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25/05/2023 | FRANCE | N°20/02865

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15e chambre, 25 mai 2023, 20/02865


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 25 MAI 2023



N° RG 20/02865 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UGWV



AFFAIRE :



[C] [W]



C/



S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE NOAILLES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : E

N° RG : 19/00130

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES



Me Nicolas SANFELLE de la SARL AVOCATS SC2







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT CINQ MAI DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 25 MAI 2023

N° RG 20/02865 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UGWV

AFFAIRE :

[C] [W]

C/

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE NOAILLES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Décembre 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY

N° Section : E

N° RG : 19/00130

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES

Me Nicolas SANFELLE de la SARL AVOCATS SC2

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT CINQ MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 02 mars 2023, prorogé au 06 avril 2023, prorogé au 20 avril 2023, puis prorogé au 25 mai 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [C] [W]

née le 08 Juin 1963 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE NOAILLES

N° SIRET : 839 493 673

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Nicolas SANFELLE de la SARL AVOCATS SC2, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 445

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier en pré-affectation lors des débats : Madame Juliette DUPONT,

Greffier lors du prononcé : Madame Sophie RIVIERE

EXPOSE DU LITIGE

Mme [C] [W] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 avril 2011 en qualité de pharmacienne par M. [K] [B], exploitant sous l'enseigne Pharmacie de Noailles une officine sise [Adresse 1]. M. [B] ayant cédé son officine, le 14 mai 2018, à la Selarl Pharmacie de Noailles, créée à cette fin par Mme [O] [V], pharmacienne, qui en était la gérante, les contrats de travail des salariés de l'officine ont été transférés de plein droit à la Selarl à compter de cette date.

Mme [W], classée cadre, échelon A, position 2, coefficient 550, était rémunérée en dernier lieu sur la base d'un salaire mensuel brut de 3 691,27 euros pour 35 heures de travail par semaine et percevait une prime d'ancienneté d'un montant mensuel brut de 221,48 euros, soit une rémunération mensuelle brute de 3 912,75 euros, à laquelle s'ajoutait une prime annuelle d'équipement de 72 euros versée au mois d'octobre. Sa rémunération mensuelle moyenne des trois derniers mois a été de 3 919,67 euros.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la pharmacie d'officine.

Mme [W] a été absente pour congés payés du 3 septembre au 1er octobre 2018.

Par courriel du 12 novembre 2018, elle a écrit à l'inspecteur du travail pour dénoncer ses conditions de travail au sein de l'officine depuis l'embauche d'une nouvelle préparatrice, le 27 août 2018. Un rendez-vous lui a été fixé par l'inspecteur du travail au 21 novembre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 novembre 2018, présentée le 28 novembre 2018, la Selarl Pharmacie de Noailles a convoqué Mme [W] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 4 décembre 2018 et l'a dispensée de se présenter sur son lieu de travail à compter de la réception de ce courrier dans l'attente de la décision à intervenir, sa rémunération étant maintenue durant cette période.

Un arrêt de travail pour maladie a été prescrit à Mme [W] le 26 novembre 2018 jusqu'au 9 décembre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 30 novembre 2018, postée le 1er décembre 2018 et présentée le 3 décembre 2018, Mme [W] a écrit à son employeur qu'elle était victime de harcèlement moral de sa part.

La lettre de convocation à entretien préalable ayant été présentée à la salariée moins de cinq jours avant la date prévue pour l'entretien, la Selarl Pharmacie de Noailles a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 novembre 2018, informé la salariée du report de cet entretien et lui a adressé une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 11 décembre 2018 en la dispensant de se présenter sur son lieu de travail dans l'attente de la décision à intervenir, sa rémunération étant maintenue durant cette période.

L'arrêt de travail de la salariée a été prolongé le 8 décembre jusqu'au 30 décembre 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 décembre 2018, Mme [W] a été licenciée pour faute, dispensée de l'exécution du préavis de trois mois, qui lui a été rémunéré, et il lui a été versé une indemnité de licenciement de 7 626,52 euros.

Contestant son licenciement et soutenant avoir été l'objet de harcèlement moral ou, subsidiairement d'une inexécution déloyale du contrat de travail, et d'un manquement à l'obligation de sécurité, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy, par requête reçue au greffe le 24 mai 2019, afin d'obtenir le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 1er décembre 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Poissy a :

- fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 3 919,67 euros bruts,

- débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la Selarl Pharmacie de Noailles de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [W] aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels.

Mme [W] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 16 décembre 2020.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 8 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Mme [W] demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée ;

- infirmer le jugement entrepris, et, statuant à nouveau :

¿ sur les manquements de l'employeur :

- juger, à titre principal, qu'elle a subi un harcèlement moral et, à titre subsidiaire, qu'elle a subi une exécution déloyale de son contrat de travail,

- condamner en conséquence, la Selarl Pharmacie de Noailles à lui verser les sommes suivantes :

'' à titre principal : 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

'' à titre subsidiaire : 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- juger par ailleurs que la Selarl Pharmacie de Noailles a manqué à son obligation de sécurité ;

- condamner en conséquence, la Selarl Pharmacie de Noailles à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ;

¿ sur la rupture du contrat de travail :

- juger que la rupture notifiée le 17 décembre 2018 est nulle, ou à tout le moins dénuée de cause réelle et sérieuse ;

- condamner en conséquence, la Selarl Pharmacie de Noailles à lui verser :

