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14/03/2023 | FRANCE | N°21/05076

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13e chambre, 14 mars 2023, 21/05076


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 36E



13e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 MARS 2023



N° RG 21/05076

N° Portalis

DBV3-V-B7F-UV6T



AFFAIRE :



S.A. ABC ARBITRAGE



C/



Société SCHNEIDER ELECTRIC SE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 201

9F00739



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Martine DUPUIS



Me Claire RICARD



TC NANTERRE



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versai...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 36E

13e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 MARS 2023

N° RG 21/05076

N° Portalis

DBV3-V-B7F-UV6T

AFFAIRE :

S.A. ABC ARBITRAGE

C/

Société SCHNEIDER ELECTRIC SE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2021 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° chambre :

N° Section :

N° RG : 2019F00739

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS

Me Claire RICARD

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A. ABC ARBITRAGE

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire: 625 - N° du dossier 2166812

Représentant : Me Samuel SAUPHANOR substitué par Me Anne-Claire HANS, et Me Jean-Luc LARRIBAU, avocats plaidants au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Société SCHNEIDER ELECTRIC SE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2211506

Représentant : Me Hervé LETREGUILLY, Me Benjamin SIINO et Me Peter PETROV, Plaidants, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Janvier 2023, Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président,

Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Madame Véronique MULLER, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine NOLIN

La société Schneider Electric, côtée sur le marché Euronext Paris, a convoqué, le 19 février 2014, ses actionnaires pour une assemblée générale du 6 mai 2014, afin de voter sur la distribution d'un dividende d'un montant de 1,87 euros par action au titre de l'exercice 2013.

Les modalités de distribution du dividende proposées étaient les suivantes :

- le dividende est prélevé, non sur le résultat de l'exercice de la société Schneider Electric qui est une perte, mais sur d'autres postes comptables : 1,45 euros sur le report à nouveau et 0.42 euro sur les primes d'émission ;

- le dividende correspond à environ 50% du résultat net consolidé du groupe, conformément à la politique de distribution communiquée aux actionnaires.

Le rapport du conseil d'administration a été mis à disposition des actionnaires sur le site internet de la société.

Un avis de convocation a ensuite été publié le 16 avril 2014, fixant définitivement l'ordre du jour de l'assemblée générale, ainsi que le texte des résolutions proposées au vote.

Le 18 avril 2014, la SA ABC arbitrage, elle-même cotée sur Euronext, a adressé une lettre recommandée au président directeur général de la société Schneider Electric dans laquelle elle se présente comme détentrice d'actions ordinaires nouvelles portant jouissance au 1er janvier 2014 et qui selon elle devraient pouvoir bénéficier du dividende à distribuer à l'issue de l'assemblée générale du 6 mai 2014.

Elle a notamment formulé un certain nombre d'observations sur le projet de résolution portant sur les modalités de distribution du dividende, en particulier le fait que les actions ordinaires nouvelles et les actions ordinaires existantes ont les mêmes droits sur les réserves distribuées par une société et que toute distribution effectuée sur des sommes affectant les fonds propres d'une société entraîne une perte de substance impliquant une baisse de la valeur de l'ensemble de ses actions.

La société Schneider Electric a répondu, par courrier du 29 avril 2014, affirmant qu'il n'y a pas d'atteinte aux droits des porteurs d'actions nouvelles portant jouissance au 1er janvier 2014 qui justifierait un quelconque versement au titre de la distribution de l'exercice 2013 et rappelant que les actions émises à la suite des levées d'option intervenues depuis le 1er janvier 2014 n'ont pas le droit au dividende versé au titre de l'exercice précédant celui de leur levée.

Lors de l'assemblée générale du 6 mai 2014, les actionnaires ont approuvé l'ensemble des résolutions. La société ABC arbitrage ne s'est pas présentée à l'assemblée générale et n'a pas voté.

