de formalisme juridique.
M. [S] expose d'autre part qu'il ne demande pas la dissolution d'une société commerciale et que Pos Bakerz est une entité soumise au régime des sociétés en participation de l'article 1871 du code civil, laquelle n'a ni caractère commercial ni immatriculation, ce qui exclut la compétence de l'article 24 du règlement
Il estime que le régime de la dissolution applicable à la société de fait est l'article 1872-2 du code civil, la Cour de cassation reconnaissant à chaque associé le droit de demander la dissolution de la société en participation ou créée de fait, à condition que 'celle-ci soit exécutée de bonne foi', expliquant que c'est par la lettre recommandée du 20 mars 2020 qu'il a adressé à ses associés de fait la notification prévue à cet article et qu'il a pu légitimement suspecter un détournement de l'activité et du fonds de commerce de la société créée de fait vers le siège situé en Estonie, en fraude de ses droits d'associé.
En second lieu, M. [S] expose que la motivation retenue par le tribunal applique les principes de droit international privé en cas de pluralité de défendeurs dépendant de l'espace de l'Union européenne, celui-ci ayant justement fait application de l'article 8§1, à l'exclusion de son article 24 inapplicable en l'absence de dissolution visant la personne morale Stakin Oü, entité différente de la société Pos Bakerz puisque constituée avec une répartition du capital et des associés différents.
Après avoir rappelé les deux conditions cumulatives exigées pour l'application de cet article, il explique que le litige mettant en présence une société créée de fait sans personnalité morale, ne disposant d'aucun siège social révélé et dont les règles de dissolution sont régies par la loi française et une pluralité d'associés de fait domiciliées dans différents états membres de l'Union européenne, seul le domicile des défendeurs peut être pris en considération afin de déterminer la compétence applicable. Il souligne que les pièces produites en appel par M. [B] démontrent seulement que ce dernier a séjourné temporairement au Royaume uni entre septembre 2018 et septembre 2019, aucune pièce ne prouvant qu'il y soit demeuré au-delà alors même qu'il est établi que lors de la délivrance de l'assignation devant le tribunal M. [B] demeurait en France, où sont situés de surcroît ses centres d'intérêt.
M. [S] estime donc que la compétence du tribunal de commerce de Nanterre s'impose pour être à la fois le juge naturel de deux associés défendeurs, la société The Family ayant son siège en France, mais également de la société créée de fait, représentée par ses cofondateurs, 'CEO et COO' eux-mêmes domiciliés dans le ressort de ce tribunal de sorte que la cour rejettera l'exception d'incompétence.
Le débat est circonscrit à la compétence et à la détermination du critère de compétence pour statuer sur les demandes dont M. [S] a saisi le tribunal de commerce de Nanterre.
Si les parties se réfèrent toutes deux aux dispositions du règlement (UE)1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012, dit Bruxelles 1 bis, elles sont en désaccord sur l'article applicable ; les appelants s'appuient en effet sur l'article 24, section 6 de ce texte, qui précise que « Sont seules compétentes les juridictions ci-après d'un Etat membre, sans considération de domicile des parties, (...)
2) en matière de validité, de nullité ou de dissolution des sociétés ou personnes morales, ou de validité des décisions de leurs organes, les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel celles-ci ont leur siège. Pour déterminer le siège, le juge applique les règles de son droit international privé ; (...) », étant précisé que la compétence définie par cet article est impérative et exclut, à condition qu'elle puisse être appliquée, les dispositions supplétives, telles que celles de l'article 8§1 auquel se réfère l'intimé, lequel dispose que « (...) une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre peut aussi être attraite :
(1) S'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (...) ».
Selon l'article 62 du même règlement, « Pour déterminer si une partie à un domicile sur le territoire de l'Etat membre dont les juridictions sont saisies, le juge applique sa loi interne ».
Selon le dispositif de l'assignation délivrée à l'initiative de M. [S] à MM. [B], [E], [Y], à la société Stakin Oü et à la société The Family, tel que reproduit aux pages 2 et 3 du jugement, le tribunal de commerce de Nanterre a été saisi, au visa des articles 1832, 1871 à 1873 du code civil, des demandes suivantes :
- juger que ses demandes sont recevables et bien fondées ;
- constater que la demande de dissolution de la société Pos Bakerz du 24 mars 2020 est régulière conformément à la notification prévue à l'article 1872-2 du code civil ;
en conséquence,
A titre principal,
- constater la disparition de l'affectio societatis des associés ayant créé la société créée de fait Pos Bakerz;
- prononcer la dissolution de la société créée de fait Pos Bakerz par application de l'article 1872-2 du code civil ;
En tout état de cause,
- condamner solidairement M. [B], [Y], [D] à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;
- condamner solidairement les défendeurs aux entiers dépens de l'instance.
