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16/05/2023 | FRANCE | N°21/07619

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 16 mai 2023, 21/07619


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 35A



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 MAI 2023



N° RG 21/07619

N° Portalis DBV3-V-B7F-U5AG



AFFAIRE :



[X] [Z]

...









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2020F01289



Expéditions exécutoires

Expéditions



Copies

délivrées le :

à :



Me Banna NDAO



Me Martine DUPUIS



TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 35A

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 MAI 2023

N° RG 21/07619

N° Portalis DBV3-V-B7F-U5AG

AFFAIRE :

[X] [Z]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Novembre 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2020F01289

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Banna NDAO

Me Martine DUPUIS

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 8]

Monsieur [P] [U]

[Adresse 3]

[Localité 7]

S.A.R.L. CREDERE

[Adresse 3]

[Localité 7]

S.A.S. CARTE FINANCEMENT

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentant : Me Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 - N° du dossier 21/169

Représentant : Me Paul ZEITOUN de la SELEURL PZA PAUL ZEITOUN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1878

S.A.S.U. FINANCEMENT MAGELLAN

[Adresse 4]

[Localité 5]

Monsieur [O] [C]

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES,

Représentant : Me Samuel BECQUET , Plaidant, avocat au barreau de LYON

APPELANTS et INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN,

La société Carte financement a pour activité le courtage en opérations de banque et services de paiement, le conseil aux entreprises de courtage non réglementées outre l'activité des agents et courtiers d'assurance; elle a été développée par MM. [N] [W], [P] [U] et [X] [Z], ces deux derniers détenant respectivement 37,50 % et 25 % du capital ; elle était associée, à 50 %, de la SASU Financement Magellan, dirigée par M. [O] [C], celle-ci ayant la même activité d'après leurs deux extraits K.Bis.

Au cours de l'année de l'année 2017, à l'occasion de l'arrivée au sein de la société Carte financement d'un nouveau partenaire financier, la SARL Artemis courtage, MM. [U] et [Z] ont entrepris des pourparlers avec M. [C] afin de proposer à ce dernier de devenir leur associé et d'occuper un poste salarié au sein de la société Carte financement.

Des mails ont été échangés entre les parties à compter du 4 août 2017, et notamment un message électronique adressé le 17 octobre 2017 par M. [U] à M. [C], M. [Z] étant en copie de ce message; il y a alors été évoqué la création d'une société holding, dénommée Newco puis Credere, détenant 58,50 % de la société Carte financement qu'elle présiderait et proposé à M. [C] de devenir associé de cette nouvelle société à hauteur de 17,09 % du capital, par achat, à MM. [U] et [Z], de 8,55 % des titres que chacun y détenait, pour un prix de 72 000 euros ; il y était également prévu que la société Carte financement cède à la société Financement Magellan les parts dont elle était propriétaire dans le capital de cette dernière.

M. [C] a intégré, le 1er novembre 2017, les effectifs de la société Carte financement en qualité de directeur de régions salarié, celui-ci ayant pour mission de développer l'activité courtage professionnel et patrimonial en région Rhône Alpes et dans d'autres régions 'en fonction des implantations Artémis et des opportunités'.

Un protocole d'accord a été signé le 7 décembre 2017 entre les trois associés fondateurs de la société Carte financement et la société Artemis courtage dans lequel il a été convenu que la réorganisation de la société Carte financement se ferait en deux phases, M. [C] n'étant pas signataire de ce protocole.

Un pacte d'associé a été signé le 22 décembre 2017 entre les trois associés fondateurs de la société Carte financement, les sociétés Artemis courtage, Credere et Financement Magellan et M. [C] qui est intervenu au pacte d'associés 'en sa qualité de futur associé de Credere'.

De nombreux échanges de mails ont eu lieu en 2018 et 2019 concernant l'association de MM. [U], [Z] et [C] sans que celle-ci se réalise, étant précisé qu'en réponse aux demandes de M. [C] formulées par courriels des 12 avril 2019 et 2 mai 2019 adressés à M. [U] aux fins de mise en oeuvre de leur accord d'association, ce dernier lui a proposé d'acquérir 4% du capital de la société Credere, ce que M. [C] n'a pas accepté.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2019, reçue par M. [Z] le 12 août 2019 et non réclamée par M. [U], le conseil de M. [C] a mis en demeure ces derniers d'effectuer la cession des parts convenue entre eux au dernier trimestre 2017, sous un délai de huit jours.

Par lettre suivie en date du 13 septembre 2019, M. [C] a été convoqué le 25 septembre 2019 à un entretien préalable à son licenciement de la société Carte financement, lequel lui a été signifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er octobre 2019. Ce licenciement a été déclaré nul par jugement non définitif du conseil de prud'hommes de Lyon du 29 septembre 2022.

Par actes d'huissier en date du 25 septembre 2019, M. [C], aux fins notamment de dire parfaite la cession à son profit de 17,50 % des parts de la société Credere, a fait assigner MM. [U] et [Z] ainsi que cette société devant le tribunal de commerce de Paris lequel, par jugement prononcé le 29 mai 2020, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de Nanterre, étant précisé que par actes d'huissier en date du 18 décembre 2020, M. [C] et la société Financement Magellan ont fait également assigner la société Carte financement.