Par acte d'huissier du 20 mars 2019, la société ABC arbitrage a assigné la société Schneider Electric devant le tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par jugement contradictoire assorti de l'exécution provisoire du 16 juin 2021 a :

- dit la société Schneider Electric recevable et bien fondée en sa fin de non-recevoir de l'action intentée par la société ABC arbitrage pour défaut d'intérêt à agir ;

- dit n'y avoir lieu à condamner la société ABC arbitrage à une amende civile ;

- débouté la société Schneider Electric de sa demande de condamnation de la société ABC arbitrage au titre de dommages et intérêts pour abus du droit d'agir ;

- condamné la société ABC arbitrage à payer la somme de 50 000 euros à la société Schneider Electric au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société ABC arbitrage aux dépens.

Par déclaration du 3 août 2021, la société ABC arbitrage a interjeté appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 16 mai 2022, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit la société Schneider Electric recevable et bien fondée en sa fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir ;

- l'a condamnée à payer la somme de 50 000 euros à la société Schneider Electric au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- l'a condamnée aux dépens ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu à la condamner pour défaut d'intérêt à agir ;

- débouté la société Schneider Electric de sa demande de condamnation au titre de dommages-intérêts pour abus du droit d'agir ;

Et statuant à nouveau :

- la déclarer recevable en toutes ses demandes ;

- déclarer recevable et bien fondé son appel ;

- dire et juger que la décision de la société Schneider Electric de priver les titulaires d'actions nouvelles de la distribution du dividende prélevé sur les primes d'émission et le report à nouveau voté par l'assemblée générale mixte des actionnaires le 6 mai 2014, lui a causé un préjudice financier ;

En conséquence,

- condamner la société Schneider Electric à la réparation du préjudice qu'elle a subi à raison de ce refus fautif à hauteur de 3 090 597,39 euros, à parfaire ;

- débouter la société Schneider Electric de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Schneider Electric à lui verser la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Schneider Electric aux entiers dépens de l'instance.

La société Schneider Electric, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 7 juillet 2022, demande à la cour de :

À titre principal,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit recevable et bien fondée la société Schneider en sa fin de non-recevoir de l'action intentée par la société ABC arbitrage pour défaut d'intérêt à agir ;

- condamné la société ABC arbitrage à payer la somme de 50 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;

- condamné la société ABC arbitrage aux dépens ;

À titre subsidiaire,

- déclarer que l'adoption de la décision du 6 mai 2014 dont la légalité est contestée par la société ABC arbitrage relève du seul pouvoir de l'Assemblée générale des actionnaires ;

- déclarer, en conséquence, irrecevable l'action engagée par la société ABC arbitrage en ce qu'elle est dirigée à l'encontre d'un défendeur qui ne dispose pas de la qualité pour défendre au sens de l'article 31 du code de procédure civile ;

- débouter la société ABC arbitrage de l'ensemble de ses demandes ;

À titre infiniment subsidiaire,

- déclarer que l'adoption et la mise en 'uvre de la décision adoptée par l'Assemblée générale des actionnaires du 6 mai 2014 n'est pas constitutive d'une faute lui étant imputable ;

- déclarer que la société ABC arbitrage n'établit pas l'existence d'un préjudice résultant de l'adoption et de la mise en 'uvre de la décision de l'Assemblée générale des actionnaires du 6 mai 2014 ;

- déclarer, en conséquence, que les demandes de la société ABC arbitrage sont infondées en l'absence de faute lui étant imputable et de préjudice résultant de l'adoption par l'Assemblée générale des actionnaires du 6 mai 2014 de la troisième résolution relative à la fixation du dividende ;

- débouter la société ABC arbitrage de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit n'y avoir lieu à condamner la société anonyme ABC arbitrage à une amende civile ;

- a débouté la société Schneider de sa demande de condamnation de la société ABC arbitrage au titre de dommages-intérêts pour abus du droit d'agir ;

- déclarer que la société ABC arbitrage a commis un abus du droit d'agir en justice ;

- condamner la société ABC arbitrage à une amende civile en application de l'article 32-1 du code de procédure civile et à lui payer la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société ABC arbitrage à lui verser la somme de 70 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ABC arbitrage aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juillet 2022.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1 - sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir de la société ABC arbitrage