'' à titre principal : 40 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre d'indemnité pour licenciement nul :

'' à titre subsidiaire,

- juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable ;

- en conséquence, et compte tenu de son préjudice à ce jour, condamner la Selarl Pharmacie de Noailles à lui verser la somme de 40 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (non plafonnée) ;

'' à titre infiniment subsidiaire, condamner la Selarl Pharmacie de Noailles à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail (plafonnée) égale à 31 300 euros nets de CSG et de CRDS ;

¿sur les autres demandes :

- condamner la Selarl Pharmacie de Noailles à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des conditions brutales et vexatoires de la rupture ;

- ordonner la remise de l'attestation destinée au Pôle emploi et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les 30 jours suivant la notification de l'arrêt ;

- dire qu'en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, la cour se réserve le droit de liquider l'astreinte sur simple requête ;

- fixer la moyenne des salaires à la somme de 3 919,67 euros ;

- condamner la Selarl Pharmacie de Noailles à lui verser la somme de 4 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile comprenant les frais de première instance et d'appel ;

- dire que ces sommes porteront intérêt à compter de la mise en demeure du 8 février 2019, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil ;

- condamner la Selarl Pharmacie de Noailles aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la société Pharmacie de Noailles demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Madame [W] de l'intégralité de ses demandes et statuant à nouveau :

- condamner Mme [W] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner Mme [W] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 30 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui du harcèlement moral qu'elle allègue avoir subi depuis la fin du mois d'août 2018, Mme [W] invoque :

¿ le changement d'attitude de Mme [V] et l'évincement de l'équipe en poste à sa reprise de l'officine au profit de nouveaux salariés, se manifestant par :

- l'attitude plus distante de Mme [V] à l'égard des salariés qui étaient en poste à sa reprise de l'officine, à partir du recrutement, le 27 août 2018 d'une nouvelle préparatrice, Mme [X], avec qui elle avait déjà travaillé par le passé ;

- le fait que Mme [V] lui ait indiqué que les rayons orthopédie et homéopathie seraient certainement gérés par cette dernière à l'avenir, ce qui l'a profondément blessée ;

- le fait qu'à son retour de congés, Mme [V] n'ait pas cru utile de lui indiquer les raisons du licenciement de Mme [L], le 2 octobre 2018, ou de l'absence de M. [G], en arrêt maladie, la laissant dans une incertitude particulièrement inconfortable ;

- le comportement de M. [P], qui, embauché par Mme [V] comme pharmacien par contrat de travail à durée déterminée au mois de septembre 2018, tenait des propos diffamatoires envers Mme [L] et M. [G] ;

¿ la réduction de ses responsabilités caractérisant une rétrogradation, se manifestant comme suit :

- la confirmation par Mme [V] que Mme [X] devenait responsable du rayon d'orthopédie, dont le local avait été réaménagé pendant son absence et le retrait de la fonction de locations, achats et facturations du matériel médical au profit de Mme [X] ;

- le fait que, plus généralement, elle n'était plus responsable d'aucun rayon (orthopédie, vétérinaire et aromathérapie) et laboratoire (Boiron, Grimberg) et que toutes ses responsabilités, hormis celles au comptoir et tous les contacts avec les représentants lui ont été retirés et qu'elle a été de plus en plus affectée aux commandes de médicaments et au rangement, tâches qui incombent aux préparateurs en pharmacie ; qu'à partir de mi-novembre 2018, elle devait réceptionner 5 commandes de grossistes par semaine contre 3 pour Mme [X] ou M. [P] ;

¿sa mise à l'écart se manifestant par :

- le fait que Mme [V] ait cessé de communiquer verbalement avec l'ancienne équipe, mettant en place un système de communication par le biais d'un cahier contenant ses directives et rappels à l'ordre et communiquant par le biais de post-it et autres étiquettes collés en différents endroits de la pharmacie ;

- le fait que lorsqu'elle demandait des renseignements à Mme [V], cette dernière lui coupait systématiquement la parole, lui indiquait qu'elle n'était pas M. [B] ou qu'elle n'avait pas le temps ;

- le fait que Mme [V] se soit inscrite à une formation sur un logiciel informatique de gestion et y a inscrit M. [P], et qu'elle-même en ait été exclue ;

- le fait qu'elle était tenue à l'écart des informations utiles, découvrant le matin des ordonnances de la veille dont M. [P] ne lui avait pas parlé, découvrant par les clients des courriers qui leur avait été adressés par Mme [V] à propos de rejets de règlement de mutuelles, et n'étant jamais tenue informée des absences de Mme [V], à la différence de Mme [X] ;

- le fait que Mme [V] lui ait reproché de n'avoir rien fait dans la journée du 15 novembre 2018, alors même qu'elle avait travaillé sans pause, hormis la pause déjeuner, et avait géré seule le lendemain matin tout ce qui était en attente de la veille, que M. [P] et elle étant seuls présents dans l'officine au lieu de 3 personnes habituellement et que M. [P] ne s'est vu quant à lui adresser aucun reproche ;

¿ l'absence de réaction de la direction à son courrier du 30 novembre 2018 ;

Elle estime que les faits qu'elle allègue caractérisent les agissements suivants :

- pressions, critiques et reproches de la part de la direction ;

- absence de dialogue possible avec la direction ;

- réduction drastique de ses missions ;

- affectation à une tâche dévolue normalement aux élèves-pharmaciens ;

- privation des informations sur le suivi des patients et les dossiers médicaux ;

- remplacement au rayon orthopédie par une préparatrice avec moins d'expérience et moins d'ancienneté ;

- différence de comportement de la direction en fonction des salariés ;

- modification du contrat de travail sans son accord préalable ;

- absence de réaction de la direction bien qu'elle en ait été avertie.

