COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
PAR DÉFAUT
Code nac : 63B
DU 07 MARS 2023
N° RG 19/06749
N° Portalis DBV3-V-B7D-TO2A
AFFAIRE :
[U], [P], [C] [Y], décédée le [Date décès 9] 2021
C/
[V] [Y]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 11/09895
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Barthélemy LACAN,
-Me Valérie LEGAL,
-l'AARPI JRF AVOCATS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [U], [P], [C] [Y],
née le [Date naissance 8] 1953 à [Localité 24]
décédée le [Date naissance 10] 2021 à [Localité 22]
APPELANTE
****************
Maître [V] [Y]
né le [Date naissance 6] 1946 à [Localité 20]
de nationalité Française
[Adresse 19]
[Localité 1]
et
SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
représentée par le président de son conseil d'administration, domicilié en cette qualité audit siège
N° SIRET : B 7 75 652 126
[Adresse 5]
[Localité 13]
représentés par Me Barthélemy LACAN, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : E0435
Maître [R], [N], [I] [D]
né le [Date naissance 3] 1936 à [Localité 23]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 21]
représenté par Me Valérie LEGAL, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 274 - N° du dossier 190062
me François de MUSTER substituant Me Françoise KUHN de la SCP KUHN, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0090
Monsieur [V], [T], [R] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 15]
Défaillant
Monsieur [K], [VS], [O] [Y]
[Adresse 12]
Résidence '[Adresse 18]'
[Localité 21]
Défaillant
INTIMÉS
****************
Madame [J], [A], [S], [Z] [H] (nom d'usage [Y]-[H])
venant aux droits de Mme [U] [Y], décédée le [Date décès 9] 2021
née le [Date naissance 4] 1994 à [Localité 17]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 14]
représentée par Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20190825
Me Laurent MEILLET de l'AARPI TALON MEILLET ASSOCIES, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : A0428
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 1er Décembre 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Nathalie LAUER, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
***************************
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 10 mai 1996 reçu par M. [V] [Y], notaire à [Localité 16]
[Localité 16], Mme [M] [B], veuve [Y], a donné procuration à son fils, M. [K] [Y], afin qu'il se porte, en son nom, caution solidaire et hypothécaire d'un prêt contracté par Mme [L] en vue de la construction d'un immeuble.
Ce prêt a été conclu le 14 mai 1996 entre Mme [L] et divers prêteurs privés et reçu par M. [R] [D], ès qualités de notaire à [Localité 21], pour une somme globale de 920 000 francs, à rembourser dans un délai de deux ans selon un taux d'intérêt fixé à 10% par an.
Mme [L] n'ayant pas procédé au remboursement de ce prêt ni au paiement des intérêts échus, les prêteurs ont fait signifier à Mme [B] un commandement afin de saisie immobilière le 31 juillet 2001 pour un montant total de 1 233 462,01 francs.
Mme [B] a alors sollicité devant le tribunal de grande instance de Nanterre la nullité de son engagement de caution solidaire, lequel a rejeté cette demande par jugement du 17 février 2004, décision confirmée par la cour d'appel de Versailles le 1er décembre 2005.
Après un nouveau commandement de payer valant saisie qui lui a été signifié le 5 mai 2008, les prêteurs ont fait assigner Mme [B] devant le tribunal de grande instance de Nanterre en paiement des sommes dues. Par jugement du 22 janvier 2009, confirmé en appel par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 28 mai 2009, le tribunal a ordonné la mise en vente de l'immeuble inscrit dans la caution et situé à [Localité 16]-[Localité 16].
Afin de désintéresser ses créanciers et empêcher cette vente, Mme [B] a contracté un premier prêt avec la société Crédit Foncier le 3 décembre 2008 d'un montant de 403 200 euros et un second prêt de 50 000 euros auprès de Mme [F].
Par exploits délivrés les 19 et 20 juillet 2011, Mme [B] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre M. [Y], M. [D], notaires, et la société Les Mutuelles du Mans (ci après « la société MMA Iard Assurances Mutuelles »), leur assureur ainsi que M. [K] [Y], son fils, en responsabilité civile professionnelle pour les premiers et en responsabilité civile pour le dernier afin d'obtenir leur condamnation in solidum à lui payer une somme correspondante au montant de la caution à titre de dommages-intérêts en raison des manquements et fautes allégués commis par ces derniers.
Par un jugement contradictoire rendu le 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- Rejeté l'intégralité des demandes formées par Mme [U] [Y] en qualité d'ayant droit de Mme [M] [B] veuve [Y] et en son nom personnel, à l'encontre de M. [V] [Y] et son assureur la société MMA Iard assurances mutuelles, de M. [R] [D] et de M. [K] [Y],
- Condamné Mme [U] [Y] à payer à M. [V] [Y] et son assureur, la société MMA Iard assurances mutuelles, d'une part, et à M. [R] [D] d'autre part, la somme de 2 000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné Mme [U] [Y] à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par les conseils en ayant fait la demande conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Mme [U] [Y] a interjeté appel de ce jugement le 23 septembre 2019 à l'encontre de M. [K] [Y], Me [V] [Y], Me [D], M. [V] [Y] et la société Mutuelles du Mans Assurances.