Le tribunal de commerce de Nanterre, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 19 novembre 2021, a :

- ordonné la cession par MM. [U] et [Z] de 17,09% du capital de la société Credere à M. [C] moyennant la somme de 72 000 euros ;

- ordonné solidairement à la société Credere et à MM. [U] et [Z] de fournir une copie certifiée conforme de l'ensemble des comptes ayant été arrêtés, et des compte-rendus d'assemblée générales ayant été tenues depuis le 31 décembre 2017, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à partir du quinzième jour suivant la signification du jugement, le tribunal se réservant le droit de la liquider ;

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses autres demandes ;

- condamné M. [U] et M. [Z] à payer chacun la somme de 5 000 euros à M. [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus ;

- condamné solidairement MM. [U] et [Z] aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 22 décembre 2021, MM. [Z] et [U] et les sociétés Credere et Carte financement ont interjeté appel du jugement.

Par déclaration du 31 janvier 2022, M. [C] et la société Financement Magellan ont également interjeté appel du jugement.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 3 novembre 2022 sous le numéro RG 21/7619.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 10 novembre 2022, MM. [Z] et [U] et les sociétés Credere et Carte financement demandent à la cour de :

- déclarer irrecevable, comme nouvelle, la demande de résolution formulée par M. [C] et la société Financement Magellan ;

- déclarer recevable et bien fondé leur appel ;

Y faisant droit,

- infirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [C] de l'ensemble de ses autres demandes ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- juger que le courriel du 17 octobre 2017 constitue une offre d'entrer en pourparlers ;

- juger que le pacte d'associé du 22 décembre 2017 se substitue au courriel du 17 octobre 2017;

- juger que MM. [U] et [Z] ont parfaitement rempli leurs obligations ;

- juger que MM. [U] et [Z] ont mené des négociations loyales ;

A titre subsidiaire,

- juger que le courriel du 17 octobre 2017 constituait une offre assortie de conditions suspensives ;

- juger défaillies les conditions suspensives ;

- juger caduque l'offre sous condition suspensive du 17 octobre 2017 ;

Par conséquent,

- débouter M. [C] et la société Financement Magellan de l'ensemble de leurs demandes ;

Sur les demandes de M. [C],

- débouter M. [C] et la société Financement Magellan de leur demande d'expertise avant dire droit ;

- débouter M. [C] et la société Financement Magellan de leur demande de prise charge des frais d'expertise aux frais avancés de MM. [Z] et [U] ;

- débouter M. [C] et la société Financement Magellan de leur demande de communication de pièces sous astreinte ;

- débouter M. [C] et la société Financement Magellan de leur demande de provision de 803 000 euros; - débouter M. [C] et la société Financement Magellan de leur demande d'indemnisation de 803 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

- débouter M. [C] et la société Financement Magellan de leur demande d'indemnisation de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

En tout état de cause,

- débouter M. [C] et la société Financement Magellan de leur demande formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum M. [C] et la société Financement Magellan à leur payer la somme de 25 000 euros chacun, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] et la société Financement Magellan, dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 novembre 2022, demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* ordonné la cession par MM. [U] et [Z] de 17,09% du capital de la société Credere à M. [C] moyennant la somme de 72 000 euros ;

* ordonné solidairement à la société Credere et à MM. [U] et [Z] de fournir une copie certifiée conforme de l'ensemble des comptes ayant été arrêtés, et des comptes-rendus d'assemblée générales ayant été tenues depuis le 31 décembre 2017, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à partir du quinzième jour suivant la signification du présent jugement, le tribunal se réservant le droit de la liquider ;

* condamné solidairement MM. [U] et [Z] aux entiers dépens ;

- faire droit aux demandes nouvelles de M. [C], consécutives au manquement de MM. [Z] et [U] dans l'exécution de leur obligation de délivrance ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande de condamnation de MM. [Z] et [U], in solidum, à lui verser la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il n'a fait droit que partiellement à sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles ;

- l'infirmer également en ce qu'il n'a fait droit à la demande de communication des documents sociaux et comptables que de la société Credere, et non de la société Carte financement ;

En conséquence,

A titre principal,

- constater la rencontre d'une offre et d'une acceptation, dans des termes identiques, entre MM. [Z] et [U], d'une part, et la société Financement Magellan, d'autre part, portant sur la cession de 17,1 % des parts de la société Credere ' soit 855 parts au total ', à hauteur de 8,55 % chacun, pour le montant total de 72 000 euros ;

- constater la substitution de M. [C] dans les droits de la société Financement Magellan ;

- constater et dire parfaite ladite cession de parts, et ce, à effet au 31 décembre 2017 ;

- constater les manquements de MM. [Z] et [U] dans l'exécution de leur obligation de délivrance, et constater la résolution de ladite cession de parts ;

- dire MM. [Z] et [U] entièrement responsables des préjudices causés à M. [C] ;

Avant dire droit,

- ordonner la communication par la société Credere, MM. [Z] et [U], in solidum, des comptes des exercices clos les 31 décembre 2018, 2019, 2020, et 2021 des sociétés Credere et Carte financement et de toutes sociétés dans lesquelles elles ont des participations, ainsi que de tous documents établis ou communiqués à l'occasion des assemblées générales d'approbation desdits comptes, et ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

- ordonner une expertise pour déterminer le préjudice financier de M. [C] aux frais avancés de MM. [Z] et [U], sauf à allouer à M. [C] une provision ad litem d'un montant équivalent aux frais d'expertise prévisibles ;