Elle fait valoir que ces agissements, qui avaient pour objet de la pousser à quitter son emploi, ont entraîné une dégradation de ses conditions de travail qui ont eu des conséquences dommageables sur le plan professionnel, puisqu'elle a vu du jour au lendemain ses missions réduites à de simples tâches administratives ou de rangement et ses responsabilités supprimées, ainsi que sur son état de santé, comme en attestent les éléments médicaux qu'elle produit.

Le courriel adressé par Mme [W] à l'inspecteur du travail le 12 novembre 2018 dénonçant la dégradation de ses conditions de travail et le courrier daté du 30 novembre 2018 expédié le 1er décembre 2018 à son employeur dénonçant un harcèlement moral ne permettent pas en eux-mêmes d'établir la matérialité des faits qui y sont invoqués.

Les attestations de Mme [L] et de M. [G], préparateurs en pharmacie, produites par Mme [W] ne permettent pas de corroborer les allégations de celle-ci, Mme [L], qui était en congés payés du 27 août au 2 septembre 2018, puis a fait l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire à compter du 10 septembre 2018 jusqu'à son licenciement le 2 octobre 2018, n'ayant été présente qu'une semaine au cours de la période ayant suivi l'embauche de Mme [X] et de M. [P] et ce durant les congés payés de Mme [W], et M. [G], qui ne travaillait qu'un jour par semaine à la pharmacie et qui a été la plupart du temps en arrêt maladie à compter du 26 septembre 2018, ne relatant aucun fait concernant Mme [W], se bornant à faire état de sa propre situation en termes excessivement généraux, à l'exception de deux faits ne caractérisant aucun manquement de l'employeur à son égard.

Il n'est pas établi, en l'absence d'élément de preuve venant corroborer les allégations de la salariée :

- qu'à compter de l'engagement de Mme [X] en qualité de préparatrice en pharmacie le 27 août 2018, Mme [V] se soit montrée distante envers Mme [W] ou ait eu vis-à-vis d'elle un comportement différent de celui qu'elle avait avec Mme [X] et M. [P], recruté en qualité de pharmacien par contrat de travail à durée déterminée en septembre 2018 ;

- que Mme [V] ait annoncé à Mme [W] que le rayon homéopathie serait certainement géré par Mme [X] à l'avenir ;

- que Mme [V] ait effectivement confié la gestion du rayon homéopathie à Mme [X], M. [P] et Mme [X] attestant tous deux du contraire, M. [P] indiquant que l'homéopathie était gérée collectivement par l'ensemble des salariés et qu'il n'y avait pas de responsable de l'homéopathie au sein de l'officine et Mme [X] indiquant qu'elle n'a jamais été responsable du rayon homéopathie, d'ailleurs très peu développé au sein de l'officine et précisant que Mme [W] effectuait les commandes de réassort de ce rayon ;

- que les commandes de produits du laboratoire Omega Pharma aient été confiées à une personne en particulier, Mme [X] attestant au contraire que les commandes de ces produits étaient faites au fil de l'eau, via le grossiste, par les pharmaciens.

- que Mme [W] ait été auparavant responsable des rayons aromathérapie et vétérinaire et des laboratoires Boiron et Grimberg et que cette responsabilité lui ait été retirée par Mme [V] ainsi que toutes ses responsabilités, hormis celles au comptoir, et tous les contacts avec les représentants ;

- qu'au retour de congés de Mme [W], Mme [V] ne lui ait pas indiqué les raisons du licenciement de Mme [L] et de l'absence de M. [G], en arrêt maladie ;

- que M. [P] ait tenu des propos diffamatoires envers Mme [L] et M. [G] ;

- que Mme [W] n'était jamais tenue informée des absences de Mme [V], à la différence de Mme [X] ;

- qu'il n'y ait plus eu pour Mme [W] de dialogue possible avec Mme [V], que celle-ci ait cessé de communiquer verbalement avec elle et lui ait coupé systématiquement la parole lorsqu'elle lui demandait des renseignements, lui répondant qu'elle n'était pas M. [B] ou qu'elle n'avait pas le temps ;

- que Mme [W] ait été privée des informations sur le suivi des patients et les dossiers médicaux ; qu'elle ait découvert le matin des ordonnances de la veille dont M. [P] ne lui avait pas parlé et ait appris par les clients l'existence de courriers qui leur avait été adressés par Mme [V] à propos de rejets de règlement de mutuelles ;

- que Mme [V], absente les 15 et 16 novembre 2018, lui ait reproché de n'avoir rien fait dans la journée du 15 novembre 2018.

Si Mme [W] ne produit pas d'élément justifiant de la répartition de ses tâches au sein de l'officine avant le transfert de son contrat de travail à la Selarl Pharmacie de Noailles, il est toutefois constant que la polyvalence demandée aux salariés était alors moindre, que Mme [W] était chargée du rayon orthopédie et s'occupait en conséquence des factures de matériels médicaux, et qu'elle ne traitait pas le rejet des prises en charge de la sécurité sociale et des mutuelles.