La société ABC arbitrage reproche au premier juge de l'avoir déclarée irrecevable en son action au motif d'un défaut d'intérêt à agir en ce qu'elle n'établissait pas sa qualité de propriétaire, d'une part de 173 743 CFD (contract for difference), d'autre part de 50 actions nouvelles. Elle soutient que la qualité d'actionnaire n'était pas requise pour engager la responsabilité extra-contractuelle de la société émettrice. Elle fait valoir que l'action en responsabilité est au contraire ouverte à tout intéressé. Elle affirme qu'en tout état de cause, elle justifie de son intérêt à agir en sa qualité de détentrice de 173 743 CFD et de 50 actions, notamment par la production d'une attestation de la société Barclays. Elle soutient également que la simple revendication de la qualité de propriétaire d'instruments financiers suffit à établir l'intérêt à agir, et indique en outre apporter la preuve de la détention des 50 actions.

La société Schneider Electric sollicite confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action exercée par la société ABC arbitrage.

Il résulte de l'article 31 du code de procédure civile qu'en l'absence de restrictions légales, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

L'existence du droit invoqué n'est pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès.

Le simple fait que la société ABC arbitrage se prétende propriétaire d'actions ou de CFD sur la société Schneider Electric suffit dès lors à justifier son intérêt à agir à son encontre.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef, la société ABC arbitrage justifiant de son intérêt à agir à l'encontre de la société Schneider Electric.

2 - sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à défendre de la société Schneider Electric

La société Schneider Electric soutient que la prétendue faute invoquée par la société ABC arbitrage, à savoir le défaut de distribution de dividendes, relève du seul pouvoir de l'assemblée générale des actionnaires, de sorte que l'action devait être dirigée contre ces derniers, ce qui implique qu'elle n'a pas qualité à défendre sur cette action. Elle fait valoir que, se plaignant d'une rupture d'égalité entre actionnaires, la société ABC arbitrage aurait dû exercer, soit une action en nullité de la décision de l'assemblée générale contre la société Schneider Electric, soit une action indemnitaire pour abus de majorité qui ne pouvait alors être dirigée que contre les actionnaires majoritaires.

La société ABC arbitrage soutient au contraire que son action est bien dirigée. Elle rappelle que l'action en nullité d'une décision d'assemblée générale est dirigée contre la société, ajoutant qu'il est également usuel d'introduire les actions relatives à des versements fautifs de dividendes à l'encontre des sociétés, et non pas de leurs actionnaires, ajoutant qu'elle ne pouvait disposer de l'identité de ces actionnaires qui sont plusieurs milliers.

S'il est exact, comme le soutient la société Schneider Electric que l'assemblée générale est seule compétente pour décider de l'attribution de dividendes, il n'en reste pas moins que c'est le conseil d'administration de la société qui convoque l'assemblée sur un ordre du jour qu'il établit. En l'espèce, la société ABC arbitrage n'agit ni en nullité de l'assemblée générale, ni en abus de majorité à l'encontre des actionnaires, mais en responsabilité à l'encontre de la société Schneider Electric pour avoir soumis au vote des actionnaires une résolution excluant les détenteurs d'actions nouvelles de la distribution de dividendes.

Dès lors qu'elle agit sur le fondement de la responsabilité de la société Schneider Electric de ce chef, celle-ci a bien qualité à défendre, de sorte que l'action exercée à son encontre sera déclarée recevable.

3 - sur le bien fondé de l'action en responsabilité exercée par la société ABC arbitrage à l'encontre de la société Schneider Electric

La société ABC arbitrage recherche la responsabilité de la société Schneider Electric du fait de son refus de faire bénéficier les détenteurs d'actions nouvelles du dividende soumis au vote de l'assemblée générale du 6 mai 2014.

La société Schneider Electric soutient qu'elle ne supporte aucune responsabilité à ce titre dès lors que la preuve de la qualité d'actionnaire de la société ABC arbitrage, ou de sa qualité de détentrice de CFD n'est pas rapportée.

