COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 2AP
DU 09 MAI 2023
N° RG 22/03689
N° Portalis DBV3-V-B7G-VHOT
AFFAIRE :
[X], [B], [E] [V]
C/
[D] [O],
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mars 2022 par le Tribunal Judiciaire de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 19/10160
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-l'AARPI JRF AVOCATS,
-l'ASSOCIATION AVOCALYS
-la SELARL CENTAURE AVOCATS,
- PG
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE NEUF MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 18 avril 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [X], [B], [E] [V]
né le 07 Décembre 1985 à [Localité 15]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté par Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20210179
Me Nathalie ROBERT, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C1696
APPELANT
****************
Madame [D] [O]
agissant en qualité de représentante légale de l'enfant mineur [F] [U]
née le 29 Juin 1988 à [Localité 10] (ESPAGNE)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 5]
représentée par Me Monique TARDY de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 005300
Me Josiane BENOIT-LEVY, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : B0401
LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DES HAUTS DE SEINE représenté par son Président en exercice, dûment habilité par une délibération du Conseil départemental du 1er juillet 2021, domicilié en cette qualité à l'Hôtel du Département ARENA, agissant en qualité d'administrateur ad hoc du mineur [F] [O], né le 15 novembre 2018, désigné par arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 7 décembre 2021
[Adresse 4]
[Localité 8]
représenté par Me Muriel MIE de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 194
Me Ourida DERROUICHE de la SELARL INTER-BARREAUX CLAISSE ET ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0500
INTIMÉES
****************
LE PROCUREUR GENERAL
pris en la personne de Madame MOREAU, Avocat Général
PARTIE JOINTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil le 06 Février 2023, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseiller et Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
M. [F] [U] est né le 15 novembre 2018 à [Localité 13] de Mme [O]. Il a été reconnu le 19 novembre 2018 à la mairie de [Localité 13] par M. [T] [U].
Par acte du 16 octobre 2019, Mme [O], agissant en qualité de représentante légale de l'enfant [F] [U], a assigné M. [T] [U] et M. [X] [V] devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin de contester la paternité du premier sur l'enfant, et de faire reconnaître celle du second. Elle sollicite à cette fin une mesure d'expertise avant-dire droit sur l'enfant, ainsi que sur M. [T] [U] et M. [X] [V].
Par jugement rendu le 26 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné une expertise aux fins de prélèvement génétique sur l'enfant, sur M. [T] [U] et sur M. [V], avec pour mission de procéder aux recherches et analyses nécessaires aux fins de dire si la paternité de M. [T] [U] est exclue ou si elle est possible en précisant le degré de probabilité.
Par arrêt contradictoire du 7 décembre 2021, la cour d'appel de Versailles, saisie de l'appel formé par M. [V] contre le jugement du 26 janvier 2021, a, au visa de l'article 320 du code civil :
Mis le ministère public hors de cause en tant que partie principale ;
Débouté Mme [O] de sa demande d'irrecevabilité de l'appel de M. [V] ;
Infirmé le jugement rendu le 26 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise biologique à l'égard de M. [V] et sursis à statuer sur sa demande de dommages et intérêts,
Et, statuant à nouveau et y ajoutant,
Débouté Mme [O] de sa demande d'expertise des empreintes génétiques de M. [V],
Débouté M. [V] de sa demande de dommages et intérêts,
Confirmé pour le surplus le jugement rendu le 26 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Nanterre,
Débouté M. [V] et Mme [O] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné Mme [O] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par un jugement contradictoire rendu le 22 mars 2022, rectifié par jugement du 5 avril 2022, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Dit que M. [T], [Y] [U] né le 10 février 1979 à [Localité 14] n'est pas le père de l'enfant [F] [U] né le 15 novembre 2018 à [Localité 13] de Mme [D] [O],
- Annulé la reconnaissance à laquelle il a procédé le 19 novembre 2018 à la mairie de [Localité 13],