Mme [W] ne justifie ni que le déballage des commandes et le rangement des médicaments n'entraient pas dans les tâches à exécuter par un pharmacien, ni qu'elle n'effectuait pas déjà ces tâches avant le transfert de son contrat de travail.

La salariée, absente pour maladie à compter du 27 novembre 2018, qui a reproché à son employeur dans son courrier daté du 30 novembre 2018, d'avoir depuis le 21 novembre au matin changé le planning des commandes grossistes, de sorte qu'elle réceptionne les commandes à raison de cinq demi-journées, M. [P] à raison de trois demi-journées et Mme [X] à raison de 3 demi-journées, produit la photographie de deux plannings :

- l'un, dont elle indique qu'il s'agit du planning de déballage des commandes à compter de son retour de vacances le 2 octobre 2018, répartissant cette tâche à raison de deux demi-journées pour elle, deux demi-journées pour M. [P], trois demi-journées pour Mme [X], une à deux demi-journées pour M. [G], une demi-journée pour Mme [V] ;

- l'autre, dont elle indique qu'il s'agit du planning de déballage des commandes à compter de la mi-novembre 2018, répartissant cette tâche à raison de cinq demi-journées pour elle, trois demi-journées pour M. [P], 3 demi-journées pour Mme [X].

La Selarl Pharmacie de Noailles produit quant à elle le planning de la semaine du 5 novembre 2018 dont il ressort que la gestion de la réception des commandes était répartie comme suit : trois demi-journées pour Mme [W], trois demi-journées pour M. [P], quatre demi-journées pour Mme [X] et deux demi-journées pour M. [G].

La cour constate que sur les plannings produits par les parties, le contrôle des caisses et cartes bancaires est réparti équitablement entre M. [P] et Mme [W], un jour sur deux, en alternance, et qu'il n'est pas établi qu'en dehors du planning de la semaine du 21 octobre 2018, Mme [W] ait été eu à assurer plus de demi-journées de réception des commandes que M. [P] ou Mme [X].

Si Mme [W] affirme qu'elle était exclue des formations, elle ne l'établit pas. Si elle affirme dans la lettre datée du 30 novembre 2018 adressée à Mme [V] que le 21 novembre 2018 au matin, un formateur du logiciel Winpharma est venu former celle-ci et que M. [P] a assisté en partie à cette formation, alors qu'elle-même, qui avait informé Mme [V], qui lui avait demandé de traiter les rejets de dossiers de la part de la sécurité sociale et des mutuelles, qu'elle n'avait jamais eu de formation informatique à ce sujet et souhaitait en avoir une, n'en a pas reçue, elle ne produit aucun élément à l'appui de ces allégations.

Elle n'établit pas avoir vainement sollicité de Mme [V] une formation pour traiter les rejets de dossiers par la sécurité sociale et les mutuelles, ni ne pas avoir bénéficié des formations informatiques adéquates. M. [P] atteste qu'il n'a pas été inscrit à une formation informatique à laquelle Mme [W] n'aurait pas été conviée, expliquant qu'il a seulement profité de la présence de l'ingénieur informatique dans les locaux pour obtenir de manière fortuite et informelle des explications sur quelques points de détail du fonctionnement du logiciel Winpharm concernant la réception des commandes.

Les pressions, critiques et reproches injustifiés de la part de la direction allégués par Mme [W] ne sont pas établis. Il résulte des attestations de M. [P] des 4 janvier 2019 et 12 janvier 2020 qu'il n'a jamais constaté de pression ou de harcèlement de Mme [V] envers Mme [W] mais que le manque d'implication de Mme [W], son refus de coopération et de dialogue avec Mme [V], ainsi que sa méfiance et ses rétentions d'information vis-à-vis de ses collègues ont créé un climat de tension rendant toute collaboration impossible.

Il est seulement établi :

- que Mme [V] a mis en place un cahier de liaison et a apposé un post-it sur un tiroir mentionnant 'ne rien ranger dans la réserve sans accord de Mme [V]' ;

- que la gestion du rayon orthopédie et la facturation corrélative des matériels médicaux ont été retirées à Mme [W] pour être confiées à Mme [X] ; que Mme [W], déchargée de ces tâches, a été chargée de traiter le rejet des prises en charge de la sécurité sociale et des mutuelles avec Mme [V] ;

- que Mme [W] avait à effectuer des tâches de réception de commandes de médicaments et de rangement des médicaments et qu'au cours de la semaine du 21 novembre, elle a été chargée de réceptionner les commandes à raison de cinq demi-journées, M. [P] à raison de trois demi-journées et Mme [X] à raison de 3 demi-journées ;

- que l'organisation mise en place par Mme [V], en ce compris les modifications relatives à la gestion de l'orthopédie, si elle ne modifiait pas le niveau des responsabilités de Mme [W] et ne caractérisait ni une rétrogradation, ni une modification de son contrat de travail, impliquait une polyvalence plus grande entre les salariés constitutive d'un changement des conditions de travail de la salariée ;

- que le lundi 26 novembre 2018, le médecin généraliste a prescrit à Mme [W] un arrêt de travail pour maladie jusqu'au 9 décembre 2018 dont l'avis destiné au service médical de la sécurité sociale mentionnait qu'il était prescrit en raison d'un syndrome anxiodépressif ;

- que la salariée a averti son employeur par mail du 26 novembre 2018 à 21h18 de cet arrêt maladie sans en indiquer la raison médicale et que l'avis destiné à l'employeur, qui n'en mentionne pas non plus la raison médicale, a été reçu par celui-ci le 29 novembre 2018 ;