- condamner MM. [Z] et [U] au versement d'une provision de 972 828 euros à valoir sur le préjudice définitif tel qu'il sera fixé par la cour ensuite de la remise du rapport d'expertise ;

Subsidiairement, à défaut d'expertise,

- fixer de manière définitive le préjudice financier subi par M. [C] à la somme de 972 828 euros à titre de dommages et intérêts, et condamner MM. [Z] et [U], in solidum, au versement de cette somme;

- condamner MM. [Z] et [U], in solidum, au versement à M. [C] de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de préjudice moral ;

A titre subsidiaire, en cas de cas de défaut de constatation par la cour de la cession de parts,

- condamner MM. [Z] et [U] au versement à M. [C] de la somme de 972 828 euros à titre de dommages et intérêts ;

- donner acte aux concluants de ce qu'ils renoncent à leur demande tendant à la caducité de la cession à la société Financement Magellan par la société Carte financement, en date du 18 décembre 2017, des 5000 actions détenues par cette dernière au sein de la société Financement Magellan, ainsi qu'à leur demande de remboursement du prix de cession ;

En toute hypothèse,

- rejeter toutes demandes contraires ;

- condamner MM. [U] et [Z], 'in solidum ou qui mieux le devra', au versement de la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ;

- condamner les mêmes, 'in solidum ou qui mieux le devra', au versement de la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer recevable l'appel principal de MM. [Z] et [U] et des sociétés Credere et Carte financement et l'appel incident de M. [C] et de la société Financement Magellan .

Sur l'analyse du courriel daté du 17 octobre 2017 et la cession des parts sociales de la société Credere à M. [C] :

Les appelants qui critiquent le jugement au motif que le tribunal a 'commis une erreur manifeste dans l'appréciation de ce courriel' en considérant qu'il en était né un contrat par une prétendue rencontre d'une offre et d'une acceptation, soutiennent en premier lieu que ce courriel ne constitue au contraire qu'une invitation à entrer en pourparlers.

Après avoir cité les articles 1113 et 1114 du code civil et les caractéristiques que doit présenter une offre pour qu'elle puisse donner naissance à un contrat dès qu'elle a été acceptée, les appelants font état :

- au visa des articles 1582 et 1591 du code civil, de l'absence de désignation des éléments essentiels du contrat de vente en projet, à savoir en l'espèce la chose et le prix, observant que les titres ne sont pas identifiés, que leur quantum n'est ni déterminé ni déterminable, M. [U] ne pouvant de surcroît ni s'engager pour M. [Z] ni offrir à la vente des titres d'une société dont les statuts et les conditions prévoyant leur cession n'étaient pas encore définis ; qu'en outre le prix n'était pas ferme mais conditionné à l'obtention d'un prêt par la nouvelle structure ; pour contester l'argumentation des intimés, les appelants citent les termes du courriel, rédigé 'exactement dans les mêmes termes et mêmes formes' que le courriel d'août 2017 pour exposer que M. [U] n'a pas manifesté ainsi sa volonté d'être lié en cas d'acceptation ; qu'en outre ce courriel d'octobre 2017 était assorti de nombreuses conditions (neuf) et qu'enfin les échanges postérieurs ne permettent pas de déceler l'existence d'une rencontre de volonté ni même une offre ferme et précise  ;

- de l'absence d'expression de la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation au regard de l'utilisation du conditionnel quant à l'association et même au salariat de M. [C] et des termes employés dans le mail ; ils soutiennent qu'aucun terme de cette correspondance n'engage M. [U] et que le principe même de l'association avec M. [C] n'était pas encore validé.

En deuxième lieu, après avoir rappelé les articles 1193 et 1103 du code civil, l'article préliminaire et les articles 15 et 15.5.1 du pacte d'associés du 22 décembre 2017, les appelants exposent que le courriel du 17 octobre 2017, à supposer même qu'il constitue une offre, a été en tout état de cause annulé par ce pacte dont l'existence démontre que le courriel litigieux n'était pas une offre ferme, précise et définitive mais qu'il s'inscrivait dans le cadre de pourparlers de sorte que la cour ne pourra qu'infirmer le jugement.

Enfin et en troisième lieu, les appelants, après fait valoir que MM. [Z] et [U] ont parfaitement exécuté les obligations mises à leur charge par le pacte du 22 décembre 2017 en proposant à M. [C] la cession de 4 % des titres de la société Credere, prétendent à titre subsidiaire que si la cour considère le courriel litigieux comme une offre ferme et précise, elle devra également juger qu'elle était assortie de neuf conditions suspensives dont trois ne se sont pas réalisées de sorte que celle-ci est désormais caduque et que la cour ne pourra qu'infirmer le jugement ; Les appelants font état de la non obtention du prêt sollicité auprès de la Caisse d'épargne dans l'intérêt de la société Credere et de la non réalisation des conditions tenant au rachat des titres de M. [U] par M. [Z] et à la documentation.

Ils concluent par conséquent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la cession à M. [C] de 17,09 % du capital de la société Credere.

