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28/03/2023 | FRANCE | N°21/05585

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 1re section, 28 mars 2023, 21/05585


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





1ère chambre 1ère section





ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE

Code nac : 70D





DU 28 MARS 2023





N° RG 21/05585

N° Portalis DBV3-V-B7F-UXHM





AFFAIRE :



Consorts[X]

C/

Epoux [H]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-17-0002
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :





à :



-Me Claire RICARD,



-la SELARL UBILEX AVOCATS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

Code nac : 70D

DU 28 MARS 2023

N° RG 21/05585

N° Portalis DBV3-V-B7F-UXHM

AFFAIRE :

Consorts[X]

C/

Epoux [H]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Septembre 2020 par le Tribunal Judiciaire de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-17-0002

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

-Me Claire RICARD,

-la SELARL UBILEX AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J], [C], [S] [X]

agissant en sa qualité d'héritier et légataire universel de feu Madame [F] [G] veuve [X]

né le 29 Septembre 1962 à [Localité 14] ([Localité 14])

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Madame [Y], [O] [X] épouse [P]

agissant en sa qualité d'héritière et légataire universelle de feu Madame [F] [G] veuve [X]

née le 04 Février 1966 à [Localité 7] ([Localité 7])

de nationalité Suisse

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 10] (EMIRATS ARABES UNIS)

Madame [U], [M], [V] [P]

agissant en sa qualité d'héritière et légataire universelle de feu Madame [F] [G] veuve [X]

née le 05 Janvier 2003 à VEVEY (SUISSE)

de nationalité Suisse

[Adresse 15]

[Adresse 15]

[Localité 10] (EMIRATS ARABES UNIS)

représentés par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622

Me Thomas LAVAL substituant Me Frédéric-pierre VOS de la SELARL L.V.I AVOCATS ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0205

APPELANTS

****************

Madame [N], [D] [L] épouse [H]

née le 06 Novembre 1960 à [Localité 13]

de nationalité Française

et

Monsieur [I], [W], [C] [H]

né le 07 Novembre 1958 à [Localité 11] ([Localité 11])

de nationalité Française

demeurant tous deux [Adresse 1]

[Localité 6]

représentés par Me Anne-gaëlle LE ROY de la SELARL UBILEX AVOCATS, avocat - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000016 - N° du dossier 16.147

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Janvier 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sixtine DU CREST, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Anna MANES, Présidente,

Madame Pascale CARIOU, Conseiller,

Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [H] et Mme [L] épouse [H] (ci-après « les époux [H] ») sont propriétaires d'une parcelle située sur le territoire de la commune de [Localité 12], la [Adresse 9], cadastrée section ZD n° [Cadastre 5]. Cette parcelle jouxte la parcelle appartenant à [F] [X], située sur le territoire de la même commune, cadastrée section ZD n° [Cadastre 4].

M. et Mme [H] ainsi que M. et Mme [X] possèdent donc des propriétés voisines et contiguës.

Après l'échec d'une tentative de bornage amiable, M. et Mme [H] ont fait assigner, par acte du 10 avril 2017, [Z] [X] et [F] [G] épouse [X] devant le tribunal d'instance de Chartres aux fins de bornage de leurs fonds.

Par jugement avant-dire droit contradictoire rendu le 11 décembre 2018, le tribunal d'instance de Chartres a ordonné un bornage judiciaire, désigné M. [K] [B], géomètre expert, en qualité d'expert et dit qu'il appartiendra à M. [I] [H] et Mme [N] [L] épouse [H] de consigner auprès du régisseur de la juridiction une provision de 2000 euros à valoir sur la rémunération de l'expert avant le 15 janvier 2019.

[Z] [X] est décédé le 2 juin 2019, en cours de procédure.

M. [B] a déposé son rapport le 9 juillet 2019.

Par jugement contradictoire rendu le 16 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Chartres a :

- Homologué le rapport d'expertise de M. [B], ès qualités, expert, du 9 juillet 2019.