Le [Date décès 9] 2021, [U] [Y], appelante est décédée laissant pour héritière Mme [J] [H], intervenante volontaire, qui a repris l'instance exercée par sa mère.
Par ses conclusions notifiées le 29 septembre 2021, Mme [J] [H], intervenante volontaire aux lieux et place de Mme [U] [Y], demande à la cour, au fondement des articles 815-1, 1147, 1382 ancien et 1989 du code civil, 31 et 32 du code de procédure civile, 223-15-2 du code pénal, 373 et 1360 et suivants du code de procédure civile, de :
- Lui donner acte de ce que, en sa qualité d'héritière de [U] [Y], elle reprend la présente instance engagée par sa mère par déclaration d'appel du 23 septembre 2019 à l'encontre d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre, le 20 juin 2019 (RG 11/09895),
- La déclarer, en sa qualité d'ayant droit de [U] [Y], elle-même ayant droit de [M] [B], veuve [Y], recevable et bien fondée en son action et en son appel,
En conséquence,
- Infirmer le jugement entrepris,
A titre principal,
- Condamner in solidum M. [V] [Y], notaire, M. [R] [D], notaire, M. [K] [Y] à verser à l'indivision [Y] les sommes de :
* 435 277,51 euros,
* 15 575,22 euros en règlement des frais et émoluments de la procédure de saisie immobilière,
* 10 000 euros en réparation du préjudice moral ;
A titre subsidiaire,
- Condamner les intimés au paiement de la somme de 157 206,15 euros qui ne résulte pas de la procuration ;
En toutes hypothèses,
- Rendre commune et opposable à M. [V] [Y] l'arrêt à intervenir ;
- Condamner in solidum M. [V] [Y], notaire, M. [R] [D], notaire, M. [K] [Y] à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner in solidum M. [V] [Y], notaire, M. [R] [D], notaire, M. [K] [Y] aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le 31 janvier 2022, Mme [J] [H] a notifié à la cour l'acte de notoriété attestant de sa qualité d'héritière de [U] [Y].
Par d'uniques conclusions notifiées le 21 août 2020, M. [V] [Y] et la société MMA Iard Assurances mutuelles demandent à la cour de :
Principalement, infirmant le jugement entrepris,
Vu l'article 815-3 du code civil
- Dire [U] [Y] irrecevable en ses demandes.
Subsidiairement, confirmant le jugement entrepris
- Débouter [U] [Y] de sa prétention à la responsabilité de Me [Y], et de toutes ses demandes en ce qu'elles sont dirigées contre les concluants.
A titre infiniment subsidiaire, sur le préjudice
- Dire que le préjudice ne saurait tenir qu'en une perte de chance.
- Débouter [U] [Y] qui n'allègue aucune perte de chance et n'en demande donc pas réparation.
En tous les cas,
- Condamner [U] [Y] à payer aux concluants la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner [U] [Y], née [B], aux entiers dépens, de première instance et d'appel, et dire que Me Lacan, avocat, pourra, en application de l'article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision.
Par dernières conclusions notifiées le 24 octobre 2022, M. [R] [D] demande à la cour de :
- Confirmer en toutes des dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre le 20 juin 2019,
Et y ajoutant en tant que besoin,
Vu l'article 1382 ancien du code civil,
- Dire et juger qu'il n'a commis aucune faute,
- Dire et juger que Mme [J] [H] ne caractérise pas le lien de causalité qui doit nécessairement exister entre la faute invoquée et le préjudice allégué,
- Dire et juger que Mme [J] [H] ne caractérise le dommage qu'elle invoque ni dans son principe ni dans son quantum,
- Débouter Mme [J] [H] de toutes ses demandes,
- Condamner Mme [J] [H] à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Mme [J] [H] aux entiers dépens, et ordonner la distraction de ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 3 novembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel et à titre liminaire,
Il résulte des écritures ci-dessus visées que le débat en cause d'appel se présente dans les mêmes termes qu'en première instance, chacune des parties maintenant ses prétentions telles que soutenues devant les premiers juges.
La cour observe cependant que, à titre principal, l'appelante sollicite la condamnation in solidum de M. [V] [Y], de M. [R] [D], notaires, et de M. [K] [Y], son frère, in solidum à verser à l'indivision la somme de 435 277,51 euros sans développer aucun moyen ni de fait ni de droit à l'appui de sorte que cette demande, infondée, ne pourra qu'être rejetée.