- Dit que [F] [U] prendra le nom de [O],
- Ordonné la mention du dispositif du jugement sur l'acte de naissance n°1967 de l'enfant [F] [U] le 15 novembre 2018 à [Localité 13] de Mme [D] [O],
- Dit qu'aucun extrait ou copie ne pourra désormais être délivré sans que la mention du présent jugement n'y figure,
- Dit que la loi française est applicable à l'action en recherche de la paternité de l'enfant,
- Déclaré recevable l'action en établissement de la paternité de M. [X] [V] à l'égard de l'enfant introduite par son administrateur ad hoc,
- Ordonné une expertise génétique et désigné M. [R] [K]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 6]
en qualité d'expert pour mission de :
- convoquer les parties, qui devront se munir des documents administratifs prouvant leur identité,
- de prélever les empreintes génétiques de :
[F] [U], né le 15 novembre 2018 à [Localité 13], M. [X] [V], né le 7 décembre 1985 à [Localité 15] et de procéder aux recherches et analyses nécessaires aux fins de dire si la paternité de M. [X] [V] est exclue ou si elle est possible en précisant le degré de probabilité,
- Dit que l'expert sera saisi et effectuer sa mission conformément aux articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au Greffe du tribunal judiciaire de Nanterre (service de contrôle des expertises) dans un délai de quatre mois à compter de l'avis de consignation qui lui sera adressé par ce service, sauf prorogation de ce délai sollicité en temps utile auprès du juge du contrôle des expertises,
- Fixé la somme de 480 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par Mme [D] [O] entre les mains de M. le régisseur d'avances et de recettes du tribunal, 179-191 avenue Joliot Curie 92 000 Nanterre, 2ème étage, bureau 243, dans un délai de 6 semaines à compter de la présente décision, sans aucun autre avis,
- Rappelé que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet (article 271 du code de procédure civile),
- Dit que l'expert devra rendre compte au juge du contrôle des expertises de l'avancement de ses travaux et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions de l'article 273 et 245 du code de procédure civile,
- Dit que l'expert devra communiquer une copie de son rapport à chaque ainsi qu'au Ministère Public,
- Sursis à statuer sur les autres demandes,
- Renvoyé la procédure à l'audience du juge de la mise en état du 5 juillet 2022 à 9h30 tenue hors la présence des avocats et invite les parties à conclure en ouverture de rapport,
- Ordonné l'exécution provisoire du chef de l'expertise,
- Réservé les dépens,
M. [V] a interjeté appel de ce jugement à l'encontre du conseil départemental des Hauts-de-Seine, de M. le Procureur général et de Mme [O] le 11 juillet 2022.
Par dernières conclusions notifiées le 31 août 2022, M. [V] demande à la cour, au fondement des articles 320 et 1240 du code civil, de :
- Accueillir M. [X] [V] en son appel et l'y déclarer bien fondé,
- Débouter Mme [D] [O] de ses demandes à toutes fins qu'elles comportent,
- Réformer le jugement rendu le 22 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Nanterre rectifié par jugement du 5 avril 2022 en ce qu'il a :
* Dit que la loi française est applicable à l'action en recherche de paternité de l'enfant,
* Déclaré recevable l'action en établissement de paternité de M. [X] [V] à l'égard de l'enfant introduite par son administrateur ad'hoc,
* Ordonné une expertise génétique et désigné M. [R] [H] en qualité d'expert avec pour mission de : prélever les empreintes génétiques de M. [X] [V] né le 7 décembre 1985 à [Localité 15],
* Sursis à statuer sur les autres demandes de M. [X] [V].
Statuant à nouveau,
- Déclarer irrecevable la demande formée à l'encontre de M. [X] [V],
- Subsidiairement, la déclarée mal fondée et l'en débouter,
- Condamner Mme [D] [O] au paiement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- Condamner Mme [D] [O] au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Mme [D] [O] aux entiers dépens,
Par dernières conclusions notifiées le 10 août 2022, le conseil départemental des Hauts-de-Seine demande à la cour, au fondement des articles 310-1 alinéa 2, 310-3, 311-14, 332 alinéa 2, 327 du code civil, de :
- Confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre le 22 mars 2022 en toutes ses dispositions.
Par dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2022, Mme [O] demande à la cour de :
- Dire l'appel de M. [V] non fondé, et l'en débouter.