M. [S] a assigné la société Stakin Oü, immatriculée en Estonie, dont le conseil de l'intimé a relevé dans sa lettre recommandée du 27 mai 2020 qu'elle est le prolongement par 'détournement du fonds de commerce (dépôt INPI et enregistrement de la société en Estonie le 30/03/2020)', M. [B] ayant fait enregistrer à l'INPI la marque Stakin le 23 novembre 2019 ; pour autant, comme l'a relevé le tribunal, il n'a formulé aucune demande à l'encontre de cette société de droit estonien et il entend démontrer, à l'appui de sa demande de dissolution, qu'une société créée de fait, à laquelle s'appliquent les textes du code civil relatifs aux sociétés en participation comme le prévoit l'article 1873 du code civil, s'est constituée entre les parties, personnes physiques à l'instance, le projet ayant réuni d'abord MM. [B] et [S], rejoints ensuite par MM. [E] et [Y] ; la société The Family, qui dispose d'une adresse en France, devait également financer le capital.
La cour n'a pas à apprécier au stade de l'examen de l'exception d'incompétence, s'il est caractérisé ou non une société créée de fait entre les parties qui, tout au long de l'année 2019, ont collaboré autour du projet d'une société, non immatriculée, qu'ils avaient dénommée Pos Bakerz, ou si le cas échéant l'activité sociale se serait poursuivie en la personne de la société de droit estonien, ce que soutiennent les appelants; elle a uniquement à trancher si le tribunal de commerce de Nanterre est territorialement compétent pour apprécier la demande de dissolution qui concerne uniquement la 'société' dénommée Pos Bakerz dont il est constant qu'elle n'a pas été immatriculée et qu'elle est donc dépourvue de la personnalité morale et de domicile.
Il s'en déduit que cette 'société' n'a pu être assignée et que la compétence du tribunal ne peut donc être déterminée par les dispositions impératives de l'article 24 qui supposent de pouvoir déterminer le siège de la société, la cour observant qu'au vu des pièces produites, l'entité Pos Bakerz était animée en premier lieu par MM. [B] et [S], respectivement CEO et COO d'après la plaquette de Pos Bakerz, c'est-à-dire 'chief exécutive officer' (directeur général) et 'chief operating officer' (directeur des opérations), tous deux de nationalité française.
Il doit par conséquent être fait application de l'article 8§1 précité.
Etant souligné que les personnes physiques appelantes ont toutes participé avec M. [S] au projet Pos Bakerz et ont été animées par des intérêts communs, les demandes formulées par ce dernier à l'encontre des appelants sont liées par un lien de connexité nécessitant qu'elles soient jugées ensemble pour éviter des solutions pouvant être inconciliables, comme l'a relevé le tribunal ; la cour doit donc s'assurer, puisque M. [B] le conteste, que son domicile, lorsqu'il a été assigné devant le tribunal, était effectivement situé en France.
Les éléments versés aux débats par ce dernier, à savoir des factures d'électricité et de gaz et des quittances de loyer, démontrent qu'il a été domicilié à [Localité 7] d'août 2018 à l'été 2019, aucune pièce ne justifiant d'une résidence à l'étranger au-delà, hormis la déclaration d'appel dont il ressort que postérieurement à la procédure de première instance, il réside désormais au Portugal.
En revanche, d'après les courriers que M. [B] a adressés au conseil de M. [S] les 17 avril et 25 juin 2020, il s'est domicilié alors à [Localité 8] [Adresse 3], adresse qu'il a également donnée lorsqu'il a inscrit la marque Stakin le 23 novembre 2019, M. [B] ne discutant pas avoir été assigné à cette adresse le 11 août 2021. Si l'acte d'huissier a été effectivement remis à sa mère, M. [B] précisant qu'il s'agissait du domicile de ses parents, les pièces précitées établissent qu'il s'agissait alors du lieu où il résidait.
Ainsi, le tribunal de commerce de Nanterre, au visa des dispositions de l'article 8§1 du règlement précité, est compétent territorialement pour statuer sur les demandes soutenues par M. [S], étant observé de surcroît que la société The Family, assignée en première instance, est domiciliée en France ; il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions dont il a été relevé appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel,
Confirme le jugement du 13 septembre 2022 en toutes ses dispositions ;
Condamne in solidum MM. [U] [B], [Z] [Y] et [J] [E] à verser à M. [P] [S] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Nanterre pour poursuite de la procédure ;
Condamne in solidum MM. [U] [B], [Z] [Y] et [J] [E] aux dépens de la procédure d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,