COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 70D
DU 18 AVRIL 2023
N° RG 21/00572
N° Portalis DBV3-V-B7F-UJEA
AFFAIRE :
[P], [M] [U]
C/
[E], [GR], [W] [X]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Novembre 2020 par le Tribunal de proximité de VANVES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 1119000702
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Leila VOLLE,
-Me Marie-christine GERBER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dont le délibéré a été prorogé le 11 avril 2023, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [P], [M] [U]
né le 03 Janvier 1969 à TÉHÉRAN (IRAN)
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 10]
représentée par Me Leila VOLLE, avocat postulant barreau de VERSAILLES, vestiaire : 718
Me Alexandra MANCHES, avocat - barreau de PARIS
APPELANT
****************
Monsieur [E], [GR], [W] [X]
né le 16 Décembre 1932 à GUEPREI (61160)
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 10]
Madame [N], [LO], [D] [X] épouse [L]
née le 27 Décembre 1960 à PARIS 7ÈME
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 10]
Madame [DJ], [Z], [WK] [X]
née le 17 Avril 1964 à MEUDON (92190)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 9]
Monsieur [R], [F] [O]
intervenant en qualité d'époux et ayant droit de Mme [Z] [O] décédée le 13 novembre 2021
né le 28 Juillet 1937 à [Localité 14] ([Localité 14])
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 10]
représentés par Me Marie-Christine GERBER, avocat postulant barreau de VERSAILLES, vestiaire : 265 - N° du dossier [X]
Me Sébastien LE BRIERO, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : C0366
Madame [J], [K] [X]
née le 07 Janvier 1936 à PARIS 14ÈME
décédée le 30 Janvier 2022
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
*********************
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant acte notarié du 29 novembre 2012, M. [U] a acquis sur le territoire de la commune de [Localité 10] (Hauts-de-Seine), la parcelle cadastrée sous le numéro [Cadastre 7] de la section Y.
Cette parcelle est bordée notamment par les parcelles suivantes : la parcelle Y62 appartenant à M. [O], la parcelle Y[Cadastre 3] appartenant à M. et Mme [B], la parcelle Y[Cadastre 5] appartenant à M. [Y] et Mme [A], et la parcelle Y[Cadastre 8] appartenant aux consorts [X].
Courant 2014, souhaitant détruire la maison présente sur sa parcelle pour un construire une plus grande en limite de propriété et refaire les clôtures, M. [U] a confié au géomètre-expert, Mme [S] la réalisation d'un bornage amiable, qui n'a pas été entériné par les consorts [X], lesquels ont formulé des contestations tenant notamment aux limites des propriétés. M. [O] n'a pas davantage signé le procès-verbal de bornage.
Par acte d'huissier de justice du 27 octobre 2015, M. [U] a fait assigner M. [E] et Mme [J] [X], Mme [L], Mme [DJ] [X] (ci-après les « consorts [X] ») et M. [O], devant le tribunal d'instance de Vanves, sur le fondement de l'article 646 du code civil, aux fins de bornage judiciaire et ont demandé au tribunal, avant dire droit de désigner un géomètre-expert avec la mission habituelle en bornage.
Par jugement du 14 janvier 2016, le tribunal d'instance de Vanves a :
- Ordonné le bornage judiciaire des fonds contigus cadastrés, commune de [Localité 10] (Hauts-de-Seine) Section Y, d'une part parcelle [Cadastre 7] (M. [P] [M] [U]) et d'autre part parcelle Y [Cadastre 6] (M. [R] [O]) et parcelleY64 (consorts [X]) aux frais avancés de M. [P] [M] [U],
- Désigné M. [H] [G] en qualité d'expert avec la mission habituelle de bornage,
- Dit que les frais de bornage seront supportés par tiers par M. [P] [M] [U], M. [R] [O] et les consorts [X],
-Rejeté toute demande complémentaire.