En conséquence,

- Ordonné qu'il soit procédé au bornage de la propriété de M. et Mme [H], inscrite au cadastre de la commune de [Localité 12], la [Adresse 9], ZD n° [Cadastre 5] d'une part et de la propriété d'[F] [X], inscrite au cadastre de ladite commune ZD n° [Cadastre 4], d'autre part telle qu'elle figure dans le rapport d'expertise selon une ligne droite définie par les points extrêmes K et B,

- Rappelé qu'à la demande de la partie la plus diligente, l'expert ou tout autre géomètre retournera sur les lieux pour implanter une borne au point K et dressera de ses opérations un procès-verbal qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de Chartres,

- Dit que la pose de la borne manquante, la fourniture et la pose de la nouvelle clôture se fera à frais communs entre les parties,

- Condamné M. et Mme [H] à payer à [F] [X] de la somme de 2000 euros au titre de dommages et intérêts,

- Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que les dépens seront partagés entre les parties à parts égales et comprendront notamment les frais d'expertise de M. [B], ès qualités, expert, ainsi que les frais de bornage.

[F] [X] a interjeté appel de ce jugement le 28 octobre 2020 à l'encontre de M. et Mme [H] (dossier RG n° 20/05291).

[F] [X] née [G] est décédée le 21 janvier 2021.

Par ordonnance du 8 avril 2021, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a ordonné la radiation de l'affaire et dit que l'affaire ne sera établie que sur production de l'acte de notoriété qui permettra aux héritiers d'[F] [G] de justifier leur qualité à reprendre l'instance.

Par conclusions notifiées le 24 août 2021, les héritiers et légataires universels, M. [J] [X], Mme [Y] [X] épouse [P] et Mme [U] [P] (ci-après « les consorts [X] ») ont sollicité la reprise de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 23 février 2022, M. [J] [X], Mme [Y] [X] épouse [P] et Mme [U] [P] demandent à la cour de :

- Prendre acte de la reprise d'instance par eux en leur qualité d'héritiers et de légataires universels de feu [F] [X], leur mère et grand-mère,

En conséquence,

- Infirmer le jugement du 16 septembre 2020,

Statuant à nouveau,

- Écarter comme inutile la mesure d'expertise compte tenu de l'adage « remembrement sur remembrement ne vaut »,

- Ordonner le remplacement du piquet par une borne selon le rapport de M. [B],

- Condamner M. et Mme [H] à leur payer la somme de 5000 euros au titre de dommages et intérêts pour les troubles de jouissance liés à l'empiétement du terrain,

- Condamner M. et Mme [H], sur le fondement de l'article 696 du code de procédure civile, au paiement des entiers dépens, comprenant notamment la somme de 5118 euros, au titre de l'expertise ordonnée, réalisée par M. [B],

- Condamner M. et Mme [H], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au paiement de la somme de 22 000 euros au titre des frais irrépétibles comprenant notamment les sommes suivantes :

1 980 euros TTC, au titre des frais d'expertise amiable exposés par M. et Mme [X],

19 200 euros TTC, au titre des frais d'avocat engagés par M. et Mme [X],

En tout état de cause,

- Rejeter l'ensemble des demandes formulées par M. et Mme [H].

Par dernières conclusions contenant appel incident notifiées le 9 mai 2022, M. et Mme [H] demandent à la cour de :

- Débouter M. [X], Mme [R] [C] [X] épouse [P], et Mme [U] [P] de leur appel et de toutes leurs demandes,

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Chartres du 16 septembre 2020 à l'exception des dispositions relatives à la condamnation de M. et Mme [H] à verser à Mme [X] une indemnité de 2000 euros à titre de dommages et intérêts, et celle relative au rejet de l'indemnité article 700 de première instance formulée par M. et Mme [H].

