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23/03/2023 | FRANCE | N°21/06558

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2e chambre 1re section, 23 mars 2023, 21/06558


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 22G



2e chambre 1re section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 MARS2023



N° RG 21/06558 -

N° Portalis DBV3-V-B7F- UZ7K



AFFAIRE :



[P] [N]

C/

[Y] [H] épouse [N]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Septembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de PONTOISE

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 17/00643

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Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 23.03.2023



à :

Me Mélina PEDROLETTI,



Me Gilles PARUELLE de la SCP PARUELLE ET ASSOCIE,



TJ PONTOISE













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT TROIS MAR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 22G

2e chambre 1re section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 MARS2023

N° RG 21/06558 -

N° Portalis DBV3-V-B7F- UZ7K

AFFAIRE :

[P] [N]

C/

[Y] [H] épouse [N]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Septembre 2021 par le Juge aux affaires familiales de PONTOISE

N° Chambre :

N° Cabinet :

N° RG : 17/00643

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le : 23.03.2023

à :

Me Mélina PEDROLETTI,

Me Gilles PARUELLE de la SCP PARUELLE ET ASSOCIE,

TJ PONTOISE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [P] [N]

né le 04 Juin 1964 à [Localité 5] (TUNISIE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 25571

APPELANT

****************

Madame [Y] [H] épouse [N]

née le 10 Janvier 1969 à [Localité 9] (Tunisie)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Gilles PARUELLE de la SCP PARUELLE ET ASSOCIE, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 02 - N° du dossier 21/5546

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Décembre 2022 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Dominique SALVARY, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Dominique SALVARY, Président,

Madame Julie MOUTY TARDIEU, Conseiller,

Madame Sophie MATHE, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Elisa PRAT,

FAITS ET PROCEDURE

Mme [Y] [H], de nationalité tunisienne lors du mariage et aujourd'hui de nationalités tunisienne et française, et M. [P] [N], de nationalité tunisienne, se sont mariés le 1er décembre 1990 à [Localité 9] (Tunisie), sans contrat de mariage.

De cette union sont issus :

- [V], né le 23 août 1999,

- [K], né le 05 juillet 2003, tous deux majeurs.

A la suite d'une requête déposée le 31 janvier 2017 par Mme [H], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Pontoise, par ordonnance de non-conciliation du 13 juillet 2017, a notamment :

- dit que le juge français était compétent pour connaître de la requête en divorce déposée par Mme [H],

- dit que la loi française était applicable au litige,

- autorisé les époux à résider séparément,

- attribué la jouissance du domicile conjugal (bien locatif) à l'épouse à charge pour elle de s'acquitter de l'ensemble des charges courantes afférentes, de la taxe d'habitation et du loyer,

- attribué la gestion des biens sis [Adresse 1] à [Localité 4] (95) et [Adresse 2] à [Localité 8] (93) à l'époux, à charge pour lui d'en encaisser les loyers après les avoir affectés au règlement des charges de ces biens, le tout sous réserve des droits de chacun des époux dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial,

- dit que M. [N] prendra en charge le remboursement des échéances du crédit immobilier afférent au bien sis à [Localité 4] (95),

- dit que M. [N] assumera le paiement des taxes foncières, charges courantes, charges de copropriété, cotisations d'assurance, crédits travaux etc, des biens sis à [Localité 4] (95) et [Localité 8] (93),

- dit que M. [N] encaissera les revenus fonciers des biens sis à [Localité 4] (95) et [Localité 8] (93),

- dit que les époux effectueront des déclarations séparées sur les revenus perçus en 2017,

- dit que ces règlements donneront lieu à créance entre époux dans le cadre des opérations de liquidation du régime matrimonial,

- débouté Mme [H] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours,

- rappelé que l'autorité parentale sera exercée en commun par les deux parents sur les enfants mineurs,

- fixé la résidence habituelle des enfants chez le père,

- fixé un droit de visite et d'hébergement 'selon le libre souhait des parents et et de l'enfant' au profit de la mère s'agissant de [V],

- fixé un droit de visite et d'hébergement au profit de la mère s'agissant de [K], durant les fins de semaines paires en périodes scolaires et durant la moitié des vacances scolaires,

- fixé à la somme de 150 euros par mois et par enfant, soit au total 300 euros par mois, le montant de la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants due par la mère, prestations familiales en sus,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions.