M. [H] [G] a déposé son rapport définitif le 28 décembre 2017.
Par acte d'huissier de justice des 29 juillet 2019 et 25 octobre 2019, M. [U] a fait assigner les consorts [X] ainsi que M. [O] devant le tribunal d'instance de Vanves, devenu depuis tribunal de proximité de Vanves près le tribunal judiciaire de Nanterre.
Par un jugement contradictoire rendu le 13 novembre 2020, le tribunal de proximité de Vanves près le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- Débouté M. [P] [M] [U] de sa demande de contre-expertise,
- Adopté les conclusions du rapport de M. [H] [G] et en conséquence,
- Fixé les limites séparatives des fonds comme suit, conformément au plan de bornage référencé 106-001 gui demeurera annexé au présent jugement :
* entre la parcelle propriété de M. [P] [M] [U] et celle de M. [R] [O], cadastrées respectivement Y[Cadastre 7] et Y[Cadastre 6], par un segment rectiligne (1-2 sur le plan) d'une longueur totale de 22,75 m, partant en fond de propriété depuis l'axe du poteau de la clôture à claire-voie pour aboutir à l'angle formé par le pilier de la clôture sur la rue, et matérialisé successivement par la clôture à claire voie en béton mitoyenne, le pignon de la construction existante sur la parcelle Y[Cadastre 6] privatif à la dite parcelle et le mur séparatif sur la rue de la Plâtrière privatif à la propriété Y [Cadastre 6],
* entre la parcelle propriété de M. [P] [M] [U] et celle des consorts [X], cadastrées respectivement Y[Cadastre 7] et Y[Cadastre 8], par un segment rectiligne (3-4 sur le plan) d'une longueur totale de 22,72 m, partant en fond de propriété depuis I'axe du poteau de la clôture à claire-voie pour aboutir à l'angle formé par l'extrémité de la grille de clôture sur la rue, et matérialisé successivement par la clôture à claire voie en béton mitoyenne, le pignon de la construction existante sur la parcelle Y64 privatif à la dite parcelle et le mur séparatif sur la rue de la Plâtrière privatif à la propriété Y [Cadastre 7],
- Invité si besoin est la partie la plus diligente à faire publier la présente décision au bureau des hypothèques de la situation des immeubles en question,
- Confié aux parties à qui il plaira le soin d'implanter les bornes conformément au plan de bornage annexé au rapport d'expertise,
- Débouté les consorts [X] et M. [R] [O] de leur demande de dommages et intérêts,
- Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné M. [U] aux dépens de l'instance ;
- condamné M. [U] à régler la somme de 1200 euros aux consorts [X] et la somme de 1200 euros à M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonne l'exécution provisoire.
M. [U] a interjeté appel de ce jugement le 28 janvier 2021 à l'encontre de M. [E] [X], Mmes [J] et [DJ] [X], Mme [L] et M. [O].
Mme [J] [X] est décédée le 30 janvier 2022.
