COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
15e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 13 AVRIL2023
N° RG 20/01083 - N° Portalis DBV3-V-B7E-T35X
AFFAIRE :
[F] [T]
C/
SCP ANGEL [M] ès qualité de mandataire liquidateur de S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE
...
L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Avril 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Section : E
N° RG : 19/00058
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Roland ZERAH
Me Etienne MASSON de la SELARL GM ASSOCIES
Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE TREIZE AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant, initialement fixé au 30 mars 2023, prorogé au 06 avril 2023, puis prorogé au 13 avril 2023, les parties ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [F] [T]
né le 20 Novembre 1958 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentant : Me Roland ZERAH, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0164
APPELANT
****************
SCP ANGEL [M] prise en la personne de Me [R] [M] ès qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 5]
Représentant : Me Etienne MASSON de la SELARL GM ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K147
SELAS MJS PARTNERS prise en la personne de Me [L] [E] ès qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentant : Me Etienne MASSON de la SELARL GM ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K147
INTIMEES
SELARL AJC prise en la personne de Me [L] [D] - ès qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 4]
Représentant : Me Etienne MASSON de la SELARL GM ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K147
SELARL BCM prise en la personne de Me [O] [V] ès qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.S. OFFICE DEPOT FRANCE
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 9]
Représentant : Me Etienne MASSON de la SELARL GM ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K147
****************
L'UNEDIC, DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98
PARTIE INTERVENANTE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Régine CAPRA, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Régine CAPRA, Présidente,
Monsieur Thierry CABALE, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
****************
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [F] [T] a été engagé à compter du 29 mai 2006, par contrat de travail à durée indéterminée, par la société Office Dépôt France en qualité de directeur adjoint de magasin, statut cadre, niveau VII, coefficient 300. Il a perçu d'octobre 2015 à juin 2017 un salaire mensuel brut de base 2 381,97 euros pour 213 jours travaillés, porté à compter du mois de juillet 2017 à 2 410,55 euros.
Les relations entre les parties sont soumises à la convention collective nationale des commerces de détail, de papeterie, fournitures de bureau, de bureautique et informatique et de librairie.
Invoquant la nullité de la convention de forfait-jours qui lui était appliquée par la société Office Dépôt France, estimant ne pas être rempli de ses droits à heures supplémentaires et à repos compensateurs et reprochant à son employeur des faits de travail dissimulé, M. [F] [T] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency, par requête reçue au greffe le 1er février 2019, afin d'obtenir le paiement de diverses sommes.
Par jugement du 22 avril 2020, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Montmorency a :
- Dit que la convention de forfait jours de M. [T] est nulle,
- Débouté M. [T] du surplus de ses demandes,
- Débouté la SAS Office Dépôt France de l'intégralité de ses demandes.
M. [T] a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 9 juin 2020.
Par jugement du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Lille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Office Dépôt France et désigné la Selarl AJC, représentée par Me [D], et la Selarl BCM, prise en la personne de Me [V], en qualité d'administrateur judiciaire et la Selas MJS Partners, représentée par Me [E], et la Scp Angel [M], représentée par Me [M], en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de cession a été arrêté.
Par jugement du 7 octobre 2021, le tribunal de commerce de Lille a converti le redressement judiciaire de la société Office Dépôt France en liquidation judiciaire, désigné la Selas MJS Partners, représentée par Me [E], et la Scp Angel [M], représentée par Me [M] en qualité de liquidateur judiciaire et mis fin à la mission de l'administrateur la Selarl AJC, représentée par Me [D], et la Selarl BCM, prise en la personne de Me [V].
Le 17 décembre 2021, la Selarl AJC, représentée par Me [D], et la Selarl BCM, prise en la personne de Me [V], en qualité d'administrateur judiciaire, la Selas MJS Partners, représentée par Me [E], et la Scp Angel [M], représentée par Me [M], en qualité de mandataire judiciaire et la Selas MJS Partners, représentée par Me [E], et la Scp Angel [M], représentée par Me [M] en qualité de liquidateur judiciaire sont intervenues volontairement à l'instance.