- que par courrier daté du 30 novembre reçu par la Selarl Pharmacie de Noailles le 3 décembre 2018, Mme [W] a informé son employeur qu'elle considérait être victime de harcèlement moral de sa part et qu'il n'a pris aucune mesure ;

- que le 6 décembre 2018, Mme [W] a consulté une psychologue du travail ;

- que le 8 décembre 2018 le médecin généraliste a prescrit à Mme [W] une prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 30 décembre 2018, dont l'avis destiné à l'employeur a été posté le 8 décembre 2018 et reçu par la Selarl Pharmacie de Noailles le 10 décembre 2018 et dont l'avis destiné au service médical de la sécurité sociale mentionnait qu'il était prescrit en raison d'un syndrome anxiodépressif ;

- que le 24 décembre 2018, au cours du préavis qu'elle a été dispensée d'effectuer lors de la notification de son licenciement le 17 décembre 2018, Mme [W] a déclaré au médecin du travail qu'elle était victime de harcèlement moral, que plusieurs collègues avaient été licenciés, qu'elle souffrait d'insomnie, boule au ventre, maux de tête, cervicalgies, dorsalgies, sensation d'oppression thoracique, crises de pleurs et qu'elle était suivie et sous traitement pour un syndrome anxiodépressif ;

- que le 27 décembre 2018 le médecin généraliste lui a prescrit une prolongation d'arrêt de travail jusqu'au 19 mars 2019, dont l'avis destiné au service médical de la sécurité sociale mentionnait qu'il était prescrit en raison d'un syndrome anxiodépressif ;

- que le 27 décembre 2018, le médecin généraliste a certifié qu'il suit cette patiente depuis le 26 novembre 2018 pour un syndrome anxiodépressif suite à un harcèlement au travail depuis fin août 2018, qu'elle présente des troubles anxieux et du sommeil nécessitant un traitement anxiolytique, qu'elle est arrêtée depuis le 27 novembre 2018 jusqu'au 19 mars 2019 et qu'il la suit régulièrement pour des entretiens et son traitement, ce certificat étant confirmé par une attestation de son auteur.

Il résulte de l'ensemble des éléments présentés par Mme [W], en prenant en compte les documents médicaux produits, que les faits ci-dessus retenus comme matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Il convient dès lors d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Si Mme [W] produit la photocopie de deux pages d'un cahier contenant des instructions de Mme [V] et la photographie d'un post-it placé sur un tiroir mentionnant 'ne rien ranger dans la réserve sans accord de Mme [V]', la mise en place par l'employeur d'un cahier de liaison pour faciliter la transmission de l'information des uns aux autres, et assurer la diffusion de ses instructions et rappeler le cas échéant ses directives et l'apposition par l'employeur d'un post-it sur un tiroir pour rappeler qu'il ne veut plus de tiroir de réserve, ce que Mme [W] ne voulait pas entendre, ainsi qu'en atteste M. [P], étaient justifiés par la nécessité d'assurer le bon fonctionnement de l'officine et ne permettent pas de caractériser une quelconque absence de dialogue.

Il est établi par l'attestation de Mme [X] que Mme [V] a expliqué à plusieurs reprises que tout le monde devait tout faire dans la pharmacie à tour de rôle et établissait un calendrier des tâches.

La polyvalence demandée aux salariés par la Selarl Pharmacie de Noailles, qui, durant la période du 3 octobre au 26 novembre 2018, comptait, en dehors de sa gérante, deux pharmaciens à temps plein, Mme [W] et M. [P], une préparatrice en pharmacie à temps plein, Mme [X], un préparateur en pharmacie à temps partiel présent le samedi, M. [G], était nécessaire pour assurer un meilleur fonctionnement de l'officine. L'établissement d'un calendrier des tâches était d'autant plus nécessaire qu'il résulte de l'attestation de M. [P] que Mme [W] ne voulait faire que ce qu'elle voulait, qu'elle s'attribuait unilatéralement, au détriment des autres, des tâches qui l'intéressaient.

Si Mme [W] soutient qu'étant pharmacienne et titulaire d'un diplôme universitaire en orthopédie, elle était plus légitime à gérer le rayon orthopédie que Mme [X], une préparatrice avec moins d'expérience et moins d'ancienneté, il est constant que cette dernière était titulaire d'un diplôme de préparatrice en pharmacie avec une spécialité orthopédie-ortésiste-podologiste. M. [P] atteste qu'il était logique que Mme [X], qui est préparatrice orthopédiste et dispose d'un diplôme et de formations qui font qu'elle surpasse largement les capacités et les connaissances d'un pharmacien, même titulaire d'un DU d'orthopédie dans ce domaine, soit chargée du rayon orthopédie, qu'il a travaillé auparavant dans une grande pharmacie qui employait six pharmaciens, dont 'certain titulaire' d'un DU orthopédie, et que c'était Mme [X] qui gérait néanmoins l'orthopédie. Il est dès lors suffisamment démontré que la formation et l'expérience de Mme [X] justifiait que le rayon orthopédie et la facturation des matériels médicaux lui soit confiée plutôt qu'à Mme [W].

Le fait que Mme [V] ait demandé à Mme [W] d'assurer avec elle le traitement des rejets d'ordonnances par la sécurité sociale et les mutuelles était justifié par la complexité de cette tâche au regard des règles applicables, qui légitiment l'examen de ces rejets par un pharmacien.