La déclaration d'appel a été signifiée à M. [K] [Y] à la demande de l'appelante par acte d'huissier de justice délivré le 8 novembre 2019 à personne ; les premières conclusions de l'appelante lui ont été signifiées en l'étude le 3 janvier 2020 ; les conclusions de l'appelante du 16 novembre 2020, lui ont été signifiées en l'étude le 18 novembre 2020 ; les conclusions de l'appelante du 30 mars 2021 lui ont été signifiées à personne le 7 avril 2021 ; les conclusions de reprise d'instance de Mme [H], ès qualités, lui ont été signifiées en l'étude le 4 octobre 2021.
M. [K] [Y] n'a pas constitué avocat.
La déclaration d'appel a été signifiée à M. [V], [T], [R] [Y] la demande de l'appelante par acte d'huissier de justice en date du 20 novembre 2019 lequel a fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile ; les premières conclusions de l'appelante du 16 novembre 2020 puis celles du 30 mars 2021 ainsi que les conclusions de reprise d'instance de Mme [H], ès qualités, ont égalment fait l'objet d'un procès-verbal de recherches infructueuses selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile.
M. [V], [T], [R] [Y] n'a pas constitué avocat.
Par conséquent, le présent arrêt sera rendu par défaut.
Sur la recevabilité des demandes de [U] [Y], aux droits de laquelle vient Mme [J] [H]
' Moyens des parties
Se fondant sur les dispositions de l'article 815-3 du code civil, M. [V] [Y], notaire, et la société MMA Iard Assurances poursuivent l'infirmation du jugement qui déclare [U] [Y] recevable en ses demandes alors que l'indivisaire ne peut agir seul puisque l'unanimité est requise ; que [U] [Y], aux droits de laquelle vient Mme [J] [H], ne peut prétendre exercer une action ayant une nature d'acte d'administration ; que cette action consistant à solliciter la réparation d'un préjudice matériel et moral prétendument subi par son auteur est 'retirée dans la succession de sa mère, pour la sanction d'un intérêt patrimonial' ; qu'elle exerce donc, selon elle, un droit indivis dont l'exercice relève de l'article 815-3 du civil et qui requiert l'unanimité des ayants droits de la défunte.
Par voie de conséquence, selon eux, le jugement ne pourra qu'être infirmé.
Leurs adversaires sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.
' Appréciation de la cour
L'article 815-1 du code civil dispose que 'Les indivisaires peuvent passer des conventions relatives à l'exercice de leurs droits indivis, conformément aux articles 1873-1 à 1873-18.'
L'article 815-2 du code civil précise que 'Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.
Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers.
A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.
Lorsque des biens indivis sont grevés d'un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l'usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations.'
Selon l'article 815-3 du même code, 'Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :
1/ Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;
2/ Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;
3/ Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;
4/ Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.
Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers.
Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne
ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.
Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux.'
C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le premier juge a retenu que les demandes formées par [U] [Y], aux droits de laquelle vient désormais Mme [J] [H], devaient s'analyser comme des actes de conservation permettant de sauvegarder, le cas échéant, une créance de réparation de la défunte, et dès lors susceptibles, en cas de succès, de profiter à l'indivision, mais pas de l'appauvrir, ni d'en modifier la consistance.
Les moyens développés par M. [V] [Y] et la société MMA Iard Assurances mutuelles ne sont pas de nature à permettre à la cour de remettre en cause l'appréciation des premiers juges.
Le jugement en ce qu'il déclare [U] [Y], aux droits de laquelle vient Mme [J] [H], recevable en ses demandes sera dès lors confirmé.
Sur la responsabilité des notaires
* La responsabilité de M. [V] [Y], notaire à [Localité 16]
' Moyens des parties
Selon l'appelante, M. [V] [Y] a manqué à son obligation de prudence en ne se faisant pas communiquer par son confrère, M. [R] [D], notaire à [Localité 21], le projet d'acte qui devait être régularisé entre les prêteurs et Mme [L] et pour lequel elle entendait donner procuration à son fils [K] [Y] de se porter caution solidaire et hypothécaire, afin de pouvoir prodiguer tous les conseils et alerter la caution des risques encourus. Elle souligne que [M] [B] veuve [Y] n'exerçait aucune activité professionnelle, qu'elle n'avait jamais contracté de crédit et qu'elle ne connaissait rien au cautionnement solidaire et hypothécaire.
Elle reproche également à M. [V] [Y] de ne pas avoir recueilli le projet d'acte de prêt, de ne pas plus avoir soumis à sa cliente, [M] [B], le projet de cautionnement solidaire et hypothécaire ainsi que la procuration qui allait permettre à son fils de signer en son nom.
Elle soutient qu'il appartenait au notaire d'attirer son attention sur les conséquences de la procuration.
Elle conteste les allégations, injustifiées, de M. [V] [Y] selon lesquelles [M] [B] aurait eu un intérêt dans le cautionnement solidaire et hypothécaire.