* sur la preuve de la propriété de 50 actions par la société ABC arbitrage

La société Schneider Electric soutient que la société ABC arbitrage n'apporte pas la preuve de sa qualité de propriétaire de 50 actions. Elle fait valoir que les titres doivent toujours être inscrits sur un compte-titres ouvert, soit par la société elle-même, soit par un teneur de compte conservateur au sens de l'article L. 542-1 du code monétaire et financier et précise qu'il n'est pas, en l'espèce, démontré que la société Barclays intervienne en qualité de teneur de compte conservateur, de sorte que les attestations qu'elle a délivrées sont dépourvues de force probante. Elle ajoute que ces attestations, évolutives, présentent de nombreuses incohérences.

La société ABC arbitrage affirme d'une part que la société Barclays figure sur la liste des établissements habilités à exercer le service de tenue de compte conservateur en France, d'autre part que les attestations qu'elle a délivrées sont parfaitement probantes, qu'elles ne contiennent aucune contradiction, ajoutant que la production d'attestations successives a été rendue nécessaire pour réfuter les arguments de la société Schneider Electric.

Les parties s'accordent à dire que le droit à paiement d'un dividende s'apprécie à la date de détachement de ce dernier, de sorte que seule une action achetée avant cette date (13 mai 2014) donne droit au dividende. Il convient dès lors de rechercher si la société ABC arbitrage apporte la preuve qu'elle était détentrice des 50 actions à la date du 13 mai 2014.

Pour justifier de sa qualité de propriétaire, la société ABC arbitrage produit aux débats la liste des établissements habilités à exercer le service de tenue de compte conservation, outre cinq attestations de la société Barclays (trois attestations datant de 2019 et 2020, et deux autres datant de 2021), et deux relevés de position (13 et 14 mai 2014).

La liste des établissements habilités à exercer le service de tenue de compte conservation en France (pièce numéro 35 de la société ABC arbitrage) comprend la société Barclays Capital Securities Ltd (ci-après société Barclays), de sorte que la contestation émise à ce titre par la société Schneider Electric n'est pas fondée.

S'il est en outre exact que les trois premières attestations ont une force probante limitée dès lors qu'elles sont émises 'uniquement à des fins d'information', il n'en est pas de même des deux autres attestations des 12 mars et 26 octobre 2021, la première attestant notamment de l'acquisition par la société ABC arbitrage de 50 actions nouvelles Schneider Electric le 28 avril 2014 (actions nouvelles code ISIN FR 0011669761, qui seront ensuite - après détachement du dividende- assimilées aux anciennes actions code ISIN FR 0000121972 ainsi que le relève la société Schneider Electric).

Contrairement à ce que soutient enfin la société Schneider Electric, la seconde attestation de la société Barclays du 26 Octobre 2021 ne se limite pas à dire que la société ABC arbitrage aurait 'participé' à une transaction relative à 50 actions, mais confirme que la société Barclays 'détenait, pour la société ABC arbitrage' les 50 actions litigieuses, de sorte que cette attestation est parfaitement probante.

Cette attestation est en outre corroborée par le relevé de position au 13 mai 2014, émis par la société Barclays (produit aux débats en pièce 28) duquel il résulte que la société ABC arbitrage détient à cette date les 50 actions litigieuses, le compte client 400500 étant bien celui de ABC arbitrage SA, peu important que ce relevé mentionne également le nom de la société ABC arbitrage asset management.

Le relevé de position et les deux dernières attestations de la société Barclays étant concordants, ces documents sont suffisants à démontrer la qualité de propriétaire de la société ABC arbitrage des actions litigieuses.