- Confirmer le jugement du 22 mars 2022 et le jugement rectificatif du 5 avril 2022 rendus par le tribunal jubilaire de Nanterre en toutes leurs dispositions et notamment en ce qu'ils ont :
*Dit que M. [T], [Y] [U] né le 10 février 1979 à [Localité 14] n'est pas le père de l'enfant [F] [U] né le 15 novembre 2018 à [Localité 13] de Mme [D] [O],
*Annule la reconnaissance à laquelle il a procédé le 19 novembre 2018 à la mairie de [Localité 13],
* Dit que [F] [U] prendra le nom de [O],
* Ordonné la mention du dispositif du jugement sur l'acte de naissance n° 1967 de l'enfant
[F] [U] né le 15 novembre 2018 à [Localité 13] de Mme [D] [O],
* Dit qu'aucun acte extrait ou copie ne pourra désormais être délivré sans que la mention du présent jugement n'y figure,
* Dit que la loi française est applicable à l'action en recherche de la paternité de l'enfant,
* Déclare recevable l'action en établissement de la paternité de M. [X] [V] à l'égard de l'enfant introduite par son administrateur ad hoc,
* Ordonné une expertise génétique et Désigné M. [R] [K] [Adresse 12]
en qualité d'expert, avec pour mission de :
- convoquer les parties, qui devront se munir des documents administratifs prouvant leur identité
- de prélever les empreinte génétiques de :
[F] [U], né le 15 novembre 2018 à [Localité 13],
M. [X] [V] né le 7 décembre 1985 à [Localité 15] et de procéder aux recherches et
analyses nécessaires aux fins de dire si la paternité de M. [X] [V] est exclue ou si elle est possible en précisant le degré de probabilité,
* Ordonné l'exécution provisoire du chef de l'expertise,
- Débouter en conséquence M. [V] de toutes ses demandes à toutes fins qu'elles comportent
Ajoutant au jugement :
- Condamner M. [V] à payer à Mme [O] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- Condamner M. [V] à payer à Mme [O] la somme de 5000 euros pour procédure abusive,
- Condamner M. [V] à payer à Mme [O] la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [V] aux entiers dépens.
Par un avis rendu le 11 janvier 2023 le ministère public est d'avis « de déclarer l'appel recevable, de confirmer la décision entreprise, et d'envisager une mesure d'instruction fondée sur les dispositions de l'article 16-11 du code civil ».
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Il résulte des écritures susvisées que seules sont querellées les dispositions du jugement du 22 mars 2022, rectifié le 5 avril 2022, en ce qu'il a :
* Dit que la loi française est applicable à l'action en recherche de paternité de l'enfant,
* Déclaré recevable l'action en établissement de paternité de M. [X] [V] à l'égard de l'enfant introduite par son administrateur ad'hoc,
* Ordonné une expertise génétique et désigné M. [R] [H] en qualité d'expert avec pour mission de : prélever les empreintes génétiques de M. [X] [V] né le 7 décembre 1985 à [Localité 15],
* Sursis à statuer sur les autres demandes de M. [X] [V].
Les autres chefs du dispositif du jugement, non contestés, sont désormais irrévocables.
Sur l'expertise génétique
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné une expertise génétique, M. [V] soutient, au fondement de l'article 320 du code civil, que la demande d'expertise de Mme [O] serait irrecevable au motif que la filiation de l'enfant a été établie par un acte de reconnaissance de Mme [O] et M. [T] [U] le 18 novembre 2018 et que les deux parents ont choisi ensemble que l'enfant porterait le nom de son père. Il ajoute que M. [T] [U] s'est comporté comme le père de l'enfant depuis sa naissance. Selon lui, cet acte de reconnaissance est irrévocable et emporte engagement pour l'avenir.
A titre subsidiaire, invoquant ce qu'il estime être des motifs graves et légitimes, il prétend que cette demande serait mal fondée et indique qu'il s'oppose à la mise en 'uvre d'une expertise. Il fait valoir que Mme [O] indique l'avoir rencontré en novembre/décembre 2018 alors que l'enfant est né en novembre 2018. Il conteste que Mme [O] ait habité chez lui de mars à juillet 2018. Il ajoute que les SMS versés aux débats ne sont pas probants, qu'ils sont tronqués de façon à être interprétés dans le sens de Mme [O] et que rien ne démontre qu'ils proviennent de son téléphone. Il conteste avoir assisté aux échographies. Il précise qu'il était en déplacement professionnel à [Localité 9] jusqu'au 26 février 2018 et que la semaine précédente, il était au ski. Il considère que la relation entre M. [T] [U] et Mme [O] remonte à 2013 et que l'enquêteur privé qu'il a mandaté a établi que Mme [O] avait résidé chez M. [T] [U] d'août 2018 à août 2019. Selon lui, la pièce n°12 de Mme [O] démontre que M. [T] [U] entend continuer à poursuivre l'éducation de l'enfant. Il conclut que remettre en cause une paternité légalement établie alors que le père de l'enfant, présent depuis la naissance mais également avant la naissance, pendant la grossesse et lors de l'accouchement, manifeste sa volonté de continuer à assumer pleinement son rôle, est très préjudiciable à l'enfant.
Au fondement des articles 327 et 328 du code civil, Mme [O] soutient qu'elle est recevable à solliciter l'établissement de la paternité de [F] [U].