Elle fait valoir que [M] [B] aurait pu prétendre à une garantie sur la parcelle de l'immeuble à édifier puisque l'opération de prêt devait permettre la réalisation d'une opération de construction ; que M. [V] [Y] n'a cependant pris aucune garantie sur l'immeuble et que c'est elle qui s'est engagée à donner son appartement en garantie hypothécaire en raison de la durée très brève du prêt consenti pour deux années seulement ; que [M] [B] était âgée de 72 ans et son appartement donné en garantie constituait sa résidence principale depuis près de 40 ans.
Elle fait encore grief à M. [V] [Y] de ne pas avoir attiré l'attention de sa cliente sur les conséquences de cet acte et qu'elle ne s'engageait pas pour deux années seulement, mais jusqu'au remboursement total des sommes empruntées.
Elle ajoute que [M] [B] était convaincue que Mme [L] était à la tête d'un patrimoine important comme l'indiquait M. [E] dans une attestation (pièce 6) qui lui avait été remise en l'étude de M. [V] [Y] et que ce dernier, en sa qualité de notaire, n'a pas pris soin de vérifier que ces biens étaient susceptibles de garantir [M] [B] par une prise d'hypothèque à due concurrence de son engagement alors qu'il s'est avéré par la suite que tous ses biens étaient déjà saisis au profit des impôts et qu'ils ont tous été vendus sur adjudication à leur profit (pièce 7). Il est ainsi démontré, selon elle, que l'attestation de M. [E] était fausse. Elle soutient que si M. [V] [Y] avait levé les états hypothécaires pour prendre une garantie pour sa cliente, [M] [B], il se serait rendu compte que tous les biens objets de l'attestation étaient saisis et donc indisponibles et il aurait mis en garde sa cliente sur le fait que le prêt était consenti en raison de l'acte de cautionnement et que l'emprunteuse, sans revenu, ne pourrait pas le rembourser.
Elle insiste sur le fait que [M] [B] a seulement accepté de consentir un cautionnement pour permettre à l'emprunteuse de souscrire un prêt afin de garantir les prêteurs d'une éventuelle défaillance de l'emprunteuse et non d'une défaillance certaine qu'on lui cachait grâce à l'attestation mensongère de M. [E].
Elle soutient que M. [V] [Y] aurait dû lui dire que ce prêt était douteux pour être consenti par des particuliers à une personne qui, au vu de son patrimoine, aurait pu emprunter auprès d'un établissement bancaire à un taux d'intérêts habituel et non au taux de l'usure ; qu'il lui appartenait de rappeler que l'emprunteuse avait accepté d'emprunter avec un taux d'intérêts conventionnel supérieur au taux de l'usure.
Selon elle, les griefs ainsi formulés ne reviennent pas à solliciter du notaire une information sur l'opportunité économique de l'opération, mais sur le risque éminemment certain auquel elle s'exposait. Elle soutient qu'il lui appartenait au notaire, compte tenu de l'âge de sa cliente, du montant de l'emprunt au regard du patrimoine de l'emprunteuse, du taux d'intérêts souscrit, de conseiller à sa cliente de prendre une inscription hypothécaire conventionnelle sur les biens de Mme [L].
Elle ajoute que M. [V] [Y] ne lui a pas adressé la procuration à son domicile, mais l'a invitée à se présenter à son étude pour signer la procuration seulement 4 jours avant la signature de l'acte de prêt reçu par M. [R] [D] de sorte qu'il est établi que [M] [B] n'a pas eu le temps nécessaire pour réfléchir et soumettre le projet à son autre fils ou à sa fille, avocate, ou à tout autre conseil indépendant (pièces 11 et 12). Selon elle, si le notaire, respectant son devoir de conseil, avait déconseillé à sa cliente de prêter son concours à une caution solidaire, elle l'aurait suivi et ne se serait pas ainsi engagée. Elle insiste sur le fait que, se trouvant en état de faiblesse par rapport à son fils, le notaire aurait dû être encore plus vigilant en la dissuadant de souscrire un tel engagement qui allait concourir à sa ruine.
Par voie de conséquence, selon elle, se fondant sur les dispositions de l'article 1240 du code civil, elle soutient que la faute de M. [V] [Y] est caractérisée.