Si Mme [W] fait grief à Mme [V] de lui avoir confié des tâches de réception des commandes de médicaments et de rangement des médicaments, il est établi par l'attestation de M. [P] du 12 janvier 2020, qu'aucun élément ne vient contredire, que la réception des commandes n'est pas une fonction dédiée aux élèves préparatrices, que dans les petites et moyennes pharmacies, il est normal et habituel que les pharmaciens prennent part à cette tâche, d'autant plus qu'il n'y avait pas d'élève-préparatrice au sein de l'officine, qu'il a lui-même été chargé de cette tâche pendant plus d'un an et que Mme [V] y a participé très régulièrement et ajoute que la réception des commandes était répartie de manière égalitaire entre Mme [W], Mme [X] et lui. Il en résulte que le planning de réception des commandes de la semaine du 21 novembre ne révèle à lui seul aucune inégalité de traitement entre les salariés, mais correspondait aux disponibilités des uns et des autres au cours de la semaine considérée.

Il n'est pas établi que la Selarl Pharmacie de Noailles ait su avant la réception, le 3 décembre 2018, de la lettre de Mme [W] datée du 30 novembre 2018, que celle-ci estimait être victime d'agissements de harcèlement à l'origine de son arrêt de travail et qu'elle avait saisi l'inspection du travail.

En effet, si Mme [W] fait valoir qu'elle a dénoncé oralement à plusieurs reprises à son employeur 'l'évolution désastreuse de ses conditions de travail', elle n'en justifie pas.

L'exemplaire des avis d'arrêt de travail destinés à l'employeur ne comporte pas la raison médicale de l'arrêt, qui n'est mentionné que sur l'exemplaire des avis destiné au service médical de la sécurité sociale. La Selarl Pharmacie de Noailles ignorait donc jusqu'au 3 décembre 2018 la raison médicale de l'arrêt de travail initial de l'intéressée.

Si dans le courrier adressé à la Selarl Pharmacie de Noailles le 3 décembre 2018, le syndicat FO de la pharmacie de [Localité 7] et de la région parisienne a fait état d'une 'tension quotidienne générant des risques psychosociaux', dont il avait été alerté par ses adhérents, il n'a évoqué aucun fait précis à ce sujet et n'a pas répliqué au courrier en réponse de la Selarl Pharmacie de Noailles du 18 décembre 2018, qui contestait avoirmanqué à ses obligations.

L'inspecteur du Travail, qui a effectué une visite au sein de l'officine le 11 décembre 2018, a écrit à la Selarl Pharmacie de Noailles le 17 décembre 2018 qu'il avait bien noté les difficultés qu'elle rencontrait avec le personnel déjà en poste avant le rachat de l'entreprise et ne lui a signalé aucun manquements à ses obligations d'employeur, l'invitant seulement, lorsque les travaux de la pharmacie seront terminés, à indiquer à chaque salarié l'emplacement prévu pour prendre les repas.

Du 3 décembre jusqu'au 17 décembre 2018, date de l'envoi de la lettre de licenciement, le contrat de travail de Mme [W] étant suspendu par son arrêt de travail pour maladie, aucune mesure concrète nouvelle ne pouvait être prise par la Selarl Pharmacie de Noailles sans risquer de compromettre la prise en charge médicale dont Mme [W] faisait l'objet.

Ces éléments justifie l'absence de mesure prise par l'employeur à réception de la lettre de Mme [W] dénonçant des faits qu'elle considérait constituer des agissements de harcèlement moral.

Les faits allégués par Mme [W] étant pour les uns non établis et pour les autres justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral et les éléments médicaux produits ne suffisant pas à établir un lien entre la dégradation de l'état de santé de la salariée et des faits imputables à l'employeur, le harcèlement moral dénoncé n'est pas caractérisé. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Ces faits ne caractérisent pas plus une exécution déloyale du contrat de travail par la Selarl Pharmacie de Noailles, dont il appartient à la salariée de rapporter la preuve. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [W], qui souligne qu'elle a prévenu l'inspection du Travail de sa situation dès le 12 novembre 2018, fait valoir que son employeur a qui elle a dénoncé à plusieurs reprises l'évolution désastreuse de ses conditions de travail d'abord oralement, puis par courrier du 30 novembre 2018, et qui a été destinataire de son arrêt de travail dès le 29 novembre 2018 et d'un courrier adressé par le syndicat FO le 3 décembre 2018, n'a pas réagi et lui a adressé une convocation à entretien préalable. Elle fait valoir également qu'elle a constaté à l'occasion de son arrêt de travail que son employeur n'avait adhéré à aucun organisme de médecine du travail.

Comme il a été constaté ci-dessus, il n'est pas établi que la Selarl Pharmacie de Noailles ait su avant la réception, le 3 décembre 2018, de la lettre de Mme [W] datée du 30 novembre 2018, que celle-ci estimait être victime d'agissements de harcèlement à l'origine de son arrêt de travail du 27 novembre au 9 décembre 2018 et avait saisi l'inspection du travail. Les convocations à entretien préalable adressées à la salariée sont antérieures pour avoir été envoyées le 24 et le 28 novembre 2018 et l'employeur ne saurait être tenu de renoncer à une procédure de licenciement au seul motif que le salarié est en arrêt de travail pour maladie.