Au visa des articles 1583 et 1103 du code civil, les intimés qui reprennent les termes de la proposition faite à M. [C] dans le mail du 17 octobre 2017, font valoir qu'après des négociations engagées bien auparavant, les parties se sont mises d'accord sur la cession de parts, aussi bien sur la quotité que sur le prix et qu'en aucune manière ces conditions de vente ne sont énoncées avec l'emploi du conditionnel ; que l'acceptation sans réserve de ces conditions par M. [C] résulte de multiples éléments attestant d'un accord complet sur l'opération ; ils citent à cet égard plusieurs mails échangés entre le 31 octobre 2017 et le 23 novembre 2017, le rachat, le 18 décembre 2017, par M. [C] des parts détenues par la société Carte financement au sein de la société Financement Magellan et la signature, le 22 décembre 2017, du pacte d'associés Carte financement, par M. [C], en qualité de futur associé, observant que le pacte d'associés ne s'est pas substitué à l'accord contenu dans le courriel du 17 octobre 2017 puisque, comme l'a jugé le tribunal de commerce de Paris, dans le jugement écartant sa compétence, 'le pacte, dont ce n'est pas la vocation, ne contient aucun engagement de MM. [U] et [Z] de procéder à la cession querellée'.

Les intimés en concluent que la vente est parfaite au sens de l'article 1583.

Pour répondre aux nouveaux moyens que les appelants soulèvent en appel, ils soulignent que d'une part les engagements ont été pris par M. [U] tant en son nom qu'en celui de M. [Z], systématiquement mis en copie de tous les échanges et qui n'a jamais manifesté la moindre divergence, d'autant que dans le protocole et le pacte d'associés conclus en décembre 2017, M. [Z] a pris des engagements strictement identiques à ceux de M. [U] de sorte qu'il est tenu des engagements pris en son nom ; que de deuxième part, le seul fait qu'il soit fait référence à une formule de calcul en fonction de l'obtention d'un prêt établit au contraire une parfaite déterminabilité du prix ; que l'emploi du conditionnel dans le courriel litigieux ne saurait traduire le refus de MM. [U] et [Z] d'être liés par leur proposition alors que cet emploi est strictement lié non à leur intention mais au respect d'un timing consistant en une succession d'opérations convenues. Ils ajoutent que si le schéma était en discussion avec la société Artemis, la proposition faite à M. [C] n'était pas au conditionnel et sera d'ailleurs confirmée ultérieurement, l'ensemble des déclarations postérieures démontrant qu'une telle validation a bien eu lieu; que de quatrième part, la proposition faite aux termes du courriel d'octobre 2017 s'inscrit pleinement dans les objectifs du pacte du 22 décembre 2017 de sorte que les appelants ne peuvent arguer du préambule de celui-ci pour prétendre qu'il aurait annulé la proposition et que le courriel n'ayant pas un objet identique ou semblable au pacte, il ne peut davantage être invoqué utilement l'article 15 du pacte ; que de cinquième part, au visa des articles 1304-3 premier alinéa et 1304-4 du code civil, MM. [Z] et [U] n'établissent nullement qu'ils auraient mis en oeuvre la moindre démarche en vue de l'accomplissement des prétendues conditions suspensives dont ils invoquent désormais la non-réalisation, les pièces qu'ils versent aux débats en dernier lieu démontrant qu'ils ont eux-mêmes renoncé à leur demande de financement le 7 mai 2019 ; que de sixième part, les prétendues conditions suspensives constituaient uniquement des étapes du processus contractuellement défini de sorte que les appelants n'opposent aucun argument sérieux pour contredire l'existence d'une rencontre des consentements sur la chose et sur le prix.

Conformément aux articles 1113 et 1114 du code civil, dans leur rédaction applicable aux relations nouées postérieurement au 1er octobre 2016, le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager, laquelle peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque.

L'offre comprend les éléments essentiels du contrat envisagé et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation. A défaut il y a seulement invitation à entrer en négociation.

L'acceptation, selon l'article 1118, est la manifestation de volonté de son auteur d'être lié dans les termes de l'offre.

Selon l'article 1130, les choses futures peuvent être l'objet d'une obligation.

Conformément à l'article 1583 du code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Enfin, il résulte de l'article 1591 que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

Les parties demeurant opposées sur la lecture du courriel adressé à M. [C] par M. [U] le 17 octobre 2017, avec copie à M. [Z] et ayant pour objet ' RE: [O] associé- rapprochement Artémis', il convient d'en rappeler les termes essentiels, étant précisé que l'abréviation CF désigne la société Carte financement et les initiales [P] ou [P][U] et [Z] sont respectivement celles de MM. [U] et [Z] :

'[O],

Suite à nos récentes discussions, je te fais part du schéma qui est en discussion avec Artémis (call demain entre avocats des parties) et de la proposition que nous te faisons pour être notre

associé et en même temps salarié de CF.

On en saura plus mercredi ou jeudi. J'ai transmis ce matin tous les éléments décrits ci-dessous à l'avocate, il y aura peut-être quelques changements sur la mise en oeuvre mais les grandes lignes y sont.

Je vais demander à [Y] de préparer un contrat de travail pour toi. (...)'