M. [V] [Y] et son assureur poursuivent la confirmation du jugement et font valoir que :
* l'intervention du notaire se limitait à l'établissement de la seule procuration de sorte qu'il ne peut lui être reproché de n'avoir pas conseillé ou informé sur les modalités de l'acte principal dont il n'avait pas connaissance, sur une opération dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants à l'inverse de [M] [B] qui ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne connaissait pas son fils et l'amie de celui-ci pour laquelle elle se portait caution dans une opération dont, au contraire, elle savait tout à l'inverse du notaire ;
* les termes de la procuration sont clairs et précis et se suffisent à eux-mêmes ; l'engagement de [M] [B] portait sur sa caution solidaire et hypothécaire sur son bien situé à [Localité 16] ; il était précisément indiqué que son engagement de garantie portait sur la dette du débiteur principal ; qu'il y était ainsi clairement dit qu'elle s'engageait à payer la dette d'autrui ; le terme 'caution' n'a pas à être explicité ;
* le notaire n'est pas tenu d'un devoir de conseil sur l'opération économique elle-même ; la difficulté selon eux ne réside pas dans l'opération elle-même, mais dans le choix par [M] [B] de s'exposer à la dette de remboursement de prêt de Mme [X].
' Appréciation de la cour
C'est par d'exacts motifs, pertinents et circonstanciés, adoptés par cette cour, que le premier juge a retenu que la demanderesse ne démontrait pas l'existence d'une faute de M. [V] [Y], notaire, au titre de l'acte qu'il avait instrumenté, à savoir la procuration.
Il suffit d'ajouter que la procuration contenait les informations suffisantes sur la nature de l'acte et des obligations pesant sur la mandante au titre de la caution solidaire et hypothécaire à souscrire en son nom de sorte que c'est sans fondement qu'elle fait grief à M. [V] [Y] de ne pas s'être fait communiquer l'acte de prêt.
Ainsi, il résulte expressément des termes de la procuration litigieuse du 10 mai 1996 (pièce 5 de l'appelante), dont les éléments les plus importants (comme la nature de l'engagement de [M] [B], le montant du prêt...) sont en outre mentionnés en caractère gras et en majuscules de manière à attirer l'attention du signataire, que [M] [B] mandait son fils, M. [K] [Y], afin que pour elle et en son nom :
*il rende la constituante caution solidaire de Mme [L] (...) envers divers prêteurs privés en raison du prêt, d'un montant total en principal de 920 000 francs, ainsi que des intérêts, frais, accessoires et indemnités, ledit prêt remboursable en deux ans, au taux de 10% l'an payable par trimestre anticipé et indexé sur le BT01 dont l'indice de référence est celui du mois de novembre 1995 qui est de 529.1;
* il rende la constituante caution hypothécaire de Mme [L] envers les prêteurs en raison du prêt qu'ils lui ont consenti dans les conditions suivantes à savoir, en particulier :
- ce prêt est consenti à Mme [L] pour la construction d'un immeuble ;
- la caution s'oblige solidairement avec l'emprunteur, sans division ni discussion et avec renonciation au bénéfice du terme en cas de déchéance de l'emprunteur, tant au remboursement du montant du prêt qu'au paiement de tous intérêts, frais et accessoires.
Il y est également précisé que ce cautionnement hypothécaire doit porter sur les biens et droits immobiliers précisément désignés, situés à [Localité 16].
En outre, c'est aux termes d'une analyse précise, complète et exacte des actes de prêt et de la procuration, que le premier juge a retenu que les obligations pour la souscription desquelles [M] [B] a donné mandat à son fils sont conformes puisque l'engagement de caution solidaire et hypothécaire est explicite et détaillé, que le prêt cautionné est précisément défini en termes de durée, de taux d'intérêts, d'indexation ou encore de destination des fonds.
Il s'ensuit que le grief de l'appelante envers le notaire pour ne pas s'être fait communiquer par son confrère, M. [R] [D], notaire à [Localité 21], le projet d'acte qui devait être régularisé entre les prêteurs et Mme [L] est sans portée.
En outre, les éléments essentiels de l'engagement de caution à souscrire par [M] [B], notamment les conséquences de la solidarité envisagée avec la débitrice principale, sont clairement précisés dans la procuration de sorte que le notaire démontre ainsi avoir respecté son devoir de conseil et d'information. La cour relève ainsi que la procuration indique à plusieurs reprises que [M] [B] 's'oblige, en conséquence, solidairement avec l'emprunteur, sans division ni discussion, tant au remboursement du montant du prêt, qu'au paiement de tous intérêts, frais et accessoires qui y seront afférents' ; qu'elle entend et veut en conséquence 'sans réserve aucune, que son présent engagement solidaire reste valable jusqu'au remboursement total et définitif du prêt consenti par les prêteurs à l'emprunteur et au parfait paiement de tous intérêts et accessoires qui y sont afférents' ; que 'la comparante déclare donc se constituer également caution hypothécaire de l'emprunteur envers les prêteurs pour le remboursement des sommes dues en principal, intérêts, frais, indemnités diverses et autres accessoires en vertu du contrat de prêt à intervenir et de l'exécution de toutes les obligations en résultant'. C'est donc de manière bien téméraire que l'appelante reproche à M. [V] [Y] de ne pas avoir attiré l'attention de sa cliente sur les conséquences de cet acte, en particulier qu'elle ne s'engageait pas pour deux années seulement mais jusqu'au remboursement total des sommes empruntées.