En conséquence, et faisant droit à l'appel incident de M. et Mme [H],

- Fixer à 1 euro symbolique l'indemnité due par M. et Mme [H] aux consorts [X] [P] au titre du préjudice d'empiétement,

- Condamner les consorts [X] [P] à payer à M. et Mme [H] une indemnité de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et au titre des frais irrépétibles de première instance,

- Les condamner à payer à M. et Mme [H] une indemnité de 3.000 euros sur le même fondement au titre des frais irrépétibles d'appel,

- Les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 17 novembre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Sur les limites de l'appel

Il résulte des écritures susvisées que le jugement est querellé en toutes ses dispositions.

Sur l'homologation du rapport d'expertise, sur la prise en charge des frais de bornage et des frais de fourniture et pose d'une nouvelle clôture

Moyens des parties

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a homologué le rapport de l'expert, ordonné le bornage des parcelles et partagé à frais communs entre les parties les frais de bornage et les frais de fourniture et pose d'une nouvelle clôture, les consorts [X] font valoir que le bornage était illégal et inutile compte tenu d'un précédent remembrement intervenu en 1984, et qu'en tout état de cause, ils n'ont pas à prendre en charge les frais d'expertise ni la pose de la borne manquante ni la fourniture et la pose de la nouvelle clôture.

Ils soutiennent que la clôture litigieuse a été érigée par les époux [H] en décembre 2015 en empiétant sur leur terrain, empiètement qui a été confirmé, à 2 mètres carrés près, par le géomètre expert désigné à leur initiative (M. [A]), et confirmé par le géomètre expert judiciairement désigné (M. [B]). Selon eux, le litige ne correspond pas à un problème de bornage mais à un problème d'empiètement. Ils précisent que les époux [H] n'ont pas retiré la clôture alors qu'un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 juin 2017 leur enjoignait de le faire et qu'ils ne se sont exécutés que parce que le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Chartres a, par jugement du 18 mai 2018, assorti cette condamnation d'une astreinte.

Selon eux, compte tenu du remembrement intervenu en 1984 et de l'adage « bornage sur bornage ne vaut », les époux [H] n'étaient pas fondés à solliciter la mise en 'uvre d'un nouveau bornage judiciaire.

Ils ajoutent que l'absence de borne d'origine ne conduit pas obligatoirement à un nouveau bornage, mais juste à la pose de la borne manquante dans le cadre d'un procès-verbal d'abornement et qu'une opération de bornage entre particuliers ne peut succéder à une opération administrative de remembrement.

Ils insistent sur le fait que les conclusions de M. [B] correspondent à ce qu'ils font valoir depuis l'origine, à savoir que la clôture des époux [H] empiète sur leur parcelle, que l'empiètement avait déjà été constaté par la cour d'appel de Versailles, statuant en référé, dans un arrêt du 8 juin 2017.

Ils en déduisent que la demande des époux [H] ne pouvait qu'être rejetée, dès lors que l'existence d'un remembrement de 1984 rendait impossible la désignation d'un géomètre dans le but d'opérer un bornage judiciaire.

Par ailleurs, ils considèrent que le bornage judiciaire est le fait d'un « comportement procédurier » des époux [H] qui, contrairement aux époux [X], voulaient clôturer leur terrain pour éviter le passage de sangliers. Au fondement des articles 646 et 647 du code civil, ils soutiennent que les frais de bornage et les frais de pose d'une nouvelle clôture doivent intégralement être pris en charge par les époux [H].

Les époux [H] sollicitent, au fondement de l'article 646 du code civil, la confirmation du jugement en ce qu'il a homologué le rapport de l'expert, ordonné le bornage des parcelles et dit que la pose de la borne manquante, la fourniture et la pose de la nouvelle clôture se fera à frais communs entre les parties.