Par dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2023, M. [U] demande à la cour, au fondement de l'article 666 du code civil et des articles 275, 646, 143 et 144 du code de procédure civile, de :
- Prendre acte de l'intervention des consorts [X] en leur qualité d'héritiers de Mme [J] [X] et de l'intervention de M. [R] [O] en qualité d'époux et ayant-droit de Mme [Z] [O] et que l'ensemble des demandes et prétentions formulées par M. [U] dans le cadre de la présente procédure d'appel sont dirigées à leur encontre,
- Déclarer recevables et bien-fondées les demandes formulées par M. [U],
Y faisant droit :
- Infirmer le jugement attaqué rendu par le tribunal de proximité de Vanves le 13 novembre 2020 (i) en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de contre-expertise, entendu comme une demande de nouvelle expertise, (ii) en ce qu'il a adopté les conclusions de M. [H] [G], expert judiciaire et en conséquence, fixé les limites séparatives des fonds selon le plan de bornage référencé 106-001 annexé au jugement attaqué, (iii) invité si besoin la partie la plus diligente à faire publier la décision au bureau des hypothèques de la situation des immeubles en question, (iv) confier aux parties à qui il plaira le soin d'implanter les bornes conformément au plan de bornage annexé au rapport d'expertise, (v) rejeté les autres demandes de M. [U], (vi) condamné M. [U] aux dépens de l'instance et à ce qu'il règle la somme de 1.200 € aux consorts [X] et la somme de 1.200 € à M. [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, (vii) ordonné l'exécution provisoire,
- Rejeter l'intégralité des demandes formulées par les intimés, en particulier leur demande de confirmation du jugement attaqué,
Par l'effet dévolutif de l'appel et en conséquence :
- Ordonner une nouvelle expertise judiciaire visant à effectuer le bornage judiciaire des
fonds contigus cadastrés, commune de [Localité 10], section Y, d'une part, parcelle n° [Cadastre 7] appartenant à M. [U] et d'autre part, les parcelles n° [Cadastre 6] et [Cadastre 8] appartenant respectivement à M. [O] et aux consorts [X], aux frais partagés aux tiers entre les trois,
- Préciser que la mission de l'expert, qui ne pourra pas être M. [H] [G], auteur de la première expertise contestée par M. [U], sera la suivante :
(i) Se rendre sur les lieux, les décrire dans leur état actuel et en dresser plan, en tenant compte, le cas échéant, des bornes existantes,
(ii) Consulter les titres des parties et notamment les plus anciens,
(iii) En décrire le contenu, en précisant les limites et les contenances y figurant ;
(iv) Rechercher tous les indices permettant d'établir les caractères et la durée des possessions éventuellement invoquées,
(v) Rechercher tous autres indices notamment ceux résultant de la configuration des lieux et du cadastre,
(vi) Proposer la délimitation des parcelles et l'emplacement des bornes à planter ;
en cas d'accord des parties seulement, procéder à la pose de repères pouvant servir de bornes, en application des titres, en priorité,
- Indiquer que l'expert devra déposer son rapport dans un délai de trois mois à compter
du jour où il sera informé de sa désignation,
- Condamner in solidum, les consorts [X] et M. [O] à verser la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. [U] et les condamner aux entiers dépens de la première instance,
Par ailleurs :
- Condamner in solidum, les consorts [X] et M. [O], à verser la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à M. [U],
- Condamner in solidum, les consorts [X] et M. [O] aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2023, M. [E] [X], Mmes [J] et [DJ] [X], Mme [L] et M. [O] demandent à la cour de :
- Ecarter des débats la pièce adverse n° 30 en tant qu'elle est irrecevable,
- Rejeter intégralement les conclusions d'appel de M. [P] [M] [U],
- Dire et juger que, par suite de leurs décès, l'instance est éteinte à l'égard de Mme [J] [X], épouse de M. [E] [X], et Mme [Z] [O], épouse de M. [R] [O],
- Dire et juger que :
* Les consorts [X] (M. [E] [X], Mme [N] [L] et Mme [DJ] [X]) interviennent en qualité d'héritiers de Mme [J] [X] :
* M. [R] [O] intervient en qualité d'époux et ayant droit de Mme [Z] [O] ,
- Confirmer intégralement le jugement du tribunal d'instance de Vanves en date du 13 novembre 2020,
- Condamner M. [P] [M] [U] à leur devoir à chacun la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner M. [P] [M] [U] aux entiers dépens d'instance, lesquels pourront être recouvrés par l'intermédiaire de Me Marie Christine Gerber.
Si la cour fait droit aux demandes de M. [P] [M] [U], notamment si elle ordonne une nouvelle expertise en bornage judiciaire :
- Enjoindre à M. [P] [M] [U] de remettre en état, le mur de clôture situé côté rue. A cette fin, il devra reconstruire ce mur à ses frais exclusifs, au même endroit qu'initialement et dans le respect des règles de l'art, le tout dans un délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 26 janvier 2023.