Le 23 mai 2022, l'AGS Ile de France Ouest a été assignée en intervention forcée.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [T] demande à la cour de :
¿ confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la convention de forfait-jours,
¿ l'infirmer pour le surplus, et, statuant à nouveau :
- fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Office Dépôt France aux sommes suivantes :
*21 590,60 euros à titre d'heures supplémentaires,
*2 159,06 euros à titre de congés payés sur heures supplémentaires,
avec intérêts de droit à compter de l'introduction de la procédure ;
*20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non prise de repos compensateurs,
*20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
*5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel,
- dire que ces sommes seront garanties par les AGS CGEA.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 27 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, la Selas MJS Partners, représentée par Me [E], et la Scp Angel [M], représentée par Me [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Office Dépôt France ainsi que la Selarl AJC, représentée par Me [D], et la Selarl BCM, prise en la personne de Me [V], en qualité d'administrateur judiciaire de la société Office Dépôt France demandent à la cour :
¿ à titre principal, de :
- dire l'appel incident de la société Office Dépôt France recevable et infirmer le jugement entrepris concernant la convention de forfait en jours, en ce qu'il a considéré que le forfait en jours appliqué à M. [T] était inopposable, dire que le forfait en jours appliqué à M. [T] est parfaitement valide et qu'il ne peut, en conséquence, solliciter la moindre indemnisation au titre de prétendues heures supplémentaires ;
- débouter en conséquence M. [T] de l'ensemble de ses demandes au titre de prétendues heures supplémentaires (rappels de salaire, indemnité pour repos compensateurs et indemnité de travail dissimulé) ;
¿ à titre subsidiaire, de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que les éléments de preuve communiqués par M. [T] ne sont ni fiables ni authentiques ;
- dire que M. [T] n'étaye pas ses demandes / affirmations et se contente de communiquer des pièces non authentiques, non fiables et non probantes ;
- dire en conséquence que ses demandes sont totalement infondées et injustifiées et le débouter de l'ensemble de ses demandes au titre de prétendues heures supplémentaires (rappels de salaire, indemnité pour repos compensateurs et indemnité de travail dissimulé) ;
¿ en tout état de cause :
- prononcer la mise hors de cause des administrateurs judiciaires suite à la conversion de la procédure de redressement en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 28 septembre 2021 ;
- débouter M. [T] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. [T] de sa demande au titre des dépens ;
- condamner M. [T] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 26 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, l'AGS Ile de France Ouest, intervenante forcée, demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [T] de ses demandes,
- débouter M. [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- en tout état de cause, de :
*mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure ;
*juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L 622-28 du code du commerce ;
*juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L 3253-17 du code du travail, selon les plafonds légaux.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la mise hors de cause de l'administrateur judiciaire
Le jugement du tribunal de commerce de Lille du 7 octobre 2021 qui a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire a mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire, la Selarl AJC, représentée par Me [D], et la Selarl BCM, prise en la personne de Me [V]. Ceux-ci, intervenus volontairement à l'instance ès qualités, seront en conséquence mis hors de cause.
Sur la nullité de la convention de forfait-jours
Les conventions individuelles de forfait doivent être passées par écrit. La convention individuelle de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés. Ne constitue pas l'écrit requis le seul renvoi général à l'accord d'entreprise relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans le contrat de travail.
L'article 6-Temps de travail du contrat de travail conclu par les parties mentionne : 'L'organisation du travail est réglementée par l'accord d'entreprise 'Accord 35 heures', par des avenants ou par tout autre accord d'entreprise régissant la durée du travail'. Cette clause est trop imprécise pour caractériser l'acceptation par le salarié d'une convention de forfait en jours. La mention ''Forfait 213 jours' portée sur les bulletins de paie établis unilatéralement par l'employeur ne peut pallier l'absence de convention individuelle de forfait. Il s'ensuit que la convention de forfait en jours appliquée par la société Office Dépôt France à M. [T] est nulle. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur les heures supplémentaires
La convention de forfait en jours appliquée par la société Office Dépôt France à M. [T] étant nulle, ce dernier est bien fondé à prétendre au paiement des heures supplémentaires qu'il a le cas échéant accomplies.
Le salarié revendique le paiement de la somme de 21 590,60 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, selon le décompte suivant :
- 5 030,50 euros pour l'année 2016 pour 234 heures supplémentaires, dont 207 heures majorées à 25% et 27 heures majorées à 50%, sur la base d'un taux horaire avant majoration de 16,81 euros :
- 7 422,51 euros pour l'année 2017 pour 328,5 heures supplémentaires, dont 310,5 heures majorées à 25% et 18 heures majorées à 50%, sur la base d'un taux horaire avant majoration de 17,88 euros :
- 6 319,26 euros pour l'année 2018 pour 275 heures supplémentaires, dont 271 heures majorées à 25% et 4 heures majorées à 50%, sur la base d'un taux horaire avant majoration de 18,33 euros ;
- 2 818,23 euros pour l'année 2019 pour 123 heures supplémentaires majorées à 25%, sur la base d'un taux horaire avant majoration de 18,33 euros.
Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail ( rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), ou, de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 (rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016), les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
M. [T] qui produit, pour les années 2016 à 2018, des tableaux récapitulatifs des heures de travail qu'il prétend avoir accomplies ainsi que ses plannings et une note descriptive de ses heures de travail semaine par semaine, présente des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies. La société Office Dépôt France, tenue d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, s'est abstenue, en violation de l'obligation qui lui était faite, de procéder à l'enregistrement de l'horaire accompli par le salarié et ne verse aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par celui-ci. Il s'en déduit que la preuve de l'accomplissement d'heures supplémentaires est rapportée, dont il appartient à la cour d'évaluer l'importance.
Selon l'article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.
Les jours d'absence pour RTT, jours fériés et arrêt maladie ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration et des droits à contrepartie en repos pour heures supplémentaires. Les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le salarié doivent en revanche être prises en compte en tant qu'heures de travail accomplies pour déterminer si le seuil des heures travaillées donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint.