Sur le fond, elle explique avoir rencontré M. [V] en novembre 2017 et avoir eu des relations suivies et intimes avec lui jusqu'à leur rupture à l'initiative de ce dernier en juillet 2018 alors qu'elle était enceinte de 5 mois. Elle précise que le 26 février 2018, elle l'a rejoint en Irlande où ils sont restés jusqu'au 2 mars 2018. Elle produit un certificat de grossesse mentionnant une date de conception présumée au 28 février 2018. Elle explique avoir été domicilié chez lui, [Adresse 2]), à compter de mars 2018. Elle produit des pièces administratives relatives à cette domiciliation et plusieurs SMS et courriels amoureux, ainsi que des photographies. Elle soutient avoir été mise à la porte le 24 juillet 2018 et avoir trouvé refuge chez M. [T] [U] qui lui a laissé la jouissance de son appartement à [Localité 11], sans y résider lui-même. Elle indique avoir accouchée seule le 15 novembre 2018 et que M. [T] [U] a accepté de reconnaître l'enfant car elle aurait été désemparée à l'idée qu'il n'ait pas de père.
Selon elle, la filiation de M. [T] [U] ayant été définitivement exclue, M. [V] ne démontre aucun motif légitime de s'opposer à l'expertise.
L'administrateur ad hoc considère que M. [V] n'apporte pas la preuve de motif grave et légitime de nature à infirmer l'expertise et ajoute qu'il est de l'intérêt du mineur de connaître sa véritable filiation, et notamment à ce stade, compte tenu de son âge, et dès lors qu'aucun lien de filiation n'existe entre le mineur et M. [T] [U].
Le ministère public considère que les pièces produites par Mme [O] rendent vraisemblable la paternité de l'appelant et justifient, à ce titre, qu'une expertise génétique soit entreprise.
Appréciation de la cour
Selon l'article 11 du code de procédure civile, les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.
L'article 143 du même code précise que les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.
L'article 310-3, alinéa 2, du code civil dispose que la filiation se prouve et se conteste par tous moyens, sous réserve de la recevabilité de l'action.
Les articles 327 et 328 code civil disposent que la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée. L'action en recherche de paternité est réservée à l'enfant. Pendant sa minorité, le parent, même mineur, à l'égard duquel la filiation est établie a seul qualité pour exercer l'action en recherche de paternité. L'action est exercée contre le parent prétendu.
L'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder (1ère Civ., 28 mars 2000, 98-12.806).
Il résulte enfin de l'article 311 du code civil que la loi présume que l'enfant a été conçu pendant la période qui s'est étendue du trois centième jour au cent quatre-vingtième jour inclusivement, avant la date de naissance.
La conception est présumée avoir eu lieu à un moment quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans l'intérêt de l'enfant.
La preuve contraire est recevable pour combattre ces présomptions.
En l'espèce, en application de l'article 328 du code civil, Mme [O] est recevable en son action aux fins d'établissement de paternité de l'enfant [F] [U].
En application de l'article 311 du code civil ci-dessus énoncé, [F] [U] étant né le 15 novembre 2018, il est présumé avoir été conçu entre le 18 février 2018 et le 19 mai 2018.
Force est de constater que contrairement à ce qu'il prétend, M. [V] ne démontre aucun motif légitime de nature à infirmer la décision de première instance ayant ordonné une expertise génétique. Les jurisprudences qu'il invoque sont sans rapport avec le cas d'espèce et les pièces qu'il produit sont inopérantes ou non pertinentes à démontrer la paternité de M. [U] et/ou son absence de paternité en ce que :
les pièces 2 et 3 concernent des déplacements qu'il a effectués à des dates postérieures à la période de conception,
le rapport d'investigation privée indique que Mme [O] a résidé chez M. [U] seulement postérieurement à la période de conception (pièce 4),
le déplacement au ski puis en Turquie du 19 au 26 février 2018 ne contredit pas les éléments produits par Mme [O] selon lesquels ils étaient ensemble en Irlande du 26 février au 2 mars 2018 (pièces 8 et 9).