SUR CE, LA COUR,
A titre liminaire
[Z] [X] épouse [O], née le 28 juin 1930 et décédée le 13 novembre 2021, n'était pas dans la cause en première instance. Toutefois, l'appelant prétend que M. [R] [O] intervient en qualité d'époux et ayant-droit de [Z] [O]. Les intimés demandent à la cour de dire et juger que M. [R] [O] intervient en qualité d'époux et ayant droit de [Z] [O],
La cour note que la parcelle Y [Cadastre 6] a été acquise par les époux [O] conjointement et solidairement par acte de vente du 15 novembre 1959 (annexe 401/001 et suivants du rapport d'expertise). Il en résulte que M. [R] [O] a intérêt à agir dans la présente procédure en représentation de son épouse décédée au cours de l'instance d'appel, avant la clôture, pour la conservation de ses droits, cette intervention se rattachant aux prétentions des parties par un lien suffisant, conformément aux articles 325 et 330 du code de procédure civile. De plus, l'appelant ne s'y oppose pas. Par conséquent, M. [R] [O] sera déclaré recevable à intervenir en qualité d'époux et ayant droit de Mme [Z] [O].
Par ailleurs, la cour rappelle que l'article 954 du code de procédure civile oblige les parties à énoncer leurs prétentions dans le dispositif de leurs conclusions et que la cour ne statue que sur celles-ci.
Par prétention, il faut entendre, au sens de l'article 4 du code de procédure civile, une demande en justice tendant à ce qu'il soit tranché un point litigieux.
Par voie de conséquence, les « dire et juger » ne constituent pas des prétentions, mais en réalité des moyens qui ont leur place dans le corps des écritures, plus précisément dans la partie consacrée à l'examen des griefs formulés contre le jugement et à la discussion des prétentions et moyens, pas dans le dispositif. La cour ne répondra de ce fait à de tels « dire et juger » qu'à condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif de son arrêt, mais dans ses motifs.
Sur les limites de l'appel
Le jugement en ce qu'il a débouté les consorts [X] et M. [R] [O] de leur demande de dommages et intérêts n'est pas contesté. Ce chef de dispositif est donc devenu irrévocable.
Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses autres dispositions par M. [U], les intimés sollicitant pour leur part la confirmation intégrale du jugement.
Sur la demande d'écarter la pièce 30 de l'appelant
Les intimés demandent à la cour d'écarter des débats la pièce 30 de l'appelant. Cette pièce correspond à un courriel du 27 avril 2017, envoyé depuis une adresse « [Courriel 13] » appartenant à [FA] [V], adressé à M. [G] et signé par M. [U]. Les intimés doutent de l'authenticité de cette pièce, produite à quelques jours de la plaidoiries d'appel.
En réalité, les intimés, qui ne précisent pas le fondement de leur demande d'irrecevabilité, invoquent un moyen de fond pour contester la valeur probante de cette pièce.
Cette pièce figure au bordereau des pièces de l'appelant. Elle a été dûment communiquée, de sorte qu'elle sera déclarée recevable et ne sera pas écartée des débats.
Sur la demande de contre-expertise
Moyens des parties
Poursuivant l'infirmation du jugement, M. [U] sollicite, au fondement des articles 646 du code civil, 143 et 144 du code de procédure civile, une nouvelle expertise judiciaire considérant que c'est à tort que le jugement, dont il estime qu'il se contredit et dénature les pièces, n'a pas relevé que le rapport de M. [G] comporte des lacunes, erreurs, incohérences et omissions rendant erroné le bornage judiciaire.
Il produit un acte de vente du 3 janvier 1908 concernant sa parcelle qui n'a pas été transmis à l'expert, ce dernier ayant refusé de proroger à nouveau le rendu de son rapport comme cela lui a été demandé par M. [U] par lettre du 7 décembre 2017. Il considère tout d'abord que l'expert n'a pas fait les démarches qui s'imposaient à lui de solliciter l'acte de vente du 3 janvier 1908 ni auprès des parties, ni auprès du service de publicité foncière compétent, et qu'il a refusé de prendre en considération cet acte alors qu'il est, selon l'appelant, le seul acte qui comporte les dimensions précises et exactes de la parcelle lui appartenant. Il fait valoir que l'absence de prise en considération de ce titre a entraîné des erreurs de calcul dans les dimensions retenues, dans les superficies cadastrales retenues et le positionnement des limites de propriété.