C'est de plus à tort que l'appelante reproche au notaire de ne pas avoir adressé la procuration au domicile de [M] [B], mais d'avoir convoqué celle-ci dans son étude. Cette démarche était au contraire prudente en ce que le notaire a pu ainsi s'assurer de la personne qui signait cet engagement. Il n'est nullement démontré que [M] [B] aurait sollicité un délai pour s'entretenir avec un avocat avant de signer cette procuration, ni que les délais contraints entre la signature de la procuration litigieuse et celle de l'acte de prêt soient imputables au notaire, ni que les termes de la procuration, clairs et précis, dans les circonstances de l'espèce, nécessitaient le recours à un conseil juridique supplémentaire, comme celui d'un avocat, pour permettre au signataire d'en mesurer la portée.
De même, ce n'est pas sans surprise que la cour lit que l'appelante affirme que M. [V] [Y] prétend sans fondement que [M] [B] aurait eu un intérêt dans le cautionnement solidaire et hypothécaire alors que comme l'observe à bon droit le premier juge, dans son arrêt rendu le 1er décembre 2005, la cour d'appel de Versailles a relevé que [M] [B] indiquait expressément dans ses écritures de première instance avoir accepté de donner son cautionnement en contrepartie du bénéfice partiel du prêt accordé à Mme [L].
Quant aux griefs de l'appelante portant sur l'absence de conseils de M. [V] [Y] sur les garanties qu'il aurait dû inciter [M] [B] à prendre sur le patrimoine de Mme [L] (lever les états hypothécaires, prendre des garanties sur l'immeuble à construire...), ils sont inopérants au regard de la mission de M. [V] [Y] qui se limitait à l'établissement de la seule procuration dont il devait assurer l'efficacité, ce but ayant été amplement atteint. En outre, contrairement à ce que l'appelante prétend sous couvert d'un défaut de conseil du notaire en présence du 'risque éminemment certain auquel elle s'exposait' en donnant procuration à son fils pour cet engagement de caution solidaire et hypothécaire, l'appelante reproche bien, à tort, au notaire de ne pas avoir renseigné [M] [B] sur l'opportunité économique de l'opération.
Il s'ensuit que c'est exactement que le jugement a retenu qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre de M. [V] [Y].
Le jugement sera confirmé de ce chef.
* La responsabilité de M. [R] [D], notaire
' Moyens des parties
L'appelante poursuit l'infirmation du jugement qui rejette les demandes de feue [G] [Y] dirigées contre M. [R] [D] alors que, selon elle, les fautes de ce notaire sont caractérisées.
Elle fait ainsi valoir que la procuration, rédigée par ses soins, est différente de l'acte en ce que le taux du prêt souscrit est égal à 15,24% alors que, dans la procuration, celui-ci correspond à 10% ; que les frais et accessoires n'étaient pas détaillés ; que la clause de pénalités de retard était inintelligible pour une personne de 72 ans, non au fait des pratiques bancaires, et pas enserrée dans la procuration pour ne pas l'effrayer et ainsi surprendre son consentement ; que la procuration ne mentionnait pas la capitalisation des intérêts ni l'indemnité de 6% ce qui a abouti à contraindre [M] [B] à régler des sommes considérables puisque ces trois clauses qui ne figuraient dans la procuration du 10 mai 1996 correspond à 32,3% de l'ensemble des condamnations, même si au final le total des sommes réglées a été inférieur aux causes du commandement du 5 mai 2008 en raison de l'abandon par certains prêteurs des poursuites et que [M] [B] a réglé la somme totale de 435 277,51 euros et non 487 021,69 euros représentant l'ensemble des condamnations prononcées, intérêts compris.
Selon elle, les sommes que [M] [B] a dû rembourser sous la contrainte résulte d'une procuration du 10 mai 1996 qui aurait été mal rédigée dans le but de la tromper.
Elle ajoute que M. [R] [D] savait pertinemment que le prêt n'avait pas pour finalité de réaliser une opération de construction. A cet égard, elle fait valoir que le caractère houleux du rendez-vous de signature du prêt, le 14 mai 1996, tel que rapporté par les prêteurs ultérieurement à [M] [B], les hésitations de ces derniers à régulariser cet acte démontreraient, selon elle, à quel point l'opération était risquée pour les prêteurs et avec quelle évidence, seule la garantie de [M] [B] pouvait garantir le remboursement du prêt. Elle affirme que M. [R] [D] savait parfaitement que Mme [L] était totalement insolvable ce qui avait été délibérément caché à [M] [B].