A la suite d'une assignation délivrée le 30 septembre 2019 sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil par Mme [H], le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pontoise, par jugement du 16 septembre 2021, a notamment :

- rappelé que le juge français était compétent et la loi française applicable au prononcé du divorce, aux obligations alimentaires et aux modalités d'exercice de l'autorité parentale,

- dit que le juge français sera compétent et la loi française applicable à la liquidation du régime matrimonial,

- prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal,

- dit que le jugement sera publié conformément aux dispositions de l'article 1082 du code de procédure civile,

- rappelé que chaque époux perdra l'usage du nom de son conjoint à compter du jugement,

- rappelé que le divorce emporte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux sans qu'il soit besoin de l'ordonner,

- invité les parties à procéder à l'amiable aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux devant tout notaire de leur choix, et en cas de litige, à saisir le juge aux affaires familiales pour qu'il soit statué sur le partage judiciaire et ce, conformément aux dispositions des articles 1359 et suivants du code de procédure civile,

- constaté que le divorce prendra effet dans les rapports patrimoniaux des époux entre eux à la date de l'ordonnance de non-conciliation, soit le 13 juillet 2017,

- constaté la révocation de plein droit, du fait du prononcé du divorce, des donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d'un époux et des dispositions à cause de mort, consenties entre époux par contrat de mariage ou pendant l'union,

- dit que Mme [H] ne sera plus tenue au versement d'une pension alimentaire pour l'entretien et l'éducation de [K] et [V] et ce à compter du jugement,

- débouté M. [N] de sa demande d'augmentation de la pension alimentaire,

- dit que les frais exceptionnels de l'enfant [K] (voyages scolaires, frais de santé non remboursés, activités de loisirs) seront pris en charge, (après accord préalable écrit concernant les activités de loisirs), par moitié par les parents, sur présentation d'un justificatif de la dépense engagée, et en tant que de besoin les y a condamnés,

- condamné Mme [H] aux entiers dépens de l'instance,

- dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats l'ayant demandé,

- rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit en ce qui concerne les mesures relatives aux enfants et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus,

- rejeté le surplus des demandes,

- rappelé que la décision doit être signifiée par huissier de justice par la partie la plus diligente, faute de quoi elle ne sera pas susceptible d'exécution forcée.

Par déclaration du 28 octobre 2021, M. [N] a fait appel de cette décision en ce qu'elle :

- a dit que le juge français était compétent et la loi française applicable à la liquidation du régime matrimonial,

- a rappelé que le divorce emporte liquidation et partage des intérêts patrimoniaux sans qu'il soit besoin de l'ordonner,

- a invité les parties à procéder à l'amiable aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux devant tout notaire de leur choix, et en cas de litige, à saisir le juge aux affaires familiales pour qu'il soit statué sur le partage judiciaire et ce, conformément aux dispositions des articles 1359 et suivants du code de procédure civile,

- a constaté la révocation de plein droit, du fait du prononcé du divorce, des donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d'un époux et des dispositions à cause de mort, consenties entre époux par contrat de mariage ou pendant l'union.

Par ordonnance d'irrecevabilité des défenses du 18 octobre 2022, le magistrat de la mise en état de la cour d'appel de Versailles a notamment :

- déclaré irrecevables les conclusions déposées par l'intimée le 02 mai 2022,

- rappelé que l'ordonnance peut faire l'objet d'un déféré à la cour dans les 15 jours de sa date.

Dans ses dernières conclusions du 02 août 2022, M. [N] demande à la cour de :

- DECLARER Monsieur [P] [N] recevable et bien fondé en son appel,

- INFIRMER le Jugement rendu le 16 septembre 2021 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal Judiciaire de PONTOISE, en ce qu'il a dit le Juge français compétent et la Loi française applicable à la liquidation du régime matrimonial des époux [H]/[N],

Statuant à nouveau,

- DIRE le Juge français compétent et la Loi tunisienne applicable à la liquidation du régime matrimonial des époux [H]/[N],

En conséquence,

- INFIRMER le Jugement rendu le 16 septembre 2021 par le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal Judiciaire de PONTOISE, en ce qu'il a :

* invité les parties à procéder à l'amiable aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux devant tout notaire de leur choix, et en cas de litige, à saisir le Juge aux Affaires Familiales pour qu'il soit statué sur le partage judiciaire et ce conformément aux dispositions des Articles 1359 et suivants du Code de Procédure Civile,

* constaté la révocation de plein droit, du fait du prononcé du divorce, des donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d'un époux et des dispositions à cause de mort, consentis entre époux par contrat de mariage ou pendant l'union,

- Déclarer Madame [Y] [H] tant irrecevable que mal fondée en son appel incident,

- STATUER ce que de droit quant aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 08 novembre 2022.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures déposées.

SUR CE, LA COUR

Sur la loi applicable à la liquidation du régime matrimonial

M. [N] conteste la disposition du jugement ayant dit que le régime matrimonial applicable entre les époux était celui de la communauté légale française. Il fait valoir que la détermination du régime matrimonial répond en l'espèce aux règles générales du droit international privé, dès lors que la Convention de la Haye du 14 mars 1978 n'est pas applicable eu égard à la date du mariage.