Par ailleurs, s'agissant des limites de propriété entre sa parcelle et celle de ses voisins, il soutient que M. [G] a omis de prendre en considération l'alignement de la [Adresse 12] pour la parcelle appartenant aux consorts [X] de telle sorte que la superficie cadastrale retenue est erronée. Selon lui, une différence de quatre mètres carrés est à déplorer entre la superficie retenue par l'expert et la superficie réelle.
Il ajoute que M. [G] a considéré, à tort, que le garage des consorts [X] était situé en limite de propriété, faussant ainsi son appréciation sur les limites exactes de propriété avec sa parcelle. Selon lui, la conséquence de cette analyse erronée conduit à considérer que la limite de propriété se trouve au milieu du poteau de clôture, au lieu de considérer que les clôtures lui appartiennent et qu'il peut, par conséquent en disposer et les détruire sans demander l'avis des consorts [X].
En outre, il reproche à l'expert d'avoir conclu que la clôture entre sa parcelle et celle des consorts [X] était mitoyenne, alors qu'il existait des éléments permettant de démontrer, clairement, que la mitoyenneté ne pouvait pas être présumée. Il s'étonne que M. [G] a considéré que, pour une partie, la clôture appartient à M. [U].
Enfin, il objecte que M. [G] n'a pas pris en considération la construction en « faux-équerre » de la maison de M. [O], élément pourtant relevé par Mme [S], géomètre-expert, dont l'omission aurait, selon lui, faussé son appréciation sur le calcul des limites de propriété.
Poursuivant la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [U] de sa demande de nouvelle expertise, adopté les conclusions du rapport de M. [G] et fixé, en conséquence, les limites séparatives des fonds, les consorts [X] et M. [O] demandent à la cour de rejeter les demandes de l'appelant aux fins de nouveau bornage judiciaire.
Ils expliquent que souhaitant démolir les clôtures voisines et le pignon de la maison des consorts [X], M. [U] a introduit une procédure aux fins de bornage judiciaire en parallèle du dépôt de deux permis de construire et de la construction d'une grande maison, en limite de propriété du côté du fonds [O], et très proche de la limite séparative du côté du fonds [X], après avoir démoli l'ancienne maison de la parcelle Y [Cadastre 7].
Contestant les développements de l'appelant sur les prétendus lacunes et erreurs commis par l'expert et le jugement, ils font tout d'abord valoir que M. [U] a été destinataire de l'acte de propriété de 1952 concernant la parcelle Y [Cadastre 7], qui fait référence à l'acte de 1908, dès le 4 avril 2016, ces documents ' comme tous ceux transmis par les intimés ' ayant de plus été évoqués lors de la première réunion d'expertise le 25 avril 2016. Ils précisent que M. [U] n'a formulé un premier dire que le 22 septembre 2017, soit un an et demi après le lancement des opérations d'expertise, et n'a demandé la transmission de la copie de l'acte de 1908 qu'en janvier 2018, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise. Ils en déduisent que les critiques de l'appelant sur la méthodologie de l'expertise ne sont pas fondées.
En outre, ils rappellent que M. [G] a répondu par une lettre du 2 avril 2018 à la transmission de l'acte de propriété de 1908 et a expliqué en quoi cet acte ne modifiait en rien les conclusions de son rapport, et ajoutent que le jugement a repris ces éléments. Ils soulignent que les mesures contenues dans l'acte de 1908 sont très proches de celles retenues par M. [G].
Ils soutiennent qu'à aucun moment durant les opérations d'expertise, M. [U] n'a fait état ni rapporté la preuve de l'impossibilité d'obtenir les documents qu'il a souhaités produire.