A l'inverse, Mme [O] établi qu'entre le 26 février 2018 et le 2 mars 2018, elle était en Irlande, à l'hôtel, avec M. [V] (pièces 5, 6, 7), ainsi que d'un certificat de grossesse avec une date de conception au 28 février 2018 (pièce 8). Elle justifie par plusieurs pièces médicales et administratives avoir été domiciliée chez M. [V], [Adresse 2], de mars à juillet 2018 (pièces 9 à 13, pièces 14/9, 14/19 et 14/11). Elle produit de très nombreux SMS amoureux. Elle produit également des photographies d'elle et M. [V] ensemble en voyage (pièce 19). M. [V] rétorque qu'il n'est pas établi que ces messages proviennent de son téléphone. Force est de constater que l'un des messages provient d'un « [X] » qui sera bloqué par la suite, qui écrit le 18 juillet 2018 « je vais avoir un fils ! » (pièce 22). Mme [O] produit également des courriels échangés avec M. [V] à connotation amoureuse : « je t'adore je t'aime. Tu es ma meilleure amie et la femme que j'aime. A San Miniato on avait dit qu'on vieillirait ensemble. C'est le plus beau projet qui puisse exister » ; « ne m'abandonne pas. J'ai besoin de toi et de voir l'enfant à travers les échos (') je t'aimerais toujours comme la mère de mon fils. Je suis désespéré à l'idée de ne pas le voir jusqu'à la naissance. Tu sais à quel point je l'aime. Me prive pas d'assister aux différentes étapes. C'est qq chose que je ne recevrai peut être jamais (...) » (pièces 15 bis et 24, courriels du 21 juin 2018).
Il est dès lors établi que pendant la période de conception Mme [O] et M. [V] entretenait une relation intime et vivaient sous le même toit.
L'expertise génétique, qui est au demeurant de droit dans la mesure où la filiation de M. [T] [U] a été définitivement et irrévocablement exclue, et qui est conforme à l'intérêt de l'enfant (qui n'est âgé que de cinq ans et dépourvu de filiation paternelle), est parfaitement justifiée et sera confirmée.
Sur les demandes de dommages et intérêts formée par Mme [O]
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur ses autres demandes, Mme [O] demande à la cour, au fondement de l'article 1240 du code civil, de condamner M. [V] à lui verser 10 000 euros en réparation de son préjudice, outre 5000 euros pour procédure abusive. Elle explique avoir subi un préjudice moral du fait du comportement de dénégation et de dénigrement de M. [V] qui fait tout pour échapper à l'expertise alors, selon elle, qu'il l'a chassée de son domicile alors qu'elle était enceinte de son enfant. Elle ajoute qu'en interjetant appel sans soulever de nouveau moyen, il fait preuve d'une résistance abusive et infondée.
M. [V] rétorque que Mme [O] a volontairement fait une fausse déclaration à l'état civil, en sachant parfaitement que M. [T] [U] n'était pas le père, de sorte qu'elle est seule responsable de la procédure diligentée. Il estime qu'elle s'est abusivement domiciliée chez lui en mars 2018 pour s'inscrire au registre des indépendants mais qu'elle ne fournit aucune attestation d'hébergement le démontrant.
Appréciation de la cour
L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 32-1 du code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Toute faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice ouvre droit à réparation.
En l'espèce, Mme [O] demande une indemnisation au titre de son préjudice moral lié au comportement de dénégation et de dénigrement de M. [V] qui fait tout pour échapper à l'expertise alors, selon elle, qu'il l'a chassée de son domicile alors qu'elle était enceinte de son enfant. Elle ajoute qu'en interjetant appel sans soulever de nouveau moyen, il fait preuve d'une résistance abusive et infondée
Il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande qui est prématurée et suppose, en particulier, que le résultat de l'expertise génétique soit connu.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [V] pour procédure abusive
Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a sursis à statuer sur ses autres demandes, M. [V] demande à la cour, au fondement de l'article 1240 du code civil, de condamner Mme [O] à lui verser 10 000 euros pour procédure abusive.
Il estime avoir été attrait dans la présente procédure sans aucun autre fondement que des allégations sur sa possible paternité et explique en avoir été particulièrement affecté et avoir été troublé dans sa tranquillité.
Le sort de cette demande sera réservé dans l'attente des résultats de l'expertise ou de la décision tirant les conséquences de la carence à expertise. Le jugement sur ce point sera donc confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement qui a sursis à statuer sur les dépens et sur les demandes formées au titre des frais irrépétibles sera infirmé.
Partie perdante, M. [V] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
Il sera par ailleurs condamné à verser à Mme [O] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Dans les limites de l'appel,
DÉCLARE recevable l'action de Mme [O] en recherche de paternité concernant son enfant [F] [U] ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de dommages et intérêts formées par Mme [O] ;
CONDAMNE M. [V] aux dépens de première instance et d'appel ;
CONDAMNE M. [V] à verser à Mme [O] 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,