Après avoir rappelé la répartition de l'actionnariat au sein de la société Carte financement, à hauteur de 33,5 % pour Artémis (acquisition de 29,5 % auprès d'[N]' [W], dirigeant à cette date de la société Carte financement 'et 4 % auprès de [P]'), de 8 % pour M. [W] et 58,5 % pour 'Newco', dénomination initiale de la société Credere, M. [U] poursuit le mail en ces termes en décrivant notamment l'actionnariat de la société Newco, sans que la cour en reprenne le détail concernant MM. [U] et [Z]:

'Actionnariat Newco :

- [X] 41,45% (')

- JBM 41,45% (')

Lors de ces opérations d'apport et de cessions de titres, Newco a contracté un prêt de 362 k€ sur 7 ans avec une annuité d'environ 54 k€ qui sera remboursée par une remontée de dividendes de CF (le nouveau schéma de rémunération de gérance mis en place permet d'absorber cette charge sans sursaut de charge sur CF).Nous prendrons le prix de cession à Artémis comme prix de référence pour faire ces opérations, soit 1 343 K€. A l'issue de ces opérations [X] et [P] détiennent 50 % chacun de Newco.

- [O] (via Financement Magellan) 17,09 % (ce qui représente 10% de CF)

[O] achète 8,55 % de titres Newco à JBM et 8,55% de titres Newco à [Z]. La valorisation

de la Newco est 58,50% * 1 343 K€ - 352 K€. Ainsi, [O] (Financement Magellan) achète

17,09% de Newco pour un prix de 72 K€ au lieu de 135 K€.

Timing

* Valider cette association tous les 3, sur le principe,

* Signature du protocole avec Artémis avant fin du mois en tenant compte de cette Newco qui détiendra 58,50% et qui exercera la présidence de CF,

* Embauche de [O] au sein de CF,

* Préparation de la documentation et du process,

* Cession des parts de CF à Artémis,

* Cession des parts de FM détenues par CF à FM pour 30 K€,

* Création de la Newco tous les trois avec toutes les opérations d'achat revente décrite ci-dessous (72 K€ pour acquisition des 17.09%)

* Au 31/12/2017, le capital de CF serait 33,5% Artémis, 8% [N] et 58,50% par Newco.'

Suivaient ensuite des précisions concernant le 'salaire de [O] à partir du 1er novembre 2017' puis ce dernier paragraphe relatif aux 'Titres et rôles de [O] :

* [O] serait associé présent au comité stratégique via Newco aux côtés de [X], [P] et Artémis,

* [O] serait directeur des régions de CF,

* Principaux rôles : développement de l'activité courtage pro et patrimoniale en région Rhône Alpes (...) + autres régions en fonction des implantations Artémis et des opportunités (...)'

Cette proposition, si elle émane uniquement de M. [U], décrit en détail l'association envisagée avec M. [C], dans toutes ses composantes concernant aussi bien M. [U] qui emploie d'ailleurs la première personne du pluriel que M. [Z] qui a été destinataire en copie de tous les mails échangés avec M. [C] de sorte qu'à l'égard de ce dernier, cette proposition a engagé tant M. [U] que M. [Z], lequel au demeurant n'a jamais infirmé la position de M. [U], tous deux ayant toujours été défendus par un conseil commun, tant en première instance qu'en appel.

La proposition de MM. [U] et [Z] qui faisait suite à de précédentes discussions, formalisées notamment dans un précédent message électronique du 4 août 2017 ayant lui aussi pour objet leur association avec M. [C], initialement prévue dans la société Carte financement, est, dans ce dernier mail du 17 octobre, claire et précise quant aux éléments de la cession (la chose et le prix) et quant à ses conditions ; la chose cédée à M. [C] est en effet identifiée, à savoir '17,09 % des parts de Newco', la future société Credere, et son prix fixé à hauteur de 72 000 euros ; le fait que les titres ne soient pas davantages identifiés, par leur numérotation en particulier, ne rend pas cette proposition équivoque, de même le fait que l'accord soit conditionné à l'obtention d'un prêt ne permet pas de considérer que le prix n'était pas déterminé comme soutenu par les appelants.

S'il est évoqué en début de mail 'un schéma' en discussion et 'quelques changements possibles sur la mise en oeuvre', il ne s'agit pas d'éléments concernant le principe et les modalités essentielles de l'association proposée à M. [C], ce 'schéma' en discussion concernant la société Artémis qui était en passe de devenir associée de la société Carte financement. En outre l'emploi du conditionnel, pour l'essentiel dans le dernier paragraphe du mail, concernant non pas l'entrée de M. [C] au capital de la société Newco mais sa participation, via cette dernière, au comité stratégique de la société Carte financement, outre son emploi salarié, ne permet pas d'en conclure, comme le prétendent les appelants, que M. [U] ne se soit pas engagé par ce mail à exécuter cette offre en cas d'acceptation de M. [C].

La seconde phase du protocole d'accord signé le 7 décembre 2017 entre les associés de la société Carte financement qui concerne notamment l'entrée de M. [C] au capital de la société Credere confirme la volonté d'association de MM. [U] et [Z] avec M. [C].

L'établissement du 'pacte d'associés Carte financement', signé le 22 décembre 2017 notamment par MM. [U], [Z] et [C], ce dernier en sa qualité de 'futur associé de la société Credere', illustre aussi cette volonté d'association dans les termes fixés dans le mail du 17 octobre 2017 dès lors qu'il est en particulier prévu à l'article 6 du pacte relatif aux 'transferts autorisés' que pourront 's'effectuer librement' notamment 'tout transfert de titres de Credere par M. [U] et/ou [Z] au profit de M. [C] et/ou Financement Magellan dans la limite totale de 17,50 % du capital social et des droits de vote de Credere'. Il ne peut être déduit une remise en cause des conditions mentionnées dans le mail du 17 octobre 2017 de l'article préliminaire du pacte d'associé qui prévoit que 'les engagements pris aux termes du Pacte prévalent sur tous accords particuliers conclus ou qui pourraient être conclues entre les Parties, y compris les statuts de la Société, qui seraient susceptibles de faire obstacle ou d'en limiter son exécution, à l'exception des dispositions d'ordre public' dès lors que ce pacte n'a pas pour objet la cession de parts de la société Credere à M. [C], l'article 6 précité démontrant au contraire que les signataires de ce pacte étaient alors en plein accord avec l'offre de cession faite à M. [C] que celui-ci a acceptée, comme le confirme notamment la participation de ce dernier au pacte d'associés.