Par ailleurs, ils s'étonnent de ce que, alors qu'il critique la méthodologie et les conclusions de l'expertise, M. [U] a, dès le dépôt du rapport, tenu compte de ce dernier sur le point qui lui était favorable et a détruit une partie de la clôture se trouvant, d'après le rapport, sur sa propriété. Ils en déduisent un acquiescement partiel de M. [U] au rapport d'expertise. Ils contestent les allégations de l'appelant selon lesquelles cette clôture aurait été dangereuse, précisant que la fissure qui s'y trouvait existait depuis longtemps et en tout cas au début des opérations d'expertise.
Les consorts [X] et M. [O] font valoir en outre que les critiques soulevées en appel par M. [U] sont la reprise des observations contenues dans son dire du 22 septembre 2017, en réaction au pré-rapport, auquel l'expert a dûment répondu dans son rapport final, notamment sur la prise en compte de l'alignement et des données cadastrales, sans que l'appelant n'explique en quoi cette réponse était insuffisante ou incomplète.
Ils rappellent que l'acte de 1908 comporte, comme l'acte de 1909 produit par les consorts [X], la clause relative à l'implantation « à cheval » des clôtures.
Ils contestent la validité du constat d'huissier de justice versé par l'appelant relatif à une perte de superficie alléguée de 4 mètres carrés de la parcelle des consorts [X] en raison d'un plan coupé au croisement des deux rues longeant ladite parcelle, cette pièce n'étant pas contradictoire et étant, selon eux, hors débat.
Enfin, les intimés indiquent avoir consulté un autre géomètre expert, en lui communiquant l'ensemble des pièces versées à l'expertise, qui a validé les démonstrations de M. [G], y compris sur le point leur étant défavorable.
Appréciation de la cour
Selon l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs.
Le juge du bornage apprécie souverainement la valeur probante des titres et autres éléments de décision soumis à son examen. Il lui est loisible d'écarter des titres estimés non déterminants, pour ne retenir qu'un rapport d'expertise (3ème Civ., 26 février 1970, Bull. Civ. III n°150).
Selon les articles 143 et 144 du code de procédure civile, les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible. Les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.
L'article 146 du code de procédure civile précise qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
L'article 147 du même code dispose que le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux.
En l'espèce, c'est par d'exacts motifs, adoptés par la cour, que les premiers juges ont estimé qu'il n'y avait pas lieu à ordonner une nouvelle expertise judiciaire, qu'il convenait d'adopter les conclusions du rapport déposé par M. [G] et de fixer les limites séparatives des fonds, conformément au plan de bornage référencé 106-001 annexé au jugement, de sorte que le jugement n'a commis aucune erreur de droit ni dénaturé les pièces produites aux débats par les parties.
La cour ajoute que l'acte transcrit à la conservation des hypothèques le 3 janvier 1908, produit par M. [U] postérieurement au dépôt du rapport de M. [G] du 28 décembre 2017, correspond à la transcription d'un acte de vente par les consorts [C], auteurs communs des différentes divisions, à Mme [I] de ce qui est devenu la parcelle de M. [U], vente reçu les 18 novembre et 5 décembre 1907 par M. [T], notaire à [Localité 11] (pièce 17 de l'appelant).
Il a été explicitement fait référence à cette vente transcrite le 3 janvier 1908 lors de la vente suivante, en 1952, du même bien immobilier. En effet, l'acte transcrit le 15 février 1952 relatif à la vente du 10 janvier 1952 par Mme [I] de la même parcelle fait explicitement référence à « l'acte reçu par Me [T], notaire à [Localité 11] (Seine et Oise), les 18 novembre et 5 décembre 1907 » (annexe 109-002, en haut de page, du rapport d'expertise).
Or, M. [U] a reçu copie de l'acte transmis le 15 février 1952 dès le mois d'avril 2016, puisque l'expert et l'ensemble des parties en ont été rendus destinataires le 4 avril 2016.