M. [R] [D] poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il rejette les demandes dirigées contre lui.
Il fait valoir que :
* l'affirmation selon laquelle il serait le rédacteur de la procuration signée le 10 mai 1996 par [M] [B] est gratuite et son fondement ;
* la duplicité alléguée par l'appelante envers lui en ce qu'il aurait établi une procuration dans des conditions différentes de l'acte est là encore purement gratuite puisqu'il n'est pas le rédacteur de la procuration ;
* les discordances mises en exergue sont inopérantes ainsi que l'a retenu le tribunal par d'exacts motifs qu'il demande à la cour d'adopter ; il fait en particulier valoir que :
- si le taux d'intérêts a été fixé à 10% sur la procuration et à 15,24% sur le prêt, c'est tout simplement parce que la procuration ne fait pas état du TEG (taux effectif global) de l'opération qui ne pouvait pas être connu à la date à laquelle le modèle de procuration a été adressé à M. [K] [Y] ; qu'ainsi, à cette date, il n'était pas encore possible de déterminer le montant des honoraires de M. [W], le coût de constitution des garanties, les frais qui entrent dans le calcul du TEG,
- la procuration mentionne que la caution sera tenue tant au remboursement du prêt qu'au paiement de tous frais et accessoires ce qui indique clairement que [M] [B] savait qu'elle serait tenue de régler les intérêts et capitalisation des intérêts,
- la procuration mentionnait également que la caution serait tenue en cas de défaillance de l'emprunteur des indemnités consenties ce qui comprend les pénalités de retard,
* s'agissant des manquements qui lui sont reprochés au titre du devoir de conseil, ils sont sans fondement et ne reposent que sur des assertions non étayées par des éléments de preuve ;
- ainsi, il relève que l'appelante se borne à soutenir qu'il savait que l'opération n'avait pas pour finalité une opération de construction, mais était seulement destinée à satisfaire les besoins de financement personnels de Mme [X],
- de même, les allégations de l'appelante selon lesquelles M. [R] [D] savait que l'opération de prêt était très risquée et que les prêteurs se retourneraient contre [M] [B] ne sont pas plus étayées par des éléments probants,
- il n'est pas usuel de demander une garantie hypothécaire sur les terrains de l'opération et les prêteurs actionnent en priorité le patrimoine des garants constitués de sorte que ce grief à son encontre pour un manque de diligence est purement gratuit,
- le rendez-vous de signature houleux est une pure fiction d'abord parce que cette affirmation n'est étayée par aucun élément de preuve et surtout parce que les prêteurs n'étaient pas présents au rendez-vous de signature ayant tous été représentés par M. [W].
En conclusion, M. [R] [D] souligne que l'article 3 de la loi du 25 ventôse an XI oblige les notaires à instrumenter et à ne pas refuser de le faire sous prétexte qu'une opération a été conclue entre des particuliers ou qu'il existait des risques pour les prêteurs, l'emprunteur ou la caution, le risque étant inhérent à une telle opération. Il relève également que les tribunaux ont irrévocablement jugé que l'acte du 14 mai 1996 n'encourait aucun grief de nullité (ni dol, ni erreur, ni aucun vice du consentement).
' Appréciation de la cour
C'est par d'exacts motifs, pertinents et circonstanciés que la cour adopte, que le premier juge a retenu que la faute de M. [R] [D] n'était pas caractérisée en l'espèce. Il a, en particulier, rappelé, à bon droit, que contrairement au banquier, et dès lors qu'il ne participe pas au montage juridique de l'opération, ici résultant de l'intervention d'un mandataire des prêteurs, tous particuliers, le notaire n'était pas tenu d'une obligation de mise en garde entre l'emprunteur ou la caution ; qu'il n'avait pas en principe mission de vérifier l'équilibre ou l'opportunité économique des actes qu'il passe excepté notamment lorsqu'il ne peut en ignorer le contexte (1re Civ., 15 juin 2016, pourvoi n° 15-14.192) ce qui n'était pas caractérisé en l'espèce, le notaire n'ayant ni à vérifier la situation personnelle de Mme [L], ni la finalité exacte de l'opération, au demeurant non démontrée ni devant le premier juge ni à hauteur de cour.
Comme indiqué précédemment la procuration dont disposait M. [R] [D] étant suffisamment précise et explicite pour s'assurer que la mandante avait pu donner un consentement éclairé (ce qui a été irrévocablement jugé par les juridictions précédemment saisies), que les différences entre la procuration et le prêt étaient inopérantes (taux nominal des intérêts du prêt, précisions sur la teneur des intérêts, accessoires et indemnités mentionnés dans la procuration...) de sorte qu'il a pu instrumenter sans craindre le dépassement de mandat de la part de M. [K] [Y].
En outre, le grief avancé par l'appelante selon lequel M. [R] [D] aurait dû conseiller la caution ou les prêteurs, plus généralement les parties, de la nécessité de prendre des garanties supplémentaires notamment liée aux terrains concernés par l'opération de construction en présence d'une caution personnelle interroge. En effet, si tel avait été le cas, il faudrait en conclure que le contexte particulier de l'opération, les risques financiers, fonciers et économique de l'opération, étaient connus de lui. Or, compte tenu des éléments de l'espèce, c'est précisément le contraire que cette cour retient ainsi qu'il l'a été indiqué précédemment.