Les événements précisés au 'timing' peuvent s'analyser comme des conditions suspensives de la réalisation de l'offre et il est constant que ne se sont réalisés ni la condition tenant à l'obtention d'un prêt de 362 000 euros par la société Credere ni le rachat des parts sociales de M. [U] par M. [Z] ni l'établissement d'une 'documentation'.

Cependant, étant rappelé que conformément à l'article 1304-3 du code civil, la condition est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement, M. [Z] n'établit nullement, comme il l'affirme sans élément à l'appui, avoir été dans l'impossibilité matérielle d'acquérir les titres de M. [U] faute d'avoir pu bénéficier d'un prêt en l'absence d'accord de son épouse commune en biens; aucun élément n'est de même fourni pour expliquer ce qui aurait pu empêcher l'établissement de la documentation visée dans le mail du 17 octobre et l'établissement du pacte d'associés évoqué en page 36 des conclusions des appelants ; il ressort enfin des pièces communiquées par les appelants, que si la société Credere a déposé, le 15 octobre 2018, la demande de financement relative à l'acquisition de titres de la société Carte financement, elle y a renoncé 'provisoirement' le 7 mai 2019 sans qu'il soit fourni d'explication à cet égard, la nouvelle demande de prêt, à laquelle la Caisse d'épargne n'a pas accédé, n'ayant été effectuée que le 17 janvier 2022, suite au jugement rendu par le tribunal.

Il s'en déduit que les appelants ne peuvent loyalement invoquer la défaillance de ces conditions pour soutenir que l'offre est désormais caduque.

Enfin, les mails échangés entre MM. [U] et [Z] d'une part et M. [C] d'autre part, après le terme du 31 décembre 2017 contractuellement fixé pour l'exécution de l'accord, confirment la certitude de l'accord intervenu sur la cession des parts de la société Credere puisqu'en réponse à la demande de M. [C], formulée par mail du 5 juillet 2018, pour savoir s'il y avait des changements par rapport à leurs 'derniers échanges quant à la vente des parts' en joignant en pièce jointe le contenu du mail du 17 octobre 2017, M. [U] a répondu par mail du même jour, en mettant aussi M. [Z] en copie, que 'Bien entendu, ce qui a été prévu (et inscrit dans le protocole) est toujours d'actualité', celui-ci évoquant le crédit en indiquant que la 'CE IDF est ok sur le principe mais on doit monter tout le dossier. (...) On voit tout cela d'ici la fin de l'année.'

Ainsi, le tribunal a, à juste titre, considéré que les conditions de l'association entre MM. [U] et [Z] d'une part et M. [C] d'autre part ont été clairement définies dès le 17 octobre 2017; M. [C] ayant accepté cette offre, la vente des titres de la société Credere à hauteur de 17,09 % du capital aurait dû intervenir au prix de 72 000 euros ; les appelants ne sont pas fondés à prétendre avoir respecté leur engagement par la proposition qu'ils ont postérieurement faite à M. [C] de céder 4 % des titres de la société Credere.

Par conséquent il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la vente par MM. [U] et [Z] de 17,09 % des titres Credere à M. [C] à effet de la date du 31 décembre 2017, moyennant le prix total de 72 000 euros à payer par ce dernier entre les mains des premiers.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de dommages et intérêts formées à titre subsidiaire par les intimés pour le cas où la cour n'aurait pas retenu le caractère contractuel de la cession des parts de la société Credere, M. [C] invoquant subsidiairement la rupture déloyale des pourparlers intervenus de longue date entre eux.

Sur la demande de résolution de la cession :

Les appelants soutiennent que la nouvelle demande de résolution formulée en appel par les intimés est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile dans la mesure où celle-ci ne tend pas aux mêmes fins que la demande qu'ils poursuivaient en première instance aux fins d'exécution forcée du prétendu contrat formé par le courriel du 17 octobre 2017.

Ils observent que contrairement à ce que prétendent les intimés l'absence de cession ne leur a pas été révélée postérieurement à la première instance dès lors que les conclusions devant le tribunal faisaient état de l'absence de formalisation de la cession des titres et que les courriers échangés entre les parties évoquaient notamment l'absence de financement.

Les intimés qui exposent qu'à l'instar de toute vente la cession d'actions est soumise à une obligation de délivrance prévue à l'article 1604 du code civil, soutiennent que MM. [U] et [Z] ont manqué à cette obligation et exposent qu'après le jugement, alors même que leur conseil avait indiqué dans un premier temps que ses clients entreprenaient les démarches nécessaires à l'acquisition par M. [C] des titres de la société Credere conformément à la décision du tribunal et qu'il n'avait été fait état d'aucun obstacle à la réalisation de l'opération, ceux-ci ont ensuite invoqué l'absence d'actifs substantiels et de financement de la société Credere et n'ont pas exécuté la cession ordonnée par le tribunal.