Le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord au moins implicite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées.
La convention à laquelle le salarié a été soumis étant nulle, le paiement des jours de RTT accordés en exécution de la convention devient indu. L'employeur est dès lors fondé à prétendre que les jours de RTT payés doivent venir en déduction du salaire dû au titre des heures supplémentaires.
Tous les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettant leur rattachement direct à l'activité personnelle du salarié devant être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires, il y a lieu de retenir comme correspondant à son taux horaire normal le taux horaire revendiqué par le salarié.
Au vu de l'ensemble des éléments soumis par les parties à l'appréciation de la cour, il y a lieu de fixer le rappel de salaire pour heures supplémentaires auquel M. [T] est fondé à prétendre pour les années 2016 à 2019, après déduction des indemnités qu'il a perçues au titre des jours de RTT dont il a bénéficié indûment, à la somme de 16 310,71euros brut.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Office Dépôt France les sommes suivantes :
- 16 310,71 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
- 1 631,07 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur l'indemnité pour repos compensateurs
L'article 33 de la convention collective fixe le contingent annuel d'heures supplémentaires à 220 heures par année civile.
Les heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos égale à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés, soit 1 heure par heure supplémentaire effectuée au-delà du contingent.
Le salarié qui n'a pas été en mesure, du fait de son employeur, de formuler une demande de contrepartie obligatoire en repos a droit à l'indemnisation du préjudice subi. Celle-ci comporte à la fois le montant de l'indemnité de repos compensateur et le montant de l'indemnité de congés payés afférents.
Compte-tenu des heures de travail entrant dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à contrepartie obligatoire à repos, M. [T] n'est pas fondé à prétendre avoir accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent légal de 220 heures en 2016, 2018 et en 2019. Il est en revanche fondé à prétendre avoir accompli en 2017 des heures supplémentaires au-delà du contingent légal de 220 heures. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris et de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Office Dépôt France la somme de 174,32 euros brut à titre d'indemnité pour les contreparties obligatoires en repos dont il a été privé du fait de la société Office Dépôt France.
Sur le travail dissimulé
Si l'indemnité de travail dissimulé prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail est due en raison de l'inexécution par l'employeur de ses obligations, elle n'est exigible qu'en cas de rupture de la relation de travail.
La société Office Dépôt France affirme, sans être contredite par M. [T], que la relation de travail n'a pas été rompue. Les dispositions de l'article L. 8223-1 du code du travail ne sont pas applicables lorsque le contrat de travail du salarié a été transféré de plein droit à une autre société, en sorte qu'il s'est poursuivie sous une autre direction.
En tout état de cause, le caractère intentionnel du travail dissimulé ne peut se déduire de la seule application d'une convention de forfait illicite et il n'est pas établi en l'espèce que la société Office Dépôt France a, de manière intentionnelle, omis de mentionner sur les bulletins de salaire les heures réellement effectuées par son salarié. Ce dernier sera en conséquence débouté de sa demande en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail.
Sur l'intervention de l'AGS
Le présent arrêt sera en opposable à l'AGS (CGEA Ile-de-France Ouest) dans la limite des dispositions des articles précités et de l'article D. 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure.
Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.
Sur les intérêts
En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Lille en date du 5 février 2021, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Office Dépôt France a arrêté le cours des intérêts légaux.
En conséquence, les créances salariales ou assimilées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Office Dépôt France de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation jusqu'au 4 février 2021.
Sur les dépens et l'indemnité de procédure
Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Office Dépôt France, qui succombe partiellement, et celle-ci sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de débouter M. [T] de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu'il a exposés.
PAR CES MOTIFS :
La COUR,
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE,
Met hors de cause la Selarl AJC, représentée par Me [D], et la Selarl BCM, prise en la personne de Me [V], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Office Dépôt France ;
Infirme partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency en date du 22 avril 2020 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Fixe ainsi qu'il suit les créances de M. [F] [T] au passif de la liquidation judiciaire de la société Office Dépôt France :
*16 310,71 euros brut à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires,
*1 631,07 euros brut au titre des congés payés afférents,
*174,32 euros brut à titre d'indemnité pour contreparties obligatoires en repos non pris ;
Constate que le jugement du tribunal de commerce de Lille en date du 5 février 2021, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société Office Dépôt France, a arrêté le cours des intérêts légaux ;
Dit qu'en conséquence les créances susvisées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Office Dépôt France de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation jusqu'au 4 février 2021 ;
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS (CGEA d'Ile-de-France Ouest) dans les limites de sa garantie légale et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le liquidateur judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement ;
Confirme pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris ;
Déboute M. [F] [T] ainsi que la Selas MJS Partners, représentée par Me [E], et la Scp Angel [M], représentée par Me [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Office Dépôt France de leurs demandes d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la Selas MJS Partners, représentée par Me [E], et la Scp Angel [M], représentée par Me [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Office Dépôt France.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Sophie RIVIERE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,