Il en résulte que depuis le mois d'avril 2016, alors que le bornage judiciaire est une demande de M. [U], que M. [G] avait expressément demandé aux parties la copie de tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission et alors que M. [U] a connaissance de l'existence d'une vente concernant son terrain en 1907, ce dernier a attendu le 16 janvier 2018 pour faire une demande d'acte auprès du service de la publicité foncière (formulaire en pièce 17 de l'appelant).
Il est donc particulièrement mal fondé, compte tenu des dispositions de l'article 275 du code de procédure civile qui dispose que « Les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission », à contester les délais et la méthodologie de l'expert, dont il est établi, par ailleurs, qu'il a procédé à deux réunions d'expertise les 25 avril 2016 et 21 novembre 2017, à deux visites sur les lieux le 25 avril 2016 et le 19 juillet 2016, à la transmission d'un pré-rapport en août 2017 qu'il a soumis à la discussion des parties et qui a répondu à tous les dires qui ont été formulés.
Il est au demeurant surprenant que M. [U] critique les « lacunes, erreurs, incohérences et omissions » de l'expertise, alors qu'il s'est empressé de détruire la partie de clôture dont l'expert lui a favorablement reconnu la propriété. La dangerosité qu'il allègue n'est démontrée par aucun élément et contestée par les intimés.
Dans sa lettre du 2 avril 2018 (pièce 15 de l'appelant), M. [G] a précisément expliqué les raisons pour lesquelles l'acte du 3 janvier 1908 n'était pas de nature à modifier les conclusions de son rapport, notamment pour les raisons suivantes :
« Les dimensions qui y sont inscrites ne se réfèrent pas à un bornage sur le terrain mais juste à un plan et rien ne vient garantir qu'elles ont été parfaitement respectées lors de la réalisation des travaux il y a une centaine d'années » ;
L'écart de longueur de 5 centimètres en façade sur rue est marginal au regard de la situation analysée dans son ensemble, sachant qu'il convenait, d'après la mission de l'expert, de privilégier l'état des possessions apparentes.
La cour observe en outre que les deux longueurs de droite et de gauche et la longueur du fond du terrain retenues par M. [G] correspondent exactement à celles retenues par Mme [S], géomètre-expert intervenue pour un bornage amiable à la demande de M. [U] (19,77 mètres en fond de terrain, 22,72 mètres côté [X] et 22,75 mètres côté [O]).
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que M. [U] est mal-fondé à solliciter une nouvelle expertise judiciaire. Sa demande sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de contre-expertise, en ce qu'il a adopté les conclusions du rapport de M. [H] [G] et en conséquence, fixé les limites séparatives des fonds conformément au plan de bornage référencé 106-001 de l'expert.
Subséquemment, la demande subsidiaire des intimés relative à l'érection de la clôture détruite sous astreinte sera rejetée.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement qui a exactement statué sur les frais irrépétibles et les dépens sera confirmé.
Il sera ajouté que les frais d'expertise seront partagés à parts égales entre les parties.
M. [U], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
Par ailleurs, l'équité commande de ne pas laisser à la charge des intimés les frais irrépétibles exposés dans la présente instance. En conséquence, M. [U] sera condamné à verser les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
4000 euros à M. [O]
4000 euros aux consorts [X].
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
Dans les limites de l'appel,
DÉCLARE M. [R] [O] recevable à intervenir en qualité d'époux et d'ayant droit de [Z] [O] ;
REJETTE la demande des consorts [X] et de M. [O] d'écarter la pièce 30 de l'appelant des débats et déclare cette pièce recevable ;
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DIT que les frais d'expertise seront partagés à parts égales entre les parties ;
CONDAMNE M. [U] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [U] à verser les sommes suivantes au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
- 4000 euros à M. [O],
- 4000 euros à M. [E] [X], Mme [N] [X] épouse [L] et Mme [DJ] [X] ;
REJETTE toutes autres demandes.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,