Du 3 décembre jusqu'au 17 décembre 2018, date de l'envoi de la lettre de licenciement, le contrat de travail de Mme [W] était suspendu par son arrêt de travail pour maladie, aucune mesure concrète nouvelle ne pouvait être prise par Mme [V] sans risquer de compromettre la prise en charge médicale dont l'intéressée faisait l'objet.

L'absence de toute mesure prise pour répondre à la dénonciation d'agissements de harcèlement moral par la salariée ne caractérise pas dès lors un manquement de la Selarl Pharmacie de Noailles à l'obligation de sécurité.

Il est établi que par lettre datée du 28 novembre 2018, postée le 29 novembre 2018, reçue par la Selarl Pharmacie de Noailles le 30 novembre 2018, Mme [W] a demandé à celle-ci de lui communiquer les coordonnées du service de médecine au travail auquel elle doit s'adresser en exposant que son médecin généraliste lui a demandé de prendre contact avec la médecine du travail, qu'elle a téléphoné ce matin au service de santé au travail Ostrea, auquel son précédent employeur avait adhéré, et qu'il lui a été répondu que celui-ci avait été radié le 20 juin 2018 et que la Selarl Pharmacie de Noailles n'avait pas adhéré à son service ; que la Selarl Pharmacie de Noailles ayant régularisé la situation, la salariée a obtenu un rendez-vous avec le médecin du travail fixé au 24 décembre 2018.

A défaut de rapporter la preuve, qui lui incombe, de son adhésion à un service de santé au travail, avant le 30 novembre 2018, la Selarl Pharmacie de Noailles, qui était l'employeur de Mme [W] depuis le 14 mai 2018, a manqué à son obligation de sécurité et causé ainsi à la salariée un préjudice que la cour fixe à la somme de 800 euros. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de condamner la Selarl Pharmacie de Noailles à payer ladite somme à Mme [W] à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement notifiée à Mme [W] le 17 décembre 2018, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

'1-Sur l'organisation et le bon fonctionnement de la pharmacie :

Je vous ai demandé d'éditer la liste des produits non remboursés et cela n'a pas été fait pour octobre 2018 et très tardivement pour novembre 2018.

Vus avez également, comme le reste de l'équipe, reçu des instructions concernant la nouvelle organisation du rangement des tiroirs de l'officine ce que vous refusez de faire et vous laissez traîner sur le comptoir des boîtes de médicaments que vos collègues ont été contraints de ranger. Cette attitude est irresponsable et non conforme aux instructions qui vous ont été données.

Lors de l'entretien préalable vous avez reconnu ces manquements considérant que vous ne deviez pas prendre d'initiative...

Dans le cadre de l'organisation de mon officine, et afin de vous libérer du temps au comptoir pour dispenser, je vous ai demandé de transmettre l'organisation du pôle orthopédique à [U] [X].

Une nouvelle fois vous avez résisté volontairement à cette instruction puisque nous avons pris deux mois de retard en termes de facturation que vous n'avez pas signalée. Cette attitude met en danger la situation financière de mon entreprise ce que je ne peux pas admettre.

Egalement le 27 octobre dernier, je vous ai demandé par écrit de prioriser avec l'équipe la mise en oeuvre de l'étiquetage des prix, or cela n'avait pas été fait.

2-Sur votre comportement

Depuis mon arrivée, je m'efforce de recueillir les avis, souhaits et propositions de chacun des salariés de l'officine.

Dans ce même contexte, j'ai demandé à chacun d'adopter une attitude polyvalente, participative et d'entraide.

Sans autorisation de ma part, je constate que vous n'avez jamais cessé de déléguer à vos collègues des tâches qui vous incombent alors que ceux-ci ont déjà la charge de nombreuses opérations. Il ne vous appartient pas de répartir les tâches de l'officine, cela relève en plein de mon autorité.

Par ailleurs, vous dénigrez le travail de vos collègues à l'officine auprès de nos clients. Vos collègues m'ont indiqué qu'il était arrivé à plusieurs reprises que vous interveniez dans le cadre d'un échange avec un client en interrompant cet échange et en remettant en cause les choix de leur interlocuteur.

Egalement, vous dénigrez la pharmacie auprès de clients notamment en faisant croire que nous n'aurions pas de convention Podowell.

Enfin, et manifestement dans le but de mettre en difficulté la pharmacie et vos collègues, vous multipliez les rétentions d'informations. Par exemple, l'un de nos clients a loué un neurostimulateur pour lequel vous lui avez demandé une nouvelle ordonnance et ce sans prévenir personne.

3-Le fait du 22 novembre 2018

Le 22 novembre, vous avez refusé de prendre en charge la gestion d'une demande de stupéfiant alors que je vous avais rappelé que seuls les pharmaciens devaient prendre en charge ce type de demande. Or, contrairement à cette instruction claire et non équivoque, vous avez laissé la préparatrice Mme [X] gérer cette ordonnance.

Il est de votre responsabilité de vous assurer en mon absence ou quand je suis indisponible que les règles établies soient respectées dans cette pharmacie.

La délivrance de stupéfiant est un acte grave et susceptible de conséquences ce qui explique la règle stricte qui a été édictée.

Il est d'ailleurs apparu que l'ordonnance n'était pas valable comme a pu s'en rendre compte l'autre pharmacien M. [P] lorsqu'il a dû reprendre ce dossier le lendemain.

Les explications que vous nous avez fournies lors de votre entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation sur les faits qui vous sont reprochés.