Ils expliquent qu'ayant le souhait de clôturer leur parcelle pour la protéger des dégâts causés par les sangliers, ils ont fait intervenir le cabinet de géomètres Foncier Experts en juillet 2015 afin de fixer la limite divisoire entre les deux parcelles. Ils ajoutent que ce cabinet a positionné un piquet provisoire à l'endroit de la borne manquante, et que, sollicités par le cabinet Foncier Experts, les époux [X] n'ont pas signé le procès-verbal de bornage amiable. Ils font valoir qu'ils ont érigé une clôture entre les deux parcelles en décembre 2015 et qu'il a été convenu avec les époux [X], compte tenu de la présence d'arbres anciens et de haute tige qu'il aurait fallu abattre, de décaler l'extrémité nord est de la clôture en contournant les arbres par la droite. Ils considèrent que les époux [X] ont ensuite fait volte-face en les assignant en référé afin d'obtenir la dépose de la clôture, ce que les époux [H] ont fait en 2019 après un jugement du juge de l'exécution du 5 avril 2019 ayant liquidé l'astreinte.

Ils font valoir que de multiples frais et procédures auraient pu être évités si les époux [X] avaient accepté le bornage amiable.

Rappelant les conclusions de l'expert selon lesquelles il convient de poser la borne manquante à l'endroit du piquet posé par la cabinet Foncier Experts et que le grillage des époux [H] ' qu'ils déposeront ensuite ' entraînait un empiètement de 334 mètres carrés sur la parcelle des consorts [X], ils soutiennent que la contestation du bornage par les consorts [X] est non seulement irrecevable, car ces derniers acquiescent aux conclusions de l'expert, mais inutile, puisque ces derniers demandent la mise en place de la borne manquante conformément aux dires de l'expert.

Ils sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a partagé les frais de bornage et les frais de pose d'une nouvelle clôture aux motifs que ce sont les époux [X] qui se sont opposés à leur demande de bornage, les contraignant à détruire la clôture qu'ils avaient édifiée à leurs frais.

Appréciation de la cour

L'article 646 du code civil dispose que tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs.

Selon l'article 647 du même code, tout propriétaire peut clore son héritage, sauf l'exception portée en l'article 682.

En l'espèce, la cour constate que les consorts [X] formulent des demandes contradictoires en sollicitant à la fois l'infirmation du jugement qui a ordonné le bornage, et la pose de la borne manquante conformément aux préconisations de M. [B], géomètre expert désigné judiciairement.

Le fait qu'une borne étant manquante entre les parcelles ZD [Cadastre 4] et ZD [Cadastre 5] a été constaté, au même endroit à deux centimètres près, à la fois par le géomètre expert mandaté par les consorts [X], M. [A] (pièces 6 et 9 des appelants), par le géomètre expert mandaté par les époux [H], le cabinet Foncier Experts (qui avait placé un piquet à la fin de l'année 2015 à la place de la borne manquante), et par le géomètre expert judiciairement désigné, M. [B] (pièce 3 des appelants).

Les parties acquiescent aux conclusions de l'expert qui préconisent, dans son rapport du 9 juillet 2019, après avoir constaté l'absence de borne au point matérialisée par la lettre « K », que « bien que le point K soit actuellement matérialisé par un piquet, il conviendrait de procéder à son remplacement par une borne, techniquement plus pérenne ». Après avoir constaté que ses mesures aboutissent à 2 centimètres (seulement) d'écart avec le positionnement du piquet posé par le cabinet Foncier Experts, M. [B] précise que « les parties s'accordent sur un point techniquement conforme à la barre d'incertitude technique de positionnement dudit piquet dans l'ensemble de la mission de bornage » (pièce 17 p. 18 et 19 intimés).

En d'autres termes, les parties sont d'accord pour poser la borne manquante conformément aux préconisations de l'expert.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont homologué le rapport d'expertise du 9 juillet 2019, ordonné qu'il soit procédé au bornage des parcelles ZD n° [Cadastre 5] et ZD n° [Cadastre 4] conformément au rapport d'expertise selon une ligne droite définie par les points extrêmes K et B, et rappelé qu'à la demande de la partie la plus diligente, l'expert ou tout autre géomètre retournera sur les lieux pour implanter une borne au point K et dressera de ses opérations un procès-verbal qui sera déposé au greffe du tribunal judiciaire de Chartres.