Ils font valoir, en citant les dispositions de l'article 564 du code de procédure civile, qu'en appel il y a eu la révélation d'une situation qu'ils ne pouvaient soupçonner dans la mesure où les appelants qui avaient changé de conseil ont communiqué deux attestations de la Caisse d'épargne qui révèlent qu'il a été renoncé en 2019 au financement sollicité en 2018, ce que les échanges entre les parties ne pouvaient laisser présager et que ce n'est qu'en 2022 qu'un nouveau financement a été sollicité ; ils exposent que ces productions nouvelles et le refus définitif de MM. [Z] et [U] d'exécuter leurs engagements, même de manière forcée, constituent des éléments nouveaux justifiant la recevabilité de leur demande de résolution.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il est constant que la cession des titres de la société Credere n'a jamais été formalisée entre MM. [U] et [Z] d'une part et M. [C], d'autre part, les relances de ce dernier étant restées sans effet ; dans les mails qui ont été échangés avec M. [U], celui-ci a fait état, en particulier dans ses mails des 5 juillet 2018 et 28 janvier 2019, de la nécessité d'obtenir un financement sollicité auprès de la Caisse d'épargne.

Postérieurement, alors que M. [C] avait relancé MM. [U] et [Z] sur cette cession par mail des 12 avril et 2 mai 2019, il lui a alors été proposé de devenir associé de la société Credere mais à hauteur de 4 % du capital de cette dernière.

Il ressort en outre des conclusions soutenues par les appelants en première instance que ceux-ci n'entendaient pas s'exécuter de la cession dans les termes prévus au mail du 17 octobre 2017 dont ils soutenaient qu'il avait une valeur de pourparlers précontractuels qui n'engageaient pas les parties et non d'engagement contractuel ; si ceux-ci n'ont pas évoqué d'éléments financiers dans la partie discussion de leurs écritures pour s'opposer à la réalisation de la cession conformément à la demande de M. [C], il a néanmoins été observé dans le rappel des faits, en page 8 de leurs écritures, que 'certaines options se révélaient purement et simplement irréalisables sans impact fiscal particulièrement conséquent, remettant en cause l'économie même de l'apport par MM. [U] et [Z] de leurs titres Carte financement à la société Credere'.

Dès lors, les intimés qui avaient pu constater le défaut de délivrance des titres, objet de la cession permettant à M. [C] de devenir associé de la société Credere, ne peuvent utilement arguer des mails échangés avec le premier avocat des appelants ou des pièces concernant le prêt consenti par la Caisse d'épargne, ces éléments confortant le défaut d'exécution de la cession, peu important que le premier avocat y ait fait part, postérieurement au jugement, de l'intention de ses clients de s'exécuter spontanément des termes du jugement, ce qui n'a finalement pas été le cas au regard du refus de financement opposé en 2022 à la société Credere.

Par conséquent, la demande de résolution, qui ne tend pas aux mêmes fins que l'exécution forcée de la cession de parts prévue dans le mail du 17 octobre 2017, est irrecevable.

La demande de résolution étant jugée irrecevable, la cour n'a pas à statuer sur les préjudices que M. [C] soutient avoir subis en conséquence de celle-ci ; elle n'a pas davantage à statuer ni sur les demandes avant-dire droit aux fins d'expertise et de provision ni sur la demande de dommages et intérêts formulée à hauteur de 972 828 euros. Il n'y a pas lieu enfin de donner acte aux intimés de ce qu'ils précisent, dans le cadre de ce subsidiaire, renoncer à leur demande tendant à la caducité de la cession à la société Financement Magellan des 5 000 actions que la société Carte financement y détenait.

Sur les autres demandes des intimés :

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :

Les appelants qui concluent à la confirmation du jugement qui a débouté M. [C] de cette demande de dommages et intérêts soulignent que celui-ci ne justifie aucunement du principe de ce préjudice en relevant que l'accord intervenu entre les sociétés Magellan et Carte financement n'était qu'une condition suspensive parmi sept autres dont l'obtention d'un prêt dont l'intimé, banquier de profession, sait parfaitement qu'elle est soumise à un aléa de sorte qu'il lui appartenait de ne lever cette condition qu'après l'obtention du prêt par la société Credere et qu'il est mal fondé à évoquer sa propre décision pour tenter de la monnayer.

Les intimés concluent à l'infirmation du jugement en exposant que M. [C] entend ainsi être indemnisé du préjudice subi du fait de la résistance dont MM. [U] et [Z] ont fait preuve envers la reconnaissance effective de sa qualité d'associé et des obstacles qu'ils ont posés à la cession ordonnée par le tribunal. M. [C] souligne que ces derniers 'n'ont eu de cesse de fragiliser son opinion quant à sa position d'associé' au sein de la société Credere, rappelant que M. [U] lui avait indiqué en janvier 2019 qu'ils allaient 'acter dès que possible' leur association, alors que lui-même a exécuté ses propres engagements, notamment en faisant racheter ses propres titres détenus par la société Carte financement par la société Financière Magellan qu'il a mise en sommeil et en se mettant intégralement au service de la société Carte financement. Il fait enfin état de 'l'évolution spectaculaire de la valeur' de cette dernière entre décembre 2016 et décembre 2019, l'expert dont il a sollicité le rapport aux termes d'une mission privée s'interrogeant sur l'intention de M. [U] de conserver l'intégralité de la plus-value réalisée sur la valorisation de cette société sans avoir à la partager.