* sur la faute reprochée à la société Schneider Electric

La société ABC arbitrage reproche à la société Schneider Electric d'avoir refusé de verser, aux titulaires d'actions nouvelles (dont elle fait partie), le dividende voté à l'assemblée générale du 6 mai 2014. Elle admet le principe selon lequel les détenteurs d'actions nouvelles ne disposent d'aucun droit sur le bénéfice distribuable de l'exercice précédent, mais soutient que lorsque le dividende porte - non pas sur le bénéfice distribuable - mais sur les fonds propres de la société (report à nouveau et prime d'émission), les détenteurs d'actions nouvelles doivent en bénéficier, car cette distribution entraîne une perte de substance impliquant une baisse de la valeur de l'ensemble des actions, ce qui - en l'absence de distribution à tous les actionnaires - entraîne une rupture d'égalité des actionnaires. Elle invoque le principe de 'protection des intérêts des titulaires d'actions nouvelles ou potentielles' tel qu'il figure aux articles L.228-99 et L.225-181 du code de commerce, ce dernier applicable aux titulaires d'options, outre un arrêt de la Cour de cassation de février 2001. Elle observe qu'à défaut de versement du dividende aux nouveaux actionnaires, ces derniers se trouveraient dans une situation moins favorable que les actionnaires potentiels (titulaires d'options), ce qui conduirait à une situation 'invraisemblable'.

La société Schneider Electric fait valoir que les actions nouvelles dont disposerait la société ABC arbitrage sont issues de levées de stock-options qui ont été admises aux négociations sur une ligne de cotation spécifique (numéro ISIN distinct). Elle soutient que la protection des intérêts des actionnaires potentiels cesse une fois que l'option est exercée, de sorte que les acquéreurs successifs des actions nouvelles ne bénéficient plus des mécanismes d'ajustement prévus notamment à l'article L.225-181 du code de commerce ; que dès lors que les textes invoqués par la société ABC arbitrage (relatifs aux actionnaires potentiels) n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce, ajoutant que la société ABC arbitrage n'apporte aucun élément probant permettant de justifier sa prétention. Elle fait valoir qu'en tout état de cause, la protection invoquée ne peut s'étendre au report à nouveau qui est constitué de bénéfices en attente d'affectation, inclus à ce titre dans le bénéfice distribuable sur lequel les actions nouvelles ne peuvent prétendre à aucun droit. Elle indique enfin que le 'prix des actions nouvelles' intégrait déjà l'absence de droit à dividende en ce qu'elles se négociaient sur une ligne de cotation distincte de celle des actions ordinaires jusqu'au détachement du droit à dividende, marquant l'assimilation des actions nouvelles aux actions ordinaires/anciennes.

Il résulte de l'article L. 228-99 du code de commerce, relatif aux valeurs mobilières donnant accès au capital, que la société appelée à attribuer les titres de capital ou les valeurs mobilières y donnant accès doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des titulaires des droits ainsi créés si elle décide de procéder à l'émission, sous quelque forme que ce soit, de nouveaux titres de capital avec droit préférentiel de souscription réservé à ses actionnaires, de distribuer des réserves, en espèces ou en nature, et des primes d'émission ou de modifier la répartition de ses bénéfices par la création d'actions de préférence.

Il résulte de l'article L. 225-181 du même code, applicable à l'achat de stock options par les salariés, que le prix fixé pour la souscription ou l'achat des actions ne peut pas être modifié pendant la durée de l'option. Toutefois, lorsque la société réalise un amortissement ou une réduction du capital, une

modification de la répartition des bénéfices, une attribution gratuite d'actions, une incorporation au capital de réserves, bénéfices ou primes d'émission, une distribution de réserves ou toute émission de titres de capital ou de titres donnant droit à l'attribution de titres de capital comportant un droit de souscription réservé aux actionnaires, elle doit prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts des bénéficiaires des options dans les conditions prévues à l'article L. 228-99.