Il résulte de l'examen de la correspondance entre le cabinet Foncier Experts, les époux [H] et les consorts [X] (pièces 3 à 8 et pièce 12 des intimés) que ce cabinet a sollicité l'accord de ces derniers et leur a demandé de signer « le plan joint daté et signé » et « la fiche propriétaire dûment remplie » (pièce 4 des intimés et pièce 16 des appelants). Le plan de mesurage du cabinet Foncier Experts qui est joint comporte deux tracés : l'un rouge relatif à la limite séparative de la parcelle ZD [Cadastre 5], et l'autre noir correspondant au tracé de la clôture, qui empiète manifestement sur la parcelle ZD [Cadastre 4] des époux [X] sans que ne figure nulle part le mot « empiètement » (pièce 12 des intimés et pièce 16 des appelants).

Les époux [X] n'ont pas signé ces documents et ont indiqué dans leur lettre du 22 décembre 2015 « le tracé du grillage semble décalé par rapport à la limite de propriété » (pièce 7 des intimés). Le cabinet Foncier Experts a précisé au conseil des époux [X], dans une lettre du 1er février 2016, « vos clients nous ont fait savoir que d'une part ils regrettaient que M. [H] ait fait édifier cette clôture alors qu'ils [les époux [X]] n'avaient pas encore donné leur accord sur la position de la limite séparative et que d'autre part, ils n'avaient jamais fait valider le fait que la clôture soit édifiée sur leur propriété. Ils ont par conséquent refusé de signer le procès-verbal de bornage présenté le jour du rendez-vous » (pièce 15 des appelants).

Il s'ensuit que les époux [X] ont refusé le bornage du cabinet Foncier Experts en considérant que ce dernier entérinait un empiètement auquel ils s'opposaient.

Considérant qu'une borne était manquante et que le piquet posé par le cabinet Foncier Experts était contesté par les époux [X] et ne pouvait, en tout état de cause, être suffisant à délimiter les parcelles, il ne pouvait être remédié à cette situation de blocage que par un bornage judiciaire auquel toutes les parties avaient intérêt.

Il en résulte que, conformément à l'article 646 précité, les frais de bornage, en ce compris la rémunération de l'expert (5118 euros), la fourniture et la pose d'une nouvelle borne, seront partagés à parts égales entre les parties.

En revanche, la clôture n'étant souhaitée que par les époux [H], il leur appartiendra de prendre en charge les frais de fourniture et pose d'une nouvelle clôture conforme à la limite séparative.

Sur la demande de dommages et intérêts pour trouble de jouissance

Moyens des parties

Considérant que l'allocation d'une somme de seulement 2000 euros ne suffit pas à réparer intégralement leur préjudice, les consorts [X] poursuivent l'infirmation du jugement sur ce point et demandent à la cour de condamner les époux [H] à leur verser 5000 euros en réparation du trouble de jouissance.

S'appuyant sur l'article 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence constitutionnelle qui protègent le droit de propriété, ils considèrent que les époux [H] minimise la gravité de l'empiètement, estimé à 334 mètres carrés selon l'expert, et l'atteinte à leur droit de propriété. Ils indiquent que le marché de l'immobilier des terrains de [Localité 12] évalue le prix du mètre carré entre 55 et 84 euros avec une moyenne à hauteur de 70 euros. Rappelant que l'empiètement a été estimé par M. [A] à 336 mètres carrés et qu'ils n'ont pu disposer de leur terrain depuis le 5 janvier 2016, ils demandent à la cour la condamnation des époux [H] à leur verser 5000 euros en réparation de leur défaut de jouissance, outre le rejet de la demande de ces derniers visant à leur allouer 1 euro symbolique.