Il soutient que tant les choix initiaux des époux (entre 1990 et 1993 : lui travaillant en France et son épouse poursuivant ses études à [Localité 9], lieu du premier domicile des époux), que les éléments postérieurs (absence de compte bancaire, postal ou d'épargne commun, acquisition indivise d'un immeuble situé à [Localité 4] (95) à concurrence de 70% pour lui et 30% pour l'épouse, remboursement par M. [N] du crédit immobilier depuis son compte personnel...), caractérisent leur volonté de soumettre leur mariage au régime matrimonial tunisien.

Il est constant que la Convention de la Haye du 14 mars 1978, entrée en vigueur en France le 1er septembre 1992, n'est pas applicable aux mariages conclus avant cette date comme en l'espèce.

Il en résulte que le régime matrimonial des époux est déterminé par application de la loi que les époux ont expressément ou implicitement choisie au moment du mariage.

Lorsqu'aucun choix exprès n'a été formulé à cette date, il convient de prendre en compte les circonstances postérieures qui éclairent la volonté des époux quant à la localisation de leurs intérêts pécuniaires au moment du mariage (Civ 1ère du 19 septembre 2007, pourvoi 05-21.230).

Il est établi en l'espèce que le mariage a été célébré en Tunisie et que Mme [H] n'est venue s'installer en France qu'à partir d'avril 1993. Entre 1990 et 1993, le mari, qui habitait et travaillait en France, venait régulièrement rencontrer son épouse en Tunisie où celle-ci terminait ses études.

M. [N] justifie que les époux, le 3 août 2005, ont acquis en France un bien immobilier situé à [Localité 4] (95), [Adresse 1]. Selon l'attestation de Maître [G] [D], notaire associé à [Localité 7] (95), l'acte a été passé en présence des vendeurs, mais aussi des acheteurs, M. et Mme [N], et que cette acquisition s'est faite par 'M. [P] [N] à concurrence de sept dixièmes en pleine propriété' et par Mme '[B]' [H], à concurrence de trois dixièmes en pleine propriété' .

Une telle disposition, instituant entre les époux une indivision sur cet immeuble, est incompatible avec l'application du régime légal français de communauté.

Il s'avère par ailleurs que l'acte d'acquisition de cet immeuble de [Localité 6] mentionne que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple aux termes de leur contrat de mariage.

Quant à l'acte d'acquisition de l'appartement situé à [Localité 8] (93), le 3 juillet 2006, celui-ci mentionne, comme seul acquéreur, M. [N], sans référence à Mme [H], son épouse.

Il se déduit de ces éléments, que la volonté des époux, au jour de leur mariage, a été de soumettre leur régime matrimonial à la loi tunisienne, à savoir le régime de séparation de biens.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur l'invitation faite aux patries de procéder à l'amiable aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux

Si la loi applicable au régime matrimonial est la loi tunisienne, il reste que les dispositions de procédure sont celles de la loi française et que le divorce entre les époux doit donner lieu à des opérations de liquidation et de partage du régime matrimonial, eu égard notamment aux immeubles acquis pendant le mariage.

C'est donc à bon droit que le premier juge a invité les parties à procéder selon les règles applicables en la matière.

Sur le constat de la révocation de plein droit, du fait du prononcé du divorce, des donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d'un époux et des dispositions à cause de mort, consenties entre époux par contrat de mariage ou pendant l'union

Le simple 'constat' par le juge aux affaires familiales du sort des donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès d'un époux et des dispositions à cause de mort, consenties entre époux par contrat de mariage ou pendant l'union n'a pas de valeur juridictionnelle.

En outre, M. [N] demande à la cour d'infirmer cette disposition du jugement sans développer aucun motif à l'appui de cette prétention alors même qu'il est de principe que la loi applicable aux donations entre époux est distincte de celle qui gouverne le régime matrimonial.

Il n'y a donc pas lieu à infirmation de ce chef.

Sur les dépens

Eu égard à l'intérêt familial du litige, les dépens seront partagés par moitié entre les parties.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt CONTRADICTOIRE, après débats en audience publique, en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 16 septembre 2021 par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Pontoise sauf en ce qui concerne la nature du régime matrimonial applicable entre M. [N] et Mme [H],

Statuant à nouveau de ce chef :

DIT que le régime matrimonial applicable entre M. [N] et Mme [H] est le régime légal tunisien,

REJETTE les autres demandes,

CONDAMNE chacune des parties à payer la moitié des dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Dominique SALVARY, Président et par Madame PRAT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2e chambre 1re section
Numéro d'arrêt : 21/06558
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.06558 ?
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