Le tribunal a débouté M. [C] de cette demande en considérant qu'il ne pouvait se prévaloir d'aucun préjudice lié à la mise en sommeil de la société Financière Magellan, laquelle était une condition de son entrée au capital de la société Credere.

Il n'en demeure pas moins qu'après l'envoi du mail 17 octobre 2017 contenant une offre ferme de cession et son acceptation par M. [C], celui-ci avait la certitude que cette opération allait se réaliser d'autant qu'il n'est pas discuté qu'il avait exécuté les conditions qui étaient à sa charge et que M. [U], comme dans les mails échangés en juillet 2018, précédemment cités et dont M. [Z] était en copie, lui en avait confirmé l'exécution.

Le retard et finalement la non-réalisation de cette opération lui a causé un préjudice moral certain, au regard en particulier des liens de confiance qui le liaient à MM. [U] et [Z] et de l'enthousiasme que ceux-ci avaient montré à l'idée de leur association, comme ils l'ont exprimé notamment dans les mails des 10 et 11 novembre 2017 adressés à M. [C] et intitulés '[O] et les garçons' ; M. [U], M. [Z] étant en copie, y demandait notamment à M. [C] de 'lancer le processus d'acquisition 'des 50 %' des parts détenues par la société Carte financement dans la société Financement Magellan, condition préalable à la cession des parts de la société Credere.

La cour, infirmant le jugement, condamne in solidum MM. [U] et [Z] au paiement de la somme de 10 000 euros pour réparer le préjudice moral ainsi causé à M. [C].

Sur la demande de communication de pièces :

Les appelants concluent à l'infirmation du jugement de ce chef, étant précisé que dans le cadre de l'exécution provisoire, l'avocat qu'ils ont choisi pour les défendre en appel a communiqué au conseil des intimés, en pièce jointe à son mail et son courrier du 14 janvier 2022, les documents concernant la société Credere et visés par le jugement, à savoir les copies certifiées conformes des bilans arrêtés au 31 décembre 2018, 31 décembre 2019 et 31 décembre 2020, les copies certifiées conformes des procès-verbaux d'assemblée générale des 15 mai 2019, 30 juin 2020, 26 octobre 2020 et 30 juin 2021et des rapports spéciaux de gérance sur les comptes clos du 31 décembre 2018 au 31 décembre 2020.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la communication de ces pièces sous astreinte mais concluent à son infirmation en ce qu'il n'a pas fait droit à sa demande de communication des documents sociaux et comptables de la société Carte financement, sollicitant cette communication tant pour la société Credere, que pour la société Carte financement et toutes sociétés dans lesquelles elles ont des participations.

Dès lors que le jugement est confirmé sur la cession des actions de la société Credere à M. [C], il convient également de le confirmer concernant les pièces établies depuis le 31 décembre 2017 dont la communication a été ordonnée, sauf en ce qui concerne l'astreinte ; en effet il n'est pas discuté que les éléments dont MM. [U] et [Z] disposaient à cette date ont été transmis par mail le 14 janvier 2022, dernier jour du délai de quinzaine fixé par le tribunal dont le jugement a été signifié le 30 décembre 2021 d'après les précisions ressortant des mails échangés sous la pièce 22 des intimés. Il appartiendra aux appelants de communiquer les documents comptables concernant l'exercice 2021 de la société Credere sans qu'il y ait lieu d'ajouter au jugement au regard de sa formulation et sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

La cour confirme également le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes de communication portant sur les pièces concernant la société Carte financement, et y ajoutant, le déboute de sa demande de communication des pièces relatives à toutes les sociétés dans lesquelles cette dernière

et la société Credere ont des participations dans la mesure où il était convenu qu'il ne devienne associé que de la société Credere, étant observé que notamment les comptes des sociétés commerciales sont déposés annuellement au greffe du tribunal de commerce.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire

Déclare recevable l'appel principal de MM. [X] [Z] et [P] [U] et des sociétés Credere et Carte financement et l'appel incident de M. [O] [C] et de la société Financement Magellan ;

Confirme le jugement du 19 novembre 2021 sauf en ce qu'il a assorti la communication des pièces d'une astreinte de 200 euros par jour de retard et débouté M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne in solidum MM. [P] [U] et [X] [Z] à verser à M. [O] [C] la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Dit n'y avoir lieu à fixer une astreinte pour assurer la communication des pièces ordonnées par le tribunal ;

Y ajoutant,

Dit que l'offre sous condition suspensive du 17 octobre 2017 n'est pas caduque ;

Déclare irrecevable la demande de résolution de la cession des parts de la société Credere à M. [C], telle que définie dans le mail du 17 octobre 2017 ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes en lien avec cette demande de résolution et sur les demandes subsidiaires de M. [O] [C] ;

Déboute M. [O] [C] de sa demande de communication de pièces relatives aux sociétés dans lesquelles les sociétés Credere et Carte financement ont des participations ;

Condamne in solidum MM. [P] [U] et [X] [Z] à verser à M. [O] [C] la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum MM. [P] [U] et [X] [Z] aux dépens de la procédure d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 21/07619
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.07619 ?
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