Poursuivant l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué aux consorts [X] une indemnisation de 2000 euros, les époux [H] demande à la cour de ramener cette somme à un euro symbolique aux motifs que l'empiètement n'a eu lieu que de décembre 2015 à 2019, sur une surface représentant seulement 5,81% de la surface totale de la parcelle des consorts [X] et que les époux [X], qui vivent à [Localité 8], ne venaient que ponctuellement à [Localité 12].

Appréciation de la cour

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Dans son rapport du 9 juillet 2019, M. [B] constate un empiètement total de la clôture érigée par les époux [H] sur la parcelle des consorts [X], sur une surface de 334 mètres carrés (pièce 17 des intimés). Cet empiètement avait déjà été constaté par M. [A] (à deux centimètres carrés près) et était reconnu par les époux [H].

Ces derniers ont minimisé cet empiètement en proposant une indemnisation de ce qu'ils considéraient être un empiètement de 150 mètres carrés (pièce 17 des appelants).

De plus, alors qu'ils savaient que la clôture empiétait sur la parcelle voisine, ils n'ont pas immédiatement exécuté l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 8 juin 2017 et ont attendu d'être condamnés sous astreinte et que l'astreinte soit liquidée pour la retirer (jugement du 5 avril 2019).

Le préjudice des consorts [X], qui est directement résulté de la faute des époux [H], consiste donc en un empiètement de 334 mètres carrés pendant quatre ans.

La cour prendra cependant également en compte le fait qu'il s'agit d'une zone boisée et d'un empiètement en forme de queue de billard sur toute la longueur du bord de la parcelle des consorts [X], parcelle sur laquelle ces derniers ne résident pas habituellement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les premiers juges ont fait une juste appréciation du trouble de jouissance qui en est résulté pour les consorts [X], en leur allouant une indemnisation de 2000 euros. Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les consorts [X] sollicitent que l'intégralité des frais d'expertise, à hauteur de 5118 euros, compris dans les dépens, soit mise à la charge des époux [H], qui succombent.

Ils demandent en outre la condamnation de ces derniers à leur verser, au titre des frais irrépétibles, une somme de 1980 euros en remboursement des frais liés à l'intervention de M. [A], géomètre expert, et de 19 200 euros en remboursement des frais engagés pour assurer la défense de leurs intérêts.

Les époux [H] répliquent que conformément à l'article 646 du code civil, les frais de bornage doivent être partagés par moitié et qu'ils n'ont pas à prendre en charge les honoraires « exorbitants » que les consorts [X] prétendent avoir versés à leur conseil, qui sont hors de proportion avec l'intérêt du litige, lequel ne correspond qu'à des procédures injustifiées de leur fait. Ils précisent que la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile des consorts [X] a été rejeté par le juge des référé et la cour statuant en appel, ainsi que par le juge de l'exécution statuant sur l'astreinte.

Le jugement, qui a débouté les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que les dépens seront partagés entre les parties à parts égales et comprendront notamment les frais d'expertise de M. [B] ainsi que les frais de bornage, sera confirmé.

Les parties ayant toutes deux échoué en leurs prétentions, les dépens d'appel - qui comprennent la rémunération de l'expert en application de l'article 695 4° du code de procédure civile - seront partagés à parts égales entre les parties.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

INFIRME le jugement en ce qu'il a dit que la pose de la borne manquante, la fourniture et la pose de la nouvelle clôture se fera à frais communs entre les parties ;

Le CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

DIT que les frais de bornage, en ce compris la rémunération de l'expert (5118 euros), la fourniture et la pose d'une nouvelle borne, seront partagés à parts égales entre les parties ;

DIT que la fourniture et la pose d'une nouvelle clôture seront à la charge de M. [H] et Mme [L] épouse [H] ;

Y ajoutant,

DIT que les dépens d'appel seront partagés à parts égales entre les parties ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 21/05585
Date de la décision : 28/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-28;21.05585 ?
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