C'est en considération de l'ensemble de ces éléments que nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement.'

M. [P] atteste que Mme [W] rejette la nouvelle organisation de la pharmacie et refuse de prendre part aux tâches qui ne l'intéressent pas, qu'alors que Mme [V] ne veut plus de tiroirs de réserve et leur a demandé d'agrandir les espaces dans les tiroirs afin d'y ranger toutes les boîtes lors du rangement des commandes, Mme [W] s'y refuse et contourne cette directive en constituant des caisses de réserve à défaut de tiroirs de réserve, puis face aux critiques justifiées ('remontrances') de Mme [V], a laissé traîner sur le déballoir les boîtes nécessitant un aménagement des tiroirs pour être rangées, laissant ses collègues le faire à sa place à chaque commande. Mme [X] atteste, elle aussi, que Mme [W] n'était pas d'accord avec les nouveaux rangements de Mme [V] et ne les respectait pas.

Mme [X] atteste qu'alors qu'elle a été chargée par Mme [V] de prendre en charge l'orthopédie et que celle-ci a demandé à Mme [W] à son retour de congés, soit début octobre 2018, de faire les factures de matériels médicaux avec elle les premiers mois pour lui apprendre comment procéder, Mme [W] ne l'avait toujours pas fait début novembre, et que c'est Mme [V] qui a repris les facturations et les lui a expliquées.

M. [P] atteste que lorsque ses collègues sont au comptoir avec des clients, Mme [W] se permet d'intervenir et de les interrompre afin de se mettre en valeur et de les décrédibiliser, dit aux clients qu'il sera plus simple de voir directement avec elle, afin de se rendre indispensable auprès de la clientèle et de tenir ses collègues éloignés des responsabilités du comptoir ; que Mme [W] se dédouane de chaque erreur, dont elle reporte systématiquement la responsabilité sur Mme [X] et lui, et ne se montre aucunement solidaire avec eux face aux clients. Mme [X] atteste que Mme [W] avait l'habitude de faire des réflexions désagréables aux autres salariés devant les clients, évoquant des erreurs de commande alors qu'elle en était à l'origine suite à de mauvaises manipulations du logiciel, qu'elle n'en peut plus, qu'elle est à bout à force de subir ses changements d'humeur et ses réflexions.

Mme [X] atteste :

- que lors de la réunion du 6 novembre 2018, Mme [V] avait informé les salariés que la délivrance des stupéfiants devait être prise en charge par les pharmaciens ;

- que le 22 novembre 2018, une cliente s'étant présentée pour obtenir la délivrance de produits stupéfiants et Mme [V] étant en rendez-vous, elle a demandé à Mme [W] de prendre l'ordonnance en charge, qu'il est apparu que le stock informatique du produit était faux, que Mme [W] a refusé devant la cliente de prendre la responsabilité de servir le produit, qu'elle l'a laissée gérer elle-même la situation et commander le produit, puis lui a reproché de ne pas avoir commandé la bonne quantité ; qu'il s'est avéré que l'ordonnance n'était plus valable.

Il résulte de ses attestations concordantes que Mme [W] refusait d'exécuter les instructions de son employeur, tant celles relative à l'organisation de l'officine que celles relatives à la prise en charge des prescriptions de produits stupéfiants et remettait en cause le travail de ses collègues devant les clients. Ces faits répétés de nature à perturber le bon fonctionnement de l'officine constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le seul fait que le licenciement soit contemporain de la saisine par la salariée de l'inspection du travail ne fait pas présumer qu'il procède d'une atteinte à sa liberté fondamentale d'agir en justice.

Les faits invoqués par l'employeur ci-dessus retenus comme établis par les attestations qu'il produit caractérisant une cause réelle et sérieuse de licenciement, il appartient à Mme [W] de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue en réalité une mesure prise par l'employeur en raison de sa saisine de l'inspection du travail pour faire valoir ses droits, ce qu'elle ne fait pas. La preuve de la violation par la Selarl Pharmacie de Noailles de la liberté fondamentale de la salariée d'ester en justice n'est pas rapportée.

Mme [W] n'ayant pas été victime de harcèlement moral est mal fondée à prétendre avoir été licenciée pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et aucun élément ne démontre qu'elle a été licenciée pour avoir dénoncé de tels agissements.

Il n'est pas établi non plus de lien entre le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité pour adhésion tardive à un service de santé au travail et les fautes antérieurement commises par la salariée.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de nullité du licenciement, de sa demande principale de dommages-intérêts pour licenciement nul et de sa demande subsidiaire d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Chacune d'elles succombant partiellement à l'instance, chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance et d'appel par elle exposés.

Il convient en outre de débouter Mme [W] et la Selarl Pharmacie de Noailles de leurs demandes d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'elles ont exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,

Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy en date du 1er décembre 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

Condamne la Selarl Pharmacie de Noailles à payer à Mme [C] [W] la somme de 800 euros à titre de dommages-intérêts pour adhésion tardive à un service de santé au travail ;

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens de première instance par elle exposés ;

Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;

Y ajoutant :

Déboute Mme [C] [W] et la Selarl Pharmacie de Noailles de leurs demandes d'indemnité pour les frais irrépétibles qu'elles ont exposés en cause d'appel,

Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens d'appel par elle exposés.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 15e chambre
Numéro d'arrêt : 20/02865
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;20.02865 ?
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