Il a été démontré que la société ABC arbitrage était titulaire d'actions nouvelles, inscrites sur une ligne de cotation spécifique (numéro ISIN distinct de celui des actions ordinaires). La société ABC arbitrage ne conteste pas en outre que ces actions étaient issues de levées de stock options par des salariés. Contrairement à ce que soutient la société ABC arbitrage, ces actions nouvelles ne relevaient donc ni des dispositions de l'article L.228-99 (actions ordinaires), ni de celles de l'article L. 225-181 précités (actions optionnelles), de sorte que la société ABC arbitrage ne justifie pas de l'application du principe de protection des actions nouvelles qu'elle invoque, la cour observant au surplus que la jurisprudence invoquée (Cass.com.27 février 2001 - 99-18.646) porte sur des bons de souscription d'action, et ne peut être transposée aux actions nouvelles dont la société ABC arbitrage était titulaire.

La thèse émise par la société ABC arbitrage - selon laquelle les détenteurs d'actions nouvelles doivent bénéficier des dividendes lorsque ces derniers portent sur les fonds propres de la société (report à nouveau et prime d'émission) - ne repose ainsi que sur ses propres affirmations qui ne sont étayées par aucun élément textuel ou jurisprudentiel, de sorte que la cour ne peut la retenir.

La rupture d'égalité entre actionnaires évoquée par la société ABC arbitrage ne peut être retenue dès lors que celle-ci dispose d'actions nouvelles, distinctes des titres ordinaires, de sorte qu'elles n'ouvrent pas les mêmes droits.

Il ressort en outre des éléments du dossier que le prix des actions nouvelles acquises par la société ABC arbitrage se négociait sur une ligne de cotation distincte de celle des actions ordinaires, à un prix moindre que ces dernières sur la période d'avril/mai 2014, ce qui démontre que le prix de ces actions nouvelles intégrait déjà l'absence de droit à dividende.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le refus de la société Schneider Electric de verser à la société ABC arbitrage un dividende sur les actions dont elle dispose n'est pas fautif. Il n'y a pas lieu de rechercher si la société ABC arbitrage justifie de sa qualité de titulaire de CFD, dès lors qu'il a été démontré que le refus de versement de dividende n'était, en tout état de cause, pas fautif. Les demandes indemnitaires formées par la société ABC arbitrage seront ainsi rejetées.

4 - sur la demande reconventionnelle formée par la société Schneider Electric au titre de la procédure abusive

La société Schneider Electric sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande indemnitaire au titre de la procédure abusive. Elle fait valoir que la société ABC arbitrage a abusé de son droit d'agir en justice, d'une part en se prétendant actionnaire au 18 avril 2014 alors que les attestations émises ne font état que d'un achat dix jours plus tard, le 28 avril 2014, d'autre part en ce qu'elle a agi très tardivement, quelques semaines avant l'expiration du délai de prescription, enfin en ce que ses demandes sont manifestement infondées.

La société ABC arbitrage s'oppose à la demande formée à ce titre.

L'exercice d'une action en justice est un droit qui ne dégénère en abus qu'à condition pour celui qui l'invoque de caractériser une attitude malicieuse ou de mauvaise foi, ou encore une erreur grossière équipollente au dol.

Le seul fait pour la société ABC arbitrage d'avoir agi tardivement, voire de se tromper sur une date d'acquisition de titres ou sur le bien fondé de ses prétentions est insuffisant pour caractériser un abus du droit d'agir en justice, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire formée par la société Schneider Electric.

5 - sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

La société ABC arbitrage qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.

Au regard des frais irrépétibles déjà alloués en première instance, il n'y a pas lieu à paiement de frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 16 juin 2021 en ce qu'il a débouté la société Schneider Electric de sa demande indemnitaire et en ce qu'il a condamné la société ABC arbitrage au paiement de frais irrépétibles et des dépens,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Déclare la société ABC arbitrage recevable en son action à l'encontre de la société Schneider Electric,

Déboute la société ABC arbitrage de ses demandes à l'encontre de la société Schneider Electric,

Condamne la société ABC arbitrage aux dépens de la procédure d'appel,

Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller faisant fonction de Président, et par Madame Sabine NOLIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Conseiller faisant fonction de Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13e chambre
Numéro d'arrêt : 21/05076
Date de la décision : 14/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-14;21.05076 ?
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