Il découle de ce qui précède que la faute de M. [R] [D] n'est pas caractérisée de sorte que les demandes dirigées contre lui seront rejetées.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la responsabilité de M. [K] [Y]
' Moyens de l'appelante
A hauteur d'appel, l'appelante fonde expressément ses demandes dirigées contre M. [K] [Y] sur les dispositions des articles 1989 et suivants du code civil (page 12 dernier paragraphe) et ne sollicite plus sa condamnation au fondement des dispositions de l'article 1382 (devenu 1240) du code civil malgré les développements, confus, à suivre.
A cet égard, elle fait valoir en substance qu'il ne devait pas signer au nom et pour le compte de [M] [B] un acte de prêt pour l'engager comme caution solidaire et hypothécaire alors que la procuration était différente de l'acte de prêt lui-même ; qu'il savait que Mme [L] était insolvable et ne possédait pas de patrimoine saisissable ; que [M] [B] croyait s'engager pour une durée de deux ans en vue de garantir le remboursement d'un prêt contracté par une personne solvable ; qu'il a perçu une commission de la part de Mme [L] pour qu'elle se procure de l'argent voire a été destinataire d'une partie des sommes empruntées par elle ; qu'il a refusé d'aider ensuite sa mère à récupérer ces sommes ; qu'il savait que Mme [L] ne rembourserait pas les prêteurs ; qu'il était 'même possible de penser que M. [K] [Y] a couvert Mme [L] pour qu'elle ne révèle pas qu'il avait perçu une partie des sommes, ce qui constituerait une donation indirecte et un recel successoral' ; qu'il connaissait le caractère anormal des stipulations de l'acte signé par [M] [B] comme il le reconnaît dans une attestation adressée à M. [W] (pièce 13).
' Appréciation de la cour
C'est par d'exacts motifs, adoptés par cette cour, que le premier juge a rejeté les demandes de [G] [Y] dirigées contre M. [K] [Y].
Ainsi, contrairement à ce qu'affirme l'appelante, il n'est nullement démontré que M. [K] [Y] serait allé au-delà du mandat qui lui a été donné et il a été précédemment jugé que les termes de la procuration et celle du prêt étaient concordants.
Les fautes ensuite alléguées à l'encontre de M. [K] [Y] ne sont étayées par aucun élément de preuve suffisant. En effet, il a été retenu que la procuration indiquait expressément, en particulier, que [M] [B] savait 'sans réserve aucune, que son présent engagement solidaire reste valable jusqu'au remboursement total et définitif du prêt consenti par les prêteurs à l'emprunteur et au parfait paiement de tous intérêts et accessoires qui y sont afférents' de sorte qu'il est bien téméraire d'affirmer que [M] [B] croyait s'engager pour deux années seulement. Il n'est pas plus démontré, par les productions, que M. [K] [Y] ait abusé de la confiance de sa mère. Au surplus, [M] [B] a admis devant la justice avoir accepté de donner son cautionnement en contrepartie du bénéfice partiel du prêt accordé à Mme [L] de sorte que l'abus de confiance allégué n'apparaît pas constitué voire crédible. En tout état de cause, une décision irrévocable a jugé que les griefs de vices du consentement allégués n'étaient pas fondées. La lettre adressée par M. [K] [Y] à M. [W] (pièce 13) le 9 octobre 1996 n'apparaît pas plus probante dans la mesure où elle a été rédigée après les signatures des procuration et prêt de sorte que, en tout état de cause, elle ne peut pas démontrer que, au moment de la signature de la caution, M. [K] [Y] connaissait le caractère anormal des stipulations de l'acte signé par sa mère.
Quant aux allégations purement hypothétiques sur le recel successoral et la donation indirecte, elles sont irrémédiablement inopérantes.
Par voie de conséquence, les demandes dirigées contre M. [K] [Y] seront rejetées et le jugement confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [J] [H], venant aux droits de [U] [Y], partie perdante, supportera les dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par voie de conséquence, ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Il apparaît équitable à hauteur d'appel de la condamner sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer les sommes suivantes :
* à M. [V] [Y] et la société MMA Iard Assurances mutuelles la somme totale de 3 000 euros,
* M. [R] [D] la somme de 3 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt rendu par défaut et mis à disposition,
CONFIRME le jugement ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Mme [J] [H], venant aux droits de [U] [Y], aux dépens d'appel ;
DIT qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [J] [H], venant aux droits de [U] [Y], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer les sommes suivantes :
* à M. [V] [Y] et la société MMA Iard Assurances mutuelles la somme totale de 3 000 euros,
* à M. [R] [D] la somme de 3 000 euros ;
REJETTE toutes autres demandes.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,